Pour les articles homonymes, voirMenabrea.
Le général comteLouis-Frédéric Ménabréa (enitalienLuigi Federico Menabrea), né àChambéry le et mort àSaint-Cassin le, premier marquis de Valdora (ou Val Dora), était un diplomate ethomme d'État italien.
Il eut également une carrière reconnue comme mathématicien et ingénieur militaire. Il est l’un des fondateurs de l’école moderne degéométrie différentielle italienne. Enthéorie mathématique de l'élasticité, son nom reste attaché authéorème de l'énergie complémentaire, qui caractérise un solide en équilibre.
Louis-Frédéric Ménabréa naît le, dans une famille francophone[1],[2],[3], dans la maison familiale ditechâteau du Lambert, àBassens, dans la banlieue deChambéry[4]. Il est le fils d'Octave Ménabréa et de Marguerite Pillet[5],[6]. Son père est avocat, mais il s'engage contre les révolutionnaires français comme commandant de la Garde nationale deChâtillon, s'opposant notamment auxtroupes françaises, en 1801[5],[1]. Il se réfugie, à la suite de la seconde insurrection anti-jacobine des « Socques », en Savoie et s'installe à Chambéry[5]. Les Ménabréa, parfois écrit sous la formeMénèbre etMénabréaz, sont originaires deVerrès[1], où son grand-père, Georges Ménabréa, est notaire[5]. Sa mère, Marguerite, est la fille du docteur Amédée Pillet, issu d'une famille de notables savoyards[5],[6]. Les deux familles possèdent une tradition catholique marquée dont il sera l'héritier[5].
Il est le frère cadet deLéon (1804-1857), qui effectue une carrière de magistrat et de poète en Savoie, et de Maria-Élisa, qui épouse le comte Gaspard Brunet, intendant général à Gênes etdéputé de la Savoie[6],[5].
Louis-Frédéric Ménabréa épouse Carlotta Richetta di Valgoria[7]. Ils ont trois enfants, deux garçons, Octave et Charles, ainsi qu'une fille[7].
Il passe son enfance entre la demeure de Chambéry et la maison de campagne de Bassens[1],[2].
Membre de la société bourgeoise de l'ancienne capitale duduché de Savoie, il entre à l'âge de 8 ans auCollège Royal de la ville, dirigé par lesJésuites[4],[2], où il est externe[8]. Il reçoit notamment les enseignements de l'abbéLouis Rendu, professeur de physique et futur évêque d'Annecy, qui l'initie aux sciences[4], et deGeorges-Marie Raymond[2], professeur d'histoire-géographie. Le duché ne disposant pas d'une institution universitaire, âgé de 18 ans, il part pour Turin et intègre la Faculté en mathématiques[4],[9]. Il semble surmonter assez facilement son handicap de ne pas parler l'italien[2]. Comme le souligne le professeurPaul Guichonnet :« C'est dans sa langue maternelle que Ménabréa publia ses travaux scientifiques et que, jusqu'à la cession de la Savoie à la France, il prendra la parole à la Chambre des Députés »[2].
Il suit notamment les cours du professeur de mathématiquesGiovanni Antonio Amedeo Plana[4], issu de la tradition de l'École polytechnique[2]. Le professeur Plana remarque assez rapidement le jeune Ménabréa[2]. Il fréquente notamment lors de son séjour turinois d'autres savoyards dontJean-François Borson[2], futur général et qui fera l'éloge de son ancien camarade devant l'Assemblée de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie dans les séances des et[9].
Au bout de quatre années, il obtient le sa licence en hydraulique, puis l'année suivante celle en génie civil[4],[10]. Devenu ingénieur, il intègre le corps royal du génie militaire[9], à la suite d'une loi rendant possible le passage des diplômés de l'enseignement supérieur aux armes[10]. Il reçoit le, le brevet royal de lieutenant[10].
Devenu ingénieur militaire, sa première affectation l'amène enVallée d'Aoste, aufort de Bard[10]. Il succède àCamillo Cavour, acteur majeur de l'unité italienne, qui vient de quitter l'armée[10]. Après passé des thèses, avec pour directeur le professeur Plana, il devient « docteur collégié », au cours de l'année 1835 à la Faculté de Turin[10]. Il enseigne également à l’École militaire de Turin et à l'École d'application d'artillerie et du génie[10].
Par ses écrits et son enseignement, il fait connaître les travaux deCharles Babbage sur le calcul automatique[11] et ceux deCastigliano sur la résolution des structures élastiques. Toutefois, concernant ce dernier sujet, une polémique s’est élevée du vivant même de Menabrea, celui-ci s’étant approprié l’énoncé du théorème de Castigliano, décédé prématurément. Il s'agit d'une application duprincipe de moindre action aux réseaux de poutres, dont il publia l'énoncé dans lesComptes-rendus de l'Académie des Sciences sous le titre de « Nouveau principe sur la distribution des tensions dans les systèmes élastiques[12] ». En 1868, il fit paraître une démonstration de ce principe dans un article intitulé « Études de Statique Physique – Principe général pour déterminer les pressions et les tensions dans un système élastique » et deux ans plus tard, s'appuyant sur lamécanique analytique deLagrange, il donna avecJoseph Bertrand la première preuve complète de cet énoncé. Aujourd’hui, l’appellationthéorème de Menabrea est réservée à la formulation par l’énergie complémentaire, qui permet de calculer les forces dans une structure hyperstatique[13].
Le, par lettres de noblesse du roiCharles-Albert de Sardaigne, il est anobli avec son frère[14]. Le roi lui accorde la qualité de « nobil uomo » en 1844[15].
L'avancement étant relativement lent dans l'armée sarde, il ne devient capitaine qu'en 1846, à l'âge de 37 ans[10]. Au cours de cette période de paix en Europe, il est plus professeur qu'officier[10].

Louis-Frédéric Ménabréa s'engage en politique et est élu à la Chambre des députés duparlement du royaume de Sardaigne àTurin. Il devient représentant du collège deSaint-Jean-de-Maurienne pour lesIIe (),IIIe (),IVe (),Ve () etVIe législatures ()[16]. Député libéral, il siège cependant aux côtés du démocrateLorenzo Valerio en 1848, puis avec les conservateurs avant d'opter en 1860 pour l'Italie[16].
Lorsque laSavoie estréunie à la France, en 1860, il fait le choix de devenir sarde, puis italien[17],[18], comme quelques compatriotes (Louis Pelloux,Germain Sommeiller),« par attachement au libéralisme cavourien ou par souci de préserver [une] carrière »[19].
Il devient ministre de la Marine (1861 – 62), puis ministre des Travaux publics (1862 – 64). En1867, il devient président du Conseil puis reconstitue un cabinet en 1869 avant de quitter cette fonction la même année.
Louis-Frédéric Ménabréa présente sa démission le[20].
Avec cette démission, Louis-Frédéric Ménabréa ne retrouve pas la charge de Premieraide de camp du roi qu'il occupait ; il n'a pas davantage d’affectation militaire[21] : il redevient donc sénateur[21].
La capitale du royaume est transférée de Florence à Rome, le, après laprise de celle-ci 5 mois auparavant. Le sénateur Ménabréa y vote laLoi des Garanties[21].
Déjà anobli en 1843, il est fait marquis de Valdora (ou Val Dora) par le roi, le[21]. Le roi rappelle ainsi que dans sa carrière d'ingénieur, il avait fortifié la ligne de laDoire (enPiémont), en 1859[21],[22].
Le cabinet deMarco Minghetti, le choisit, peu avant sa fin, pour devenir l'ambassadeur au Royaume-Uni, en[21]. Il reste en poste pendant plus de six années[21]. Il termine sa carrière comme ambassadeur d'Italie à Paris de 1882 à 1892 où il succède au général démissionnaireEnrico Cialdini.
Le, il devientambassadeur d'Italie en France[23]. Il doit gérer ainsi l'entente entre Paris et Rome dans un contexte de tensions tant économique que politique, notamment en lien avec la création de l'alliance entre l'Allemagne, l'Autriche et le royaume d'Italie, diteTriplice[23]. Son poste se termine en[24].
Son second fils, Charles, attaché honoraire à l'ambassade d'Italie à Paris, afin de pouvoir divorcer de son épouse infidèle, se fait naturaliser français, puisque la procédure n'existe pas en Italie[24]. Son père s'en trouve affecté et l'affaire est exploitée dans un contexte de scandales de corruption[24]. Il semble que le roi soit intervenu pour qu'on le laisse terminer sa mission à Paris[24].
Louis-Frédéric Ménabréa se trouve compromis par ses participations dans une compagnie liée àCornelius Herz, impliqué dans lescandale de Panama[24]. D'ailleurs, il semble que le vieux diplomate ait également été en affaires avec Herz d'aprèsGiovanni Giolitti[24]. Selon ce dernier, le comte Ménabréa aurait joué un rôle dans la décoration de Herz de l'ordre des Saints-Maurice-et-Lazare (promotion qui sera par la suite annulée) et qu'il lui aurait vendu une propriété qu'il possédait àTresserve, sur les bords dulac du Bourget[24]. Ces accusations se diffusent dans la presse et le général Ménabréa demande à ce qu'une enquête soit diligentée afin de clarifier la situation[24]. La presse italienne, recevant de sources bien informée, s'acharne sur les liens et le rôle de Louis-Frédéric Ménabréa auprès de Herz[24]. Toutefois, il s'avère que« Ménabréa avait, de 1887 à 1891, adressé trois rapports à Rome, pour qu'on ne donnât rien à Herz » laissant apparaître le rôle décisif deFrancesco Crispi dans toute cette affaire[24]. L'affaire est finalement étouffée par le roi, ne laissant pas publier un démenti au général Ménabréa[24].
Affaibli tant par le divorce de son fils que par l'affaire Herz, il se retire en Savoie[25], dans sa demeure deSaint-Cassin, dans la proche banlieue de Chambéry[25].
Louis-Frédéric Ménabréa meurt le, à l'âge de86 ans[9].
Le gouvernement italien envoie une mission pour la cérémonie des obsèques, dirigée par le généralEttore Pedotti[25], qui fait un discours, accompagné de représentants des trois armes et d'un haut fonctionnaire de la maison royale[25], tout comme l'ambassadeur italien, le comteGiuseppe Tornielli Brusati di Vergano[26]. Lemaire de Chambéry intervient également[26]. L'État français est représenté par legouverneur militaire de Lyon[25].
Les travaux et la notoriété de Louis-Frédéric Ménabréa lui permettent d'intégrer les portes de nombreuses sociétés savantes, dont la Société italienne des sciences dites des quarante ou encore l'Académie des Lyncéens en 1873[15].
Il devient membre de l'Académie royale des sciences de Turin, et il est élu en 1839 à l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie, avec pour titre académiqueAgrégé[17], puisEffectif (titulaire) le[17],[27]. Il est également membre correspondant de l'Académie des Sciences en France, en correspondant (section d'Economie rurale), 1809[15].
Il est faitdocteurhonoris causa des universités d'Oxford et de Cambridge[15].
Louis-Frédéric Ménabréa a été décoré de plusieurs ordres savoyards, italiens ou étrangers[28] :
Sur les autres projets Wikimedia :