LesLois de mai, proposées parNikolaï Pavlovitch Ignatiev, font partie desRèglements intérieurs (enrusse :Временные правила) et sont signées le par l'empereurAlexandre III de Russie. Dans le contexte d'une répression tous azimuts qui visait d'abord la contestation politique, lesRèglements intérieurs augmentent les pouvoirs de police dans certaines régions, en particulier en matière de presse, mais aussi d'arrestations des suspects, passage en cour martiale, etc[1]. Promulguées en été 1881, lesRèglements visent d'abord ce qui reste deNarodnaïa volia, l'organisation terroriste responsable de l'assassinat d'Alexandre II le. LesLois de mai visent plus spécifiquement lesJuifs.
Ces lois imposent une politique systématique dediscrimination qui bannit les Juifs de toutes les zones rurales et desvilles de moins de dix mille habitants, même dans laZone de résidence. Desquotas stricts sont fixés concernant le nombre de Juifs autorisés dans l'enseignement secondaire etsupérieur et pour de nombreusesprofessions. Ces lois sont restées en vigueur jusqu'à larévolution russe de 1917 et provoquent uneémigration juive massive : de1881 à1920, plus de deux millions de Juifs quittent l'Empire russe pour s'installer auxÉtats-Unis principalement.
Selon l'historienRichard Pipes,« Bien que l'anti-sémitisme moderne soit né en France et en Allemagne, c'est d'abord en Russie qu'il pénétra l'idéologie officielle[2] ».
« Alexandre III ne recherche pas simplement à rendre la vie plus difficile pour les Juifs, il a l'intention de leur rendre la vie impossible.Constantin Pobiedonostsev admet candidement un jour à une délégation juive espérant un allègement, que le régime souhaite qu'un tiers des Juifs russes émigrent, qu'un tiers acceptent de se convertir et que l'autre tiers périssent. Comme Pobedonostsev est le plus proche et le plus respecté conseiller du Tsar et en même temps sonami, en plus de son poste officiel de procureur en chef duSaint Synode, tout laisse à penser que le tsar et lui partagent la même opinion. Dans le courant desannées 1880, la loi interdisant aux Juifs de s'installer dans desvillages, à l'intérieur de la Zone de Résidence, mais aussi en dehors de cette zone, conduit à la mort lente desshtetls. »
— Elliot Rosenberg, But Were They Good for the Jews?[3]
La loi répressive est révisée régulièrement. En1887, les quotas de Juifs dans l'enseignement sont resserrés: 10 % à l'intérieur de la Zone, 5 % à l'extérieur de la Zone à l'exception deMoscou et deSaint-Pétersbourg, où le quota est maintenu à 3 %. Dans de nombreuses villes à forte population juive, lesécoles sont à moitié vides et de nombreuxétudiants juifs se voient interdits de s'inscrire dans les écoles etuniversités. Ils se trouvent dans l'impossibilité de finir leurs études dans leur propre pays.
Plusieurs historiens notent la concomitance entre le renforcement de la politiqueantisémite de l'État russe et le déferlement de vagues depogroms[4].
Dans la marge d'un mémorandum demandant la réduction des pratiques répressives à l'égard des Juifs, Alexandre III indique par une note manuscrite:« Mais nous ne devons jamais oublier que les Juifs ontcrucifié notreSeigneur et ont répandu son précieux sang[5] ».
En1889, les Juifs ont l'interdiction de s'inscrire au barreau desavocats.« La proportion dedocteurs juifs pouvant exercer dans l'armée ne peut excéder 5 %, tandis que les hommes de loi juifs qui désirent devenir avocats doivent faire une demande expresse auprès duMinistre de la Justice. À la fin du règne d'Alexandre III, la licence accordée aux Juifs de vendre de l'alcool est révoquée[6]. »
En1886, unédit d'expulsion est pris à l'encontre des Juifs deKiev. Auprintemps de1891, Moscou est vidée de ses Juifs (à l'exception d'une petite minorité jugée utile) et unesynagogue nouvellement construite est fermée par les autorités de la ville dirigée par le gouverneur général, legrand-ducSerge Alexandrovitch, frère de l'empereur. Environ 20 000 Juifs sont expulsés de Moscou, ce qui provoque une condamnation internationale.
Dans sondiscours auCongrès des États-Unis le, leprésident des États-Unis,Benjamin Harrison déclare :« Ce gouvernement exprime au gouvernement du tsar, dans un esprit amical, mais avec beaucoup de gravité, sa profonde inquiétude en raison des cruelles mesures prises à l'encontre des Hébreux[7] ».
En1892, de nouvelles mesures interdisent aux Juifs de participer auxélections locales en dépit de leur grand nombre dans de nombreuses villes de la Zone de Résidence.« LeDécret des Villes (Городовое положение) de 1892 interdits aux Juifs d'élire ou d'être élus dans lesDoumas des villes. […] De cette façon, une représentation proportionnelle inverse est obtenue : la majorité descontribuables de la ville est soumise à une minorité gouvernant la ville contre les intérêts juifs[8]. »
L'année suivante, laLoi concernant lesprénoms (Об именах) impose unchâtiment criminel aux Juifs qui essayent d'« adopter des prénoms chrétiens » et imposent aux Juifs d'utiliser leurs prénoms de naissance (какими они означены в метрических книгах) dans les affaires, les écrits, la publicité, lesenseignes, etc[9].
En1893-1894, certaines régions de la péninsule deCrimée sont exclues de la Zone de Résidence. Alexandre III meurt en Crimée le, et selonSimon Dubnow,« tandis que le corps du défunt est transporté par train jusqu'à Saint-Pétersbourg, les mêmes voies transportent des exilés juifs deYalta jusqu'à la Zone de Résidence. Le règne d'Alexandre III se termine symboliquement : il a commencé avec les pogroms et finit avec les expulsions[10]. »
La plupart des émigrants juifs russes s'établissent aux États-Unis ou enArgentine. Quelques-uns font leuraliyah vers laTerre d'Israël, alors province de l'Empire ottoman.