Laleucémie aiguëlymphoblastique (LAL) est une transformation maligne et une prolifération de cellules progénitrices des lymphocytes (précurseures d'où le nom des cellules blastes) lymphoïdes de la moelle osseuse. Ces blastes envahissent par la suite le sang et les organes. Bien que 80 % des cas de leucémie aiguë lymphoblastique surviennent chez les enfants, elle touche aussi les adultes. L’incidence de la leucémie aiguë lymphoblastique suit une distribution bimodale, avec un premier pic survenant pendant l’enfance et un second vers l’âge de 50 ans. Si les traitements ont considérablement amélioré les pronostics des patients pédiatriques, le pronostic reste très sombre pour les personnes âgées. Malgré un taux élevé de réponse à la chimiothérapie d’induction, seulement 30 à 40 % des patients adultes atteints de LAL parviennent à une rémission à long terme[1]
Elle affecte essentiellement les enfants; comme son nom « aiguë » l'indique, elle apparaît brutalement, avec seulement quelques jours ou semaines entre les premiers symptômes et le diagnostic, le traitement pouvant alors débuter dans les jours ou les heures qui suivent le diagnostic[2].
Ce sont leslymphocytes (un sous groupe des globules blancs) dont le développement s'est bloqué à un stade immature ; ces cellules sont donc dans l'incapacité de protéger le sujet contre les corps étrangers, ce que font toutes les cellules normales de notresystème immunitaire. En l'absence de traitements, les blastes vont proliférer, envahir la moelle osseuse, et tous les autres organes.
C'est unemaladie rare (moins de 300 nouveaux cas par an en France[2] dont les causes sont encore inconnues. Elle n'est pascontagieuse, nitransmissible et nihéréditaire. Elle peut survenir à tout âge, chez le nourrisson comme chez la personne âgée, avec de fréquentes périodes de rémission chez l'enfant[3].
On parle de leucémies aiguës lymphoblastiques en présence de plus 20 % de cellules blastiques, exprimant des molécules membranaires B ou T[4].
La classification tient comptes de la morphologie et de l'origine des cellules leucémiques appelées blastes , identifiant ainsi deux types de LAL : la leucémie lymphoblastiqueB et la leucémie lymphoblastiqueT.La leucémie lymphoblastique B a quant à elle été divisée en deux sous-types : LAL-B avec anomalies génétiques récurrentes et LAL-B non spécifiée (ou sans autre indication)[5].
La catégorie « LAL-B avec anomalies génétiques récurrentes » est elle-même sous-divisée en fonction du réarrangement chromosomique spécifique identifié. Enfin il existe un sous groupe dans cette catégorie appelée LAL hypodiploïdes qui se diviesent en LAL hypodiploïdes à faible nombre de chromosomes et LAL hypodiploïdes avec mutations de TP53 .
Chez l’adulte, la LAL de type B représente environ 75 % des cas, tandis que la LAL de type T constitue le reste des cas. Chez l'adulte, la LAL Philadelphie-positive est la forme génétique la plus fréquente et la plus grave. La fréquence augmente avec l'âge des patients. Cette forme est rare chez l'enfant[6],[7].
Profil génomique de la leucémie aiguë lymphoblastique
En 2025, il existe 23 sous-types leucémie aiguë lymphoblastique B-cell et 17 sous-types de la leucémie aiguë lymphoblastique T basées sur leur profil génomique[8].Les anomalies chromosomiques de la leucémie aiguë lymphoblastique sont très fréquentes mais elles ne suffisent pas à elles seules à générer la leucémie.Les translocations caractéristiques incluent[9]:
translocation entre les chromosomes 12 et 21 etgène de fusion TV6::RUNX1.
translocation entre les chromosomes 1 et 19 et gène de fusion TCF3::PBX1.
translocation entre les chromosomes 9 et 22 (comme dans la leucémie myéloïde chronique avec le chromosome Philadelphie) et gène de fusion BCR::ABL1. La leucémie aiguë lymphoblastique Philadelphie positive est le sous-groupe génétique le plus fréquent de la leucémie aiguë lymphoblastique chez l’adulte, avec une incidence qui augmente avec l’âge, alors qu’elle reste rare chez l’enfant[10],[11].
réarrangement du gène KMT2A situé sur le chromosome 11q23
Plus récemment, un variant présentant un profil d’expression génique similaire à celui de la leucémie aiguë lymphoblastique Philadelphie positive mais sans la réorganisation BCR::ABL1 a été identifié. Dans plus de 80 % des cas de cette leucémie aiguë lymphoblastique dite « Ph-like », le variant présente des délétions dans des facteurs de transcription clés impliqués dans le développement des lymphocytes B et des mutations activatrices de kinases sont observées dans 90 % des LAL Ph-like[12]. ce variant représente 10 à 15 % des cas de leucémie aiguë lymphoblastique chez l’enfant et jusqu’à 20–30 % chez l’adulte jeune, avec une fréquence plus élevée dans les populations hispaniques et chez les patients plus âgés.
Un autre groupe cytogénétique à mauvais pronostic : la leucémie aiguë lymphoblastique hypodiploïde.
La leucémie aiguë lymphoblastique peut présenter des symptômes spécifiques, mais non systématique
Cependant, étant donné que le système immunitaire produit des lymphocytes atrophiés et qu'il a besoin de lymphocytes viables, il puise dans les réserves du corps pour pouvoir en produire ce qui provoque rapidement les symptômes suivants :
gonflement des ganglions (les ganglions étant le lieu de réunion des lymphocytes en vue de la purification de la lymphe avant son retour dans le sang, ils se remplissent de lymphoblastes et gonflent) ;
À l'accumulation de blaste dans le sang à la suite des manques de lymphocytes fiables :
fièvre et infection fréquentes sans raison connue ;
apparition de saignements (de nez, des gencives, des muqueuses) et d'hématomes nombreux et apparaissant au moindre choc (à la suite de la chute du nombre des plaquettes (thrombopénie)[2].
Dans de rares cas; les blastes envahissent le liquide céphalo-rachidien avec une éventuelle atteinte des nerfs et/ou desméninges[2]. La ponction lombaire pour rechercher des cellules blastiques dans le liquide céphalo-rachidien fait du protocole standard de soin.
La pathogenèse de la LAL implique la prolifération anormale et la différenciation défectueuse d'une population clonale de cellules lymphoïdes. Des études menées dans la population pédiatrique ont identifié des syndromes génétiques qui prédisposent à une minorité des cas de LAL, tels que lesyndrome de Down, l'anémie de Fanconi, lesyndrome de Bloom, l'ataxie-télangiectasie et le syndrome de Nijmegen[13],[14],[15],[16].
Le diagnostic est établi par la présence d’au moins 20 % de lymphoblastes dans la moelle osseuse ou le sang périphérique. L’évaluation de la morphologie, de lacytométrie en flux, de l’immunophénotypage et des analyses cytogénétiques est précieuse à la fois pour confirmer le diagnostic et pour la stratification du risque. Uneponction lombaire avec analyse du liquide céphalo-rachidien fait partie de la prise en charge standard au moment du diagnostic afin d’évaluer l’atteinte du système nerveux central. Si le système nerveux central est atteint, une IRM cérébrale doit être réalisée. Les autres examens incluent une numération formule sanguine avec frottis pour évaluer les autres lignées hématopoïétiques, un bilan de coagulation et une biochimie sanguine. Les taux de base d’acide urique, decalcium, dephosphate et delactate déshydrogénase doivent être enregistrés afin de surveiller un éventuelsyndrome de lyse tumorale.
L’évaluation précise du pronostic est essentielle dans la prise en charge de la leucémie aiguë lymphoblastique. La stratification du risque permet au clinicien de déterminer le schéma thérapeutique initial le plus approprié, ainsi que le moment où il convient d’envisager une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Historiquement, l’âge et le nombre de globules blancs au moment du diagnostic ont été utilisés pour stratifier les patients. L’augmentation de l’âge est associée à un pronostic défavorable. Les patients de plus de 60 ans ont des résultats particulièrement mauvais, avec seulement 10 à 15 % de survie à long terme. L’âge est en partie un reflet d’autres facteurs pronostiques, car les personnes âgées présentent souvent une maladie avec des caractéristiques biologiques intrinsèquement défavorables (par exemple, chromosome de Philadelphie positif, hypodiploïdie, caryotype complexe), davantage de comorbidités médicales et une moindre tolérance aux schémas de chimiothérapie standard ; néanmoins, il reste un paramètre utile pour orienter le traitement.
En 2023, la probabilité d'atteindre une rémission complète initiale est de ≥ 95% chez l'enfant et de 70 à 90% chez l'adulte[21]. Pour les enfants, plus de 80% des cas présentent une rémission persistante pendant 5 ans et sont considérés comme guéris[21]. En revanche, chez les adultes, moins de 50% ont une survie à long terme[21].
En, le premier traitement à base deCAR a été approuvé par la FDA américaine[26] pour le traitement des leucémies aiguës lymphoblastiques chez l'enfant et les jeunes adultes[27]. Lors des essais cliniques, 79 % des patients traités avaient survécu 12 mois après traitement. Le coût du traitement appelé Kymriah et produit parNovartis s'élève à 475 000 dollars américains et n'est facturé qu'en cas de réussite du traitement[27].
Depuis le début des années 2000 et confirmés en 2024, lesinhibiteurs de la tyrosine kinase ont révolutionné la prise en charge de la plus mortelle des leucémies lymphoblastiques aiguë : la leucémies lymphoblastiques aiguë Philadelphie-positiveDe nombreuses études ont démontré qu'un inhibiteur de la tyrosine kinase associé à des glucocorticoïdes pour l’induction, sans chimiothérapie systémique avec des rémissions hématologiques complètes chez 94 à 100 % des adultes, indépendamment de l’âge, et des effets toxiques limités[28],[29],[30],[31],[32],[33],[34],[35],[36].
L'ajout de l’anticorps monoclonal bispécifiqueblinatumomab (anti-CD19 et anti-CD3) en thérapie de consolidation a encore amélioré la réponse moléculaire et la survie.
L'association inhibiteurs de la tyrosine kinase et du blinatumomab permet une survie à long terme de 75 à 80 %, chez de nombreux patients sans chimiothérapie systémique ni greffe[37],[38],[39].
C'est la leucémie avec le taux de survie globale à 5 ans le plus mauvais : environ 23 % ( contre 80–90 % pour les autres sous-types de leucémie aiguë lymphoblastique) et un risque élevé d'échec du traitement. Le traitement repose sur lesinhibiteurs de la tyrosine kinase sur l'anticorps bispécifique anti-CD19 leblinatumomab.
La chimiothérapie se compose d'une induction, d'une consolidation et d'une maintenance à long terme, une prophylaxie du système nerveux central étant administrée à intervalles tout au long du traitement.
L'objectif de la thérapie d'induction est d'obtenir une rémission complète et de restaurer une hématopoïèse normale. La base de la thérapie d'induction comprend généralement de lavincristine, descorticostéroïdes et uneanthracycline[40],[41]. il existe de nombreux autres protocoles d'induction utilisant lecyclophosphamide, lemethotrexate, laleucovorine , lacytarabine et laL-asparaginase. Le rôle de la L-asparaginase, bien que standard dans les protocoles pédiatriques, est parfois un défi chez les adultes en raison d'un taux accru d'effets indésirables[42]. Après l'induction, les patients éligibles peuvent procéder à une allogreffe de cellules souches hématopoiétiques tandis que tous les autres passent à l'intensification/consolidation et à la maintenance[43].
La consolidation varie selon les différents protocoles, mais utilise généralement des agents similaires à ceux de l'induction et inclut une chimiothérapieintrathécale et parfois une radiothérapie crânienne prophylactique.
La thérapie de maintenance consiste en une prise quotidienne ou hebdomadaire de substance chimiothérapique de façon cyclique. La maintenance est administrée pendant 2 à 3 ans après l'induction, au-delà desquels elle n'a pas démontré de bénéfice[30].
La prise en charge initiale inclut souvent une leucoréduction parcorticoïdes, avec l’ajout éventuel decyclophosphamide ou devincristine. Lesanthracyclines sont généralement évitées chez cette population en raison de leur association avec une mortalité accrue. L’asparaginase reste un agent clé dans le traitement de la leucémie aiguë lymphoblastique. Il est généralement utilisé un protocole pédiatrique allégé.Le principal défi n’est pas d’induire une rémission compléte (une disparition des blastes), mais de la maintenir, car la chimiothérapie seule s’est avérée inefficace pour soutenir une réponse à long terme. L'adjonction de Le blinatumomab a démontré son efficacité pour traiter une rechute.
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