Lalittérature latine désigne lalittérature écrite enlatin, principalement dans laRome antique mais aussi dans tous les territoires où cette langue était parlée du fait d'une conquête effectuée par Rome ou simplement de l'influence de la culture romaine. Du point de vue chronologique, on a continué très longtemps à écrire en latin. Mais la plupart des histoires de la littérature latine ne portent que sur les textes rédigés sous la République et l'Empire romain : les chercheurs considèrent que les changements culturels qui ont accompagné la transition entre l'Antiquité et leMoyen Âge, mais aussi le net recul du latin comme langue parlée dans les premiers siècles du haut Moyen âge, marquent la fin de la littérature latine au sens premier du terme, puisqu'elle cesse d'être nourrie par unparler vivant communément répandu[1]. La littérature écrite en latin à partir du Moyen Âge devient réservée à une élite savante et au clergé.
On peut également poser la question des textes à inclure ; on prend généralement en compte des textes de nature très variées : des ouvrages d'histoire comme ceux deSalluste et deTacite, des discours judiciaires et philosophiques, ceux deCicéron en particulier, des traités philosophiques et humanistes, ceux deSénèque par exemple... Cela se justifie par les différences entre les conceptions latines des lettres et la vision moderne de la littérature.
Il est également certain qu'il a existé unelittérature orale en latin avant l'apparition des premiers genres littéraires écrits[3]. On connaît par exemple l'existence de chants religieux, de chants nuptiaux, de brefs poèmes comiques, de numéros d'acteurs préfigurant le théâtre latin, de discours prononcés par des orateurs et des hommes politiques, etc.
Le plus ancien texte connu écrit par une femme en latin est une lettre découverte àVindolanda, près dumur d'Hadrien, dans ce qui est aujourd'hui l'Angleterre. Datée d'entre 97 et 103 apr. J.-C., il s'agit d'une invitation envoyée par Claudia Severa, qui invite une amie, Sulpicia Lepidina, à venir célébrer son anniversaire. La lettre est écrite en cursive sur une tablette en bois par un ou une scribe sous la dictée, et Claudia Severa a ajouté une phrase de sa propre main à la fin[5],[6].
Quintus Ennius, quant à lui, composa plusieurs genres d'œuvres : destragédies adaptées de sujets grecs, mais aussi lesAnnales, uneépopée à sujet historique relatant l'histoire de Rome depuis ses origines jusqu'à son époque. Il adapta en latin l'hexamètre dactylique de la poésie grecque antique.
La comédie, de son côté, se développe à son tour avec deux auteurs principaux,Plaute etTérence, le premier étant celui qui a connu le plus grand succès de son vivant.
La première moitié duIer siècle av. J.-C. voit l'émergence de plusieurs poètes latins souvent originaires de Gaule cisalpine et qu'on regroupe sous le nom depoetae novi (poètes nouveaux, oùnovi a un sens fort : « originaux », avec une connotation négative). Ils composent des poèmes courts, raffinés, contenant des références savantes (notamment mythologiques), et traitant de sujets légers et enlevés, souvent liés à l'amour. Ils sont influencés par la poésie grecque hellénistique.Catulle est le seul de ces poètes dont les œuvres nous soient parvenues. Ses poèmes sont parfois des poèmes d'amour (en l'honneur d'une maîtresse fictive, Lesbia), parfois des conseils à ses amis ou encore des moqueries féroces et parfois salaces adressées à ses ennemis.
Le règne d'Auguste, qui met en place l'Empire en tant queprinceps de Rome, est une période de grande activité littéraire dans la capitale. Auguste réunit autour de lui de nombreux auteurs et influence leurs œuvres, voire leur passe des commandes littéraires. Il écrit lui-même des mémoires et des discours aujourd'hui perdus. Le seul texte conservé écrit directement sous la direction d'Auguste sont sesRes gestae (sesAccomplissements) dont le premier exemplaire redécouvert fut retrouvé en 1555 sur les parois du temple de Rome et d'Auguste dans l'actuelle Ankara. Il s'agit d'un compte rendu lapidaire des actes accomplis sous son règne, qui a valeur à la fois d'inscription triomphale et d'éloge funèbre à sa propre gloire.
L'un des principaux conseillers politiques d'Auguste, Mécène, joue un rôle important dans la constitution d'un groupe d'auteurs autour de l'empereur ; c'est de son nom propre que provient le nom commun « mécène » désignant une personne ou une institution encourageant les arts et les lettres. Mécène réunit ainsi à la cour d'Auguste des poètes commeVirgile,Horace et d'autres aujourd'hui moins bien connus, comme Varius Rufus. Mécène était lui-même auteur de poèmes recherchés dont il reste quelques ´fragments. D'autres notables, comme Caius Asinius Pollion et Marcus Valérius Messala, se font également les protecteurs d'autres auteurs (Messala devient ainsi le protecteur deTibulle).
Originaire de Gaule Cisalpine,Virgile (70-19av. J.-C.) s'illustre d'abord dans la poésie bucolique avec lesBucoliques, puis dans lapoésie didactique avec lesGéorgiques. À l'instigation d'Auguste, Virgile se lance ensuite dans la composition d'uneépopée, l’Énéide, qui relate les origines mythiques de Rome. L'épopée confère aux Romains des origines mythiques enviables en faisant d'eux les descendants du héros troyenÉnée, fils deVénus et d'Anchise, qui quitte les ruines de Troie après laguerre de Troie pour se mettre en quête d'un endroit où fonder une seconde Ilion. Énée et les Troyens survivants, guidés par Vénus mais persécutés par Junon, finissent par arriver enItalie, dans leLatium, où leur arrivée provoque méfiance voire hostilité chez les peuples locaux. Allié auxLatins, Énée doit affronter une coalition menée par lesRutules guidés parTurnus. Quoique restée inachevée à la mort de Virgile, l'épopée est publiée tout de même et remporte un succès durable qui vaut à Virgile d'être comparé àHomère.
Horace, ami proche des poètes Virgile etGallus, est l'auteur de plusieurs ouvrages poétiques : desSatires, desÉpodes et desOdes, mais aussi desÉpîtres, unChant séculaire en l'honneur d'Auguste et unArt poétique exposant sa conception de la poésie.
Une seconde génération de poètes vivant également sous le règne d'Auguste illustre un genre nouveau à Rome : l'élégie, qui s'inspire des poètes grecs.Caius Cornelius Gallus est le premier à composer des élégies en latin, mais ses poèmes sont malheureusement perdus. Après lui viennent plusieurs autres auteurs mieux connus, principalementTibulle etProperce, auteurs chacun de plusieurs livres d'élégies.Sulpicia, l'une des deux seules écrivaines romaines dont on ait conservé des textes, écrit également des élégies adressées à son amant (six sont parvenues jusqu'à nous). Un auteur commeOvide illustre également le genre, sans s'y cantonner. L'élégie prend une forme proprement latine, l'élégie érotique romaine[7]. Dans ces poèmes, le poète écrit à la première personne mais se place dans des situations en bonne partie fictives. Il s'adresse souvent à sa maîtresse, elle-même dotée d'un nom fictif (bien que pouvant être librement inspirée d'une personne réelle), et épanche ses sentiments amoureux, ses joies et ses peines, sa jalousie, etc. Un même poème peut contenir plusieurs changements d'humeur et de tonalité et peut s'adresser successivement à plusieurs personnes : la maîtresse elle-même, un ou plusieurs amis du poète, des divinités, des héros et héroïnes mythologiques, etc. Il s'agit d'une poésie légère qui chante les plaisirs et les contraintes d'un amour désespéré ou adultère, car la maîtresse du poète est généralement mariée à un autre homme. Les élégies sont remplies de références mythologiques et montent l'influence de la culture grecque sur le champ littéraire romain.
Ovide est poète à la cour d'Auguste, où il se rend fameux par plusieurs poèmes, avant de tomber en disgrâce et d'être exilé dans le Pont-Euxin, àTomis (dans laRoumanie actuelle). Il compose d'abord des élégies,lesAmours. Puis il se fait connaître par un recueil à la forme nouvelle en latin : lesHéroïdes (Lettres d'amour), un recueil de lettres d'amour imaginaires mettant en scène des héros et héroïnes mythologiques. Il conforte sa réputation avec unArt d'aimer puis desRemèdes à l'amour. Dans les premières annéesapr. J.-C., il entreprend ce qui devient son poème le plus ample et le plus célèbre : lesMétamorphoses, un poème épique où il relate de nombreux épisodes mythologiques comportant des transformations d'êtres vivants. Les différents épisodes sont reliés par un plan général chronologique qui va des débuts du monde jusqu'au règne d'Auguste, et aussi par les liens de parenté entre les personnages, mais il n'y a pas d'intrigue globale unique. Après son exil en 8apr. J.-C., Ovide continue à composer des recueils de poèmes : lesTristes et lesPontiques, recueils où domine son regret de son pays natal, ainsi qu'un traité de pêche (lesHalieutiques) et un poème-pamphlet,Ibis, où il adresse à un ennemi une série d'insultes relevées de références savantes.
Lapoésie didactique est représentée sous Auguste par Virgile avec sesGéorgiques, mais aussi par d'autres auteurs moins bien connus.Grattius compose un poème sur la chasse décrivant l'équipement et les techniques des chasseurs et donnant des informations sur les chiens de chasse et les chevaux ; seuls les 500 premiers vers environ nous sont parvenus.Germanicus (de son nom de naissanceCaius Julius Caesar), homme politique et militaire très populaire en son temps, traduit et adapte librement en vers latins le poème d'AratosLes Phénomènes consacré à l'astronomie ; cette traduction a été conservée. Un autre poète,Manilius, compose desAstronomica, un ample poème didactique sur l'astronomie qui nous est également parvenu.
Durant la même période queVirgile, d'autres poètes composent des épopées en choisissant, de leur côté, des sujets purement historiques empruntés à l'histoire récente.Rabirius compose une épopée sur la guerre civile culminant avec un récit de la bataille d'Actium, mais on n'en connaît actuellement qu'une cinquantaine de vers.Albinovanus Pedo, militaire et poète, compose une épopée sur les conquêtes militaires menées parGermanicus.
Le règne d'Auguste est également la période qui voit l'élaboration parTite-Live (Titus Livius) de son ouvrage d'histoire, dont le titre français estHistoire romaine et qui s'intitule en latinAb Urbe condita libri, c'est-à-dire "les livres (relatant l'histoire romaine) depuis la fondation de la Ville" (la Ville par excellence pour les Romains étant Rome). Cet ouvrage très ample n'est qu'en partie conservé mais représente un ensemble très important pour notre connaissance de l'histoire de Rome et de la vision qu'en avaient les auteurs romains eux-mêmes à l'époque d'Auguste.
Vitruve (Marcus Vitruvius Pollio), architecte romain qui connaît le début du règne d'Auguste, compose un traitéDe architectura (De l'architecture) qui est une source d'informations précieuse sur la conception antique de l'architecture.
Marcus Vipsanius Agrippa, homme politique et militaire au service d'Auguste, prépare sur son ordre desCommentarii formant une description du monde connu à l'époque, malheureusement perdue. Elle contenait sans doute des éléments de géographie physique et humaine ainsi que des informations administratives.
Un précepteur des filles d'Auguste,Verrius Flaccus, a laissé des traités portant sur l'orthographe et la langue latine (traitésDe orthographia,De obscuris Catonis et un grand traitéDe verborum significatu où il étudie de nombreux mots rares trouvés dans les inscriptions et les textes latins anciens). Il s'est également intéressé à l'histoire de Rome aux époques anciennes (traitéRes etruscae).
Auguste a également recours à des juristes comme Caius Atéius Capito, dont les écrits sont perdus. Un autre juriste, républicain et donc mal vu par Auguste, est Marcus Antistius Labéo, qui compose de nombreux traités et commentaires (dont un à propos de laLoi des douze tables).
De la même époque datent les ouvrages attribués àCaius Julius Hyginus (connu sous son nom francisé « Hygin ») bibliothécaire d'Auguste. Ils nous sont parvenus très altérés et leur attribution a longtemps fait l'objet de débats. Les deux ouvrages conservés d'Hygin sont un traitéDe astronomia (De l'astronomie) et un ouvrage dont le titre réel est incertain mais qui nous a été transmis sous le titreFabulae (Fables) et qui contient des récits mythologiques.
Le règne d'Auguste voit la répression des derniers orateurs républicains, commeCassius Severus (exilé) etTitus Labienus (qui se suicide après avoir vu brûler ses discours sur l'ordre du Sénat). L'éloquence politique et judiciaire se trouve profondément affectée par le changement de régime, qui ne se prête plus aux débats tels qu'ils avaient lieu au Sénat sous la République.
Un orateur connu de la période augustéenne estSénèque le Père (père du philosopheSénèque), également appelé Sénèque le Rhéteur. On lui doit plusieurs recueils de discours et d'exercices rhétoriques qui nous donnent une meilleure idée de l'enseignement de la rhétorique à l'époque.