Pour les articles homonymes, voirLorrain (homonymie).
Ne doit pas être confondu avecfrancique lorrain.
| Lorrain Lorin | |
| Pays | |
|---|---|
| Région | Lorraine,Alsace (Pays welche) etLorraine belge (Gaume) |
| Typologie | SVO |
| Classification par famille | |
| Statut officiel | |
| Langue officielle | langue régionale endogène de Belgique |
| Type | Langue régionale |
| État de conservation | |
Languesérieusement en danger (SE) au sens de l’Atlas des langues en danger dans le monde | |
| Carte | |
Situation du lorrain parmi leslangues d'oïl. | |
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Lelorrain, ou plus précisément lelorrain roman, est unelangue d'oïl. Ce terme désigne l'ensemble desdialectesromans deLorraine qui sont par ailleurs devenus très peu usités au début duXXIe siècle puisqu'ils sont en sérieux déclin depuis les années 1930. Malgré cela, de plus en plus de personnes s'y intéressent auXXIe siècle[1] dont deslinguistes qui l'étudient.
Le lorrain déborde sur lafrontière belge, où il est appelégaumais. Il était également parlé dans les hautes vallées desVosges, et il gardait là des formes archaïques comme la conservation desaffriquées (tchaté pourchâteau[2]) ; du côtéalsacien (Pays welche), on distingue lepatoiswelche apparenté aux parlers de l'Estvosgien.
D'autre part, le lorrain roman se distingue dufrancique lorrain, appellation utilisée depuis leXXe siècle pour désigner les diversdialectes germaniques de Lorraine.

L'observatoire linguistiqueLinguasphere distingue sept variantes du lorrain :
Après 1870, les membres de l'académie Stanislas de Nancy ont relevé 132 variantes de patois lorrain entreThionville au nord etRupt-sur-Moselle au sud, ce qui signifie que les variantes principales se déclinent en sous-variantes.
Sous l'ancien régime, comme en Lorraine encore indépendante, l'enseignement était une affaire religieuse. Dès le début deXVIIe siècle, l'évêque de Toul exigea que chaque paroisse ait une école, ce qui fut fait. Les « régents d'écoles » formés en français enseignèrent à leur tour en français. Si les enfants continuaient à parler le patois, ils intégrèrent beaucoup de néologismes d'origine française dans leur langue maternelle. Il est probable que beaucoup de mots lorrains phonétiquement proches du français ont vu leur prononciation s'infléchir en faveur de ce dernier à partir de ce moment. Il y a donc eu une sorte de dénaturation de la langue dès cette époque.
LaRévolution française avait pour leitmotiv « une nation, une langue » que certains interprétèrent « une nation, une seule langue ». Les langues régionales seront ainsi l'objet de violentes attaques sous les formes les plus diverses depuis la période révolutionnaire jusqu'au début duXXe siècle. En revanche, il est très injuste de faire porter la responsabilité de la déchéance des langues régionales aux seuls instituteurs laïcs, fussent-ils « grognards de la République ». C'est leur prêter plus d'influence qu'ils n'en avaient réellement même si certains d'entre eux usaient de moyens très coercitifs. D'autres fonctionnaires de l'éducation ont beaucoup œuvré pour transmettre ce patrimoine immatériel.Léon Zéliqzon était professeur d'université quand il publia son œuvre magistrale : leDictionnaire des patois romans de Moselle. Il avait été précédé en cela parLucien Adam qui a écrit son lexiqueLes patois lorrains en s'appuyant sur les contributions de correspondants locaux, majoritairement instituteurs. Henri Labourasse, qui est l'auteur duGlossaire abrégé des patois de la Meuse, était aussi officier de l'Instruction publique.
L'abandon définitif du lorrain roman est principalement d'ordre économique et social. Le début de la deuxième moitié duXIXe siècle voit se mettre en place un immense exode interne. La population jusque là essentiellement rurale se déplace vers les villes à la recherche de travail dans la toute nouvelle industrie. Si la langue ne gêne pas trop l'obtention d'un travail en usine en période de plein emploi, il est indispensable de parler la langue nationale pour gravir quelques échelons dans la hiérarchie de l'entreprise. Il en est de même pour obtenir un très convoité poste dans la fonction publique duXIXe siècle. Les Lorrains, mais surtout les mamans lorraines vont très vite comprendre que le français est la langue de la promotion sociale et l'imposer aux enfants dès leur plus jeune âge. Les monographies écrites dans chaque commune en prévision de l'exposition universelle de 1889 fournissent de précieux renseignements pour évaluer l'état de la langue régionale. À ce moment-là, le lorrain roman est encore connu de tous mais la majeure partie des ruraux lorrains parlent français, horszone francique.
Georges Tronquart dans son ouvrageTrois patois de la colline inspirée donne quelques exemples de l'évolution de la langue régionale dans son village : « en 1890, les enfants deSaxon-Sion s'adressaient aux adultes en patois mais en 1900, ils répondaient aux adultes en français, y compris à ceux qui les interpellaient en patois ». « Les réunions du conseil municipal deSaxon-Sion se sont tenues en patois jusqu'en 1910 ». « Monsieur Thirion né et mort àSaxon-Sion n'a jamais prononcé un mot de français avant 1914 ; il n'a plus prononcé un mot de patois après 1918 ». En revanche, le même auteur s'étonne que les jeunes filles dePraye parlent patois entre elles en 1923.
La situation a évolué de manière sensiblement différente dans le département de laMoselle. Sonannexion en 1871 a provoqué un regain d'intérêt pour les deux langues locales. Dans les deux cas cela permettait d'affirmer son identité locale, et offrait en plus l'avantage de ne pas être compris des "vieux-allemands" (pour le patois roman) et même de la plupart d'entre eux (pour les dialectes germaniques). Si l'allemand standard (Hochdeutsch) était la langue officielle du Reichsland, le français restait la langue de l'administration et de l'enseignement dans les communes réputées francophones, et son emploi restait toléré ailleurs (même si c'était mal vu par certains). Dans la biographie d'Hubert Vion, curé deBazoncourt de 1869 à 1896 et auteur de plusieurs ouvrages sur le lorrain roman, on raconte qu'il eut l'audace d'adresser un compliment en patois roman à l'empereurGuillaume II en visite dans la région[3]. Ainsi, pendant que le lorrain roman subissait un très net et très rapide recul enMeurthe-et-Moselle,Meuse et dans lesVosges, il connaissait un certain regain enMoselle. C'est seulement à partir de 1945 que l'on cessa de le parler dans ce département.
Dans l'ancien Lorrain, le phonème obtenu avec la lettreX et sa prononciation « à la française » n'existe pas. La lettre X présente dans de très nombreux toponymes et quelques patronymes lorrains est à l'origine une erreur de graphie.Émile Badel dans sonDictionnaire des noms de rues à Nancy dénonce « la corruption verbale des toponymes lorrains contenant une lettre "x" ». Il explique que cette lettre s'est substituée à la lettre grecque <χ> (chi) dont la phonétique est totalement différente. Pour bien marquer sa désapprobation, il conclut le sujet par ces mots : « la mauvaise prononciation moderne n'est donc que le fait d'une sorte de pédantisme qui a la prétention de savoir lire correctement »[4]. D'autres pensent que c'est l'apparition de l'imprimerie avec un jeu limité de caractères qui a opéré la substitution entre <χ> et <x>.
À l'origine, le phonème lorrain aujourd'hui mal orthographié <x> était un son [x] ressemblant au <ch>allemand ou à la jotaespagnole ou encore au <c'h>breton, son que l'on rencontre également par exemple enArabe et enRusse. Dans les documents d'étude du Lorrain-roman de la fin du19e siècle et début du20e, ce phonème est écrit <hh> par lesphilologues(voir entre autres les ouvrages deLéon Zéliqzon).
Dans les patronymes d'origine lorraine et dans les toponymes lorrains, la prononciation de la lettre <x> est, selon les cas, indiquée <ch, c, s, ss> et <z> dans des ouvrages duXVIIIe et duXIXe siècle ; à titre d'exemple, les prononciations deXertigny etXivray sont indiquées« Certigny » et« Sivray » en 1756[5], les prononciations deXocourt etVaxy sont indiquées« Chocourt » et« Vachi » en 1861[6], quant au x deSaint-Max il est muet à cette époque :« mâ »[6]. Concernant cette dernière ville, on entendait encore à la fin duXXe siècle d'anciens habitants prononcer un [ʁ]guttural et trèsassourdi, à peine audible, à la fin du toponyme. Exemple : Saint-Mâr. Cet «assourdissement» de la dernière lettre n'était pas rare. Il se produisait sur le [e] final deToul prononcé Toue[7]. Il est important de comprendre la différence entre cet "assourdissement" et l’élision que l'on rencontre àFoug (Fou en lorrain), àEinville-au-Jard (Einville-au-Ja)[7] et surtout àArt-sur-Meurthe (É-su-Meu)[8].
Autour deCharmes et d'Épinal, les toponymes avec <x> se prononçaient [s] jusqu'à la fin duXXe siècle :Nomexy se prononçaitNome'si,Vaubexy se prononçaitVaube'si,Ubexy se prononçaitUbe'si.
L'évolution de la prononciation des noms auxXIXe et XXe siècles n'est probablement pas un phénomène nouveau. Il faut avoir à l'esprit que ces prononciations sont celles d'une période historique donnée et qu'elles étaient probablement très différentes plus tôt dans l'histoire.
Quelques exemples de localités en lorrain roman duXIXe siècle[9],[10] :S'li en Sauneu (Silly-en-Saulnois),Aumanv'lé (Amanvillers),Auvlé (Avillers),Circo (Circourt),Ronco (Roncourt),Ansrevelle (Ancerville),Fieuvelle (Fléville),Lech'ire (Lixières),Méch'ly (Marsilly),Ma-lai-tô (Mars-la-Tour),Mékieuf (Mécleuves),Bieu (Beux),Monteu (Montoy),Augondange/Agondanche (Hagondange),Souagsonche (Xouaxange),Chaméni (Xermaménil),Lovni (Louvigny),Coïni (Colligny),Ponteu (Pontoy),Pinaud (Épinal),Giromouè (Gérardmer),Rambièlè (Rambervillers),Nanceye (Nancy), Lâchou (Laxou), L'nainville (Lunéville),Toue (Toul), Sallebo (Sarrebourg),Ouëpy (Woippy),Virtang (Virton).
On trouve de nombreux mots lorrains dans les noms de rues àMetz avec le pontSailli, les ruesWad-Billy, dela Baue,aux Ossons,Paille-Maille,Chambière,Coffe Millet,Taison,de Saulnerie,en Fournirue,en Chandelerue. ÀNancy :porte de la Craffe, sentier de la Teulotte, rues de la Boudière, de la Foucotte, des Michottes, de la croix d'Auyot, de l'Atrie. ÀMalzéville, rues de l'Embanie, du Salvon, du Chazeau. ÀLaxou, rueCom des Chicottes ; dans cette ville, le nom lorrain ruedu Chaucheu a été traduit en rue du Pressoir. ÀÉpinal, place del'Atre, ruesdu Boudiou,Vautrin (patronyme lorrain),du Saulcy,des Béguinettes, dela Maix. ÀGerbéviller, rue dela Deuil. À Moyen, rue dela Ouette charrière. ÀDombasle-sur-Meurthe, rue del'Embanie, duCouaroil, deBehard.
Le nombre de locuteurs étant très réduit en 2019, il est possible d'écouter la fable d’Ésope, « la bise et le soleil », dans plusieurs variantes du lorrain roman depuis la page de l'Atlas sonore des langues régionales de France[11], ongletFrance hexagonale.
L'accent lorrain tend lui aussi à disparaître. Hormis quelques communes dans le Sud-Est de la Meurthe-et-Moselle et dans la campagne vosgienne, il n'est audible en 2019 que par des personnes très attentives. On peut cependant reconnaître certains lorrains qui, comme dans l'ancienne langue régionale, ont tendance à remplacer le pronom démonstratif par un adverbe enclitique. Exemple :l'objetlà au lieu decet objet. Le genre des objets est aussi un piège pour les lorrains car l'ancien langage employait plus souvent le féminin que le français actuel. Des erreurs de genre sur les motsarrosoir, anse ou éclair sont encore fréquentes en 2020.
Les articlesle etla qui étaient systématiquement placés devant les noms propres (par exemple :« le Jeannot », « la Marie ») sont beaucoup moins fréquents mais n'ont pas disparu.
Le phonème /x/ très caractéristique a été abordé dans le paragraphe Toponymie.
La lettre <h> des mots lorrains est nettement expirée comme dans l'AnglaisHarvard. On ne doit en aucun cas faire de liaison avec le mot précédent.
<Y> constitue un autre particularisme. Certains philologues n'hésitent pas à le qualifier de « consonne lorraine » puisqu'il s'entend toujours. [Haye], qui signifie haie, est un autre exemple phonétique avec [y]. Le mot se prononçait [eille] comme dans veille.
Les philologues ont longuement débattu à propos du [in] lorrain qui n'existe pas non plus en français. Il est présent notamment dans [roncin]. C'est un son nasillard que Lucien Adam rapproche du [in] latin de « in petto » prononcé de telle sorte que l'on entend à peine l'[n] final.
L'on s'est beaucoup moqué de l'accent lorrain avec ses [â], [ô] et [î] traînants et fortement accentués, souvent qualifiés de « paysannerie ». En réalité, il s'agit d'un accent de durée et de gravité qui joue dans la langue lorraine le rôle de l'accent tonique dans d'autres langues[12]. Les [â], [ô] et [î] seraient plutôt à considérer comme des voyelles supplémentaires car les voyelles non accentuées telles qu'on les emploie en français sont parfaitement connues et fréquemment utilisées en lorrain ; exemple, les deux [a] demargatte (mot lorrain signifiant boue) se prononcent exactement comme en français. Il en est de même pour le [o] degodot (verre). En revanche, le [î] traînant derîge (crible) et denîge (neige) semble plus rare.
Lucien Adam indique que le lorrain possède les 8 voyelles suivantes dites buccales : i, é, è, a, e, o, ou et u. Il y ajoute 4 voyelles dites nasales : ain, an, on et un[13].
Alors que le Larousse indique que le français moderne ne possède plus de diphtongue, Lucien Adam en recense plus de trente pour le lorrain mais cette remarque n'a plus guère de sens aujourd'hui puisqu'il n'y a plus assez de locuteurs pour faire entendre ces variations si compliquées.

Si le lorrain n'a pas d'orthographe, il a une grammaire et elle est assez complexe.Léon Zéliqzon recense trois groupes de verbes ayant chacun des verbes irréguliers ainsi que des verbes forts et des verbes faibles. Les verbes pronominaux se conjuguent toujours avec l'auxiliaire avoir[13].
Là où le français a gardé une grande partie des désinences verbales personnelles du latin (dans la langue écrite), la plupart des verbes lorrains se conjuguent avec seulement deux flexions : une pour le singulier et une pour le pluriel. Exemple de conjugaison à l'imparfait du verbe parler : « dje prakè, te prakè, è prakè, dje prakonne, vos prakonne, è prakonne »[13].
Là où le français n'a qu'un imparfait, le lorrain a développé un système lui permettant d'exprimer une nuance dans cette temporalité par l'adjonction ou non de l'adverbeor (or ouores signifiaitmaintenant ouà l'instant en ancien français) après le verbe à l'imparfait. Le lorrain distingue en effet une action passée exprimée à l'imparfait proche dans le temps d'une située plus loin ou d'ordre plus générale. Par exemple, là où le français utilisera le même imparfait pour parler desnuages qui passaient dans le ciel hier de ceux quipassaient dans le ciel quand Louis XIV regardait la construction de Versailles, le lorrain, lui, sera en mesure d'exprimer ici cette nuance et de dire queles nuages passaientor dans le ciel hier, cependant que d'autrespassaient dans le ciel quand Louis XIV regardaitor la construction de Versailles (les nuages passant désignent une action générale, passive et périphérique, tandis que le nœud de l'action proche est celle de Louis XIV regardant la construction de Versailles).
J'étais or sorti du bus quand on me vola mon sac, et nul ne broncha de ceux qui étaient là !
Le chien aboyait or depuis plus d'une heure quand mon père lui ouvrit
Vous aviez plus de biens que vous n'en paraissiez or avoir
À de rares exceptions près, le lorrain n'utilise pas d'adjectif déterminatif qu'il remplace par un article et un adverbe enclitique. Encore aujourd'hui en 2020 et en français, il n'est pas exceptionnel d'entendre un lorrain dire : « l'homme là » au lieu de « cet homme ».
Les adverbes de lieux sont toujours emphatiques : « to ci » et « to lè » pour [ici] et [là]. Sauf rares exceptions, il en est de même pour les pronoms interrogatifs.
Les noms communs ne subissent pas de modification, ou très rarement, en passant du singulier au pluriel.
Le Lorrain roman a fait l'objet de nombreuses études, particulièrement de la fin duXVIIIe siècle jusqu'au début duXXe siècle. Voici par ordre chronologique les principaux dictionnaires faisant référence :
Celui de Lucien Adam fut très critiqué lors de sa parution mais c'est surtout l'origine historique qu'il donne à la langue régionale qui fit débat.
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