La librairie moderne trouve son origine dans lesstationes duMoyen Âge, sorte d'échoppes où desstationaires vendaient des manuscrits produits par descopistes. Le mot demeura dans la langue anglaise ((en)stationers) oùstationery renvoie aux fournitures et papeterie, etlibrary àbibliothèque[1]. En Europe, les premiers libraires-marchands demeurent près desuniversités : il existe un lien organique entre les clercs, les étudiants et le pouvoir royal, d'où d'importantes contraintes à la fois géographiques et législatives. Dès 1275,Philippe le Bel prononce une ordonnance chargeant l'Université de surveiller les libraires de Paris. En 1403, naît à Londres laGuild of Stationers. De fait, en France, tous les libraires s'organisent encorporations sous la bannière desaint Jean Porte latine. Ils se voient interdits d'ouvrir plusieurs boutiques, de falsifier ou altérer des manuscrits, et de mettre en vente sans avoir au préalable subi lacensure de ladite Université[2]. L'élément le plus important ici est qu'ils ne devaient pas exercer ce métier de façon itinérante, à la manière descolporteurs : ils « stationnaient » à un point fixe et tenaient boutique avec enseigne, précisant leurs spécialités ; leurs commis se chargeaient de livrer des clients ou d'aller chercher des manuscrits parfois sur des distances très éloignées. Uneeau-forte dePierre Adeline tirée desVues de Paris (vers 1680) montre les corbeilles duPont-Neuf occupées par de petites boutiques en bois réservées à des libraires. L'apparition de l'imprimerie à caractères mobiles augmente la production de livres et la diffusion : les libraires sont tour à tour marchand, éditeur, imprimeur, relieur[3]. Les clients de cette époque viennent chez le libraire soit pour acheter des livres déjà reliés, soit des feuilles, soit encore des cahiers cousus et protégés par une couverture en papier. La corporation regroupe donc plusieurs métiers associés dans la chaîne de fabrication du livre : typographe, imprimeur, correcteur, façonneur, relieur… et marchand[1].
Ce métier très pluriel va être fortement réglementé auXVIIe siècle et auXVIIIe siècle. EnAngleterre, leLicensing Act (1662) puis leCopyright Act de 1710 sont les premières mesures à réglementer le régime des réimpressions. En France, est promulgué en 1744 leCode de la librairie et imprimerie de Paris dit « code Saugrain »[4] : outre l'interdiction de se livrer au colportage, le marchand devait obtenir pour exercer manière de brevet exclusive, transmissible à la veuve puis aux enfants. Ce code s'entendait sur Paris, ce qui fait que des villes comme Rouen ou Lyon furent longtemps plus libres de réimprimer et diffuser des ouvrages. Avant laRévolution française, le nombre de colporteurs de livres est limité à 120, parfaitement identifiés par la police qui leur interdit de vendre autre chose que des « livrets » (brochure, fascicule) portant un permis d'imprimer en principe bien visible et de tenir boutique[1]. Alors que l'Angleterre ou lesPays-Bas s'illustrent par une relative mais bien réelle liberté de l'édition et de la presse, les librairies de la France desLumières sont en proie à d'infinis tracas : en1763,Denis Diderot écrit la fameuseLettre sur le commerce des livres, adressée au « directeur de la Librairie »,Antoine de Sartine. En, une réforme visant à améliorer le sort des écrivains français les autorise à devenir eux-mêmes vendeurs de leurs propres livres. Les différentes corporations sont furieuses. Le pouvoir tente alors d'interdire la vente de livres auxcabinets de lecture qui surgissent un peu partout à cette époque. Par ailleurs, la vente « à distance » augmente mais ces achats se font directement auprès de l'éditeur-imprimeur[1]. Certains libraires alors se spécialisent et imaginent des systèmes de trocs entre confrères européens. Un marché des idées se met en place, une « invention de marchés », pour reprendre les termes de l'historienRoger Chartier[5].
En France,NapoléonIer joue un rôle majeur dans la naissance de la librairie moderne. Le décret du « contenant règlement sur l'imprimerie et la librairie » fixe les codes du métier jusqu'en1870 : jusqu'à cette date, toute personne voulant exercer ce métier doit en obtenir le brevet. Vingt-six des cinquante et un articles du décret de 1810 sont consacrés aux délits et aux punitions que peuvent encourir les professionnels du livre, contre cinq encadrant le métier de libraire[6]. Le texte opère une différence nette entre l'auteur et les diffuseurs d'idées que sont les libraires et les imprimeurs. Il fixe leur[Qui ?] nombre, alors que les libraires sont soumis à la libre concurrence. AuXIXe siècle comme auXXe siècle, les libraires ne cessent de dénoncer les diverses concurrences « déloyales qu'ils doivent affronter : les cabinets de lecture[7], les colporteurs, lesbouquinistes, lavente directe opérée par les éditeurs eux-mêmes grâce à leurs fichiers clients et leurs mainmises sur des grands comptes comme le marché scolaire et universitaire[6]». Après1945, de nouveaux concurrents apparaissent : les clubs de livres, la vente par correspondance, et à partir des années 1960, lesdrugstores, les grandes enseignes culturelles, lessupermarchés, sans parler des journaux ou des pompes à essence qui offrent des livres en prime.
Dans les années 1970, les librairies subissent de plein fouet la concurrence deshypermarchés et des grandes enseignes culturelles comme laFnac. De nombreuses librairies mettent la clé sous la porte. Le quotidienLibération affirme en 1980 : « La petite librairie sent le cadavre »[6]. Différentes lois statuant sur leprix unique du livre ont été réactivées à travers le monde (surtout en Europe) à partir des années 1970 afin de protéger la filière librairie.
Dans les années 2010, les libraires font face à la concurrence deslibraires en ligne : dès la fin des années 1990, on voit émerger la vente d'ouvrages en ligne. Le siteAmazon est à l'origine une librairie en ligne, avant de devenir une plate-forme tous produits[8]. De tels sites, d'abord apparus auxÉtats-Unis, permettent par ailleurs depuis le début des années 2010 l’acquisition et la consultation delivres numériques (ou e-books) sur desliseuses[9]. Une offre apparaît également : l'impression à la demande.
N'étant pour la plupart pas propriétaires de leurs locaux, les librairies doivent aujourd'hui faire face aux hausses de loyer qui augmentent de façon drastique partout dans le monde[10].
Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou incomplète.Votre aide est la bienvenue !Comment faire ?
La plus importante librairie du continent,Collectors Treasury, se trouve àJohannesbourg, spécialisée dans l'ancien, elle propose plus de 2 millions d'ouvrages[11].
Le Caire possède encore parmi les des plus anciennes librairies égyptiennes,L'Orientaliste, rue Kasr Al Nile près de laplace Tahrir, datant des années 1890, etDar El Mareef, ouverte en 1910, et liée à une maison d'édition[12].
AuxÉtats-Unis, exceptées les librairies en ligne, les plus importantes boutiques en termes de surface et de livres disponibles dans les rayonnages tous genres confondus sont Powell's City of Books ouPowell's Books[14], établissement indépendant situé àPortland (Oregon, États-Unis)[15] etStrand Bookstore, situé àNew York, lequel est principalement spécialisé dans l'ancien et l'occasion[16],[17].
LaWorld's Biggest Bookstore située àToronto (Canada) fut, de 1980 à sa fermeture en 2014, la plus importante librairie au monde. Cependant, leGuinness World Records attribue depuis 1999 le label de plus grosse librairie en rapport à sa surface àBarnes & Noble, située à New York, sur 105Fifth Avenue, totalisant 14 330m2 et près de 21 km de linéaires[18].
Située àBuenos Aires,El Ateneo Grand Splendid a été fondée en 2000 dans un ancien théâtre construit en 1919, et est considérée par certains médias comme l'une des plus belles librairies au monde[19],[20],[21].
LeJapon a connu auXXe siècle une très importante hausse du secteur de l'édition. Le nombre de librairies par rapport à la population du pays était alors très élevé et largement au-dessus de la moyenne mondiale.
Mais depuis le début duXXIe siècle, on assiste à la suite de la baisse de la natalité et de la concurrence de la vente par internet d'ouvrages physiques et de livres électroniques à une nette baisse de nombre de librairies.
Entre 2001 et 2022, la moitié des librairies ont disparu. Selon la Japan Book Publishing Organisation, on recense 16 772 établissements en 2012 contre 11 952 en 2022 soit une perte de près de 30 %[24].
La plus ancienne librairie du monde encore en activité et n'ayant jamais changé d'emplacement est située àLisbonne auPortugal : ouverte en 1732, laLivraria Bertrand se trouve rue Garrett dans leChiado[25].
En 2020, l'Allemagne comptait environ 6 000 librairies, dont 90 % de petites structures indépendantes. D'après le Börsenverein des Deutschen Buchhandels (l'association des libraires allemands) ce chiffre n'a quasi pas bougé depuis 5 ans. Comme en France le pays a mis en place une politique de prix unique du livre[10].
LaLibrairie nouvelle d'Orléans peut être considérée comme la plus ancienne de France : souvent rachetée, jamais fermée, elle a déménagé quatre fois, et son premier propriétaire était en 1545, Étienne Rouzeau[27], qui ouvrit un local rue de l’Écrivinerie (aujourd’hui rue Pothier), face à ce qui était alors la salle des thèses de l’université[28].
Leministère de la Culture français, relayé par les différentes agences régionales du livre, a développé et soutenu ces vingt dernières années la notion de « librairie indépendante ». Sont ainsi écartés les grandes surfaces spécialisées (Fnac,Virgin, etc.), les librairies en ligne (Amazon,Chapitre,Decitre…), les hypermarchés et autres surfaces multiproduits qui peuvent avoir un rayon livres plus ou moins développé. Sont également écartées les librairies qui ne vendent que de l’ancien ou de l’occasion ainsi que les librairies internationales qui proposent des livres en langues étrangères, lesquels échappent aux lois sur le prix du livre en France. Est donc considéré comme une « librairie » un point de vente dont le livre neuf est la principale activité — ce qui permet d'intégrer certaines librairies-papeteries et maisons de la presse particulièrement importantes. La surface ou le nombre de livres proposés ne sont pas des éléments significatifs à eux seuls.
Un label LiR (Librairie indépendante de Référence) a été mis en place, officialisé par un décret publié au Journal officiel en et réactualisé en 2011. Ce label permet aux librairies de mettre en avant la qualité de leur librairie (assortiment, accueil…). Des remises commerciales et avantages commerciaux supplémentaires peuvent être accordés par certains fournisseurs (remises, délais de retour…). Les librairies répondant aux conditions de l'article du code général des impôts peuvent disposer, sous réserve, d'une exonération de la contribution économique territoriale (CET). Elles peuvent également solliciter des subventions du Centre national du livre (CNL) pour la mise en valeur des fonds en librairie (VAL)[29].
Rayonnages de livres dans une librairie parisienne en 2020.
Se pose en France un problème de définition de la librairie.
La première définition est celle de l’Insee, qui recense[Quand ?] en France un peu moins de 19 000 entreprises sous lecode APE 4761Z « Commerce de détail de livres en magasin spécialisé »[31]. Les régions de l’Île-de-France,Rhône-Alpes etProvence-Alpes-Côte d'Azur sont celles qui comptent le plus de librairies (mais aussi la plus importante population).
Les entreprises de diffusion du livre ont pour leur part adopté une segmentation en niveaux de clientèle :
le premier niveau (parfois segmenté en « librairies A » et « librairies B ») : selon les entreprises de diffusion, cette catégorie regroupe les 700 à 1 300 clients (librairies et grandes surfaces culturelles) les plus importants, soit en termes quantitatifs (chiffre d’affaires réalisé avec les éditeurs diffusés), soit en termes qualitatifs (capacité du libraire à « lancer » un titre, travail sur le fonds des éditeurs diffusés, etc.). Ces librairies représentent en moyenne de 60 % à 75 % du chiffre d’affaires des diffuseurs ; elles bénéficient de ce fait de visites plus fréquentes des représentants et des remises commerciales les plus élevées ;
les 700 à 800 hypermarchés, qui bénéficient d’une équipe spécifique de représentants ;
le deuxième niveau (4 000 à 12 000 points de vente selon les diffuseurs), qui regroupe les petits points de vente de proximité, les supermarchés et les magasins populaires ;
le troisième niveau qui comprend les très petits points de vente et les points de vente occasionnels qui n’ont pas de compte ouvert chez les distributeurs et s’approvisionnent auprès de grossistes ou des plates-formes régionales des distributeurs. En effet, une des tendances de ces dernières années est la multiplication des points de vente du livre, qu'on peut trouver aussi bien dans un magasin de bricolage, une pharmacie, un magasin de jouets.
La seconde définition est celle donnée par leSyndicat de la librairie française,« l’organisation professionnelle qui représente les librairies indépendantes au niveau national »[32], figure dans sa charte qui spécifie que, « pour être professionnel, le commerce de livres doit être directement géré par un libraire.
Le SNE comptabilise en 2024 entre 20 et 25 000 points de vente de livres (librairies, grandes surfaces culturelles, hypermarchés, supermarchés) dont plus de 3 000 librairies indépendantes[33].
Le libraire a acquis une culture qui lui permet d’avoir des connaissances suffisantes (…). Il se forme aux techniques de gestion commerciale, administrative et financière de l’achat et de la vente du livre (…). La librairie indépendante ne dépend pas d’une société ou d’un groupe financier dont la logique est, par métier, financière (…). L’indépendance est la liberté que possède le dirigeant de librairie de consacrer une partie raisonnable de ce qui pourrait être la marge bénéficiaire nette de son entreprise, à financer : la part de rotation lente du stock qui constitue son fonds de référence, et du personnel en nombre suffisant capable de choisir et de conseiller. »
↑abc etd« Libraire (boutique de) », par Robert L. Dawson, inDictionnaire encyclopédique du livre, Paris, Cercle de la librairie, 2005, tome II,p. 748-749.
↑Jean-Mamert Cayla,Histoire des arts et métiers et des corporations ouvrières de la ville de Paris depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Lagny, Vialat, 1853,p. 48 —surGallica.
↑De Claude-Marin Saugrain (1679-1750), imprimeur-libraire à Paris, issu d'une lignée remontant àJean Saugrain : il est juré de l'Université et auteur du code qui porte son nom — surdata.bnf.fr.
Vincent Chabault,Vers la fin des librairies ?, La Documentation française, 2014;Libraires épuisés, La Vie des Idées,.
Sous la direction de Patricia Sorel et Frédérique Leblanc,Histoire de la librairie française, Ed. du Cercle de la librairie, 2008
Robert Maumet,Au Midi des livres ou l'histoire d'une liberté :Paul Ruat, 1862-1938, préf. de Jean-Claude Gautier, Marseille : Tacussel, 2004.
Robert Bedon,L'économie du livre en Gaule romaine : à la recherche des libraires et des librairies, dansIdem (éd.),Les structures matérielles de l'économie en Gaule Romaine et dans les régions voisines, collectionCaesarodunum, XLIII-XLIV, Presses Universitaires de Limoges, 2011, p. 63-93.
François Hurard et Catherine Meyer-Lereculeur, La librairie indépendante et les enjeux du commerce électronique, Paris, Ministère de la Culture, 2012.
Patricia Sorel,Petite histoire de la librairie française, La Fabrique, 2021.
Jean-Yves Mollier,Histoire des libraires et de la librairie depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, Imprimerie nationale Éditions, 2021.