Pour les articles homonymes, voirTrepper.
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Leopold Zakharovitch Trepper, né le àNowy Targ, enPologne (à l'époqueAutriche-Hongrie), et mort le àJérusalem, aliasLeiba Domb, « Jean Gilbert » et « Le Grand Chef », est un organisateur politique polonais et un espionsoviétique lié à l'un des réseaux connus sous le nom d'Orchestre rouge.
Plusieurs historiens mettent en doute le fait que Trepper et son réseau qu'il avait fondé aient fourni une quelconque information stratégique à l'Union soviétique et l'accusent d'avoir été un « imposteur » ayant livré de lui-même aux nazis une grande partie de son réseau.
Il naît le àNowy Targ, enGalicie (à l’époque enAutriche-Hongrie), dans une famille juive polonaise. Au décès de son père, en1917, la famille reste sans le sou, alors que letraité de Versailles place la Galicie dans le territoirepolonais naissant. Dès sa jeunesse, il milite dans l’organisation de gauche de la jeunesse juive, favorable au sionisme :Hachomer Hatzaïr.
En 1920, il accède à la direction centrale du mouvement. Il quitte la même année le lycée où il était scolarisé et devient apprenti chez un horloger. En 1921, sa famille s’installe àDombrowa enSilésie, où il découvre la condition ouvrière. En 1923, il estl’un des meneurs de la grève générale deCracovie[réf. nécessaire], contre laquelle le gouvernement polonais fait donner, pour la réprimer, ses régiments de cavalerie. Il est contraint de se cacher puis est emprisonné avant de quitter le pays.
En 1924, avec une dizaine de membres d'Hashomer Hatzaïr, Trepper part enPalestine, alors terre sous mandat britannique depuis 1922 par décision de la Société des Nations. En 1925, il adhère au jeuneParti communiste palestinien, fondé en 1923 à partir de deux partis communistes, l'un juif et l'autre arabe, créés en 1920 et 1921. Son objectif est d’unir l’action des Juifs et des Arabes contre les occupants britanniques. En 1928, après avoir été arrêté par la police britannique, il passe en jugement, est enfermé à la prison deSaint-Jean-d'Acre et, à l'issue de son emprisonnement, est expulsé par les Britanniques. Libéré, il se rend alors enUnion Soviétique, où il est recruté par la direction générale du renseignement de l'Armée rouge, leGRU. Il est ensuite envoyé enFrance, où il prend contact avec leParti communiste français. À Paris, il exerce divers métiers. Il crée un hebdomadaire en langueyiddish :Die Morgen.
En 1937, Trepper est un des agents placés sous l'autorité personnelle du directeur du GRU,Ian Berzine. AvecAnatoli Gourevitch, autre espion soviétique, il met en place à partir de 1938 un réseau d’information entre laBelgique et la France, appuyé par quelques-uns de leurs camarades ayant participé à ses activités en Palestine britannique, notamment Hillel Katz. Ils appliquent l'idée de Berzine : fonder une entreprise commerciale avec une façade hautement respectable et des clients allemands (souvent institutionnels) qui servent de caution morale et fournissent de plus l'occasion (et les modes de transport) de déplacements professionnels ; par ailleurs, les profits commerciaux donnent une indépendance financière aux espions, les aident à maintenir un train de vie qui éloigne les soupçons et subviennent aux besoins du réseau[1]. Cette entreprise est « le Roi du caoutchouc », société sise rue Royale àBruxelles, qui développe un commerce d'imperméables en liaison avec la Suède. Après l'occupation par les Allemands de la Belgique en mai 1940, Trepper lancera même des affaires avec l'armée allemande, tandis que le siège clandestin de son réseau,rue des Atrébates à Bruxelles, centralise tout renseignement sur l'activité politique et militaire de l'Allemagne à partir d'informations collectées jusqu'à Berlin, mais aussi à travers l'Europe occupée. Toutes ces informations sont envoyées à Moscou par radio (non en phonie), en langagemorse codé.
Les Allemands, qui en connaissent l'existence sans pouvoir en découvrir le siège, donnent au réseau le surnom de « Rote Kapelle » (en français,Orchestre rouge) par référence au « concert » d'émissions radios clandestines alimentant Moscou en informations qu'ils entendent chaque nuit, mais dans des conditions qui en rendent le repérage difficile et dans un code qu'ils ne parviennent pas à percer ; les émetteurs sont appelés « boîtes à musique » et les opérateurs « pianistes ».
L'Orchestre rouge désigne à la fois les réseaux berlinois dirigés parHarro Schulze-Boysen etArvid Harnack et le réseau franco-belge de Trepper (secondé par un autre officier du GRU :Anatoli Gourevitch).
Quelques mois avant l'opérationBarbarossa dejuin 1941, Trepper parvient à envoyer des informations précises àMoscou sur la date de l'attaque[2]. D'autres espions soviétiques, commeRichard Sorge etAlexandre Radó, ont, eux aussi, délivré la même information, maisStaline croit à une intoxication de la propagande britannique : il néglige de mettre l'Armée rouge en état d'alerte.
Mais l'« Orchestre rouge » est démantelé fin 1941 et durant l'année 1942 par le service militaire allemand de contre espionnage, l'Abwehr, qui a su profiter d'une imprudence de Moscou permettant de situer le lieu des émissions dans un quartier de Bruxelles. Pour le professeur d'histore Guillaume Bourgeois, le démantèlement est davantage lié à une série de bévues commises par Trepper[3]. Un repérage par camion à radiogoniométrie localise la rue des Atrébates à Bruxelles, ce qui permet aux Allemands de réussir un coup de filet en arrêtant plusieurs membres du réseau. Trepper, qui était absent au moment de la descente de la police allemande, survient alors que la maison est gardée par des soldats. Payant d'audace, il se fait passer pour un colporteur avec un talent de simulation tel qu'il est éconduit par une sentinelle[réf. nécessaire]. Mais il sera finalement arrêté le.
Plusieurs témoins, auteurs et historiens affirment que Trepper a livré de lui-même les hommes et les femmes de son réseau à la Gestapo[4]. Selon la version de Trepper, laGestapo tente d’en faire unagent double, mais il serait parvenu à informer le GRU de ce retournement. En réalité, leKriminalratHeinz Pannwitz, également capitaine S.S., avait mis au point un plan d'intoxication de Moscou appeléFunkspiel et basé sur l'ambiguïté de possibles négociations de paix avec tour à tour l'Ouest et l'Est.
Par la suite, transféré en France, Trepper parvient à s’échapper en. Au cours d'un transfert en voiture à travers Paris, ayant su gagner la confiance de certains Allemands, il obtient de pouvoir s'acheter un médicament dans une pharmacie parisienne, située près de la gare Saint-Lazare ; mais la pharmacie, en plus de l'entrée principale, a un deuxième accès et Trepper parvient à filer[réf. nécessaire]. Il va se cacher dans la « Maison Blanche », maison de retraite deBourg-la-Reine avec une pseudo garde-malade, Madame Ray, qui est arrêtée. Mais il parvient encore à fuir grâce à l'aide de deux Belges membres de la Résistance à Paris,Suzanne etClaude Spaak. La directrice de l'établissement, Madame Parrend et son adjointe, ignorantes des occupations de Trepper, sont déportées en Allemagne. Et Trepper réapparaît dans larésistance intérieure française après lalibération de Paris, tandis queSuzanne Spaak, qui s'est réfugiée à Bruxelles, y est arrêtée et est fusillée à Paris, peu avant l'arrivée des troupes alliées. L'amie de cœur que Trepper avait trouvé le temps de conquérir à Bruxelles, Georgie de Winter, est déportée dans plusieurs camps successifs, mais survit pour aller finir ses jours dans le midi de la France. Elle ne reverra jamais Trepper.
La guerre achevée, les autorités soviétiques rappellent Trepper enRussie pour examiner la totalité de ses activités. Il est condamné par les autorités soviétiques pour haute trahison[3] et purge une dizaine d'années d'emprisonnement à laLoubianka. Il évite l'exécution grâce à des amis bien placés, mais reste en prison jusqu'en 1955, deux ans après la mort de Staline.
Libéré, il retourne enPologne avec son épouse Luba (qu'il avait connue en Palestine entre 1924 et 1928), dont il a trois fils. Il devient dirigeant d'une association culturelle juive.
En 1954, il rencontre l'historienGilles Perrault, auquel il donne sa version des événements, lui affirmant avoir berné les Allemands[3]. En 1967, Perrault publie son livre-enquête sur l'Orchestre rouge, qui devient un best-seller et fait connaître Trepper au grand public occidental. Après laguerre des Six Jours et l'aggravation de l’antisémitisme en Pologne, Trepper effectue des démarches afin émigrer enIsraël. Trois ans après sa demande, le gouvernement polonais accepte de lui donner l'autorisation de se faire soigner à Londres[5].
Trepper s'installe avec sa famille au grand complet àJérusalem en 1974. En 1975, il publie sonautobiographie,Le Grand Jeu. Il meurt le à Jérusalem et est enterré au cimetière situé au Mont de Répits.
La vie et l'action de Trepper telles queGilles Perrault et lui-même les ont présentées et popularisées sont fortement mises en doute. En avril 1972, Jean Rochet, directeur duservice de renseignement français (DST), met en avant le « comportement des plus suspects de Trepper après son arrestation par l'Abwehr à la fin du mois de novembre 1942[6] ». Il se fonde sur un rapport de l'Abwehr, le service de renseignement nazi, et cite notamment trois auteurs qui, en 1956, 1962 et 1970, ont accusé Trepper d'avoir trahi ses camarades pour échapper à la torture et à la mort : David J. Dallin[7], J.R.D. Boucart[8] etHeinz Höhne[9]. Il cite également un entretien avec André Moyen, ancien officier du contre-espionnage belge, paru dansLa Libre Belgique du 31 octobre 1972, qui lance des accusations « d'une extrême gravité » contre Trepper.
Trepper dépose plainte contre Jean Rochet pour diffamation publique en juin 1972. Le Tribunal de grande instance de Paris condamne le 30 novembre 1972 le directeur de la DST à 1 000 francs d'amende et 1 franc de dommages-intérêts. Le 13 juin 1973, laXIe chambre de la Cour d'appel de Paris annule le jugement et se déclare incompétente à statuer sur les actions publiques et civiles[10]. Saisie par Trepper et Rochet, la Cour de cassation renvoie l'affaire au Tribunal de grande instance de Versailles le 7 janvier 1975. Cependant, après le départ de la DST de Jean Rochet et contre son avis, le ministre de l'Intérieur préfère mettre un terme à la polémique par un échange de courriers avec les défenseurs de Trepper en février 1975[11].
La responsabilité de Trepper est notamment mise en cause dans l'arrestation deHenri Robinson, responsable du service de renseignement de l'Armée rouge (GRU) pour la France depuis les années 30. Celui-ci fut arrêté en décembre 1942, puis torturé par la Gestapo et finalement exécuté en 1944[12].
Le professeur d'histoireGuillaume Bourgeois, dans son ouvrage consacré à l'Orchestre rouge en 2015, affirme pour sa part que l'Orchestre rouge n'a fourni aucune information capitale concernant l'appareil de guerre national-socialiste et accuse Trepper d'avoir été « un super-menteur, fondamentalement un imposteur qui, par accident, devient un héros alors qu'il ne le méritait pas du tout »[4]. Guillaume Bourgeois dans son ouvrage consacré à l'Orchestre rouge (2015) affirme que Trepper a livré de lui-même les hommes et les femmes de son réseau[4] notammentHenri Robinson, qu’il n’apprécie que peu[2]. Quand Trepper est arrêté, son double jeu met également en danger le réseau du PCF, qui avait encore des émetteurs non découverts pouvant transmettre des renseignements en Union soviétique, et ses responsables, commeFernand Pauriol, qui dirige le centre de communication et qui tombe alors dans les mains de la gestapo[2].