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Las Sinsombrero (les « Sans-chapeau ») est un groupe d'artistesespagnoles d'avant-garde desannées 1920, considéré comme le pendant féminin de laGénération de 27 et perçu aujourd'hui comme l'un des mouvements précurseurs desdroits des femmes en Espagne.
Le nom de ce courant artistique provient du geste d'ôter son chapeau en public, marqueur social et de genre, à la suite d'un épisode du Madrid des années 1920 à laPuerta del Sol, évoqué parMaruja Mallo, l'une des fondatrices du groupe :
« Tout le monde portait un chapeau, c’était quelque chose comme un marqueur de différence sociale. Mais, un beau jour, il nous prit, àFederico, àDalí, àMargarita Manso, étudiante elle aussi, et à moi, d’enlever notre chapeau, et quand nous avons traversé laPuerta del Sol, [les gens] nous jetaient des pierres, en nous traitant de tous les noms, comme si nous avions fait une découverte, comme Copernic ou Galilée. C’est pour cela qu’ils nous insultaient, parce qu’ils pensaient que se dépouiller de son chapeau était comme une manifestation qui ne convenait pas à notre sexe. »
— Patricia Mayayo -Université Autonome de Madrid[1].
Dans le contexte de la dictature deMiguel Primo de Rivera, ce geste symbolise la rébellion à l'ordre établi, spécialement pour les femmes[2]. Ôter le chapeau correspond ici à abandonner lecorset, symbole de la lutte desdroits des femmes et de la volonté de ne pas se cantonner au rôle d'épouse et de mère[3].
Après le traumatisme de la perte de ses dernières colonies (Cuba,Philippines etPorto Rico), l'Espagne plonge dans une profonde crise nationale qui appelle à de grands changements économiques, politiques et intellectuels. La question féminine, mise en exergue par le rôle des femmes en Europe durant laGrande Guerre, fait partie du débat de cette nouvelle Espagne[4].
Dans ce contexte sont effectivement apparus les mouvements féministes etsuffragistes. La demande de participation des femmes à la vie publique, économique, scientifique, sociale, intellectuelle et artistique s'intensifie, avec l'engagement de personnalités telles que l'avocateConcepción Arenal, la pédagogueJuana Whitney, la journalisteDolors Monserdà, ou encore la musicienne révélée parVictor Hugo,Clotilde Cerdà, militante contre l'esclavage[5], et l'écrivaineAurora Beltrana, grande voyageuse, qui ouvrent laCatalogne aux enjeux sociétaux et géopolitiques contemporains[6].
Au niveau artistique, Las Sinsombrero sont le fer de lance de ce processus, comme le sont les femmes de laGénération de 14 dans la vie publique, avec des personnalités commeClara Campoamor,Victoria Kent ouCarmen de Burgos[7].
Bien qu'elles soient très différentes les unes des autres, les membres de Las Sinsombrero se retrouvent dans beaucoup d'aspects. Les relations entre elles sont très étroites, s'étendant même à des femmes de la génération précédente, pour s'unir dans une lutte commune. Elles se retrouvent dans de nombreuses réunions et publications. Ainsi, dans la presse, les journaux laRevista de Occidente ouLa Gaceta Literaria, deviennent des points d'échanges culturels. Les nouveaux lieux madrilènes féministes, comme laResidencia de Señoritas, leLyceum Club Femenino ou l'Asociación Española de Mujeres Universitarias, ainsi qu'à Barcelone auLyceum Club animé par la musicienneAurora Bertrana[8], permettent d'échanger et de défendre l'égalité des droits[9].
Las Sinsombrero revendiquent un rôle individuel, mais également une influence sur la vie qui les entoure. Elles écrivent, participent aux rencontres culturelles et revendiquent la féminisation en demandant l'emploi, par exemple, des termes deautora (auteure),escritora (écrivaine),pintora (peintre) et les imposant définitivement dans la langue espagnole académique. Elles représentent un profil féminin moderne et émancipé. Elles sont indépendantes, intellectuelles, peuvent fumer : des traits auparavant réservés aux hommes[10].
L'Espagne devient ainsi moteur de cette aspiration féminine en Europe, réaffirmée et soutenue dès la proclamation de laRépublique en 1931.
LaGuerre d'Espagne brise cet élan. En 1939, l'avancée desnationalistes met un terme aux volontés féministes et la dictature deFranco entraîne un recul considérable par rapport aux avancées obtenues les décennies précédentes, consacrées par laRépublique espagnole[11]. Les femmes du groupe Las Sinsombrero sont contraintes à l'exil, en Amérique et en Europe, dans des pays où elles peuvent être libres. Celles qui n'ont pas pu fuir subissent les représailles de l'épuration franquiste et le silence intellectuel[12].

Ladictature franquiste a passé sous silence l'histoire des Sinsombrero et de l'histoire des femmes en général[13]. Les parcours de ces femmes bénéficie d'un regain d'intérêt dans la période contemporaine. Ainsi,Pepa Merlo publie en 2010Peces en la tierra (Fondation José Manuel Lara), une anthologie poétique des artistes les plus connues de cette génération[14], de la fin duXIXe siècle à laguerre d'Espagne :Gloria de la Prada,Margarita Nelken,Lucía Sánchez Saornil,Clementina Arderiu,Dolors Catarineu, Casilda de Antón del Olmet, María Luisa Muñoz de Vargas,Cristina Arteaga,Pilar de Valderrama,Concha Espina,Susana March,Elisabeth Mulder,María Teresa Roca de Togores,Rosa Chacel, María Cegarra, Josefina Romo Arregui,Josefina Bolinaga, Esther López Valencia,Marina Romero etMargarita Ferreras, dont le livre inspire le titre de l'anthologie.
La série télévisée espagnoleLe Ministère du temps consacre son épisode 18 à la récupération de la mémoire de ces femmes, dont l’œuvre et le message ont été censurés par ladictature franquiste.
Une autre série célèbre,les Demoiselles du téléphone évoque également cette part de l'histoire desfemmes en Espagne d'avant laRépublique[15].
En 2015, un film documentaire consacré au groupe est diffusé sur latélévision espagnole, où apparaissent notammentMaruja Mallo etConcha Méndez[16].
En 2016,Tània Balló Colell a édité un livre et un documentaire à propos de ce mouvement important de l'histoire des droits des femmes en Europe[17].