Leslangues romanes, aussi appeléeslangues latines[2],[3] ou encorelangues néo-latines[4],[5],[6], sont un groupe de langues issues dulatin vulgaire, plus précisément du latinvéhiculaire[7]. Utilisé pour la communication sur toute l'étendue de l'Empire romain, le latin véhiculaire a évolué en plusieurs langues romanes dont trois, l'espagnol, lefrançais et leportugais, ont connu une expansioncolonisatrice mondiale à partir duXVe siècle.
La distinction entrelangue etdialecte étant assez arbitraire, on peut définir d'une vingtaine à une cinquantaine de langues romanes. Les plus parlées dans le monde sont l'espagnol (480 millions de locuteurs natifs), lefrançais (321)[8], leportugais (227), l'italien (71), leroumain (24) et lecatalan (11)[9]. La plupart des autres sont menacées d'extinction.
Ces langues ont été parlées ou le sont encore dans un ensemble géographique désigné par le terme de « Romania »[11], désignant la partie européenne des anciens Empires romainsoccidental etoriental. Les mots « roman(e) » et « Romania » remontent à des dérivés de l'adjectif latinromanus : l'on considérait en effet que leurs locuteurs utilisaient une langue issue de celle des Romains, par opposition à d'autres introduites ultérieurement dans les territoires de l'Empire, comme lefrancique au nord de la France, languetudesque desFrancs appartenant à la branche deslangues germaniques. La première attestation du termeroman remonte auconcile de Tours, qui se tient en 813. Lors de ce concile, l'un des cinq réunis cette même année à l'initiative deCharlemagne, il est recommandé aux prêtres de s’adresser aux fidèles« in rusticam romanam linguam », leroman. Il s'agit d'une formevernaculaire, évoluée et corrompue, dubas latin, ancêtre deslangues gallo-romanes. Le texte de ce concile est, dans l'état actuel des connaissances, la première source écrite « romane » attestée.
Le premier ouvrage mentionnant plusieurs langues romanes est leDe Vulgari Eloquentia (« De l'éloquence vulgaire ») deDante (XIIIe siècle), où l'on trouve les dénominations delangue d'oïl,langue d'oc et delangue de si. Il s'agit pour Dante de proposer, pour remplacer le latin comme langue littéraire, l'une de ces trois langues, lalangue d'oïl des chansons de geste, lalangue d'oc des troubadours, ou unparler local, le toscan florentin, qui sera finalement à l'origine de l'italien littéraire[12].
On date à peu près l'évolution du latin vulgaire vers les langues romanes de la manière suivante[13] :
entre−200 et 400 environ : différentes formes de latin vulgaire ;
entre 500 et 600 : ces formes commencent à se différencier plus ou moins nettement ;
en 813, auconcile de Tours, l'existence d'une langue romane est reconnue, puisque le concile demande que désormais les sermons soient prononcés en « rusticam Romanam linguam » (langue romane rurale) et non plus enlatin afin d'être compris par tous ;
après 842 : premier texte complet rédigé dans une langue romane (sans doute les prémices de la langue d'oïl), lesSerments de Strasbourg.
Les langues romanes partagent un ensemble de traits communs donnant une bonne cohérence à cettefamille de langues, parmi lesquels les plus importants sont :
la disparition quasi complète duneutre, sauf enroumain ;
une réorganisation importante du systèmeverbal, par le développement, notamment, deverbes auxiliaires, la suppression du futur latin, la création d'un futur périphrastique formé à partir du verbeavoir (chanter-as →chanteras), celle d'un conditionnel ;
En rouge, l'extension des langues romanes dans l'Antiquité tardive (en bleu, legrec commelangue véhiculaire).Europe : en vert pâle les zones d'où les langues romanes ont disparu ; en vert moyen celles où elles sont officielles au niveau régional et en bleu-vert foncé celles où elles sontlangues officiellesnationales auXXIe siècle.
Les langues romanes sont classées en plusieurs groupes, chacun pouvant comprendre plusieurs « dialectes » ; le choix d'un de ces dialectes commelangue officielle est purement politique et, surtout, relativement récent dans de nombreux pays (sauf enFrance, où les premiers jalons sont posés dès leXVIe siècle par l'édit de Villers-Cotterêts). Quoi qu'il en soit, les langues romanes forment un continuum de langues entre lesquelles les différences sont parfois minimes ; il est toujours possible de distinguer au sein d'un ensemble ce que l'on nommera un ou plusieurs « dialectes ». La liste suivante présente entre parenthèses : nom dans la langue envisagée, date de la première attestation connue.
Les similarités lexicales et grammaticales des langues romanes et de leurs dialectes, ainsi qu'entre le latin et chacune d'entre elles, peuvent être mises en évidence à l'aide des exemples suivants :
(Ela) serra sempre a fẽestra antes de cẽar/jantar.
Les langues romanes sont parfois classées :
soit selon la « ligne desAlpes » avec le pluriel en « s » à l'ouest, commelos hombres oules hommes, et en « i » à l'est (Vallée d'Aoste exceptée), commegli uomini ouoamenii ;
Les similarités lexicales calculées par le projet comparatif ASJP[15] et d'autres preuves linguistiques permettent d'obtenir le cladogramme suivant[16],[17] :
Lalangue d'oïl est considérée, selon la vision traditionnelle de la linguistique romane, comme une seule et même langue, qui correspond principalement à un ensemble de dialectes d'oïl répartis historiquement autour deParis (dans les faits, la langue française actuelle est très composite et doit beaucoup à une langue littéraire interrégionale). Les langues d'oïl (au pluriel) sont au contraire considérées, selon une autre vision, comme un groupe de langues et le français (au sens restreint) n'est que l'une de ces langues (venue dufrancien), parmi d'autres. Les langues d'oïl regroupent :
lelorrain : parlé en France enLorraine ainsi que dans certains cantons deHaute-Marne, desArdennes, et d'Alsace (Welsch); parlé également enBelgique enGaume, où il a le statut de langue régionale.
lesavoyard (savoyâ), qui s'éloigne des autres dialectes francoprovençaux et du français par des différences de vocabulaire, de morphologie, et manifeste donc des différences d’étymologie[26] ; qui parfois sont endémiques au Savoyard ou que l'on retrouve uniquement dans le Valdôtain et Valaisan (et dialectes de Vaud) qui partagent de nombreuses similitudes (du fait d'une histoire assez similaire, voire identique) ;
levaldôtain (valdôtèn), qui est très similaire au savoyard, mais présente des différences notables, tel leh aspiré dans la variante de la basse vallée (Vallée d'Aoste) et les apports de l'italien durant leXXe siècle ;
Le francoprovençal a des similitudes avec la langue d'oc et la langue d'oïl plus ou moins marquées en fonction de leur situation géographique. Cette langue est menacée d'extinction (plus ou moins en fonction des dialectes) mais reste défendue, notamment en Vallée d'Aoste et Savoie. LaVallée d'Aoste demeure cependant à ce jour la seule région de l'espace francoprovençal où cette langue est encore largement utilisée dans la vie quotidienne et comme langue maternelle.
L'occitan ou la langue d'oc était compris dans ce groupe dans un sens élargie avec le gallo-italique et le rhéto-roman, alors que les linguistes l'incluent dans le groupe occitano-roman.
Les limites de l'occitan sont discutées par des linguistes y compris occitanistes (comme Pierre Bec)[réf. nécessaire], notamment à propos du baléare-catalan-valencien qui en est aujourd'hui généralement séparé, et du gascon-béarnais qui y est généralement inclus. L'unité de l'occitan comme langue est remise en cause par des sécessionistes linguistiques pour en exclure notamment l'auvergnat, le gascon, ou le provençal[28].
Des traces de vulgarismes catalans ont été conservées dans des textes latins ; entre 1080 et 1095, lesHomilies d'Organyà, l'un des documents littéraires les plus anciens du catalan ; fin duXIIe siècle : premier texte complet dans un document juridique ;XIIIe siècle : sous l'égide deRamon Llull, le catalan accède au statut de langue littéraire et de pensée reconnue) : l'une des langues officielles de laCatalogne (Espagne) ; il est parlé principalement dans cetteCommunauté autonome et dans une frange de l'Aragon, ainsi que dans celle méridionale deValence (où il est aussi appelévalencien), ainsi qu'auxÎles Baléares (où les variantes locales s'appellentmallorquí,menorquí oueivissenc), enAndorre (où il est la seule langue officielle), dans leRoussillon (France), aussi connu sous le nom deCatalogne du Nord (en catalanCatalunya del Nord), ainsi que dans la ville del'Alguer (enSardaigne). L'usage du catalan, et d'autres langues régionales, a été sévèrement contrôlé et réprimé durant plusieurs périodes, notamment sous le règne dePhilippe V et lefranquisme.
L'unité du catalan comme langue est remise en cause par des sécessionistes linguistiques, principalement par lesblavéristes pour en exclure le valencien, mais aussi aux Baléares et en Aragon.
L'aragonais (aragonés) est parlé dans certaines zones de l'Aragon, sans reconnaissance officielle. L'aragonais est parfois vu comme un pont entre l'occitano-roman etl'ibéro-roman puisque cette langue a une tradition littéraire très ancienne, indépendante de l'espagnol, avec quelques caractéristiques originales et d'autres partagées avec le catalan et l'occitan[32],[33]. Le même terme est utilisé pour se référer au dialecte « castillanisant » parlé aussi dans cette région. L'aragonais est parfois considéré comme intermédiaire entre l'occitano-catalan et l'ibéro-romanstricto sensu[réf. nécessaire].
L'asturien (asturianu en asturien, connu sous les noms d'asturo-léonais,astur-léonais oubable), est parlé auxAsturies, ainsi que dans certaines parties des provinces deLeón,Zamora etSalamanque (où on l'appelle le léonais). Par le passé l'asturo-léonais était la langue d'un territoire beaucoup plus important s'étendant au sud de lapéninsule Ibérique. Aux Asturies, bien que non reconnu comme langue coofficielle par le statut de la principauté, il est protégé par des textes de loi. Dans la région portugaise deMiranda do Douro, on parle lemirandais, variante de l'asturien ; le mirandais possède le statut de seconde langue officielle du Portugal depuis 1999 pour la partie du territoire où elle est parlée.
Lejudéo-espagnol, issu du castillan parlé par lesJuifsexpulsés d'Espagne en 1492, demeure parlé par quelques dizaines de milliers de personnes (principalement enIsraël, enTurquie et sur le pourtour méditerranéen). Cette langue romane comprend des emprunts lexicaux à l'hébreu, auturc voire augrec, à l'italien ou à certains parlersslaves.
Lafala, langue issue du galaïco-portugais et parlé dans quelques villes d'Estrémadure (Espagne), à la frontière du Portugal. Bien que non officielle, lafala a été déclarée bien d'intérêt culturel par la junte d'Estrémadure (gouvernement de la communauté autonome) le.
L'italien septentrional (ou plus rarement et récemmentpadan, terme proposé par le linguiste Geoffrey Hull depuis 1982[42],[43]), parfois nord-italien[44], groupe de dialectes parlés dans le nord mais aussi dans le sud de l'Italie :
le dialecteistriote, jadis parlé sur la côte ouest et sud de l'Istrie actuellementcroate (à ne pas confondre avec l'istrien, unelangue romane orientale parlée sur la côte est de l'Istrie) ; on considère l'istriote soit comme un type particulier devénitien, soit comme un dialecte distinct du vénitien, soit encore comme un idiome intermédiaire entre le vénitien et ledalmate.
L'italien centro-méridional :
letoscan, regroupant plusieurs parlers communaux deToscane[45]. On y intègre parfois la langue corse et ses variantes :
lesicilien deSicile, ancré sur l'île aux trois pointes et divisé en une multitude de dialectes et de sous-dialectes régionaux voire communaux. Pour exemple, le parler d'Agrigente est un sous-dialecte dusicilien occidental, lui-même un dialecte du sicilien de Sicile ;
lesalentin usité dans la région duSalento, dans le sud desPouilles. Les dialectes apuliens à transition salentine sont parlés, quant à eux, dans les parties méridionales des provinces deBrindisi et deTarente.
Cette dialectologie est toutefois sommaire et ne décrit pas avec précision l'extraordinaire diversité, largement conservée, des parlers italiens à proprement parler.
Lesarde (sardu,limba sarda ;XIe siècle) est parlé enSardaigne. C'est une des langues romanes les plus conservatrices, ce qui s’explique par sa situation insulaire[47] ; il a néanmoins connu de nombreuses influences, parmi lesquelles celles du catalan, du castillan puis de l'italien sont les plus notables.
Au sein du sarde peuvent être distingués plusieurs dialectes, représentés par deux orthographes principales[48] :
le logudorien (Logudoro), qui constitue la langue considérée classique, dont la variété du nuorais (Nuoro); ce dernière dialecte est plus archaïsant que le premier.
Une tentative de normalisation d'une langue sarde unifiée (Limba Sarda Comuna) est appuyée par la région autonome.
Selon les répertoiresEthnologue[49] etGlottolog[50], lecorse, dans une forme ancienne et hypothétique, et lesarde auraient formé une branche distincte, appelée « langues romanes méridionales » ou « langues romanes insulaires » ; selon d'autres linguistes, commeHeinrich Lausberg ou Yuri Koryakov, le sarde tel qu’il est parlé au centre et au sud de l’île, est désormais la seule langue vivante de ce groupe, comme il n’existe plus de vieux corse (Old Corsican), entièrement remplacé par la toscanisation, ni de langueromane d'Afrique du Nord, qui sont tous deux éteints.
Ce groupe parlé dans lemassif alpin et sur ses piémonts comprend :
leromanche(rumantsch) : lesursilvan (haute vallée duRhin), le sutsilvan et le surmiran (centre du canton desGrisons), le puter et le vallader (Engadine) forment les cinq dialectes écrits ; ils sont parlés enSuisse (dans lesGrisons) par environ 45 000 personnes. Le premier texte en puter a été écrit en 1527 à Zuoz (La chanzun da la guerra dal chasté da Müsch), le premier en vallader en 1560 à Susch. Lerumantsch grischun est la variété standard du romanche utilisée en Suisse pour unifier les cinq groupes dialectaux ; il s'appuie en grande partie sur le sursilvan, le vallader et le surmiran ; c'est une des 4 langues nationales de Suisse et une langue officielle dans le canton des Grisons ;
leladin dolomitique(ladin) : utilisé dans lesDolomites italiennes (dans la Région Autonome du Trentin-Haut-Adige et en Vénétie, province de Belluno, vers Cortina d'Ampezzo et dans le Cadore, ainsi que dans unîlot linguistique très minoritaire à Erto e Casso, dans les Dolomites frioulanes, province de Pordenone, en Région Autonome du Frioul-Vénétie Julienne) ;
lefrioulan (furlan, oumarilenghe) : parlé dans les 3 provinces italiennes d'Udine, de Pordenone et de Gorizia, et très minoritairement dans celle de Trieste, dans la Région Autonome du Frioul-Vénétie Julienne, et aussi à Sappada et à Portogruaro, en Vénétie. Deuxième langue minoritaire en Italie, il serait parlé par un million de personnes dans le monde, à la suite de la forte émigration dans d'autres régions d'Italie et à l'étranger auxXIXe et XXe siècles.
lemégléno-roumain, mégléno-roman ou mégléniote, jadis parlé enMacédoine et aujourd'hui par la diaspora en Roumanie ou enTurquie ;
l'istro-roumain, istro-roman ou istrien, encore parlé par quelques dizaines ou peut-être centaines de locuteurs enIstrie orientale (Croatie), à ne pas confondre avec l'istriote, unelangue italo-romane encore parlée dans l'ouest et le sud de l'Istrie.
Ces quatre langues vivantes sont issues de l'évolution de trois langues éteintes :
le roman oriental, disparu vers la fin duIIIe siècle ;
En aroumain et en méglénite, lesuperstrat slave est moins fort qu'en roumain et istrien, alors que l'influence du grec et de l'albanais est prépondérante.
À propos dulatin vulgaire, les Romains, comme les Grecs, vivaient en situation dediglossie : la langue de tous les jours n'était pas le latin classique (celui des textes littéraires ousermo urbanus, « langue de la ville », c'est-à-dire une langue figée par la grammaire comme l'a été lesanskrit), mais une forme distincte bien que très proche, au développement plus libre (lesermo plebeius, « langue vulgaire »). Il semble acquis que le latin classique ne se limitait pas à un emploi livresque, mais qu'il était couramment parlé par les catégories sociales élevées, bien que ces dernières aient trouvé plus raffiné encore de s'exprimer engrec (et il semble queCésar n'ait pas dit àBrutusTu quoque, fili maisKaì sù, téknon), tandis que lesermo plebeius était la langue des soldats, des commerçants, du petit peuple ; n'ayant jamais accédé au statut de langue littéraire, le latin vulgaire nous est surtout connu par lalinguistique historique, des citations et des critiques prononcées par les tenants d'un latin littéraire ainsi que de nombreuses inscriptions, des registres, comptes et autres textes courants. D'autre part, leSatyricon dePétrone, sorte de « roman » écrit vraisemblablement auIer siècle et se passant dans les milieux interlopes de la société romaine, est un témoignage important de cette diglossie : selon leur catégorie sociale, les personnages s'y expriment dans une langue plus ou moins proche de l'archétype classique.
Parmi les textes qui ont blâmé les formes jugées décadentes et fautives, il faut retenir l’Appendix Probi[56], sorte de compilation d'« erreurs » fréquentes relevées par un certain Probus et datant duIIIe siècle.
Ce sont bien ces formes, et non leur équivalent en latin classique, qui sont à l'origine des mots utilisés dans les langues romanes.Voici quelques exemples de « fautes » citées par Probus (selon le modèleA non B, « [dites] A et non B »), classées ici par type d'évolution phonétique et assorties de commentaires permettant de signaler les principales différencesphonologiques entre le latin classique et le latin vulgaire ; il n'est bien sûr pas possible d'être exhaustif en la matière et de référencer toutes les différences entre le latin classique et le latin vulgaire, mais l’Appendix Probi peut constituer une introduction pertinente sur le sujet.
Calida non calda,masculus non masclus,tabula non tabla,oculus non oclus, etc. : ces exemples montrent l'amuïssement des voyelles post-toniques (et aussi prétoniques) brèves ; les mots latins sont en effet accentuéscálida,másculus,tábula etóculus, la voyelle suivante étant brève. Cet amuïssement prouve aussi que l'accent de hauteur du latin classique est devenu un accent d'intensité en latin vulgaire (en effet, un accent de hauteur n'a pas d'influence sur les voyelles atones environnantes). L'on reconnaît dans cette liste les ancêtres dechaude (ancien françaischalt),mâle (ancien françaismasle),table etœil ; ce processus a donné naissance à des transformations importantes des consonnes entrées en contact après la chute de la voyelle les séparant : ainsi, un/l/ devant consonne est passé àl vélaire (soit/ɫ/) puis à/u/ en français (vocalisation), d'oùchaud ; de même,/kl/ a pu donner unl palatalisé (voir au paragraphe suivant).
Vinea non vinia,solea non solia,lancea non lancia, etc. : l'on voit là le passage en latin vulgaire de/e/ bref devant voyelle à/j/ (son initial deyacht ; le phénomène est nomméconsonification) qui, après consonne, lapalatalise ; ces consonnes palatalisées (qui peuvent provenir d'autres sources), sont importantes dans l'évolution des langues romanes. Cette transformation explique pourquoi l'on obtient, par exemple,vigne (avec/nj/ devenant/ɲ/, noté dans les langues romanes par le digrammegn en français et italien,ñ en espagnol,ny en catalan,nh en portugais et occitan, etc.),seuil (avec anciennement unl palatal, soit/ʎ/, noté parill/il en français, devenu ensuite un simple/j/, conservé en italien, où il est notégli et toujours prononcé comme une double consonne, en espagnol, où il est notéll, « double l » [sauf quand il provient de/lj/, où il passe à/x/,phonème ditjota], comme en catalan, en portugais et occitan, écritlh, etc.), etlance (avec le son/s/ issu de/t͡s/, forme palatalisée de/k/, que notait bien la lettrec latine ; de même en italienlancia/lantʃa/, espagnollanza/lanθa/, anciennementlança/lantsa/, ou en roumainlance/lantʃe/, etc.).
Probus note dans cet exemple plusieurs phénomènes : premièrement laréduction des anciennes diphtongues (ici/au/ devenant/ɔ/, soito ouvert ; l'on a aussi en latin vulgaire/ae/ donnant/ɛ/,e ouvert, ainsi que/oe/ passant à/e/,e fermé), puis l'utilisation d'une forme de diminutif au lieu de la forme simple (auris « oreille »,auricula « petite oreille »). L'utilisation des diminutifs en latin vulgaire est fréquente : ainsisoleil provient desoliculum et non desol, ou encoregenou, primitivement anc. fr.genoil, degenuculum et non degenu. Enfin, on note l'amuïssement du/u/ bref après une voyelle accentuée : on attendraitoricula. Comme on l'a dit au premier paragraphe, la rencontre dec etl,/kl/, causée par la chute de la voyelle les séparant, donne naissance à une nouvelle consonne, ici unl palatal, conservé en catalan dansorella, devenu/j/ en français mais/x/ en espagnol, dansoreja/ɔrexa/).
On remarque aussi des réductions de groupes de consonnes ; ainsi,/kt/ passe à/t/, donnant en françaisauteur, ouautor en espagnol, portugais et catalan ; de même,/pt/ passe à/t/. C'est le cas dansdom(i)tare devenudomtar puisdomptar et enfindontar. L'insertion d'un/p/ entre/m/ et uneocclusive est normale : on parle d'uneépenthèse, donnant en françaisdompter que l'on prononçait/dõte/ avant que l'orthographe n'influence la prononciation, devenant parfois/dõpte/. Autre simplification :/pt/ donne/t/, comme danscomp(u)tare devenucomptare puiscompter etconter/kõte/ en français,contar en espagnol, etc.
Rivus non rius,sibilus non sifilus : le son/w/ du latin, noté par la lettreu (ouv dans les éditions modernes) a évolué de manières diverses, soit en s'amuïssant entre voyelles (ri(v)us donnantrio en espagnol,pa(v)or donnantpeur, italienpaura), endevenant une spirante bilabiale sonore (/β̞/, en espagnol et catalan) puis serenforçant en/v/ (dans la majorité des langues romanes) ;/p/ et/b/ entre voyelles connaissent le même sort, ce qui explique quesibilus donnesifilus, sachant que/f/ n'est que la variante sourde de/v/ ; ainsi explique-t-onsiffler (desibilare, devenantsifilare puissiflare) ousavoir (desapere, puissabere,savere ; le espagnolsaber montre, par son orthographe, qu'il en est resté au stade/β̞/), etc.
Dernier exemple, montrant que le/m/ en fin de mots n'est plus prononcé (ce qui est déjà le cas en latin classique : lascansion du vers latin le prouve facilement). Cetamuïssement est, entre autres, à l'origine de la disparition du mécanisme des flexions : les langues romanes, en effet, n'utilisent plus ladéclinaison.
Cette liste n'est bien sûr pas exhaustive ; il faudrait aussi aborder la question de ladiphtongaison « panromane » (que toutes les langues romanes ont connue) et signaler que nombre de voyelles ont subi par la suite des diphtongaisons secondaires.
Transformations en profondeur du système morpho-syntaxique
La chute du/m/ final, consonne que l'on rencontre souvent dans la flexion, crée donc une ambiguïté :Romam se prononçant commeRoma, l'on ne peut savoir si le mot est aunominatif, à l'accusatif ou à l'ablatif. Ainsi, les langues romanes ont dû utiliser des prépositions pour lever l'ambiguïté. Plutôt que direRoma sum (classiqueRomæ sum avec unlocatif que n'a pas gardé le latin vulgaire) pour « je suis à Rome » ouRoma(m) eo pourje vais à Rome, il a fallu exprimer ces deux phrases parsum in Roma eteo ad Roma. À cet égard, il convient de rappeler que si en latin classique déjà, dès l'époque impériale, le/m/ en fin de mots s'amuïssait,Roma sum etRoma(m) eo ne pouvaient être confondus : à l'ablatif (Roma sum), le/a/ final est long ; il est cependant bref à l'accusatif : ainsi l'on prononçait/rōmā/ pour le premier,/rōmă/ pour le second. Le latin vulgaire, toutefois, n'utilise plus le système de quantité vocalique : les deux formes sont d'autant plus ambiguës.
Dans un même mouvement, les adverbes et les prépositions simples sont parfois renforcées :ante, « avant », ne suffit plus ; il faut remonter àab + ante en vulgaire pour expliquer le françaisavant, le portugais et espagnolantes et l'occitanavans, ou bienin ante pour le roumainînainte, etc. ; de mêmeavec provient deapud + hoc,dans dede intus, etc. Le cas limite semble être atteint avec le françaisaujourd'hui, notion qui se disait simplementhodie en latin classique. Le terme français s'analyse enen + le + jour + de + hui, oùhui vient dehodie (qui a donnéhoy en espagnol, "hoje" en portugais,oggi en italien,azi en roumain,uèi en occitan,avui en catalan,hoz en romanche,oûy en wallon, etc.). Le composé agglutiné résultant est donc redondant, puisqu'il signifie mot à mot : « au jour d'aujourd'hui » (qu'on trouve en français familier). Certaines langues conservatrices ont cependant gardé des adverbes et prépositions simples : le espagnol et l'italiencon, le portugaiscom et le roumaincu viennent bien decum « avec », de même queen espagnol ouîn roumain sont hérités dein. L'on constate le même phénomène avec les mots simples hérités dehodie.
De langue flexionnelle à la syntaxe souple (l'ordre des mots comptant moins pour le sens que pour le style et la mise en relief), le latin vulgaire est devenu un ensemble de langues utilisant nombre de prépositions, dans lesquelles l'ordre des mots est fixe. S'il est théoriquement possible de dire en latinPetrus Paulum amat,amat Petrus Paulum,Paulum Petrus amat ou encoreamat Paulum Petrus pour signifier que « Pierre aime Paul », ce n'est plus possible dans les langues romanes, qui ont plus ou moins rapidement abandonné les déclinaisons ; ainsi, en espagnolPedro ama a Pablo etPablo ama a Pedro ont un sens opposé, seul l'ordre des mots indiquant qui est sujet et qui est objet. Lorsque les langues romanes ont gardé un système de déclinaisons, celui-ci est simplifié et se limite à quelques cas (à l'exception du roumain) : c'est ce qui arrive en ancien français, qui n'en possède que deux, lecas sujet (hérité du nominatif) et lecas régime (venant de l'accusatif), pour tout ce qui n'est pas sujet. En français, toujours, le cas sujet a disparu ; les noms actuels hérités de l'ancien français sont donc presque tous d'anciens cas régime (il y a quelques exceptions, commeancêtre,peintre,traître, anciens cas sujets, etchandeleur, provenant d'un génitif pluriel latincandelorum) et, partant, d'anciens accusatifs ; on peut le constater avec un exemple simple :
Latin classique
Singulier
Pluriel
Nominatif
murus
muri
Accusatif
murum
muros
Ancien français
Singulier
Pluriel
Cas sujet
murs
mur
Cas régime
mur
murs
Français
Singulier
Pluriel
mur
murs
Le roumain, toutefois, conserve un système flexionnel fonctionnant avec trois cas syncrétiques :cas direct (nominatif +accusatif),cas oblique (génitif +datif) etvocatif. Ces cas se distinguent principalement si le nom est marqué par l'article défini. Dans le cas contraire, ils ont tendance à être confondus.
D'autres points méritent d'être signalés. Tout d'abord, à l'exclusion du roumain, les troisgenres, masculin, féminin et neutre, sont réduits à deux par l'élimination du neutre possiblement sous l'effet d'un substrat non indo-européen. Ainsi le mot latinfolia, nominatif/accusatif neutre pluriel defolium « feuille », est réinterprété comme un féminin : c'est le cas, par exemple, en français, où il devientfeuille, mais aussi en espagnol (hoja), en italien (foglia), en romanche (föglia), en wallon (fouye), en portugais (folha), en catalan (fulla), en occitan (fuèlha), etc., tous mots féminins. De plus les langues romanes ont développé un système d'articles définis inconnu du latin classique, peut-être également sous l'influence d'un substrat résiduel. Ainsi, en français,le etla proviennent respectivement des pronoms/adjectifs démonstratifsille etilla ; l'évolution est la même en espagnol pourel etla (plus un neutrelo <illud), en italien pouril etla (ainsi quelo, neutre, <illud), etc. Le roumain se distingue en étant la seule langue romane dans laquelle l'article estenclitique :om « un homme »,om-ul « l'homme », ce qui s'explique par le fait qu'en latin, l'adjectif démonstratif pouvait précéder ou suivre le substantif (ille homo/homo ille). Les articles indéfinis, pour leur part, proviennent simplement du numéralunus,una (etunum au neutre). Enfin le système de l'adjectif est modifié. Alors que lesdegrés de l'adjectif étaient marqués par dessuffixes, les langues romanes ne se servent plus que d'unadverbe devant l'adjectif simple. Cet adverbe continue soitmagis (devenumás en espagnol,mai en occitan et en roumain,mais en portugais,més en catalan, etc.), soitplus (più en italien,plus en français et en occitan,pus en wallon et en catalan ancien ou dialectal,plu en romanche, etc.). Par exemple,plus clair (comparatif de supériorité) se disait en latin classiqueclarior (dérivé declarus). En revanche l'espagnol emploiemás claro, l'italienpiù chiaro, l'occitanplus clar oumai clar, etc. De même le superlatifle plus clair se disaitclarissimus en latin classique, maisel más claro en espagnol etil più chiaro en italien. On trouve cependant quelquesarchaïsmes : le portugais a conservé des mots différents pourle plus grand,o maior, etle plus petit,o menor, comme le castillan avecmayor etmenor, comparables, bien que d'emploi très différent, auxmajeur etmineur du français.
En outre, lesconjugaisons sont profondément modifiées, notamment par la création de temps composés : ainsi notrej'ai chanté, espagnolhe cantado, italienho cantato ou encore catalanhe cantat, occitanai cantat, roumainam cântat, viennent d'unhabeo cantatu(m) vulgaire, qui n'existe pas en latin classique. L'utilisation de verbes auxiliaires,être etavoir, est notable : le latin utilisait déjà, d'une manière différente,être dans sa conjugaison, mais pas d'une manière aussi systématique que dans les langues romanes, qui ont généralisé leur emploi afin de créer un jeu complet de formes composées répondant aux formes simples. Généralement, les formes composées marquent l'aspect accompli.
Un mode nouveau apparaît, le conditionnel (attesté pour la première fois dans une langue romane dans laSéquence de sainte Eulalie), construit à partir de l'infinitif (parfois modifié) suivi des désinences d'imparfait :vivr(e) + -ais donnevivrais en français, et,mutatis mutandis,viviría en espagnol,viuria en catalan,viuriá en occitan. Certaines modifications duradical sont à noter :devoir + ais >devrais et non*devoirais, ou bienhaber + ía >habría et non*habería. De la même manière, le futur classique est abandonné au profit d'une formation comparable à celle du conditionnel, c'est-à-dire l'infinitif suivi du verbeavoir (ou précédé en sarde) : ainsicantare habeo (« j'ai à chanter ») donnechanterai, italiencanterò, espagnolcantaré, catalancantaré, occitancantarai, etc.
Lepassif est évacué au profit du système composé qui préexistait en latin (cantatur, « il est chanté », classique devient le vulgaireest cantatus, qui, en classique signifiait « il a été chanté »). Enfin, certaines conjugaisons irrégulières (comme celle develle, « vouloir ») sont rectifiées (mais restent souvent irrégulières dans les langues romanes) et lesverbes déponents cessent d'être utilisés.
Le latin vulgaire et le latin classique ne diffèrent pas seulement par des aspects phonologiques et phonétiques, mais aussi par le lexique ; les langues romanes, en effet, n'utilisent que dans des proportions variables le vocabulaire classique. Souvent, des termes populaires ont été retenus, évinçant ceux propres à la langue plus soutenue.
Certains termes latins ont disparu et ont été remplacés par leur équivalent populaire ; c'est le cas de celui qui désigne le cheval,equus en latin classique, maiscaballus (« canasson » ; le mot est peut-être d'origine gauloise) en latin vulgaire, que l'on retrouve dans toutes les langues romanes :caballo en castillan,cavall en catalan,caval en occitan,cheval en français,cal en roumain,cavallo en italien,dj'vå en wallon,chavagl en romanche, etc.Mais la jument est appeléeiapa en roumain,yegua en castillan,égua en portugais,egua en catalan, etèga en occitan, du latinequa (l'italien emploie aussigiumenta oucavalla).
D'autre part, certains termes classiques disparus n'ont pas forcément été remplacés par le même mot vulgaire dans toute la Romania : le terme soutenu pour « parler » estloqui en latin classique, gardé en roumain (a locui mais avec le sens d'habiter), remplacé par :
parabolare (terme emprunté à la liturgie chrétienne et d'originegrecque ; proprement : « parler par parabole ») : françaisparler, italienparlare, catalan et occitanparlar, etc. ;
Enfin, certaines langues romanes continuent d'utiliser la forme classique, tandis que d'autres, que l'on dit moins « conservatrices », se servent d'une forme vulgaire ; l'exemple donné traditionnellement est celui du verbe « manger » :
latin classiqueedere : se retrouve (sous la forme préverbéecomedere, qui est cependant sentie moins « noble » que le classique puristeedere) dans le castillan et le portugaiscomer ;
latin vulgairemanducare (proprement « mâcher ») : françaismanger, italienmangiare, catalanmenjar, occitanmanjar, ou encore roumainmânca, par exemple.
L'évolution phonétique naturelle des langues, à laquelle le latin n'a pas échappé, explique en grande partie les différences importantes entre certaines des langues romanes. À ce processus s'est aussi ajouté la non-unicité lexicale de ce que l'on désigne sous le terme delatin vulgaire : la taille de l'Empire romain et l'absence d'une norme littéraire et grammaticale ont permis à cette langue vernaculaire de ne pas être figée. Ainsi, chaque zone de la Romania a utilisé une saveur particulière du latin vulgaire (il vaudrait même mieux dire « des latins vulgaires »), comme on l'a vu plus haut, telle langue préférant tel terme pour signifier « maison » (latincasa enespagnol,catalan,italien,portugais,roumain), telle autre un terme différent (mansio pour le même sens en français), par exemple.
S'est greffée à ces deux données la présence desubstrats, langues parlées initialement dans une zone et recouvertes par une autre, ne laissant que des traces éparses, tant lexicales ou grammaticales que phonologiques, dans la langue d'arrivée. Ainsi, le substratgaulois en français lui laisse quelque cent quatre-vingts mots commebraies,char oubec, et serait à l'origine du passage du/u/ (deloup) latin à/y/ (delune). Cette hypothèse ne fait cependant pas l'unanimité. L'influence du gaulois ne s'est pas limitée à la langue française : les dialectes de l'Italie du Nord, par exemple, en possèdent quelques termes, et on a ainsi en italien standardbraghe pourbraies (qui a donné plus tard les mots françaisbraguette etbretelle),carro pour char, oubecco pour bec. De même lebasque pour les langues ibérico-romanes (où le mot pour « gauche », soitsinistra en latin classique, est remplacé par des dérivés du basqueezker, soientesquerra en catalan,izquierda en espagnol etesquerda en portugais)[57] et en particulier l'espagnol.
Enfin, lessuperstrats ont aussi joué un rôle prépondérant dans la différenciation des langues romanes : ce sont les langues de peuples s'étant installés dans un territoire sans réussir à imposer leur langue. Cette dernière a cependant laissé des traces importantes. Le superstratfrancique (doncgermanique) en France est important ; le vocabulaire médiéval en est émaillé, surtout dans le domaine de la guerre et de la vie rurale (ainsiheaume,adouber,flèche,hache, etc., mais aussiframboise,blé,saule, etc., ou encoregarder,guerre et, plus surprenant,trop), et le français actuel compte plusieurs centaines de mots ainsi hérités du francique. C'est un superstratarabe que l'on remarque le plus en espagnol et en portugais : plus de quatre mille termes, parmi lesquels des toponymes et des composés, viennent de cette langue. Le trait le plus remarquable est le maintien quasi systématique de l'article arabe dans le mot, alors que les autres langues romanes ayant aussi emprunté le même terme s'en sont souvent débarrassées : ainsi les gloses espagnolesalgodón (contre l’italiencotone > françaiscoton), de l'arabeأَلْقُطْن,ʾal-quṭn,algarroba (contre le françaiscaroube), deʾal-harūbah ou encoreaduana (contre l’ancien italiendoana /dovana > françaisdouane), deأَلدِّيوَان,ʾad-dīwān (qui donne aussidivan). Enfin, dernier superstrat remarquable, leslave, dont l'influence en roumain est notable. Le roumain devrait aux langues slaves alentour sonvocatif, 20 % de termes du lexique ainsi que des processus de palatalisation différents de ceux des autres langues romanes.
L'influence des langues romanes les unes sur les autres est par ailleurs considérable.
En 1949, Mario Pei compare le degré d'évolution de sept langues romanes par rapport à leur langue-mère. Pour les langues romanes les plus importantes, et en ne considérant que les voyelles toniques, il obtient par rapport au latin les coefficients d'évolution suivants[58] :
L'étude souligne toutefois, entre autres réserves, qu'elle ne représente qu'une « démonstration très élémentaire, incomplète et provisoire » de la manière dont les méthodes statistiques peuvent mesurer le changement linguistique, qu'elle attribue des valeurs de points « franchement arbitraires » à divers types de changement et qu'elle ne compare pas les langues de l'échantillon en ce qui concerne des caractéristiques ou des formes de divergence autres que les voyelles accentuées[58].
L'étendue géographique de l'espagnol, du français et du portugais sont en grande partie le résultat du passé colonial. Dans la plupart des anciennes colonies, le français est la seconde langue, au contraire de l'espagnol et du portugais. Il en résulte que le français est la seconde langue romane en nombre de locuteurs, mais la troisième, derrière le portugais, en locuteurs qui l'ont pour première langue.
Le reste des langues romanes, avec moins de locuteurs, subsistent principalement pour les rapports informels. Historiquement, les gouvernements ont perçu (voire perçoivent encore) la diversité linguistique comme un obstacle sur les plans économique, administratif ou militaire, de même qu'une source potentielle de mouvementsséparatistes ; ils se sont donc généralement efforcés de les combattre, moyennant la promotion de la langue officielle, des restrictions quant à leur utilisation au sein des médias, leur caractérisation comme dialectes ou patois (mot devenu péjoratif, au moins en France), ou même la persécution. En fait, il s'agit plus proprement delangues minorisées que de langues minoritaires. En conséquence, toutes ces langues sont considérées par l'Atlas UNESCO des langues en danger[68] comme menacées à divers degrés allant de « vulnérable » (par exemple lesicilien) à « sérieusement en danger » (p.ex. toutes celles parlées en France sauf lebasque et le catalan).
C’est un peuple désuni linguistiquement que lesNormands affronteront en 1066, lors de labataille de Hastings.Guillaume II de Normandie débarque àHastings, dans leSussex, le. Ses hommes sont déployés autour de la ville en attendant les troupes du roiHarold II. Le, épuisées par le long voyage accompli pour arriver à Hastings, les troupes de Harold II perdent le combat au bout d’une journée. À la suite de la défaite des Anglais, le duc Guillaume II de Normandie deviendra roi d’Angleterre le, couronné sous le nom de Guillaume Ier d’Angleterre, aussi appelé Guillaume le Conquérant. Cette date marque le début d’une longue période de liens entre les deux peuples et les deux langues. En réalité, ces liens existaient déjà avant la bataille de Hastings. En effet, la situation géographique de laNormandie, face à la Manche, favorisait les contacts commerciaux avec l’Angleterre. Ces liens se resserreront davantage au début duXIe siècle lors du mariage de la fille du ducRichard I de Normandie,Emma de Normandie, au roiEthelred II d’Angleterre. Mais c’est réellement à partir de la conquête de 1066 que l’anglais s’imprégnera massivement du français. Il convient cependant de préciser que seul le français influencera l’anglais pendant les siècles qui suivront la conquête. L’apport de l’anglais au français ne sera réel qu’à partir duXVIIIe siècle.
L’arrivée deGuillaume le Conquérant et de ses barons auXIe siècle change grandement la situation linguistique en Angleterre. Lenormand s’impose essentiellement dans les couches supérieures de la société. Les dialectes anglo-saxons se voient supplantés par le normand dans les milieux de la cour et de l’aristocratie, de la justice et de l’Église. Les milieux influents, venus de Normandie et installés en Angleterre, conservent leur langue maternelle normande, alors que les couches rurales et urbaines plus modestes continuent à parler l’anglais.
↑latin, TLFi, « − En partic. [En parlant d'une lang. ou d'un pays considéré du point de vue de sa lang.] Qui a pour origine le latin; dont la langue a pour origine le latin. [...] « les langues latines »
↑L’Europe Et Ses Populations, J.A. Miroglio, 2012, Springer, p. 22, « L’Europe Linguistique », Aldo Dami,(ISBN9789400997318 et9400997310), « Les langues romanes sont au nombre de neuf. On les appelle également langues latines, ou encore néo-latines ».
↑Charles Joret,Des caractères et de l'extension du patois normand; étude de phonétique et d’ethnographie, suivie d’une carte, Vieweg, Paris, 1883.
↑André-Louis Terracher, Université de Liverpool puis de Strasbourg,La rencontre des langues entre Loire et Dordogne, dans :Le Centre-Ouest de la France, encyclopédie régionale illustrée, 1926 :« Il suffit de parcourir les cent premières cartes de l’Atlas linguistique de la France de MM. Gilliéron et Edmont pour s’apercevoir que les parlers du Centre-Ouest (Poitou, Aunis, Saintonge et Angoumois) gardent, aujourd’hui encore et à les prendre d’ensemble, une indéniable originalité. »
↑Jacques Pignon, Université de Poitiers,L’évolution phonétique des parlers du Poitou, 1960 : « Il est évident que l’évolution phonétique des parlers poitevins et celle des parlers saintongeais est à peu près parallèle. Ils constituent, à l’ouest du domaine gallo-roman, une aire originale où se rencontrent, d’une part, traits d’oc et traits d’oïl, de l’autre quelques développements particuliers, inconnus dans les provinces limitrophes situées au Nord et au Sud. ».
↑Liliane Jagueneau, Univdersité de Poitiers,Les Traits linguistiques du poitevin-saintongeais, dans : La langue poitevine-saintongeaise : identité et ouverture, 1994 :« les points du domaine poitevin-saintongeais sont suffisamment proches dans l’analyse (distance linguistique faible) pour être considérés comme formant un ensemble cohérent. »
↑Brigitte Horiot, CNRS et université Lyon-III,Les Parlers du Sud-Ouest, dans :Français de France et Français du Canada : Les parlers de l’Ouest de la France, du Québec et de l’Acadie, 1995 : « La description linguistique du domaine de l’ALO met en évidence l’existence entre Loire et Gironde d’un domaine linguistique important, forgé par sa situation géographique et par son histoire, et dont la particularité est d’être une marche entre le Nord et le Midi, entre les pays bretons et la région du Centre. »
↑Pierre Bonnaud,La langue régionale, dans « Esquisse géohistorique du Poitou médioroman », 2006 : « Il est impossible de traiter séparément poitevin et saintongeais, mais ils sont à la fois solidaires et un peu distincts, tant dans leurs origines que dans leur évolution.. »
↑Hans Goebl,université de Salzbourg,Regards dialectométriques sur les données de l'Atlas linguistique de la France (ALF): relations quantitatives et structures de profondeur, in:Estudis Romànics XXV, 2003, pages 59-121.Lire en ligne: : Dans cette étude le poitevin-saintongeais apparaît comme une unité aussi bien au niveau de l'analyse supradialectale (carte 20) que de l'analyse dialectale (carte 22).
↑Le poitevin-saintongeais est dans la liste des langues de France, langues d'oïl, depuis début 2010, sur le site de laDélégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), service du ministère de la Culture, sous le libellé suivant : « poitevin-saintongeais [dans ses deux variétés : poitevin et saintongeais] ». Voir site de la DGLFLF :DGLF - Ministère de la Culture
↑Présentation de la Sociedat de Lingüistica Aragonesa: "Les principaux objectifs de la SLA sont de contribuer à une meilleure connaissance de l'aire de l'aragonais, dans une étroite interaction historique avec le catalan et le gascon." ["Son finalidaz principals de la SLA contribuir a un millor conoiximiento de l'espácio aragonés, en estreita interaccion historica con los ambitos catalan i gascon."]
↑Heinrich Lausberg,Romanische Sprachwissenschaft, Berlin 1969
↑À titre d'exemples : leflorentin, lesiennois ou lelucquois ; respectivement parlés àFlorence et le long du fleuveArno (jusqu'àFucecchio), àSienne et dans saprovince, et dans la Lucchesia (Lucques et ses alentours).
↑Pellegrini G. B, Carta dei dialetti d'Italia, Pacini ed., Pisa 1977
↑Annamária Facsády duAquincumi Múzeum de Budapest, « La représentation de la femme sur les stèles funéraires romaines du musée d’Aquincum » in :Romains de Hongrie, compte-rendu du Xe colloque international sur l’art provincial romain (Arles et Aix-en-Provence), Lyon 2001, p.10,[3]
Wilfried Stroh,Le latin est mort, vive le latin ! Petite histoire d'une grande langue, traduit de l'allemand, Paris, Les Belles Lettres, 2008, 302 p..
Paul Teyssier,Comprendre les langues romanes, du français à l'espagnol, au portugais, à l'italien & au roumain, méthode d'intercompréhension, Paris, Chandeigne, 2004.