Militaire proche deGalère, ayant accédé rapidement dans son sillage aux plus hautes fonctions de l'Empire, il élimine son collègueMaximin Daïa et se rapproche deConstantinIer dont il épouse la demi-sœurConstantia. Il s'engage par la suite dans une lutte contre ce dernier, qui se solde par la défaite définitive de Licinius en et son exécution au printemps325.
Licinius est né enMésie dans la deuxième moitié duIIIe siècle — peut-être vers 265[1] — dans une famille de paysans d'originedace[2] . Il apparaît à l’histoire comme militaire de haut rang, ami intime deGalère avec lequel il a « [partagé] sa tente depuis le début de sa carrière militaire »[3], et participe à ses côtés à la campagne contre lesSassanides dans les dernières années duIIIe siècle[4].
À l'instigation de Galère, qui réussit à faire sortirDioclétien de sa retraite pour l'occasion[5], uneentrevue impériale se déroule le en présence deMaximien Hercule àCarnuntum, enPannonie, pour tenter de régler la crise ouverte depuis la mort deSévère[6]. L'usurpateurConstantin y est reconnu comme membre légitime du collège impérial en tant queCésar, tandis queMaximien Hercule abdique et que Licinius est choisi comme nouvelAuguste pour l'Occident[6] sans qu'il ait été préalablementCésar soit, ainsi que l'affirment les sources antiques, par Galère, soit, suivant plusieurs historiens contemporains, par Dioclétien qui adopte Licinius au sein de lagens Valeria[4]. D'ailleurs, Licinius prend alors le nom deValerius Licinianus Licinius[7]. Quoi qu'il en soit, Licinius se voit confier les territoires précédemment sous l'autorité deSévère, à savoir laPannonie, l'Italie et l'Afrique dont une partie est de fait sous la coupe deMaxence, fils de Maximien Hercule[8].
À l'issue de l'entrevue de Carnuntum, une nouvelleTétrachie est donc établie, avec Galère et Licinius comme Augustes etMaximin Daia et Constantin comme leurs Césars respectifs[6]. Les deux empereurs auto-proclamés,Maxence etDomitius Alexander sont ainsi laissés de côté. Maximin Daia qui est le plus ancien César après Galère au sein du collège impérial, proteste. Il reçoit alors de ce dernier le titre de «fils des Augustes» (filius Augustorum)[9]. Constantin, de son côté, continue d'utiliser le titre d'« Auguste»[5] si bien qu'en 310, de guerre lasse, Galère reconnait le titre à tous les membres du collège impérial, à l'exclusion deMaxence[9].
Licinius s'oppose à Maxence enIstrie en309 puis310, sans résultat probant avant de s'engager dans une campagne contre lesSarmates, dont il sort vainqueur au cours d'une bataille le de cette année[8].
Camée représentant Licinius triomphant sur unquadrige foulant des barbares. Cuirassé, ceint d'un diadème et portant lepaludamentum, l'Auguste armé d'une lance et portant le globe est entouré de divinités symbolisant la lune et le soleil tandis que deuxVictoires ailées tiennent les rênes des chevaux ; c. 308,BnF,Cabinet des Médailles.
LorsqueGalère meurt en, la Tétrarchie, minée par les rivalités, a vécu et ce sont quatre Augustes qui se disputent l'Empire :MaximinII Daïa,Constantin, Licinius etMaxence, qui s'est autoproclamé Auguste après l'exécution de son père par Constantin[10].
Dès la mort de Galère, Maximin envahit l'Asie mineure et s'empare de toutes ses provinces, s'y conciliant les populations locales par des libéralités fiscales. Licinius rassemble alors des troupes à la hâte afin de le contrer mais ce dernier, manœuvrant rapidement, l'empêche d'établir une tête de pont enBithynie. Les deux Augustes concluent une paix fragile lors d'une rencontre sur l'Hellespont, qui ne fait cependant pas disparaître l'hostilité réciproque[11].
De son côté, Maxence, dont les troupes ont mis un terme à l'usurpation de Domitius Alexander dès 310[12], profite de ces opérations en Orient pour renforcer ses positions en Italie afin de se prémunir d'une attaque venue de Pannonie, région, avec la Dalmatie, aux mains de Licinius[11]. De son côté, ce dernier s'assure de la fidélité de l'armée d'Illyrie par l'octroi de déductions fiscales aux légionnaires[13] et établit sa capitale àSirmium[14]. Constantin, qui se méfie de Maxence, se prépare à la guerre contre lui en recrutant des troupes et en cherchant à obtenir la neutralité de Licinius, auquel il promet sa demi-sœurConstantia en mariage[13]. Constantin s'engage à l'automne312 dans une campagne italienne contre les troupes de Maxence qui se solde par la défaite et la mort de ce dernier le 28 octobre 312 àRome, lors de labataille du pont Milvius[15].
Follis représentant Licinius et Jupiter, vers 312-313
Dans les premiers mois de l'année313, Licinius rencontre son collègue Constantin à Milan afin de sceller une alliance politique dirigée contreMaximinII Daia — alors maître de l'Asie Mineure, de laSyrie et de l'Égypte — par le mariage de Licinius avec Constantia[16]. La réunion permet également d'établir une série de mesures qui fixent la politique générale de l'Empire en matière religieuse[17], dont on trouve les traces dans lalettre circulaire de Licinius rapportée parLactance ou lesordonnances impériales de Constantin et Licinius suivant l'appellation d'Eusèbe de Césarée. Reprises par l'historiographie sous le titre d'« édit de Milan », elles constituent une sorte dedécret d'application de l'édit de tolérance de Galère plutôt qu'unrescrit du décret de Licinius émis à Nicomédie[18] comme cela a été parfois affirmé[19].
Profitant de l'éloignement de Licinius occasionné par ses noces, Maximin — redoutant le danger d'une telle alliance[20] — quitte la Syrie avec ses légions qu'il mène victorieusement contreByzance puisHéraclée avant de se diriger versAndrinople où Licinius a réuni à la hâte des troupes. Après une négociation infructueuse entre les deux souverains puis la tentative guère plus concluante d'achat des soldats de Licinius par son rival, l'affrontement a lieu enThrace, auCampus Ergenus, entreTzurulum etDrusipara le[21]. Quoique largement inférieure en nombre[22] l'armée de Licinius prend rapidement le dessus et Maximin s'enfuit vers l'Asie Mineure puis la Cappadoce où, poursuivi par les troupes de Licinius, il se réfugie àTarse ; cerné par l'armée de son adversaire, il y meurt en[23],-on ne sait si d'empoisonnement volontaire ou de maladie.
Après cette victoire, Licinius se livre à une purge, faisant mettre à mort dans les mois qui suivent tous ceux qui peuvent apparaître comme des rivaux dynastiques ou leurs familiers : il fait ainsi périr les deux jeunes enfants de Maximin ainsi que Candidianus, fils deGalère, Flavius Severianus, fils deSévère et quelques mois plus tard,Prisca, veuve deDioclétien, ainsi que sa filleGaleria Valeria, veuve de Galère[24], bien que les deux femmes ne représentent aucun danger. La purge s'étend également aux personnels politiques ayant servi Maximin, au nombre desquels le gouverneur de Palestine Firmilianus, le préfet d'Égypte Culcianus, le curateur des finances d'Antioche Théotecnos ou encore le proconsule d'Asie et ami de Maximin Peucetius[25] ; néanmoins, Licinius prend soin d'intégrer les armées de Galère et Maximin à ses propres troupes[26].
L'Empire est alors dirigé par deux co-empereurs avec des droits égaux, notamment pour légiférer, Constantin dirigeant l'Occident et Licinius — qui a abandonné ses prétentions sur l'Italie etreconnait une certaine préséance de son collègue — l'Orient[27]. Ce dernier s'installe àNicomédie puis àAntioche avant de devoir mener différentes campagnes durant les années qui suivent enAdiabène, enMédie et enArménie où il combat les Perses, puis sur les bords duDanube où il combat victorieusement lesGoths[28]. Durant l'été315, Constantia donne naissance au fils de Licinius,Flavius Valerius Constantinus Licinianus[29].
Il est vraisemblable que, derrière cet apaisement de façade, chacun des deux Augustes ait cherché à restaurer à son profit l'unité de l'empire[30]. La relative concorde entre les deux Augustes est ainsi rompue vers316 — la date est incertaine[31] — pour des raisons peu claires impliquant Bassianus, beau-frère de Constantin pressenti par ce dernier pour devenir César et peut-être poussé par Licinius à comploter contre lui avant d'être exécuté. Quoi qu'il en soit, les monnayages de l'époque attestent d'une défiance entre les deux souverains qui font respectivement disparaître l'autre Auguste des pièces qu'il émettent[29] et l'affrontement ne tarde pas à se matérialiser : en, Constantin, à la tête d'une armée de vingt-mille soldats s'empare de la capitale de la PannonieSiscia avant de se diriger vers la ville deCibalis où Licinius a de son côté rassemblé près de trente-cinq mille hommes[32]. Le combat s'engage à l'aube entre les deux armées composées de fantassins et de cavaliers, pour s’achever la nuit tombée par ladéfaite de Licinius qui s'enfuit àSirmium puis àSardique. Il y proclame Auguste le généralAurélius Valérius Valens qu'il charge de rassembler une nouvelle armée et de le rejoindre à Andrinople. Après des négociations infructueuses, lesdeux armées s’affrontent en décembre dans la plaine de l'Arda, à mi-chemin entre Andrinople etPhilippopolis mais l'issue du combat est indécise et les protagonistes se séparent en laissant un nombre de tués très important de part et d'autre[32].
L'apaisement entre les Augustes dure quelques années, dont témoignent entre autres les consulats attribués à Crispus et Licinius en 318 puis à Constantin etLiciniusII l'année suivante. Mais à partir de 320, s’installe un nouveau climat de guerre froide[37] qui voit Constantin nommer deux consuls occidentaux, ce à quoi Licinius réagit l'année suivante en nommant de son côté deux consuls orientaux[38]. Les tensions sont bientôt exacerbées lorsque les troupes de Constantin, à la poursuite de barbares goths, pénètrent en 323 enMésie supérieure, sur le territoire gouverné par Licinius, peut-être dans l'objectif de provoquer sciemment uncasus belli[39]. Licinius proteste énergiquement auprès de son collègue, suscitant sa colère et précipitant la rupture de la paix obtenue en 317[40].
Les raisons de la reprise de la guerre sont exposées tant par la propagande constantinienne que par la littérature chrétienne qui, à l'instar d'Eusèbe de Césarée, présentent les faits non comme une agression de Constantin mais bien comme une aide procurée aux chrétiens d'Orient victimes d'une politique persécutrice de Licinius, dans un dessein polémique qui est a considérer avec circonspection[40]. Si, après 320 et au fur et à mesure de son hostilité envers Constantin, Licinius semble avoir voulu favoriser lareligion traditionnelle et renouer avec leculte jupitérien, les vexations subies par les communautés chrétiennes ne semblent pas devoir lui être directement imputées, du moins dans certains de leurs excès : Constantin reproche d'ailleurs auxépiscopes de Bithynie commeEusèbe de Nicomédie leur proximité avec son rival[41]. On retrouve dans d'autres sources des accusations de lubricité, de rapts de femmes mariées, de viol, de cruauté contre les philosophes, d'ignarerie... à l'encontre de Licinius, autant de lieux communs habituellement utilisés pour noircir certains souverains défaits, également stigmatisés du titre de tyrans, à l'instar de ses prédécesseurs Galère, Maxence et Maximin Daia[42].
Sia contrario, des auteurs commeEutrope ouZosime prêtent à Constantin l'initiative de l'agression, en tout état de cause, les deux adversaires réunissent bientôt de fort importantes armées[43] rassemblant chacun des forces d'infanterie, de cavalerie et maritimes, composées de nombreux éléments barbares originaires des régions danubiennes[44]. Les premiers affrontements ont lieu le lors de labataille d'Andrinople où Licinius a positionné son campement. Si Constantin est légèrement blessé au cours de l'assaut, il sort victorieux de cette confrontation qui aurait laissé trente-quatre mille victimes sur le terrain. Licinius, poursuivi par Constantin, bat en retraite à Byzance dont l'Auguste d'Occident fait aussitôt le siège[45]. Par ailleurs, la flotte de Licinius, commandée par Abantos, rencontre celle de Constantin, commandée par son fils Crispus, dans l'Hellespont puis à l'entrée de laPropontide où Abantos est défait, affaiblissant la défense de Byzance et poussant Licinius à se replier au-delà duBosphore, àChalcédoine, non sans — comme il l'avait fait avec Valérius Valens — s'adjoindre les services d'un nouvel Auguste en la personne de sonmaître des officesMartinien qu'il élève à ce titre et envoie àLampsaque pour se prémunir d'un débarquement des troupes constantiniennes[46].
La garnison de Byzance se rend à Constantin qui cherche ensuite à faire passer ses troupes sur la rive asiatique : il réussit à les faire débarquer à 35 km au nord de Chalcédoine avant qu'elles ne descendent vers le sud pour infliger une nouvelle défaite cinglante aux forces de Licinius lors de labataille de Chrysopolis qui, le, occasionne à nouveau d'importantes pertes humaines et contraint Licinius défait à se réfugier avec le reste de ses troupes àNicomédie[46]. Le lendemain, ce dernier envoie son épouse Constantia accompagnée de l'épiscopeEusèbe en délégation auprès de Constantin afin de concéder sa défaite, de lui offrir sa soumission et de solliciter la vie sauve pour son fils et lui, ce a quoi Constantin consent : Licinius etLiciniusII sont envoyés àThessalonique, réduits au rang de simples particuliers, tandis que Martinien est emprisonné enCappadoce. Cependant, dès le printemps325, le désormais unique Auguste de l'Empire se ravise et fait exécuter Licinius et Martinien puis, l'année suivante,LiciniusII[47].
Si la légitimité de Licinius n'a pas fait l'objet de contestation, il a cependant été frappé d'unedamnatio memoriae dont résulte, à l'instar de ce qui avait été fait pourMaxence etMaximien, la destruction de ses inscriptions et images ainsi que l'annulation de ses actes[47]. Si la propagande constantinienne et l'apologétique chrétienne ont largement noirci le portrait d'un Licinius présenté, pour l'une, comme un tyran pervers, cruel, ignare et, pour l'autre, comme un persécuteur, d'autres auteurs comme celui de l'Épitome le décrivent comme favorable aux paysans ou soulignent, commeAurelius Victor, sa politique économique voire encore, à l'instar deLibanios, sa modération vis-à-vis descités. C'est ainsi que si « comme beaucoup de vaincus de l'histoire, Licinius a laissé une mauvaise réputation, [...] il est presque impossible d'apprécier comme il convient sa politique et sa législation »[44].
308 : reçoit le titre d'Auguste -Imperator Cæsar Caius Valerius Licinianus Licinius Pius Felix Invictus Augustus (ouDominus Noster Valerius Licinianus Licinius Augustus).
324 : titulature à sa mort -Imperator Cæsar Caius Valerius Licinianus Licinius Pius Felix Invictus Augustus (ouDominus Noster Valerius Licinianus Licinius Augustus, TribuniciæPotestatiXVII,ConsulVI.
↑Zosime parle de cent soixante mille hommes et trois cent cinquante trirèmes du côté de Licinius ainsi que, du côté de Constantin, de cent trente mille hommes, deux cents trirèmes et deux mille navires de transport, des chiffres qui semblent exagérés ; cf.Maraval 2014,p. 151.