Créée en 1968 dansSpirou par le dessinateurLouis Salvérius et le scénaristeRaoul Cauvin sous la forme d'histoires courtes, cette série passe rapidement au format d'histoires en 44 pages. Après la mort de Salvérius en 1972, le dessin est repris parLambil. La série compte68 albums publiés[1].
En, Raoul Cauvin annonce arrêter l'écriture des scénarios de la série[2]. En, lesÉditions Dupuis annoncent de nouveaux auteurs pour le tome 65 de la série, avecBéka etMunuera[3]. En 2021, le scénaristeKris est annoncé pour reprendre la série, avec toujours Lambil au dessin, de retour après la parenthèse du tome 65[4]. Depuis 2024 (tome 68), c'estFred Neidhardt qui gère le scénario, remplaçant Kris.
Le titre de la série fait référence à lablue coat, veste bleu sombre adoptée par l'armée américaine dès laguerre d'indépendance, pour la distinguer desredcoats britanniques. Le règlement militaire de 1821 en fait la couleur nationale. Le pantalon blanc à l'européenne sera troqué en 1833 pour la tenue bleu clair avec une bande de couleur pour les officiers et sous-officiers. La tenue est portée pendant quarante ans et marque profondément l'imaginaire américain dans le mythe dela Frontière et la pacification desGrandes Plaines. Le premier régiment de dragons (cavalerie régulière) est créé en 1833[5].
Ce n'est qu'après 1870 que le bleu sera remplacé progressivement par le gris, le beige, le kaki et enfin le vert olive[réf. nécessaire].
Dessinée parLouis Salvérius et scénarisée parRaoul Cauvin, la série a été publiée à partir du dansLe Journal de Spirou. Elle est ensuite parue en albums aux éditionsDupuis à partir de 1972 et compte en 2019 soixante-trois épisodes.
À l'origine, il s'agissait d'une série uniquement comique dont Salvérius dessinait les personnages de façon ramassée et avec de gros nez. Toutefois, dès le second album qui se déroule pendant laguerre de Sécession, il adopte un style plus réaliste, manière selon lui de ne pas prendre à la légère cet épisode tragique de l'histoire. À la mort de Salvérius en 1972, en plein milieu de l'épisodeLes hors-la-loi (rebaptiséOutlaw pour la sortie en album), la série est reprise parWilly Lambil qui accentue encore plus l'aspect « semi-réaliste » du dessin. Cette bande dessinée est donc aujourd'hui le résultat d'un étrange mélange : si les deux personnages principaux ont conservé leur gros nez des origines, les autres personnages ainsi que les décors sont dessinés de manière réaliste avec des proportions respectées et des hachures pour souligner les volumes. Toutefois, les planches restent coloriées en aplats de couleur dans la tradition stylistique des séries humoristiques de labande dessinée franco-belge.
Ce mélange très particulier se révèle d'autant plus réussi qu'il est au service d'un message pacifiste et antimilitariste dont la détermination et la violence de la condamnation ne sont que mieux mises en valeur par l'aspect humoristique des personnages ; selonHenri Filippini, la saga est« un cri contre la bêtise humaine »[7]. Entre le sergent Chesterfield, le grand simplet en quête de gloire, et le caporal Blutch, le petit rusé antimilitariste, se nouent des rapports d'amitié et d'antagonisme qui véhiculent sur le mode comique, un message dénonçant l'illusion de l'héroïsme et la cruauté de la guerre. Créée à la fin des années 1960, cette série connaît une longévité étonnante. Elle est« parmi les séries les plus populaires de la BD franco-belge[8] ». En 2015, les ventes d'albums pour la série totalisaient 21,5 millions d'exemplaires et« cette série compte parmi les 20 plus gros tirages de la bande dessinée francophone[9] ». Patrick Gaumer y voit« un western antimilitariste » qui s'est imposé« comme l'une des séries les plus réussies du genre[10] ».
Une vision purement amérindienne présenterait certainement une dissonance avec le ton « antimilitariste » et « pacifiste » de cette série, étant entendu que les premières victimes des Tuniques bleues ont été les Amérindiens, massacrés par laCavalerie américaine, et cela bien loin des tourments « antimilitaristes » et « pacifistes » des héros américains de la série.
Dans une interview[11], Cauvin dit se documenter auprès de diverses sources (presse, radio, télévision, Internet) ; pour des informations pointues, il s'adresse à laConfederate Historical Association of Belgium (Association historique confédérée de Belgique). Les lecteurs lui suggèrent parfois des idées intéressantes. Lambil, quant à lui, citeThe Commanders of The Civil War, de l'historienWilliam C. Davis, les recueils de photographies deFrancis Trevelyan Miller(en) et le livre deLaurence HarléLa Cavalerie Américaine. Le dessinateur reconnaît certaines approximations : Blutch et Chesterfield vêtus enfantassins, lesphotographies sur papier (les surfaces sensibles souples ne sont inventées qu'en 1884), lebarbelé (brevet déposé aux États-Unis en 1874) et ladynamite (brevet déposé en 1867).
La collectionLes tuniques bleues présentent, qui réunit par thème les albums déjà parus,« met en valeur le travail de recherche des auteurs (croquis, documents historiques…) et permet d’enrichir la lecture des albums présentés en mettant en perspective leur contenu[9] ». Dix tomes, parus ou prévus, développent les thèmes suivants : les grandes batailles, les chevaux, les personnages réels (en deux volumes), les Indiens, la photographie, les enfants dans l'armée, la guerre navale, les femmes dans l'armée, et les voyages.
L'histoire s'inspire aussi de différentswesterns, et de la sérieLucky Luke qu'elle devait initialement remplacer dansSpirou[12] après le départ deMorris chezPilote.
LesTuniques bleues étant le nom donné par les Amérindiens aux troupes de cavalerie qui maintenaient l'ordre dans l'Ouest américain, les aventures des héros commencent d'abord dans l'Ouest, puis continuent dans l'Est et la guerre de Sécession, avec quelques retours sur le terrain de leurs premières armes. D'après Gaumer, les deux protagonistes sont entourés de« quelques personnages secondaires des plus réussis[10] ».
Cornélius M. Chesterfield : sergent au22e de cavalerie, roux, plus costaud que son subordonné préféré, ses parents sont toujours vivants (Blue rétro,no 18). Son père, Joshua, a d'après lui fait labataille d'Alamo où il a reçu six médailles, semble-t-il comme trompette (du moins c'est ce qu'il raconte à qui veut l'entendre). Il est désormais dans un fauteuil roulant du fait d'une blessure reçue en tombant d'une échelle (il était blanchisseur du camp). Avant de s'engager, Chesterfield était garçon boucher chez M. Graham. Il a d'ailleurs failli épouser la fille de son patron, avant de rencontrer Blutch puis de s'engager dans l'armée. Il fera un passage à Fort-Bow au début de la série, dans tous les albums de Salvérius et plus rarement dans ceux de Lambil. Il est très amoureux d'Amélie, la fille du colonel Appeltown. Il a deux cousins qui, malheureusement pour lui, se sont engagés chez les sudistes. Il voue un culte à l'armée, déteste par-dessus tout les déserteurs, et rêve d'avoir cicatrices et décorations, même s'il a plus souvent les premières que les secondes. Il respecte envers et contre tout le grade supérieur, sauf si Amélie Appeltown est dans les parages… D'après Cauvin, le personnage s'inspire de son frère Robert,« très cocardier »[11]. D'après le journaliste Jacques Schraûwen, Chesterfield« est la représentation vivante, et ronde, de la soumission au pouvoir[13] ».Patrick Gaumer, spécialiste de la bande dessinée, voit en lui un personnage« gros et pas très futé (qui) recherche toujours les honneurs[10] ».
Tripps est un personnage récurrent apparu dans les premiers albums. Il a deux dents en avant et un air simplet. Créé par Salvérius et Cauvin, il est souvent au côté de Bryan, ou encore Plume d'argent. Outre les premiers albums, il apparaît aussi dansLe Blanc-bec ouBaby Blue.
Amélie Appeltown : grand amour de Chesterfield, non partagé (quoique le doute soit permis dans certains des derniers numéros). Depuis le début de la série, Chesterfield est follement amoureux d'Amélie. Ses prétendants réels ou imaginaires (son frère, Tripps, Blutch) sont écartés sans ménagement. Elle se marie presque avec Blutch dansMariage à Fort Bow (no 49).
Interviennent également de temps à autre des personnages hauts en couleur comme le généralUlysses S. Grant et d'autres généraux célèbres tels queRobert Lee,George McClellan ou même le présidentAbraham Lincoln (personnellement ou par procuration), et d'autres personnages historiques.
Lors des retours à Fort Bow, les anciens amis de nos deux héros à Fort Bow, Bryan, Tripps et Plume d'Argent sont toujours présents. Bryan est le dernier des trois à s'être engagé. Plume d'Argent est un indien de la tribu desPueblos.
Georges Appletown : frère d'Amélie, il apparaît pour la première fois dans l'albumLe Blanc-bec où Chesterfield le prend pour un rival dans son désir d'épouser Amélie et va pour la première fois ne pas respecter le grade de son « adversaire » en en venant aux mains. Son grade est lieutenant mais son rêve est de faire de la politique à la fin de la guerre. Il participe également à deux ou trois charges du capitaine Stark pour punition pour avoir blessé Lune d'Argent (fils de Loup gris) dans l'albumLe Blanc-bec. Sa dernière apparition se fait dans l'albumDes Bleus et du blues où il est devenu aide de camp du général Grant.
Horace : officier supérieur qu'on retrouve souvent aux côtés du général Alexander, parmi les autres officiers de l'état-major. Doté d'une barbe rousse fournie, c'est un personnage secondaire, qui sert souvent de confident ou d'interlocuteur à Alexander ou Stilman.
Nombres d'albums mettent en valeur des faits historiques de laguerre civile américaine, d'autres aventures ont pour cadre un lieu ou une bataille anonyme. Certains récits relatent une rencontre avec une tribuamérindienne sans qu'il y ait de rapports avec la guerre de Sécession. On constate cependant que la chronologie des albums ne suit pas celle de la guerre, mais plusieurs albums sont enflashback, retraçant le passé de nos deux protagonistes, éventuellement raconté par l'un d'eux (par exempleBull Run) ou par un autre personnage (Vertes Années).
De à, lemusée du Cheval de Chantilly expose 25 dessins originaux de l'albumL'Étrange Soldat Franklin. En effet,« cette série militaire au temps de la guerre de Sécession fait la part belle aux représentations du cheval[14] ».
Les Tuniques Bleues ont fait l'objet d'une adaptation enjeu vidéo, en 1989 parInfogrames (appeléNorth and South). En, le jeu a été ré-adapté parAnuman Interactive en un jeu multijoueurs disponible sur différentes consoles[15]. Sortie en novembre 2020 de la réédition du jeuNord vs Sud, sur Nintendo Switch, PS4, Xbox One, PC, Mac[16].
Brieg F. Haslé et Nicolas Thibaudin,Les Tuniques bleues, la collection, édition spéciale des 55 tomes (dossiers de 8 pages), Hachette Collections, 2011-2012.
PatrickGaumer, « 22, v'la les Tuniques bleues / Interview : les invités du spécial »,Historia, Hors-série : La véritable histoire des Tuniques bleues,no 39,(lire en ligne)