Fils deLouis IV d'Outremer et deGerberge de Saxe, il succède à son père, et estsacré le en l'abbaye Saint-Remi de Reims, par l'archevêqueArtaud. Suivant la volonté de son père, qui l'avait associé au trône en952, Lothaire écarte de la succession son jeune frère cadetCharles, né au cours de l'été 953. En954, à la mort du roiLouis IV, pour la première fois lors d'une dévolution dans laquelle l'hérédité joue le premier rôle, la tradition de partage desroyaumes francs entre ses fils ne prévaut pas. Lothaire, frère aîné de Charles, succède àLouis IV. C'est une nouveauté dans la succession royale depuis la fondation du royaume des Francs à l'époque mérovingienne[2].
Les historiens expliquent parfois la dévolution du titre royal au seul Lothaire par la faiblesse de l'institution royale, mais cet argument ne peut expliquer que prévale également la solution unitaire dans leroyaume de Francie orientale, où la puissance et le prestige de la royauté sont forts. De fait, l'affaiblissement du principe héréditaire au profit du bénéfice électif a consacré le principe unitaire, le choix répété de rois en dehors de la dynastie carolingienne excluant nécessairement cette pratique des partages, née de la seule hérédité. Le renforcement de l'idéologie unitaire dontJonas d'Orléans etAgobard de Lyon s'étaient faits les porte-parole a pu jouer également un rôle[2]. Les accidents généalogiques, en ne laissant après les morts des pères que des fils uniques, ont également renforcé la structure verticale patrilinéaire[3], aussi bien chez lesRobertiens que chez lesCarolingiens.
Lothaire règne d'abord sous la tutelle d'Hugues le Grand duc des Francs mais aussi sous celle de son oncle l'archevêqueBrunon de Cologne. Brunon de Cologne et les proches de Lothaire orientent la politique royale dans le sens d'une entente avec le royaume deFrancie orientale. Malgré sa jeunesse, Lothaire veut régner seul et asseoir son autorité envers ses vassaux. Cette volonté et les circonstances vont conduire à une dégradation des relations puis à une lutte avec le royaume de Francie orientale.
En976, l'empereurOtton II, ayant exclu de leur héritage paternel les comtesRégnier IV de Mons etLambert Ier de Louvain, le frère de Lothaire, Charles rejoint avec une armée celle qu'Hugues Capet etOtton de Vermandois avaient fait marcher au secours des comtes. Une bataille, indécise, est livrée devantMons[4],[5]. Lothaire laisse faire ou encourage cette opération mais n'intervient pas directement pour aider son frère.
Or, Charles escompte profiter de l'opération pour établir sa situation en Lotharingie[6]. Son intérêt est alors que soit rompue la bonne entente entre Lothaire et lamaison d'Ardenne, très puissante en Lotharingie et à laquelle appartiennent l'archichancelierAdalbéron de Reims et son homonymeAdalbéron. La maison d'Ardenne est dévouée à l'empereur et roi de Francie orientaleOtton II.
En977, Charles accuse sa belle-sœur, l'épouse de Lothaire, la reineEmma d'Italie, d'infidélité avec l'évêque de Laon Adalbéron. Le concile de Sainte-Macre réuni àFismes absout les accusés, faute de preuve, et Charles, qui entretient les rumeurs, est chassé du royaume par son frère. La famille d'Ardenne et le parti lotharingien favorables à l'entente avec Otton II semblent tout puissants à la cour du roi Lothaire.
Au sein du Royaume franc, la retraite précipitée de l'empereur connaît un retentissement considérable et elle a longtemps été évoquée comme une grande victoire de Lothaire[10]. Ainsi, rédigée en1015, la chronique deSens en donne une description épique : elle exalte un Lothaire poursuivant le roi saxon jusqu'au cœur de laLorraine, détruisant sur les rives de l'Argonne une grande multitude d'ennemis, puis revenant dans leroyaume des Francs, auréolé de gloire. Le chroniqueur affirme[10] :« Quant à l'empereur Otton, suivi par ceux des siens qui purent s'échapper, il rentra dans son pays dans la plus grande confusion ; après quoi ni lui, ni son armée ne s'avisèrent plus jamais de revenir en France ». Les documents contemporains parlent de l'événement avec les mêmes accents de triomphe : rédigé au lendemain de la retraite d'Otton, un acte pour l'abbaye de Marmoutiers, près de Tours, est daté du règne« du grand roi Lothaire, dans sa vingt-sixième année, celle où il attaqua le Saxon et mit en fuite l'empereur ». Ces rétrospectives témoignent selon certains historiens commeKarl Ferdinand Werner d'une première manifestation de sentiment national[10].
L'union des Francs contre l'empereur saxon a pour conséquence de remettre au premier plan la famille desRobertiens en la personne d'Hugues Capet, dont les contemporains constatent qu'elle a servi le roi Lothaire fidèlement[11]. La lutte avec le roi de Francie orientale a permis le renforcement du pouvoir d'Hugues Capet ; durant cette période, celui-ci s'empare en 980 deMontreuil au détriment d'Arnoul II de Flandre.
Lothaire, qui veut déjouer les ambitions affichées de son frèreCharles, cherche à transmettre la royauté à son fils. En 979, Lothaire associe à la royauté et fait sacrer son fils Louis, pratique nouvelle dans le royaume des Francs de l'Ouest[12] et qui sera reprise par les Capétiens.
Puis, il entreprend de se rapprocher du roi deFrancie orientale. Les évêques deReims etLaon de lamaison d'Ardenne poussent à ce rapprochement. Lothaire rencontre Otton II en àMargut-sur-Chiers, à la frontière des deux royaumes. Lothaire renonce à la Lotharingie, ce qui permet à Otton II de se tourner vers l'Italie dont il veut faire la conquête. Cet accord est très mal perçu desRobertiens, tenus à l'écart de la négociation. Le traité de Margut aboutit à replacer la royauté franque dans l'orbite ottonienne, et par voie de conséquence à affaiblir l'influence robertienne au sein du gouvernement royal au profit de l'entourage lotharingien[13]. Ayant peur d'être pris en tenaille entre les deux rois carolingien et ottonien,Hugues Capet se rend àRome en981 pour prendre contact avec l'empereur et nouer avec lui sa propre alliance. Le roi Lothaire donne alors des instructions pour que l'on s'empare du Robertien à son retour[14].
Pour contrer le duc des Francs, le roi des Francs, sur les conseils de son épouse, Emma, et du comte d'AnjouGeoffroy Grisegonelle, décide en982 de marier son héritier àAdélaïde, sœur de Geoffroy et deGuy, évêque du Puy, et veuve de deux puissants seigneurs du sud du royaume,Étienne de Gévaudan et deRaymond de Toulouse. Le projet de Lothaire est ambitieux : il vise au rétablissement de la présence royale dans le sud du royaume franc.
SelonRicher, il s'agit de contrer en la prenant à revers la puissance robertienne. Mais rapidement des discordes se manifestent entre Louis et son épouse qui a l'âge d'être sa mère. À la suite de l'échec du mariage, Lothaire vient chercher son fils et Adélaïde trouve refuge chez le comteGuillaume d'Arles. La maison d'Anjou ayant échoué à sortir de l'orbite robertienne y retourne, ce qui la conduit à soutenir Hugues Capet contreCharles de Basse-Lotharingie en987.
Cependant, l'existence de ce mariage, connu par le seulRicher, a été contesté par l'historien Carlrichard Brülh[15].
En 983,Otton II meurt laissant le trône deFrancie orientale et del'Empire à son filsOtton III. Se présentant comme le tuteur de ce dernier, leduc de BavièreHenri le Querelleur, cherche à imposer son pouvoir.Adalbéron de Reims, soucieux d'appuyer Otton III et sa mère l'impératriceThéophano Skleraina, cherche à convaincre Lothaire de le soutenir. Il lui laisse entendre que Lothaire pourrait récupérer la Lotharingie. Le roi des Francs revendique la tutelle de son neveu et la garde de la Lotharingie. Grâce à Adalbéron de Reims, Lothaire obtient l'hommage de plusieurs grands de Lotharingie dontGodefroy de Verdun de la maison d'Ardenne. À cette occasion, il se réconcilie avec son frère Charles qui espère alors obtenir également la Haute-Lotharingie, gouvernée par une régente, Béatrice, épouse du défunt ducFrédéric de Haute-Lotharingie et sœur d'Hugues Capet. Lothaire espère alors passer de la garde de la Lotharingie à la souveraineté sur cette terre. Néanmoins, l'échec rapide d'Henri le Querelleur fait échouer le projet. La paix conclue àWorms en984 consacre l'éloignement du carolingien de la Lotharingie et le triomphe de lamaison d'Ardenne qui y renforce son contrôle.
Lothaire, ne renonçant pas à s'emparer de la terre dont il portait le nom, décide de prendre sa revanche et de s'allier à Henri le Querelleur. Il convient avec lui d'une conjonction de leur force en force pour le premier sur les rives du Rhin àBrisach. Ceci inquiète Adalbéron de Reims qui prend contact avec Hugues Capet. Henri le Querelleur n'ayant pas tenu ses engagements, Lothaire décide de s'emparer par ses propres moyens de la Lotharingie. Lothaire ne peut intéresser à son projet Hugues Capet qui ne souhaite pas s'opposer à sa sœur et son neveu, mais ne prend pas non plus parti contre son seigneur au profit des Ottoniens. En revanche, Lothaire obtient le concours de deux des plus puissants comtes du royaume,Eudes Ier de Blois etChartres etHerbert le Jeune, comte deTroyes et deMeaux.
Revenu à Laon, il contraint l'archevêque deReims à entretenir une garnison à Verdun pour empêcher la ville d’être reprise par les Ottoniens. Il l'oblige aussi à écrire aux archevêques de Trèves,Mayence etCologne qu'il est le fidèle du roi carolingien.
Lothaire finit par se douter que l'archevêque de Reims, favorable auxOttoniens et à Hugues Capet, joue un double jeu. Lorsqu'il lui demande de détruire les fortifications qui entourent le monastère Saint-Paul de Verdun, Adalbéron refuse en prétextant que ses soldats, affamés, ne sont plus en mesure de garder la ville. Furieux, Lothaire veut le traduire en justice afin de le condamner. Il convoque une assemblée àCompiègne pour le, sous prétexte que l'ecclésiastique avait placé son neveuAdalbéron sur le siège deVerdun sans son consentement[17]. Alerté, le duc Hugues Capet marche sur Compiègne avec six cents hommes et disperse l'assemblée. Certains historiens pensent que l'intervention d'Hugues fut moins motivée par la défense d'Adalbéron de Reims qui l'aurait circonvenu que par celle de son neveu, le jeune duc Thierry de Haute-Lotharingie[18]. Lothaire pourrait avoir eu pour objectif de renforcer sa mainmise sur Verdun et sa région en forçant Adalbéron de Reims à en chasser à son neveu, Adalbéron de Verdun, fils de Godefroy comte de Verdun[18].
Lothaire ne peut se permettre une guerre ouverte avec Hugues Capet, car il se retrouverait pris entre deux fronts. Il fait donc libérer les Lorrains qu'il retient prisonniers, mais Godefroy Ier préfère rester en prison plutôt que de céderMons, leHainaut, et de contraindre son fils à renoncer à toute prétention sur le comté et l’évêché de Verdun. Par contre, à la suite d'une rencontre entre le roi et le duc des Francs,Thierry Ier, neveu d'Hugues Capet, est libéré.
Au début de 986, Lothaire envisage d’attaquerCambrai, ville d’empire, mais dépendant de l’archevêché de Reims, ainsi queLiège[19].
Il pense que l’évêque Rothard pourrait livrer la ville, en échange de sa nomination comme archevêque de Reims et de Liège, dont l’archevêqueNotger a finalement rallié les Ottoniens[20], mais il meurt subitement à Laon le[21]. Il a droit à de grandioses funérailles et est enterré à gauche deLouis IV, son père, dans le chœur de Saint-Remi de Reims.
À un an du changement de dynastie, la royauté de Lothaire semblait indestructible, car si la Lotharingie n'était pas encore soumise, l'inertie de la cour de Francie orientale pouvait lui laisser envisager de nouvelles conquêtes[22]. SelonRicher :« Il recherchait par quelle nouvelle avance il pourrait étendre encore son royaume. Ses affaires étaient très prospères et l'état du royaume, favorisé par la capture des grands, l'y engageaient ». De fait, dans ses dernières années de règne, Lothaire a déployé, tant sur le plan diplomatique que militaire, une activité exceptionnelle tendue vers la Lotharingie[23].
Louis V roi des Francs (né en 967 – mort en 987), dernier roi de la dynastie carolingienne ;
Eudes ou Otto, chanoine à Reims (né en 970 - mort en 985).
D'une maîtresse supposée être une sœur du comte Robert, maire du palais de son frèreCharles de Lorraine[24], Lothaire est le père de deux fils illégitimes :