Pour les articles homonymes, voirChat noir (homonymie).
| Type | Cabaret derevue |
|---|---|
| Lieu | Paris |
| Inauguration | Novembre 1881 |
Le Chat noir ouChat-Noir[1] est un célèbrecabaret deMontmartre fondé en novembre 1881 parRodolphe Salis, qui fut aussi à l'origine de la revue hebdomadaire du même nom, et disparu en 1897.
Unegoguette, laGoguette du Chat-Noir, se réunissait dans ce cabaret.
Deux ans après la mort de Rodolphe Salis survenue en 1897, le cabaret est racheté par le chansonnier montmartroisHenri Dreyfus dit Fursy et rebaptiséLa Boîte à Fursy[2].
Situé au pied de la butteMontmartre au 68,boulevard de Clichy dans le18e arrondissement de Paris, le cabaret du Chat noir fut l'un des grands lieux de rencontre duTout-Paris et le symbole de laBohème à la fin duXIXe siècle. Animé par le peintre catalanPere Romeu[3], le lieu, célèbre pour sesombres chinoises, est le précurseur d'Els Quatre Gats, àBarcelone, fréquenté parPicasso[4].


Fils d'un limonadier deChâtellerault,Rodolphe Salis (1851-1897), arrivé à Paris en 1872, gagna d'abord médiocrement sa vie comme artiste en fabriquant des objets de piété, avant de concevoir l'idée d'associer art et débit de boisson. Il imagina de créer un café« du plus purstyle LouisXIII… avec un lustre en fer forgé de l'époque byzantine et où les gentilshommes, les bourgeois et manants seraient dorénavant invités à boire l'absinthe habituelle deVictor Hugo (celle que préféraitGaribaldi) et de l'hypocras dans des coupes d'or ».
En réalité, le Chat noir, ouvert en novembre 1881, commença par servir du mauvais vin dans un décor sommaire, mais déjà, à la porte, les clients étaient accueillis par unsuisse splendidement chamarré, couvert d'or des pieds à la tête, chargé de faire entrer les peintres et les poètes tout en laissant dehors les « infâmes curés et les militaires ». Le premier Chat-Noir était situé dans deux petites pièces,boulevard de Rochechouart. Il dut son nom à unchat noir perdu sur le trottoir que Salis trouva pendant les travaux. Progressivement, le décor fut amélioré pour donner un aspect pseudo-historique évocateur de l'époque deRabelais.
Salis avait rencontré, quelque temps auparavant,Émile Goudeau qu'il avait convaincu de transférer sesHydropathes, qui se réunissaient sur la rive gauche, dans son établissement. Très rapidement, les poètes et les chansonniers qui se produisaient au Chat-Noir attirèrent la meilleure clientèle de Paris. On venait avant tout pour les réparties spirituelles qui fusaient souvent aux dépens des clients, interpellés d'un « Tiens, t'es finalement sorti de prison ? » ou d'un « Qu'est-ce que t'as fait de ta poule d'hier ? » à un nouveau client visiblement accompagné de sa femme.Un soir, le futur roiÉdouard VII y fut apostrophé en ces termes : « Eh bien regardez-moi celui-là : on dirait le prince de Galles tout pissé ! »[réf. nécessaire]
On trouvait au Chat-Noir les peintresWillette,Henri Pille,Nestor Outer, les chansonniersAristide Bruant (qui créa la chanson emblématiqueLe Chat noir),Jules Jouy,Léon Durocher,Pierre Trimouillat,Dominique Bonnaud,Jean Goudezki et son ami l'humoristeAlphonse Allais et les poètesGeorges Lorin,Charles Cros,Albert Samain,Maurice Rollinat,Maurice Mac-Nab,Jean Richepin,Jean Floux, etc.Léon Bloy, cousin d'Émile Goudeau, fut un habitué. Il publia dans laRevue du Chat-Noir de nombreux articles de critique littéraire repris pour la plupart dans sesPropos d'un entrepreneur de démolitions (1884). Rodolphe Salis eut l'idée d'installer un piano, ce qui était une première dans uncabaret, de sorte que la chanson de cabaret vit véritablement le jour au Chat-Noir[5].


Le succès aidant, Salis transféra le cabaret dans un immeuble de trois étages situé à proximité au 12, rue de Laval (aujourd'huirue Victor-Massé). Dans les différentes salles, il fit réaliser des décors pseudo-historiques, sous l'égide d'illustrateurs tels queHenri Rivière etCaran d'Ache. Il créa également, avec l'aide d'Henri Rivière, un théâtre d'ombres en couleurs sur lequel furent donnés de véritables petits chefs-d'œuvre dont la musique était composée parGeorges Fragerolle. Il déménagea peu après pour s'installer au 68,boulevard de Clichy.
L'établissement de la rue de Laval déploie toute l'identité éclectique et pittoresque voulue par Salis. Deux grosses lanternes dessinées parEugène Grasset, de style néo-médiéval, ornent le premier étage de la façade. Au deuxième étage, au centre de la façade, un énorme blason place un chat noir en terre cuite, réalisé parAlexandre Charpentier, au centre d'une « gloire » d'autel, affectant la forme de rayons de soleil dorés. À l'extrémité est de la façade, l'enseigne proprement dite, en tôle peinte, est un chat noir assis sur un croissant de lune argenté, dessiné par Willette[6]. À l'intérieur, les vitraux illuminant la grande salle du rez-de-chaussée sont l'œuvre d'Adolphe Willette, et évoquent l'épisode biblique duveau d'or[6]. Sur les murs sont accrochés des dessins de plusieurs artistes, parmi lesquels Rodolphe Salis lui-même,George Auriol,Henri Rivière,Steinlen,Somm etCaran d'Ache. Parmi les artistes se produisant au Chat-Noir, la célèbre Betty fut immortalisée par le peintreHenri-Lucien Doucet en 1889.
Le Chat-Noir fut, selonLaurent Tailhade,« L'Assommoir et laDivine Comédie amalgamés » et, selonJean Lorrain,« l'olla-podrida de tous les styles et de toutes les extravagances, le « décrochez-moi-ça » de la brocante artiste, de tout un quartier de rapins et de poètes, un musée picaresque et baroque de toutes les élucubrations de bohèmes venues s'échouer toutes là durant vingt ans, de toutes ces épaves : le mauvais goût le plus sûr à côté de trouvailles exquises ; statuettes polychromes et fresques de Willette ; envolées de nudités graciles et perverses, fouettées de roses et nimbées d'or, et hiboux empaillés, fers forgés et chats de faïence ; vitraux allégoriques, étourdissants de couleur et de cruelle modernité, et bas-reliefs enluminés ; musique de Delmet et chansons de Xanrof…Le Chat-Noir, l'hostellerie artistico-commerciale du gentilhomme Salis, seigneur de Chatnoirville-en-Vexin, où d'une main bénissante un malin compagnon à moustaches de reître débitait des chansons, des sonnets, des pochades, des œufs durs et des bocks assaisonnés de gloire dans le décor le plus miraculeusement truqué. »
De nombreux cabarets de par le monde ont pris ce nom depuis. En son temps, le Chat-Noir connut des imitations dont la plus célèbre fut L'Abbaye de Thélème,place Pigalle, créée parJules Roques. Le très fameux bal qui ouvre chaque année la saison ducarnaval de Dunkerque porte en l'honneur du cabaret parisien le nom de « Bal du Chat-Noir ».
L'enseigne du Chat-Noir dessinée parAdolphe Léon Willette, en tôle peinte, qu'on peut apercevoir sur le dessin deRobida montrant l'extérieur du cabaret, est aujourd'hui conservée aumusée Carnavalet à Paris[7].
En 1939, le cabaret possède une enseigne au néon figurant le chat noir sur la lune, inspirée de l'enseigne créée par Willette[8].
La chansonAu Chat-Noir, écrite et chantée parAristide Bruant[9], met en scène les tribulations — embrumées au fil des couplets par une dose croissante d'alcools variés — d'un promeneur parisien qui« cherche fortune tout autour du Chat-Noir, à Montmartre le soir[10] », son refrain a été repris dans une autre version aux paroles plus surréalistes, qui était un classique des monômes d'étudiants jusqu'aux années 1960[11].

Également connu sous le titre « La Revue illustrée du Chat noir »[12], cet hebdomadaire est créé par Rodolphe Salis et Émile Goudeau pour assurer la promotion du cabaret. 688 numéros paraissent du à mars 1895, puis 122 numéros supplémentaires dans une seconde série dont le dernier est publié le[13]. Elle incarne l'esprit « fin de siècle » et a pour collaborateurs les chansonniers et les poètes qui se produisent dans le cabaret ainsi que les artistes qui l'ont décoré :Caran d'Ache y donne des scènes militaires etWillette desPierrots et desColombines.
Le Chat noir fut un des premiers à publier de petits articles deJean Lorrain. On y trouve la signature d’auteurs célèbres commePaul Verlaine,Jean Richepin ou encoreLéon Bloy, le tout illustré, entre autres, parThéophile Alexandre Steinlen.
Jules Roques, qui avait imité le cabaret du Chat-Noir au café-cabaretL'Abbaye de Thélème, imita également la revue avecLe Courrier français.

On compte encore parmi les collaborateurs de la revueLe Chat noir les illustrateurs suivants :Döes,Fernand Fau, Nestor Outer, Godefroy,Uzès,Poirson,Gustave Verbeck,Marcel Capy,Lucien Pissarro ou encoreHenri de Sta[16].
Une légende autour du Chat noir est née dans le milieu ésotérique français après la publication en 1930 desDemeures philosophales de l'alchimiste fictifFulcanelli. Le cabaret aurait été jusqu'à la mort de Salis« un centre ésotérique et politique » qui aurait attaché une grande importance à toute une série de symboles soigneusement dissimulés[17].
L'orientation « homosexuelle » du lieu (on parlait encore de « pédérastie » ou d'« inversion » à l'époque) fut également suggérée, et cela du fait notamment de la présence régulière dePaul Verlaine,Jean Richepin,Jean Lorrain ou de l'étrangeLouis Le Cardonnel – un jeune poète intime de Verlaine et futur prêtre. Mais cette orientation était fréquente alors dans les lieux interlopes et artistiques de ce type[18].
Le cabaret est vraisemblablement resté célèbre notamment grâce à l'afficheTournée du Chat noir créée parThéophile Alexandre Steinlen en 1896, qui fait l'objet de nombreuses reproductions. Elle est ainsi devenue un des symboles parmi tant d'autres du pittoresque parisien, et son image se retrouve dans quantité de produits dérivés vendus dans les magasins touristiques de la capitale française.
De nombreuses références graphiques à l'affiche ont été faites par divers artistes depuis, ainsi que des citations directes. L'artiste contemporainChanoir a par exemple choisi son pseudonyme en référence à elle.
Le cabaret du Chat-Noir apparaît dans plusieurs films, dontMessieurs les ronds-de-cuir d'Henri Diamant-Berger, d'après le roman deGeorges Courteline.
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