Les écorces offrent une diversité demicro-habitats favorables à la faune et la flore, notamment à lacolonisation decommunautés lichéniquescorticoles dont le développement est conditionné par de nombreux facteursstationnels : exposition à la pluie, à la neige, au ruissellement de l'eau de pluie sur le tronc, au vent, à la lumière, au soleil, aux dépôts de poussières…
Lelichen (/li.kɛn/), appelé aussichampignon lichénisé ou champignon lichénisant, est unorganisme composite qui résulte d'unesymbiose permanente entre au moins unchampignonhétérotrophe appelémycobionte, qui fournit la structure, la protection, l'eau issue de l'air ambiant, des éléments minéraux prélevés du substrat sur lequel il est ancré et desfacteurs de croissance (hormones, vitamines), et des cellules microscopiquesphotoautotrophes, possédant de lachlorophylle, nomméesphotobiontes, qui fournissent l'énergie.
Les lichens génèrent unappareil végétatif composé à 90 % par le champignon, lethalle, qui se développe lentement à la surface de supports variés, y compris dans des milieux souvent hostiles (exposition à la sécheresse, à de fortes températures, etc.).
Depuis 2011, de nombreuses découvertes mettent en évidence que la symbiose lichénique implique de multiples partenaires (levures, bactéries, protistes, virus).
La symbiose multipartenariale résulte d'une association, appelée lichénification ou lichénisation. L'inverse, c'est-à-dire une algue macroscopique hébergeant un champignon microscopique, est unemycophycobiose.
Les lichens sont la forme de vie dominante sur 6 à 8 % de la surface terrestre[2],[3], cette composante importante de l'écosystème terrestre étant principalement dû aux lichens terricoles du genreCladonia (lichens des rennes) qui peuvent couvrir plus de 97 % des surfaces à l'intérieur des forêts boréales ouvertes et y former des tapis de 10 à 15 cm d'épaisseur[4]. Les lichénologues ont inventorié 20 000 espèces[5]. Près de 100 nouvelles espèces sont découvertes chaque année et il en resterait 8 000 à découvrir[6]. Les plus vieuxfossiles de lichens datent dudévonien.
Le mot « lichen » vient dugrecλειχἠν /leikhḗn, « dartre,cal, plante parasite ». Il est dérivé deλείχω /leíkhô, « lécher », qui remonte à la même racine indo-européenne que lécher : la maladie, comme l'organisme semblant lécher son support. Historiquement, le premier sens de lichen est celui d'« éruption sur la peau », conservé par la dermatologie moderne dans une acception moins générique. Le sens courant en botanique, attesté depuis 1546, se désigne les structuresépiphytes dont les lichensencroûtants, présentés comme des dartres[7].
Le terme de lichen est utilisé la première fois, parThéophraste, auIIIe siècle av. J.-C. Dans le Livre III de sonHistoire des plantes, le philosophe grec dit que les lichens naissent de l'écorce, et non d'unœil, et les compare à des guenilles[8]. Il désigne alors deshépatiques et leur attribue des vertus médicinales, les lichens réellement décrits par Théophraste étant nommés autrement[9].
Jusqu'au milieu duXIXe siècle, les naturalistes les classent dans la catégorie desmousses, deschampignons ou, selonLinné et ses disciples, dans la catégorie desalgues au sein descryptogames. Ces naturalistes considèrent les lichens du sol souvent comme des« excréments de la terre »[10]. Il faut attendre l'avènement demicroscopes performants pour que lesinteractions biotiques dans ces organismes soient mises en évidence. En 1867, lebotaniste suisseSimon Schwendener est le premier à considérer qu'il a une double nature, sous forme deparasitisme[11]. Beaucoup de lichénologistes reconnus rejettent d'abord cette « hypothèse duale des lichens », car le consensus est alors partagé sur le fait que tous les organismes vivants sont autonomes[12]. Mais d'autres éminents biologistes, commeAnton de Bary ouAlbert Bernhard Frank, sont moins prompts à repousser les idées de Schwendener, et ce concept s'étend bientôt à d'autres domaines d'étude, comme lesagents pathogènes.Albert Bernhard Frank propose le terme desymbiotismus en1877[13], terme peu à peu accepté par la communauté scientifique à la suite des travaux d'Anton de Bary qui donne la définition la plus large de lasymbiose[14]. L'« hypothèse duale » est démontrée expérimentalement par le professeur allemand Rees en 1871, l'algologueBornet en 1873 (il réussit à montrer que leshaustoriums fongiques pénètrent dans les cellules d'algues) et le botanisteBonnier en 1886 et 1889[15].
Le lichen, une symbiose multipartenariale. Le diagramme indique les années auxquelles ont été découverts les différents partenaires symbiotiques[16].Diagramme montrant le transportintercellulaire denutriments dans le thalle des lichens. Lorsque le photobionte est une algue verte, la matière organique est transférée vers lesfilaments mycéliens sous forme depolyols (oses dérivés enpolyalcools tels que leribitol, l'érythritol ou lesorbitol). Lorsque le photobionte est une cyanobactérie, la matière organique est transférée sous forme de glucose.La symbiose lichénique met en jeu des interactions multiples et complexes.Evernia prunastri, un des macrolichens fruticuleux corticole les plus communs. Les lanières pendantes portent dessoralies, granulations farineuses qui permettent lareproduction végétative du thalle, se détachant à l'état sec (transportées par le vent) ou dispersées par les fèces d'animaux lichénivores (insectes, acariens)[17].Sol de pinède couvert de lichens fruticuleux (genreCladonia) dans le nord de l'Allemagne.Deux lichens colonisant la tranche d'un piquet de bois.Lichens crustacés colonisant un bloc rocheux.Certains lichens peuvent coloniser le bois mort.Traitement du lichen jaune.
Les lichens font partie de labiodiversité négligée ; bien qu'ils soient peu recherchés lors des inventaires fongiques, une centaine de nouvelles espèces sont décrites chaque année. En 2007, 18 882espèces de lichens sont décrites[18]. En Europe occidentale, le nombre d'espèces est compris entre 50 et 75 % du nombre dephanérogames. En France, on compte environ 2 500 lichens pour 4 500 phanérogames[19].
La spécificité d'association entre photobionte et mycobionte(s) peut être étroite ou large mais la plupart des lichens sont modérément spécifiques : un même mycobionte peut s'associer à différentes espèces de phytobionte. Les différentes associations sont[20] :
dans 85 % des cas, une (ou des) algue(s) associée(s) à un ou plusieurs champignons ;
dans 10 % des cas, une cyanobactérie associée à un champignon ;
dans 5 % des cas, les 3 types de partenaires sont associés : dans cette symbiose tripartite, la cyanobactériefixatrice d'azote est généralement confinée dans des compartiments fongiques appeléscéphalodies(en)[b], structures internes ou externes[21].
Lesmycobiontes impliqués dans la symbiose lichénique (ascomycète,basidiomycète oudeutéromycète) représentent environ un cinquième de l'ensemble des champignons actuellement connus. On rencontre le plus souvent des « ascolichens » dans lesquels l'ascomycète est toujours unsymbiote obligatoire : 40 % des espèces d'ascomycètes ont adopté ce type de symbiose[22], dont principalement lesPezizomycotina[23].
Après plus de 140 ans durant lesquels on a cru que l'association était binaire (1 champignon + 1 algue), des chercheurs ont montré en 2016 qu'il faut en réalité dans la plupart des lichens un troisième partenaire (qu'on avait d'abord cru être un parasite des lichens) pour que l'association soit pérenne ; il s'agit d'une levurebasidiomycète ; c'est elle qui est responsable de la forme du thalle du lichen et en partie de sa forme générale[24]. La découverte de ce troisième partenaire (la levure basidiomycète) est entre autres due à Toby Spribille assistant professeur à la faculté des sciences de l'Alberta et à l'équipe de McCutcheon[25]. Cette association estdurable, reproductible (elle donne naissance à de nouveaux individus, à la formation d'une nouvelle unité fonctionnelle) avec des bénéfices réciproques pour les partenaires, et entraîne des modifications morphologiques et physiologiques (ces dernières liées à des interactions génétiques entre les trois partenaires)[24]. Les levures sont intégrées dans le cortex lichénique. Il y a une corrélation entre leur abondance et des variations autrefois inexpliquées duphénotype[24]. Certaines lignées de basidiomycètes vivent en lien étroit avec certains lichens sur de vastes zones géographiques, souvent retrouvés sur les six continents[24]. Le cortex lichénique est structurellement plus important qu'on ne le pensait ; il ne s'agit pas d'une simple zone de cellules différenciées d'ascomycètes, mais semble-t-il du lieu d'une symbiose (entre deux types différents de champignons) dans la symbiose (champignon-plante)[24].
Exceptionnellement, le mycobionte peut se développer indépendamment de la présence d'algues. Il s'agit d'une symbiose avec une espèce dechampignons corticicoïdes basidiomycètes nomméealcobiose qui est considérée comme un stade différent de coévolution entre les partenaires de celle des lichens vrais[26].
Les champignons sélectionnent deuxtaxons de photobiontes algaux selon leur substrat et leur préférence écologique (exposition à la pluie et au soleil)[28].
10 % des espèces lichéniques possèdent un photobionte appartenant à la classe desCyanobactéries. Cessymbiontes facultatifs sont des bactéries de forme unicellulaire ou filamenteuse, avec contenu cellulaire vert bleuâtre ou vert brunâtre, représentées par quatre familles :Chroococcales (Gloeocapsa(en)),Pleurocapsales,Stigonematales et surtout lesNostocales (Scytonema(en),Nostoc présent dans 3 % des lichens). 5 % des espèces lichéniques possèdent simultanément les deux types de photobiontes. Les partenaires autotrophes étant loin d'être tous identifiés, les chiffres présentés ici sont provisoires[29].
Exceptionnellement, la structure typique du lichen peut être inversée : dans le cas duphyllosymbium, le thalle est composé d'hyphes fongiques insérées dans des gaines cyanobactériennes[30],[31].
Les bactériobiontes sont descommunautés bactériennes associées aux deux partenaires symbiotiques (photobionte et mycobionte). Ces espèces épiphytiques (biofilms sur le thalle) et endophytiques synthétisent des métabolites spécialisés bioactifs qui ont un rôle de protection vis-à-vis d'autres organismes pathogènes ou parasitiques[32].
De nombreuses découvertes mettent en évidence que la symbiose lichénique implique d'autres partenaires (protistes, virus…) qui s'intègrent dans un spectre d'interactions biotiques, allant ducommensalisme et dumutualisme (organismes jouant un rôle dans la structuration du thalle et la modulation de la réponse du lichen à des facteurs environnementaux[16]), auparasitisme et à lapathogénicité[33].
Deux types d'anatomie duthalle caractérisent le lichen[34] :
lichen homomère ou homéomère dont les cellules du photobionte sont réparties uniformément dans le thalle (cas des genresLeptogium etCollema) ;
lichen hétéromère dont les cellules du photobionte sont regroupées dans une couche assimilatrice.
La structure d'un lichen hétéromère est typiquement formée :
d'uncortex supérieur constitué d'un synenchyme (tissu compact formé par les hyphes resserrés du champignon) ;
d'une couche assimilatrice constitué des cellules du photobionte réparties dans le prosenchyme (tissu fibreux formé par les hyphes biens séparés du champignon) ;
d'une médulle ou couche médullaire, prosenchyme très lâche sans photobionte ;
d'un cortex inférieur lui aussi constitué d'un synenchyme ;
derhizines(en) constituées de faisceaux d'hyphes plus ou moins soudées et recouvertes d'une gaine gélatineuse facilitant l'adhésion au substrat (les rhizines n'ont qu'un rôle d'ancrage, à la différence des racines chez lesplantes vasculaires qui assurent leur nutrition hydrominérale).
Cette structure peut considérablement varier chez une même espèce de lichen selon son substrat, l'humidité.
Les lichénologues distinguent six types de lichens selon l'aspect global de leur thalle[35] :
« lichen crustacé ou incrustant » (90 % des lichens[36]) présentant un thalle hétéromère fortement plaqué[d] au support, formant unecroûte. En fonction de sa position vis-à-vis du substrat, ce lichen peut être endosubstratique ou épisubstratique (épi- ouendolithique dans le cas d’une roche,épi- ouendophléode dans le cas d’un lichen corticole,épi- ouendogé pour un lichen terricole). Selon la forme du thalle, les lichénologues distinguent deux sous-types[37] :
« lichen foliacé » présentant un thalle hétéromère non soudé sur toute sa surface (se détachant facilement du substrat), formant des lames souvent lobées comme de petites feuilles qui s'écartent un peu du support, présence d'haptères (crampons) ou de rhizines (fausses radicelles) sur leur face inférieure pour adhérer au substrat :
lichen foliacé non ombiliqué : pas d'ombilic, lobes à disposition radiée (ex. : lesXanthoria, lesParmeliaceaecommePunctelia borreri, Parmelia omphalodes).
« lichen fruticuleux » (du latinfrutex, « arbrisseau ou buisson ») présentant un thalle adhérent au substrat par une surface réduite et formant des prolongements redressés, pendants ou étalés. Ces prolongements plus ou moins longs présentent trois formes :
« lichen complexe » ou « lichen composite » présentant un thalle primaire plus ou moins foliacé étalé sur le substrat, et sur lequel se développe un thalle secondaire fruticuleux, formé d'éléments (ramifiés, en forme de corne, d'entonnoir ou de trompette, typepodétions) se développant perpendiculairement au substrat (genreCladonia etStereocaulon vulcani) ;
Les lichénologues distinguent parfois les « macrolichens » (forme des lichens squamuleux, foliacés ou fruticuleux), des « microlichens » (lichens crustacés granuleux, verruqueux, pulvérulents ou lépreux)[38] ; les préfixes « macro » et « micro » ne se réfèrent donc pas ici à la taille du lichen, mais à la hauteur de son thalle et à la forme de croissance du lichen[39].
En ce qui concerne les relations entre le mycobionte et le phytobionte, on distingue trois cas de figure :
l'hyphe du champignon se propage entre les cellules du nostoc (algue bleue, genrecyanobactérie) et dans son mucilage ;
la formation d'un appressorium où les deux partenaires ont leurs parois en apposition, accolées l'une à l'autre avec une légère modification. Le contact est plus étroit et plus sophistiqué ;
la formation d'unhaustorium où le phytobionte finit par se trouver inclus dans la paroi du mycobionte. Ici, les modifications cytologiques sont grandes.
La reproduction végétative se fait par simple fragmentation duthalle (phénomène dubouturage) ou à l'aide d'organes spécialisés[40] qui s'en détachent :
desisidies, protubérances de formes variées sur lecortex supérieur, contenant les deux symbiotes densément associés ;
dessoralies, fissures du thalle permettant l'apparition de sorédies (amas de cellules algales entourées d'hyphes) ;
La reproduction asexuée est assurée par le mycobionte seul qui produit desconidies à l'extrémité deshyphes toujours enfoncés dans le thalle.
La reproduction sexuée, assurée aussi par le mycobionte, forme deux types d'organes spécialisés, lesapothécies (forme de cupules à la surface du cortex) ou lespérithèces (forme d'outres plus ou moins enfoncées dans le thalle) qui libèrent des spores par rupture du sommet de l'asque selon des mécanismes spécifiques ou par désintégration de la paroi (souvent du typediable en boîte sous l'action de lapression osmotique qui augmente[h], ce qui déchire l'exoascus et fait jaillir l'endoascus comme un ressort)[41]. Les apothécies présentent une grande diversité de taille, de couleur et de localisation sur le thalle[42].
Ces organes forment un ensemble de caractères très utilisés pour la détermination des espèces.
Le développement d'un lichen se compose de trois phases : phase de croissance, phase de maturation et phase de dégénérescence (ou sénescence)[43]. Chez celichen crustacé, on peut observer le stade de dégénérescence au centre du thalle, et de croissance centrifuge à la périphérie.Les barbes grises pendantes deDolichousnea longissima peuvent atteindre plusieurs mètres de longueur, ce qui en fait le lichen le plus grand au monde[44].Hyperphyscia adglutinata, espèce corticole, peut devenir lignicole (arbres morts, dressés ou couchés)[45].
Le mycobionte fournit le support et la protection, lessels minéraux, la réserve d'humidité (unepression osmotique élevée, assurée par l'arabitol et lemannitol, limite la dessiccation du thalle) et facilite probablement l'alimentation du photobionte en CO2 ; le photobionte fournit lesnutriments issus de laphotosynthèse chlorophyllienne (amidon chez la plupart des espèces, réserve lipidique chez lesTrentepohliales), 20 à 30 % des nutriments étant en moyenne rétrocédés au mycobionte[46].
Les besoins ensels minéraux des lichens sont assez limités, car ce sont de faibles consommateurs qui peuvent provisoirement stopper leur croissance.
Ils se nourrissent à partir de l'atmosphère (minéraux sous forme de solutés dans les eaux de pluie). Les lichens ont aussi la possibilité de dissoudre des éléments minéraux dusubstrat en excrétant, par l'intermédiaire du champignon, desacides organiques.
Ils sont de croissance très lente. En moyenne, la croissance annuelle est de 0,5 à 2 mm pour leslichens crustacés, de 0,5 à 4 mm pour les lichens foliacés et de 1,5 à 5 mm pour les lichens fruticuleux[47]. Une même espèce peut cependant présenter des taux de croissance très différents en fonction des facteurs environnementaux (climat, nature du substrat, pollution…). Les lichénologues considèrent qu'une croissance de 1 cm/an est élevée[48]. Cette caractéristique explique que les lichens résistent peu à la compétition avec des végétaux à développement plus rapide, lesquels inhibent la croissance des espèces pionnières. Elle rend compte aussi de lalongévité des lichens qui vivent souvent très longtemps. S'il existe quelques espèces qualifiées d'éphémères (plusieurs du genreVezdaea(en) ne vivent pas plus d'une année), beaucoup sont capables de survivre plus de 1 000 ans[49], par exemple des alpins[50]. L'espèceRhizocarpon geographicum vit jusqu'à 4 500 ans dans des zones froides et arides[51]. Cette croissance lente et cette longévité sont utilisées par lalichénométrie.
Cosmopolites etubiquistes, les lichens recouvrent près de 8 % de la surface terrestre de la planète[52]. Ils forment les communautés d'espèces autotrophes dominantes dans lesécosystèmes polaires et subpolaires[53], où la photosynthèse de certains lichens commeCladonia alcicornis est toujours effectuée à des températures avoisinant−20°C[54]. Plusieurs espèces sontpionnières, capables de coloniser des milieux extrêmes. Elles peuvent s'installer sur des roches qu'elles corrodent en sécrétant desacides lichéniques(en) (expression souvent inappropriée car nombre de ces molécules sont desphénols qui présentent unefonctionacide carboxylique)[55]. Leur action favorise la succession par desbryophytes, puis par d'autres plantes supérieures[56].
Les lichens ont colonisé pratiquement tous les milieux,« depuis les rochers maritimes jusqu'au sommet des montagnes, en passant par les déserts arides. Il n'y a guère que la haute mer, les zones fortement polluées et les tissus animaux où ils font défaut[57] ». Ils sont décrits en fonction de leur substrat[58] :
épiphyte (espèce corticole/ramicole sur les arbres/branches, voire sur le bois mort : espèce lignicole) et même follicole (vivant sur les feuilles, particulièrement desplantes sempervirentes) ;
saxicole : épilithes vivant sur les rochers siliceux ou calcaires (notamment sur les blocs erratiques[59]), mais qu'on retrouvera sur les vieux murs, les tuiles, ardoises,lauzes ou tôlesamiante-ciment, voire sur des supports plastiques ou métalliques (localisation selon la nature et la cohérence de la roche, la pente du rocher, les parois d'orientation, l'exposition aux pluies et écoulements d'eau, l'humidité de la surface déterminée par des suintements — roche très fissurée ou poreuse — ou des condensations atmosphériques, la position relative de l'arbre selon qu'il soit isolé ou en massif, en situation ouverte ou fermée…)[60] ; endolithes vivant dans les rochers ; crypto-endolithes vivant sous les rochers ;
corticole (espèce qui se développe sur les écorces des troncs, des branches, mais ne les parasite pas). De nombreux facteurs conditionnent l'installation de l'espèce : l'âge de l'arbre et le type d'essence qui influent sur la nature chimique de l'écorce (pH, composition chimique), la texture de l'écorce (crevassée, rugueuse ou lisse) et sa capacité à s'exfolier qui déterminent le pouvoir derétention de l'eau ;
terricole et humicole (qui poussent dans pelouses, landes, bois clairs, à l'abri de la compétition des plantes à fleurs[61]) ;
muscicole (sur les mousses) ;
lichénicole (commensaux ou parasites sur d'autres lichens) ;
préférence pour les substrats enrichis en dépôts de poussières atmosphériques (espèce coniophile qui trouve dans cette source l'azote ou le phosphate dont elle a plus besoin que d'autres) apportées notamment sur les bords des routes, dans le bas des arbres, sur les toitures (espèce stégophile) ;
omnicole (espèce noninféodée à un substrat particulier mais qui est capable de se développer sur les substrats naturels et les supports anthropiques les plus divers)[22].
LeGraphis scripta(en)[k] vit préférentiellement sur les feuillus à écorce lisse, principalement dans la partie inférieure du tronc, en milieu forestier plus ou moins ombragé[63].
AllianceXanthorion parietinae sur une branche d'aubépine[l].
L'étude des peuplements lichéniques commence peu de temps après celle des associations phanérogamiques : les premiers travaux de lichénosociologie datent de 1924, avec le lichénologue polonaisMotyka(en) qui transpose les méthodes d’études des cortèges floristiques aux associations lichéniques[64]. Actuellement, laphytosociologie qui étudie lescommunautés lichéniques, les regroupe enclasses, ordres, alliances et associations.
Comme le soulignent Iserentant et de Sloover en 1976[65],« il est apparu très tôt qu’une communauté végétale (en l’occurrence une communauté lichénique) apporterait uneindication plus précise sur les conditions ambiantes que les espèces considérées isolément. Cette valeur indicatrice meilleure se fonde sur la divergence desoptima(en) et des amplitudes écologiques des espèces ; celles-ci ne se trouvent réunies que là où lesfacteursmésologiques sont à un niveau convenant à chacune en particulier et correspondant donc à la portion commune de leur amplitude écologique[66] ».
Lessuccessions de peuplement typiques de lichens peuvent se résumer schématiquement ainsi : colonisation du substrat (rocher, écorce) par des lichens à thallecrustacé très réduit (endolithique des roches calcaires, épilithique des roches siliceuses,endophléode dans le cas des écorces), puis substitution par deslichens crustacés à thalle plus développé (épilithique ouépiphléode) auxquels succèdent des thalles placodiomorphes (lobés au pourtour) ou squamuleux. Ces derniers sont relayés par de petits lichens foliacés qui, à leur tour sont évincés par de grands foliacés, puis par des fruticuleux et enfin par desbryophytes[67].
Lecanora carpinea surrhytidome lisse de troncs, branches et branchettes de feuillus.
Les lichens ont la capacité de résister à de très fortes dessiccations (phénomène depoïkilohydrie). Certains lichens peuvent vivre avec une teneur en eau de 15 %[68]. Ils sont aussi capables de se réhydrater (faculté dereviviscence)[69], l'absorption hydrique pouvant être telle que les phycolichens renferment jusqu'à 250 à 400 % d'eau, 600 à 2500 % (voire plus) chez lescyanolichens[68].
La résistance hydrique des lichens provient surtout du mycobionte qui sécrète des polysaccharides autour de l'hyphe, créant ainsi une zone qui piège l'eau sous forme colloïdale. De plus, les lichens accumulent despolyols, qui servent de réserve d'eau. La reprise du métabolisme après une sécheresse est très rapide. Le lichen retrouve ses capacités métaboliques de cinq à trente minutes après une réhydratation[70].
Les lichens peuvent également survivre à des variations de température importantes : des tests en laboratoire montrent leur résistance à de hautes températures (90°C), à l'azote liquide (−196°C)[71]. Ils sont ainsi des constituants majeurs des déserts froids de l'Antarctique[72].
En2005, deux espèces de lichens ont été envoyées dans l'espace et exposées au vide durant deux semaines. Les résultats montrent que, de retour sur Terre et après réhydratation, les lichens survivent à ces conditions extrêmes (dessiccation, températures très basses, rayonsUV intenses etrayonnements ionisants) et qu'ils ne présentent quasiment aucune altération de leur structure par rapport à des lichens témoins restés surTerre[73].
Certains champignons ne vivent que sur les lichens en tant que parasites obligatoires. Ceux-ci sont appeléschampignons lichénicoles et sont une espèce différente du champignon vivant à l'intérieur du lichen ; ils ne sont donc pas considérés comme faisant partie du lichen[77].
Dans l'écosystème, les lichens sont une des composantes parfois importante de la biodiversité[78].
Ils sont aussi une source importante de nourriture pour de nombreuses espèces, notamment lesrennes. Certaineschenilles de papillons nocturnes, par exempleNoctua promissa,Noctua sponsa,Noctua nupta etCatocala nupta, étaient autrefois dites « lichenées » ou « likenées » parce qu'elles se nourrissent des lichens qui poussent sur les arbres[79].
Ils permettent, dans certaines conditions, d'évaluer la chimie et la stabilité des sols, la hauteur moyenne de l'enneigement, l'âge desmoraines et le recul des glaciers (datation parlichénométrie), le type de gestion forestière, la durée de la continuité d'un état forestier[n] ; la quantité de polluants dans un milieu donné (les lichens concentrent notamment lesmétaux lourds[o] —plomb,zinc,cadmium,fluor — et certains radioéléments ou acides dissous dans l'humidité atmosphérique, ce qui peut entraîner leur mort), et surtout le degré de pureté de l'atmosphère (évalué par l'IAP — index of atmospheric purity, indice de pureté de l'air — prenant en compte le nombre, la polluotolérance et la fréquence des lichens sur un site donné, et l'ILD — index of lichen diversity, indice de diversité lichénique — relevant les lichens épiphytes sur les quatre faces des arbres à l'aide d'une grille d'observations)[81].
C'est au biologiste britanniqueGrindon(en) que l'on attribue d'avoir observé le premier la diminution des lichens de la région contaminée duLancashire en 1859[82]. Peu de temps après qu'il a mis en évidence le lien entre le déclin des lichens et laqualité de l'air dans la région de Manchester, le botaniste finlandaisWilliam Nylander, français d'adoption, décrit 3 000 espèces et remarque dès 1862 que plusieurs espèces de lichens épiphytes régressent à l'approche des villes, notamment de Paris (1866). Faisant le rapport entre ce déclin et l’usage du charbon, il met en place desbioindicateurs de la qualité de l'air. Depuis, de nombreux lichens sont utilisés enbiosurveillance commeindicateurs de pollution[83] ou comme informant sur l'origine des certaines pollutions[84]. Les méthodes les plus utilisées pour étudier l'impact des pollutions sur les lichens sont les expériences de fumigation (études de la dégradation de la chlorophylle, de la photosynthèse et de la respiration,bioaccumulation…) et les études de gradient (apparition/disparition de lichens selon un gradient de pollution croissant en fonction de leurs sensibilités respectives à la qualité de l'air)[85].
Une carte de répartition des lichens et des associations lichéniques (technique dephytosociologie) apporte des éléments sur la localisation de zones plus ou moins polluées. Entre 1986 et 1988, deux lichénologues français, Chantal Van Haluwyn et Michel Lerond, mettent au point une méthode phytosociologique qualitative reposant sur l'appauvrissement de groupements lichéniques sous l'action de la pollution. Le travail statistique de leurs relevés les conduit à retenir une trentaine d'espèces de lichens bioindicateurs plus ou moins sensibles aux polluants, répartis en sept zones ou catégories de pollution basées sur une association lichénique[86]. La disparition actuelle en ville de certains lichens sensibles notamment audioxyde de soufre montre que la pollution acide a diminué ; des espècesnitrophiles (lichens orange ou gris sur les arbres) se développent au détriment des espèces neutrophiles ou acidophiles (nitrophobes), montrant l'augmentation de la pollution par lesoxydes d'azote. En zone très polluée, on trouve surtout deslichens crustacés, alors qu'en zone moyennement polluée on a surtout des fruticuleux et en zone peu polluée, essentiellement des foliacés et des fruticuleux[22]. Des corrélations ont été observées entre le taux d'azote dans les lichens nitrophiles et l'incidence du trafic routier ou la distance à une usine polluante[87].
Dans les zones de pollution extrême (méthode Van Haluwyn-Lerond), les parties de troncs sont dépourvues de lichens et recouvertes d'une algue microscopique du genrePleurococcus.
Ramalina farinacea, espèce toxicotolérante dont les spécimens de zones polluées sont plus courts et vert foncé.
Parmelia sulcata utilisée enbiosurveillance pour ses capacités accumulatrices de métaux, de radioéléments et de polluants organiques.
alimentation animale : leslichens des rennes (Cladonia rangiferina,Cladonia stellaris…) sont la nourriture essentielle durenne et ducaribou[89]. AuCanada, d'immenses troupeaux de caribous lui doivent leur survie, durant les longs mois d'hiver. Entoundra ou en forêt tempérée du Nord (où les espèces de lichens sont dix fois plus nombreuses que les plantes[réf. souhaitée]), c'est une nourriture appréciée du caribou, de l'élan d'Amérique (orignal) et de certains bétails à l'occasion. Plusieurs variétés de lichens sont comestibles pour eux (notammentCetraria islandica qui contient 60 % deglucides[réf. souhaitée]), juste un choix de préférence, souvent dû pour certains aux choix de pâturage, aux saisons. EnSuisse,Evernia divaricata a été longtemps utilisé pour nourrir leschèvres en mauvaise saison ;
alimentation humaine : certains peuples nordiques consomment lamousse d'Islande (Cetraria islandica) en farine pour en faire des pains ou gâteaux. DiversUmbilicaria sont également consommés au Canada (les « tripes de roche »);Lasallia pustulata est également appelée « tripe de roche », ce lichen saxicole calcifuge ayant longtemps été utilisé commealiment de famine[90]. AuJapon,Umbilicaria esculenta est consommé en soupe, entenpura et en salade sous le nom deIwatake イワタケ (岩茸, « champignon de roche »). Plusieurs espèces du genreAspicilia(en) ouLecanora (notammentLecanora esculenta(de)) sont parfois identifiées à lamanne des Hébreux[91].Parmotrema perlatum est utilisé comme épice dans la cuisine de certaines régions de l'Inde, en particulier la cuisinechettinad duTamil Nadu. La plupart des espèces de lichens sont considérées comme « comestibles » à condition de les faire macérer et bouillir pour en retirer les composés acides et amers. Quelques espèces (Cetraria pinastri,Letharia vulpina,Xanthoparmelia chlorochroa dont le simple contact peut entraîner des réactions allergiques) sont très toxiques car elles contiennent de l'acide vulpinique,toxine qui agit en stoppant l'activité respiratoire. L'ébullition ne permet d'extraire qu'une partie de cette toxine[92] ;
enfin, quelques espèces sont utilisées comme émulsifiant et épaississant dans l'industrie agroalimentaire.
Le lichen d'Islande (Cetraria islandica) a été utilisé comme médicament.Selon la théorie des signatures,Peltigera canina était un lichen muscicole utilisé contre la rage, en référence à ses apothécies dressées évoquant des dents de chien.
Si cette pharmacopée est aujourd'hui tombée dans l'oubli et certaines croyances des anciens font désormais sourire, la recherche médicale moderne (notamment enindustrie pharmaceutique et enmicrobiologie) met en évidence que de nombreux lichens représentent une source prometteuse de produits naturels originaux pour la recherche de nouvellesmolécules bioactives ayant un intérêt pharmaceutique (activité antioxydante, antimicrobienne, antifongique, antivirale, anticancéreuse,anti-inflammatoire,insecticide, photoprotectrice ou photostimulatrice)[94],[95],[96]. Cette source comprend des composés endolichéniques d'origine fongique mais aussi d'origine bactérienne (les lichens constituant uneniche écologique pour de nombreux micro-organismes)[97]. Cependant, la plupart des recherches étudiant les effets thérapeutiques de ces composés, ne parviennent pas à cibler les molécules pouvant être responsables des propriétés bénéfiques pour la santé, ce qui explique qu'elles n'atteignent pas les étapes finales de la découverte de médicaments à des fins thérapeutiques[98]. Ces composés correspondant à certains des 1 100métabolites secondaires lichéniques[99], molécules à 90 % originales produites par troisvoies métaboliques qui correspondent à l'équipement enzymatique du mycobionte (voie despolyacétates appelée aussi voie acétate-polymalonate,voie du mévalonate,voie du shikimate)[100].
Exemples d'applications :
Se basant sur lathéorie des signatures, la médecine traditionnelle utilisait des espèces comme le lichen d'Islande (Cetraria islandica), la pulmonaire (Lobaria pulmonaria dont le thalle a la forme de poumons), le lichen pyxidé (Cladonia pyxidata) autrefois réputés pour la toux, et le lichen du chien (Peltigera canina). L'usnée du crâne humain (Usnea plicata) récoltée sur le crâne des pendus, se payait à prix d'or pour guérir, croyait-on, l'épilepsie ;
des extraits d'Umbilicaria esculenta se sont révélés fortement inhibiteurs de la β-glucosidase, les enzymes qui hydrolysent les disaccharides chez les moisissures et les cellules de mammifères, ainsi que la glucoamylase et de la laminarinase. Elle a des propriétésthrombolytiques[réf. nécessaire].
La poudre de lichen est l'ingrédient de base du « papier tournesol ».
Les lichens sont utilisés enteinture végétale[102]. On tire des acides lichéniques des colorants de nuances assez riches. De belles teintes de bleu, pourpre (rouge violacé) et violet sont données par la parelle d'Auvergne,Ochrolechia parella, l'orseille des Canaries (Roccella tinctoria qui, extrait en poudre, produit lepapier de tournesol ou le colorant alimentaireorcéine). D'autres espèces sont utilisées traditionnellement, notamment en Scandinavie :Candelaria,Rocella phycopsis,Rocella fuciformis,Ochrolechia tartarea,Pertusaria dealbescens,Parmelia glabratula subsp.fuliginosa etLasallia pustulata. LesXanthoria pilés et mélangés à de l'urine servaient à teindre la laine en rose, notamment dukiltécossais[103]. La teinture traditionnelle de ces kilts obtient encore aujourd'hui différentes teintes selon l'espèce de lichen et le temps de décoction dans l'eau bouillante[104].
Pseudevernia furfuracea, la « mousse des arbres ».
Certains lichens sont utilisés pour produire des huiles essentielles de parfum. L'industrie parfumière tire notamment parti de deux lichens fruticuleux récoltés sur les arbres : la mousse des arbres (Pseudevernia furfuracea, corticole des conifères, que l'on trouve souvent au sol, détachée par le vent) qui apporte des notes boisées variées en fonction de son arbre support, et la mousse de Chêne (Evernia prunastri) qui apporte des notes marines utilisées dans les parfums féminins. On extrait de ces lichens un produit fondamental en parfumerie, l'absolue mousse considérée comme une note de fond, capable de produire des notes boisées avec des nuances de champignons et d'algues[106]. Près de 9 000 t de ces deux espèces étaient récoltées annuellement dans la région de Grasse, des Balkans et au Maroc[107]. Cependant, cette récolte décline en raison de la présence dans ces extraits de composés allergènes, notamment l'atranorine[108]. Cescomposés bioactifs sont ainsi de plus en plus remplacés par desproduits synthétiques[109].
Durant la préhistoire, les mèches utilisées pour l'allumage deslampes à graisse sont des champignons (amadouvier), des algues, des mousses séchées, mais aussi des lichens fruticuleux séchés prélevés le plus souvent sur des branches d'arbres ou d'arbustes (tel qu'Evernia prunastri) ou au sol[110].
On a prétendu jadis qu'aucun lichen n'était vraiment vénéneux[111], à l'exception de quelques troubles intestinaux provoqués par les espèces très amères. Par la suite, on a rapporté l'utilisation deLetharia vulpina (corticole desmélèzes oupins alpins, sa couleur vert-jaunâtre est due à l'acide vulpinique, toxique utilisé comme appât pour tuer lesloups etrenards) etCetraria pinastri en Scandinavie pour empoisonner les loups. Le principe toxique agirait par inhibition de la respiration, entraînant la mort[112].
L'orseille extraite (voir au chapitre précédent) a été interdite comme colorant alimentaire à cause de sa toxicité.
Depuis, comme pour les champignons, la liste des lichens toxiques ne cesse de s'allonger, parmi lesquels :
Les partenaires de la symbiose ont d'abord existé sous forme d'espèces libres dans le milieu marin : bactéries, algues cellulaires à la superficie des eaux etmicrochampignons aquatiques. Laconquête des terres émergées par des bactéries au cours de l'Archéen, puis par des algues et des champignons microscopiques auProtérozoïque, se traduit initialement par la colonisation des pentesmarécageuses puis par la terre ferme. Au cours de l'évolution, des espèces fongiques exploitent des ressources fournies par un autre individu non apparenté (algues ou cyanobactéries), au détriment de celui-ci, développant unparasitismenécrotrophe : des champignons surexploitent les ressources de leur partenaire au point de le faire mourir, se nourrissant de ses restes avant de capturer de nouveaux individus. Ces espèces ont pu aussi établir un autre mode de relation trophique, le parasitismebiotrophe,interaction biologique stable lorsque l'individu parasité élabore des mécanismes de défense suffisamment puissants pour éviter sa mort mais pas assez pour éliminer le parasite. Cette symbiose parasitaire a pu évoluer en symbiosemutualiste qui, de facultative devient obligatoire à mesure que le degré de dépendance entre les deux partenaires augmente[113]. En effet, une vraie conversion parasitisme-mutualisme est possible si desmutations favorables à la symbiose se produisent dans legénome de l'espèce parasite ou parasitée. L'exemple typique est la mutation délétère degènes fabriquant des protéines produites par le partenaire, ce qui permet une économie métabolique. L'inactivation de ces gènes devenus inutiles, entraîne leur disparition du génome à l'occasion dedélétions ou leur transformation enpseudogènes, et engage les deux partenaires sur une voie évolutive sans retour, la dépendance[114].
Les lichens forment ungroupe polyphylétique[118]. En d'autres termes, les processus de lichénisation sont apparus plusieurs fois indépendamment dans l'histoire évolutive des champignons et de leurs symbiotes. Malgré leurs origines multiples, ils présentent un mode de vie et des adaptations communes (taille réduite, production de métabolites secondaires[p] aux rôles divers — protection contre les herbivores et les pathogènes, composés anti-UV et antigel —, capacité de déshydratation et de vie ralentie en cas de manque d’eau puis dereviviscence par réhydratation), illustrant le phénomène deconvergence évolutive[119].
Ainsi, selonMarc-André Selosse,« Les lichens sont unsuccès évolutif, en raison de leur réussite en conditions hostiles, mais représentent probablement uneimpasse évolutive sur le planmorphogénétique. La stratégiepoïkilohydrique adoptée par ces organismes, et peut-être les faux tissus du partenaire fongique, limitent la complexification morphologique, en sorte que le plan d'organisation reste peu élaboré[120] ».
On donne des noms scientifiques séparés à chaque champignon et à chaque algue qui constituent un lichen, mais pas de nom unique à la combinaison particulière de ces espèces, en tout cas en 2011. Quand on dit qu'un lichen appartient à une espèce, c'est en fait l'espèce du principal champignon qui le constitue, même si celui-ci forme des lichens d'apparences différentes avec plusieurs espèces d'algues séparément[121],[122].
La classification d'Alexander Zahlbruckner (1860-1938) (1907, 1926), malgré son ancienneté, garde une valeur pratique face aux classifications récentes souvent incomplètes. Elle décompose la classe des lichens selon le schéma suivant :
Sous-classe desAscolichenes :spores produites dans desasques.
Série desGymnocarpeae : ascocarpes plus ou moins largement ouverts, thalles de tous les types.
Sous-série desGraphidineae : asques etparaphyses se détruisant et formant avec les spores, dans l'ascocarpe, un amas pulvérulent. Le thalle est en majorité crustacé, ou fruticuleux. Il existe trois familles.
Sous-série desCyclocarpineae : ascocarpes de forme arrondie. C'est le groupe le plus nombreux, où se trouvent tous les types de thalles. Il existe vingt-neuf familles.
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Les lichens comme les autres espèces sont identifiés au moyen declés de détermination (Exemple[123]), mais des analyses chimiques ou génétiques, ou l'utilisation d'indicateurs colorés peuvent être nécessaires pour identifier avec certitude certaines espèces ou leur composantes fongiques et algales.
La Course des Esprits (Schleicherlaufen) de Telf est un carnaval qui met en scène desWilden Männer aux vêtements intégralement recouverts delichens barbus.
↑On ne peut le détacher de son substrat qu'en l'abîmant fortement.
↑Les thalles lépreux (exemples :Lepraria,Chrysothrix(en)) considérés comme primitifs, parviennent à constituer de grandes surfaces farineuses, surtout sur des substrats ombragés et protégés des eaux de ruissellement pour éviter leur lessivage.
↑À la périphérie du thalle et entre les aréoles, on peut observer l'hypothalle noir, appareil végétatif qui remplace le cortex inférieur dans de nombreux thalles crustacés. Cet hypothalle, formé d'hyphes parallèles à la surface du substrat dans lequel il émet des hyphes fixatrices, constitue le mycélium du champignon seul, sans les photobiontes. Dans les thalles crustacés très minces, plus spécialement dans les thallesendolithiques etendophléodes, l'hypothalle et le cortex inférieur font défaut, le cortex supérieur (réduit à quelques hyphes lâches) et la médulle s'amincissent, la structure tendant à devenir homomère. CfPaul Ozenda, Georges Clauzade,Les lichens, Masson,,p. 20.
↑Une partie du glycogène est probablement transformée en glucose, composé qui fait augmenter cette pression osmotique.
↑Depuis le bas, la ceinture rose des alguescorallines, le noir discontinu de lamoulière (moules), le gris de la ceinture desbalanes (crustacés appelés « petites berniques »).
↑Lichen souvent considéré à tort comme une marque demarée noire) il souligne le niveau des plus hautes mers.
↑Nom en référence à ses apothécies linéaires, appelées, lirelles (du latinlira, « sillon ») chez certains Ascolichens dits lirellés, apothécie allongée ressemblant à une fente plus ou moins ramifiée à la surface. Le Lichen graphique est doté de lirelles qui dessinent des lignes sinueuses ramifiées évoquant une écriture ancienne.
↑En Suède, l'étude de 150 placettes de hêtraies a montré que, si les mousses se montrent assez peu affectées par une interruption de la continuité temporelle de l'état forestier, les lichens y sont sensibles : ils sont nettement plus diversifiés dans les forêts anciennes (350 ans ou plus dans cette étude) que récentes (moins de 160 ans)[80].
↑Différentes voies sont généralement décrites pour expliquer la prise en charge des contaminants (métaux, radionucléides) et leur bioaccumulation :adsorption sur la surface desparois cellulaires des hyphes fongiques, transport dans les tissus intra-cellullaires,complexation intra-cellulaire à certainesmétalloprotéines, complexation extra-cellullaire aux macro-molécules des parois du champignon, complexation avec les acides organiques comme les oxalates ou bien les acides lichéniques. Cf(en) Géraldine Sarret,Alain Manceau, Damien Cuny, Chantal Van Haluwyn, Serge Déruelle, Jean-Louis Hazemann, Yvonne Soldo, Laurent Eybert-Bérard, and Jean-Jacques Menthonnex, « Mechanisms of lichen resistance to metallic pollution »,Environmental Science & Technology,vol. 32,no 21,,p. 3325-3330(DOI10.1021/es970718n)
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