L'expansion des langues indo-européennes d'après l'hypothèse kourgane introduite parMarija Gimbutas.Distribution approximative actuelle des branches indo-européennes dans leurs terres d'origines en Europe et en Asie :
Les zones hachurées ou en pointillé, indiquent les régions où lemultilinguisme est fréquent ou la norme.Distribution approximative actuelle des langues indo-européennes parlées en Amérique :
Enlinguistique, leslangues indo-européennes forment unefamille de langues étroitement apparentées[2] ayant pour origine ce qu'il est convenu d'appeler l'indo-européen commun et« dont les éléments lexicologiques, morphologiques et syntaxiques présentent, pour la plupart d'entre elles, des ressemblances de nature telle que ces langues peuvent se ramener à l'unité ; le présupposé est alors que chaque groupe d'éléments comparés procède d'évolutions divergentes à partir de formes originelles disparues[3] ». Environ mille langues sont actuellement parlées par près de trois milliards de locuteurs[4].
Schéma simplifié des branches de la famille des langues indo-européennes.Répartition des langues indo-européennes vers-3500.Répartition des langues indo-européennes vers-2500.Répartition des langues indo-européennes vers-1500.Répartition des langues indo-européennes vers-500.Répartition des langues indo-européennes vers500.Arbre des langues indo-européennes.
Les tout premiers travaux concernant l'existence d'une langue ancestrale et commune aux différentes langues européennes — et uniquement européennes pour ces travaux —, ont été réalisés auXVIe siècle parJoseph Juste Scaliger. Il mit en lumière des liens évidents entre les langues européennes (langues mortes et vivantes) et établit en outre une classification de ces dernières en quatre groupes par le biais du mot signifiant dieu : le groupedeus (langues romanes), le groupe germaniquegott, le groupethéos (dont le grec) et enfin le groupe slavebog[1].
AuXVIIIe siècle,William Jones identifie à nouveau la famille indo-européenne, en s'inspirant probablement des travaux du linguiste indienSiraj-ud-Din Ali Khan Arzu(en) (mort en 1756) qui a émis l'hypothèse d'une origine commune dupersan et dusanscrit[11]. Dans sonTroisième discours à la société asiatique de Calcutta, en 1786, Jones écrivait[12] :
« La langue sanskrite, quelle que soit son antiquité, est d'une structure admirable ; plus parfaite que la grecque ; plus ample que la latine, et plus exquisément raffinée qu'aucune des deux mais ayant envers chacune d'entre elles deux une affinité plus forte, tant dans les racines des verbes que dans les formes de la grammaire, qu'il n'en pourrait avoir résulté par accident ; si forte en vérité qu'aucun philologue ne les pourroit examiner toutes trois sans croire qu'elles ont surgi de quelque source commune, qui, peut-être, n'existe plus. »
En 1767, l'AnglaisJames Parsons, membre honoraire et pair de laRoyal Society et de laSociety of Antiquaries, publia un livre dans lequel il décrivait ses travaux sur une probable langue commune indo-européenne ; cependant, même si celui-ci fit avancer la théorie indo-européenne, l'ouvrage en question contenait d'importantes erreurs d'interprétation[1].
Les comparaisons systématiques conduites parFranz Bopp sur ces langues confirmèrent cette hypothèse et saGrammaire comparée des langues sanscrite, persane (zende d'Avesta), grecque, latine, lituanienne, slave, gothique, et allemande, publiée entre 1833 et 1852, marqua le début des études indo-européennes.Karl Brugmann fonde leur étude comparée.
Également au cours duXIXe siècle,August Schleicher poussa l'étude comparative en élaborant un procédé de reconstruction linguistique, laStammbaumtheorie(de), ou triangulation linguistique, sur la base de mots usuels et familiers, comme le terme « mouton ». Néanmoins, ce nouveau procédé était lui aussi appelé à devenir obsolète, dès lors que les recherches devenaient plus globalisantes[1].
À la fin duXIXe siècle, lephilologue et linguisteJohannes Schmidt éclaira les études sur les langues indo-européennes d'un jour nouveau, en s'appuyant non plus sur un tableau de classification par ramifications comme cela avait été antérieurement proposé par ses prédécesseurs, mais sur une classification par « vague ». Cette nouvelle base de travail permit d'intégrer les interactions et les influences réciproques des langues indo-européennes, mais également d'inclure l'ascendance, aussi minime soit-elle, des langues non-indo-européennes. La thèse de Schmidt faisait de l'étude comparative une science plus proche de la réalité des faits ; il mettait ainsi en évidence, par exemple, les liens de causalité entre l'apparition d'éléments ou de termesitaliques dans certaineslangues celtiques et les répercussions de faits historiques, commerciaux et culturels entre les deux groupes ethniques des celtes et des italiques durant l'Antiquité[1]. Lathéorie des vagues compétitives ira plus loin queJohannes Schmidt en rejetant entièrement laStammbaumtheorie.
À ces branches majeures s'ajoutent un certain nombre de langues attestées uniquement de manière fragmentaires, comme leslangues illyriennes ou lephrygien, dont la classification reste incertaine. En 2007,Eñaut Etxamendi suggère que lebasque a aussi uneorigine indo-européenne ; il écrit être le seul à défendre cette thèse car le seul à avoir comparé le basque au groupe indo-européen[14].
L'ensemble des langues indo-européennes sont des langues ditesflexionnelles.
L'arménien est l'unique langue indo-européenne qui soitagglutinante (c'est-à-dire qu'elle se présente sous la forme d'éléments de base, lesmorphèmes), à la différence des autres langues indo-européennes, lesquelles sont spécifiquement des langues ditessynthétiques ou fusionnelles (c'est-à-dire dont les déclinaisons grammaticales fonctionnent par affixes et par suffixes sur un seul élément de base). Ces typologieslinguistiques mettent en lumière la complexité de la genèse puis de l'évolution de la famille indo-européenne. Cependant, ces différents postulats typologiques, notamment la différenciation « satem/centum », ont été remis en question, au moins partiellement, durant les années 1980[1].
«Arbre généalogique des langues indo-européennes basé sur une analyse phylogénétique des langues indo-européennes par (en)«constrain» d'ascendance» par Chang et al[15]
De nombreux indices laissent supposer que toutes ces langues proviennent d'une unique langue mère[17] ; néanmoins, en l'absence de toute trace écrite de celle-ci, cela demeure une hypothèse.
Il existe différentes hypothèses quant à la localisation du foyer et à laculture archéologique précise qui correspondraient à ce peuple originel, et principalement deux[18] :
l'hypothèse anatolienne, selon laquelle les Indo-Européens se sont dispersés à partir de certaines régions duCroissant fertile dès 9 500 à 8 500 ansAP, apportant avec eux l'agriculture ;
En 2024, une étude de paléogénétique semble confirmer deux modèles de divergence linguistique spécifiques à la famille des langues indo-européennes : l'hypothèse dite gréco-arménienne, les populations arméniennes et grecques ayant acquis l’ascendancesteppique directement desgroupes Yamna d’Europe de l’Est, et l'hypothèse diteitalo-celtique, l’arrivée de l’ascendance steppique en Espagne, en France et en Italie ayant été médiatisée par les populations de laculture campaniforme d’Europe occidentale, contribuant probablement à l’émergence de ces deux groupes de langues[20].
↑Brisson, Luc, « La tri-fonctionnalité indo-européenne chez Platon »,Philosophie comparée: Grèce, Inde, Chine, Paris, J. Vrin, 2005, Joachim Lacrosse (Coordination scientifique), pp. 121 - 142, p. 121.
↑De Graecorum, Romanorum et Germanium languis earumque symphonia dissertatio, Leyde, ex officina Guilielmi Christiani, 1650.
↑Bediedinge van de tot noce toe onbekende afgodinne Nehalennia over de disent en de meer jarret ondes het candit begraven, dan onlancx ontdeckt op het strandt van Walcheren in Zeelands, Leyde, Willem Christiaens vander Boxe, 1647, 32 p.
↑KapilRaj,« Hégémonie impériale ou interaction constructive ? L'Inde coloniale au XIXe siècle », dans Kapil Raj et H. Otto Sibum (dir.),Histoire des sciences et des savoirs,t. II, Modernité et globalisation, Éditions du Seuil,
↑Cité par Merritt Ruhlen dansL'origine des langues, Gallimard, 2007.
↑Eñaut Etxamendi,L'origine de la langue basque, édition L'harmattan, 2018.
↑Eñaut Etxamendi,L'origine de la langue basque, éditions L'Harmattan, 2018, Paris.
(en)Marija Gimbutas,The Kurgan culture and the Indo-Europeanization of Europe : selected articles from 1952 to 1993, Washington, Institute for the Study of Man,(ISBN0-941694-56-9)
Franz Bopp (trad. Michel Bréal),Grammaire comparée des langues indo-européennes, Paris, Imprimerie impériale et Imprimerie nationale, 1866-1874, quatre tomes in-quarto
Silvia Luraghi,Linguistique historique et indo-européenne, Louvain-la-Neuve, Peeters, 2010.
James P. Mallory,À la recherche des Indo-Européens : langue, archéologie, mythe, Paris, Seuil, 1998, 358 p.
André Martinet,Des steppes aux océans : l'indo-européen et les Indo-européens, Paris, Payot,
Georges-Jean Pinault,La langue poétique indo-européenne - actes du colloque de travail de la Société des Études Indo-Européennes, Louvain, Peeters,(ISBN90-429-1781-4)
Colin Renfrew,L'énigme indo-européenne : archéologie et langage, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1990.
Claude Sandoz,Approche comparative des langues indo-européennes : phonologie et morphologie, Louvain-la-Neuve, Peeters, 2022.
Bernard Sergent,Les Indo-européens, histoire, langue, mythe, Paris, Payot,