Ce qui oppose les libéraux-conservateurs auxlibéraux classiques, c'est un désaccord sur ce que doit être ledroit naturel[5],[6]. Pour les premiers, ledroit ne doit en aucun cas être confondu avec laloi, même s'il doit être découvert par laraison, mais consiste à dire ce qui est juste ; c'est ledroit desclassique[7]. Cela suppose un travail de réflexion de la part desjuristes, desphilosophes etpolitologues sur la nature de lavérité, du souverainbien, de la bonne société. Ledroit n'est pas connu de prime abord, aussi il doit être recherché et adapté selon les situations. Les divergences entreclassiques etmodernes se situent sur le planjuridique.
Leconservatisme apparaît comme une alternative aulibéralisme moderne[11]. C'est toute son ambiguïté : comme les hommes ont besoin à la fois d’enracinement et d'émancipation, il peut vouloir accompagner plus largement les bienfaits du libéralisme, le rendre plus protecteur à l'égard de l'émancipation sans prudence ou encore le considérer comme vicié, donc vouloir le renverser. Sauf dans ce dernier cas, leconservatisme est donc prêt à composer avec lelibéralisme. De même, il ne suffit pas qu'une société soit « ouverte », économiquement parlant, pour qu'y règne la liberté. Celle-ci suppose, outre la liberté de choisir des biens de consommation, celle de peser sur les destinées collectives. Contrairement auxlibéraux, les conservateurs libéraux ne croient pas que l'égalité et laliberté soient compatibles[12].
Dans de nombreux pays, les partis d'idéologie conservatrice ont, avec le temps, adopté des argumentsmodernes. Le terme « conservateur » plutôt que « libéral-conservateur » est souvent employé pour qualifier les personnes concernées. Dans les pays où les idées libérales sont considérées comme relevant de latradition, comme lesÉtats-Unis, leconservatisme est aussi une notion englobant la défense duconservatisme classique et dulibéralisme classique. Dans d'autres pays où les mouvements libéraux-conservateurs sont devenus des courants politiques dominants, les termes « libéral » et « conservateur » peuvent devenir synonymes (comme enAustralie, enItalie et enEspagne). En revanche, auxÉtats-Unis et auRoyaume-Uni, ces deux termes sont antinomiques, radicalement opposés. Des idéeslibérales etmodernes se sont imposées dans certaines franges conservatrices des États-Unis (lepaléolibertarianisme, lepaléoconservatisme et leTea Party sont des doctrines conservatrices défendant une postureindividualiste). Il s'agit d'une particularité américaine consistant à combiner l'individualisme méthodologique dulibéralisme classique à une certaine forme deconservatisme (les écrits deRussell Kirk renseignent sur cette tendance). Inversement, lenéoconservatisme, dominant auparti républicain, souhaite redécouvrir ledroit naturel desclassiques[16]. Les libéraux-conservateurs français rejoignent lesnéoconservateurs américains sur ce point et refusent d'accorder du crédit aulibéralisme classique[17].
Comme la mécanique sociale échappe souvent à la compréhension et au contrôle de l’homme, l’idée que l’on puisse instaurer un système parfait en mesure de gérer le social est à éviter, parce qu’elle relève tout simplement de l’utopie. Une telle pensée revendique leconcret, le réel, le continu, contre la fiction abstraite des constructions ex nihilo. On parlera plutôt descepticisme envers laraison quand celle-ci prétend percer tous les mystères du monde. Les conservateurs préfèrent plutôt lerationalisme des penseursclassiques[19]. C’est pourquoi il est aussi préférable de se conformer à ce qui existe, c’est-à-dire à l’ordre et auxtraditions engendrés par le cours de l’histoire et le travail des ancêtres. Ceci a amené naturellementMichael Oakeshott à se définir comme conservateur de la manière suivante :« être conservateur, par conséquent, est préférer le familier à l’inconnu, préférer ce qui a déjà été utilisé à ce qui ne l’a jamais été, préférer le fait au mystère, le vrai au possible, le limité au flou, ce qui est proche plus que ce qui est distant, le suffisant à l’excédent, le convenable au parfait (…) ». En effet, comme l’écritPhilippe Bénéton, la tradition constitue« cet héritage […] essentiel à l’homme parce que sa raison est faible et bornée »[20]. Irremplaçable fruit de la sagesse des générations passées, la tradition est le révélateur du caractère de chaque peuple. De plus, les libéraux-conservateurs considèrent qu'unesociété - le vivre ensemble - ne peut exister qu’à travers des ordres de moralité, c'est-à-dire où l’on distingue ce qui est dû, ce qui est permis et ce qui est interdit (retour audroit naturel ancien).
En somme, si larévolution de 1793 appelée aussi Terreur - à distinguer de larévolution de 1789[21] - se trouve tant vilipendée par les libéraux-conservateurs, c’est qu’elle représente une brisure irréparable dans ce qui avait mis des siècles à être élaboré.
Ce conservatisme, pris au sens de conservation, a - toujours - pour tâche d’entourer et de protéger quelque chose, notamment en ce qui concerne l’éducation selon les propos deHannah Arendt. Le libéralisme-conservatisme accepte le mondetel qu’il est - et ne définit pas sa lutte que pour préserver - accepte donc l’intervention d’êtres humains décidés à modifier le cours des choses et à créer du neuf.
Décentralisation, fédéralisme, et principe de subsidiarité
Pour éviter le despotisme, le libéral-conservatisme insiste sur l’importance et l'existence d’autres contre-pouvoirs - extérieurs ou intérieurs à l'État - face à l’État, en particulier le pouvoirassociatif ou pouvoirs privés, qui soient capables de limiter sa puissance, et aussi qu’ils ne soient pas la manifestation d’une démission du pouvoir politique face à des intérêts économiques.
Dans la lignée deRaymond Aron, ce courant libéral s'accommode parfois d'un État providence. Mais avec l'État providence, le lien familial se morcèle car les individus prennent l’habitude de ne dépendre que de l'État.
Italie :Forza Italia, parti italien dirigé par l'ancien président du ConseilSilvio Berlusconi. Il compte aussi une frange démocrate chrétienne et est actuellement dans l'opposition. Même s'il se réclame de ces valeurs, sa politique économique lors de la pratique du pouvoir s'éloigne du libéral-conservatisme.
Autriche :Parti populaire autrichien (ÖVP), membre minoritaire de la coalition actuellement au pouvoir enAutriche. Il compte une importante frange démocrate chrétienne.