Landicole se dit d'un organisme (flore et faune) qui vit dans les landes.
Les landes sont presque toujours caractérisées dans le monde par la présence d’espèces de l’ordre desÉricales et, enEurope, plus particulièrement desÉricacées (landes àCalluna,Erica,Rhododendron,Vaccinium, appelées respectivement callunaie, ériçaie, rhodoraie et vacciniaie). D’autres groupes spécifiques peuvent être bien représentés dans les landes, notamment en Europe : lesFabacées oulégumineuses (landes àUlex,Cytisus,Adenocarpus,Genista appelées ulicétaie, cytisaie, adénocarpaie, génistaie, et regroupées sous le terme générique de genêtaie ou genétière), lesCistacées (Cistus), lesSalicacées (Salix) et les graminées (fétuque, molinie, agrostide)[9].
La lande est un milieu naturel très répandu dans le monde entier, présent dans les zones tempérées de l'Europe à l'Australie en passant par l'Afrique du Sud, laCalifornie, laNouvelle-Calédonie et leChili. Cependant, cette formation au centre de plusieurs enjeux (agricole, forestier, touristique) disparaît rapidement et est devenue rare en Europe[10].
Les études menées mettent en évidence la grande diversité des landes, en relations avec les variations des conditions écologiques, des situations géographiques, de la position topographique, des conditionsédaphiques et hydriques, de l'action anthropique. Les écologues en distinguent deux grands types.
Les landes primaires ou naturelles (parfois qualifiées de « climaciques »[11]) occupent le plus souvent des milieux à fortes contraintes climatiques (vent, froid, pluviosité...) ou édaphiques (acidité, salinité, sol superficiel et pauvre...) qui n'ont jamais permis l'établissement des arbres (exemple : landes littorales ou sur les hautes terres océaniques, landes à certains étagessupraforestiers en montagne)[12].
Les landes secondaires,régressives, de substitution ouanthropiques sont nées de processus de défrichement et de déforestation, souvent très anciens (néolithique) et maintenues en l'état par des pratiques agropastorales (fauche de la lande pour la production de litière, de « fumier d'étable » et de « fumier de rue » ; récolte de petit bois[13] ;tourbage etétrépage puis enlèvement des mottes ;brûlis,écobuages dans un but de fertilisation, pour une meilleure repousse de l'herbe en vue du pâturage). Ce deuxième type, le plus fréquent, peut conduire à l'apparition d'unpara-climax ou d'une végétation secondaire très stable. Ainsi, les landes secondaires dans le massif armoricain se sont substituées à une forêt primaire climacique, la chênaie-hêtraie acidiphile[14].
Les ligneux bas (petits arbrisseaux de taille comprise entre 0,5 et2 mètres : callune, genêt, myrtille, etc.) ont un taux derecouvrement supérieur à celui des ligneux hauts (arbres de taille supérieure à2 mètres : pin, sorbier, chêne, etc.), ce dernier ne dépassant pas les 25 %. Ce taux de recouvrement permet de déterminer le degré de fermeture de la lande : lande claire (recouvrement en ligneux bas < 30 % et moins de 10 % de ligneux hauts), lande semi-ouverte (30 % < recouvrement en ligneux bas < 60 %), lande fermée (recouvrement en ligneux bas > 60 % et en ligneux hauts < 25 %), lande boisée (recouvrement en ligneux bas > 60 % et en ligneux hauts compris entre 25 et 50 %)[15].
L'évaluation du taux d'embroussaillement par les fourrés (au-delà de 75 % le milieu est considéré comme une lande) permet d'évaluer les menaces de fermeture du milieu. Le type de colonisation des ligneux, défini par leur disposition au sein du milieu (homogène, en lisière ou en taches constituant une mosaïque) et par les espèces présentes, permet de mieux comprendre son déroulement[16].
La bruyère cendrée (Erica cinerea) est l'essence typique des landes sèches.
La landesilicicole, landemésophile ou waste[17] se développe dans les régions côtières auclimat océanique, humide toute l'année avec des températures modérées. Lapédogénèse est déterminée par l'influence de l'humus brut (mor) formé sous végétation constituée essentiellement d'éricacées, plantes riches en tannins,métabolites secondaires utilisés commemoyen de défense chimique contre les microbes pathogènes etles herbivores. L'abondance de ces composés toxiques fait qu'à la mort de ces plantes, ils restent en partie libres dans le sol et inhibent le développement desdécomposeursmicrobiens, à l'exception des champignons qui dégradent lamatière organique très lentement en l'acidifiant et produisent desacides fulviques nocifs pour laminéralisation et lafertilité du sol : la matière organique non dégradée s'accumule et piège azote et phosphate, n'autorisant qu'une végétation à croissance lente qui tire profit d'une association symbiotique avec desmycorhizeséricoïdes, lesquelles facilitent l'absorption de tous les éléments minéraux[18]. Lalitière est peu abondante et acide. Lelessivage est important. Les sols sont acides (pH voisin de 4) et peuvent donner despodzols.
L'origine de cette formation est double. Levent gêne la croissance des arbres (forte évaporation, bris des rameaux) et le lessivage réduit leur alimentation. Mais le surpâturage desmoutons et l'abus desfeux de régénération de la lande pour éliminer lesbruyères afin de favoriser lesajoncs, profitent aux espèces végétales acidophiles telles lacanche et lamolinie. S'il est mal protégé, l'horizon superficiel peut être emporté par le ruissellement.
En l'absence de perturbations extérieures, la lande sèche se voit supplantée plus ou moins rapidement selon la profondeur et la richesse trophique du substrat par des espèces pré-forestières, préfigurant le stade forestier terminal de la série : des espèces pionnières comme lePrunellier, l'Ajonc d'Europe, leGenêt à balais, lesronces, lePin maritime, voire laBourdaine ou leSaule roux (Salix atrocinerea) dans les variantes fraîches, précèdent ainsi l'implantation d'essences d'arbres nomades telles que les chênes (Chêne tauzin,Chêne pédonculé), lechâtaignier, l'arbousier ou lechêne vert (notamment utilisé pour stabiliser lesdunes sableuses du littoral atlantique français) dont l'arrivée va précipiter l'élimination de la majorité des espèces landicoles plus ou moins strictementhéliophiles.
Louis Gallouédec a décrit les usages traditionnels de la lande, en l'occurrence la lande atlantique, à travers l'exemple breton : « La lande, au reste, est pas tout à fait improductive. On la coupe, en général, tous les quatre ou cinq ans ; legenêt sert à couvrir leschaumières ou lesappentis ; les grandsajoncs, les racines debruyère, qu'on enlève par mottes en pelant la lande, tiennent lieu dubois de chauffage, qui est rare ; dans les années où le fourrage manque, les pointes d'ajonc pilées sont utilisées pour l'alimentation du bétail, principalement pour celle des chevaux. Maigre ressource sans doute ; mais la lande n'exige presque ni cultures, ni soins. Chaque 20 ans environ, on la brûle par parcelles pour la renouveler (écobuage) ; on y sème duseigle la première année ; puis la lande, rajeunie et fertilisée par les cendres, repousse plus pressée et reprend possession du sol[19].
Lande à bruyère, Réserve naturelle deWrzosowiska Cedyńskie près deCedynia dans le Nord-Ouest de la Pologne.Les parties humides et inondées de la lande acide sont généralement couvertes de tapis de touradons demolinie bleue, accompagnées de divers carex, tapis de sphaignes et droséras. Ces tapis prennent en hiver un aspect clair typique, visible sur cette photographie.
Les landes acides et humides et les landes à bruyères sont localement protégées (elles abritent de nombreuses espèces menacées ou protégées), mais sont en forte régression dans les zones où elles sont pour des raisons géologiques ou climatiques en limites d'extension (par exemple dans le nord de la France, sur les reliques de milieux acides d'origine tertiaire).
Les principales menaces sont l'urbanisation ou la mise en culture avec apports d'intrants, les apports d'engrais (y compris lesnitrates aéroportés qui s'y déposent via les pluies) qui sont une cause d'eutrophisation et de recul des bruyères et d'autres plantes des milieux trèsoligotrophes (droseras par exemple dans les landes humides)[20], le recul despâturages extensifs ou la disparition dulapin de garenne qui entretenait des pelouses et landes rases.
Les apports decalcium (sous forme d'amendementscalcaires ou de gravats riches enciment,chaux..) sont aussi des causes de régressions des espèces de landes acides, dont les bruyères.
De nombreuses landes humides ont été victimes d'undrainage et parfois d'incendies successifs et d'une forteérosion etminéralisation des sols (tourbeux, paratourbeux y compris) à la suite de leur assèchement.
Un autre problème est la fragmentation écologique associé à une dispersion de plus en plus grande des fragments relictuels, qui conduisent à des effets d'insularisation génétique degoulot d'étranglement génétique.[21]
Les zones de landes, en Europe, peuvent accueillir une faune variée.
Associée à ces espaces et habitats ouverts, une faune spécifique utilise en priorité les landes : oiseaux (rapaces :circaète Jean-le-Blanc, busard cendré, busard Saint-Martin, faucon hobereau,chouette effraie ; courlis cendré,engoulevent ; grand nombre depassereaux :mésange huppée,troglodyte,coucou des bois,pic épeiche,pinson, fauvette pitchou, tarier pâtre, linotte mélodieuse, bruant jaune), invertébrés (cicindèle champêtre, criquet à pattes orange, adiante fougère, argiope frelon et autres libellules, dont lesympètre noir). De nombreux serpents sont les hôtes des landes (vipère péliade, couleuvre à collier et, surtout, coronelle lisse et lézard vivipare), ainsi que de grands mammifères (cerf,chevreuil,sanglier,renard oublaireau) ou de plus petits (fouine,écureuil,hérisson,lièvre,lapin)[22].
Les landes sont réputées posséder une faible diversité floristique en raison de leur développement sur des sols pauvres, peu profonds mais aussi des pratiques d’ouverture utilisées (brûlage dirigé, broyage en plein…). Cette diversité augmente avec le degré d'ouverture de la lande. On retrouve ainsi des plantes à fleurs (séneçon à feuilles d’adonis,digitale pourpre,centaurée pectinée,violette des chiens), des graminées (canche flexueuse,fétuque, agrostide), des ligneux bas (bruyère cendrée, myrtille,callune, les différentes espèces degenêts), des arbrisseaux (aubépine, églantier) et des arbres (pin sylvestre, alouchier, sorbier des oiseleurs)[23].
De plus, elles peuvent être un allié de poids si leur valorisation est optimisée à partir de leur souplesse d’utilisation et leur degré de spécialisation par rapport aux autres composantes de la chaîne de pâturage. Ainsi, les« ligneux bas favorisent le maintien des herbacées dans le temps en jouant un rôle d’abris : ils décalent la croissance de l’herbe située à leur pied, ils l’avancent en sortie d’hiver (cuvettes de réchauffement et de déneigement) ou la retardent en fin de printemps et en été (herbe à l’ombre, restée jeune et appétente) »[24].
La richesse des landes provient de la pauvreté naturelle de leur sol. Il convient de ne pas y apporter d'engrais ni d'amendements calcaires.Dans lesréserves naturelles, des plans de gestion sur 5 ans sont généralement adoptés et mis à jour.
En France, en 2011, une mesure desmesures agroenvironnementales territorialisées (Dispositif 214-I), intitulée « Herbe_10 - Gestion de pelouse et landes en sous bois »[25] permet unpâturage extensif y compris en sous-bois, avec un« objectif de maintien de labiodiversité en particulier des habitats naturels inféodés à ces milieux et des habitats d’espèces liés au couvert arboré (insectes d’intérêt communautaire etchauve-souris) ainsi qu’à un objectif de défense contre lesincendies (sylvopastoralisme). Cet engagement vise ainsi à renforcer lepâturage, par des interventions manuelle et/ou mécanique sur les strates herbacée, arbustive et/ou arborée, afin de maintenir un équilibre entre couverts herbacés (pelouses, landes) et couvert arboré, permettant de maintenir l’accessibilité des animaux au pâturage sur les surfaces concernées[25]. »
« Land » est un nom communtoponymique qui se retrouve dans latoponymie du Nord de la France, généralement comme second élément d'un composé en-land,-lan, voire-ran(t), où il remonte auvieux saxon, auvieux norrois, auvieuxbas-francique ou auvieux haut-allemand.Lann au sens de « lande, ajoncs » apparaît en Bretagne dans des lieux-dits comme Le Lann, Al Lan, Land, Laland, les diminutifs Lannic (« la petite lande »), les pluriels Lanno, Lano, Lannou, Lanio, Lanniou. Les composés sont nombreux : Kerlan, Lanveur ([meur], « grand »), Lanvian ([bihan], « petit »), Lanroz et Lanrose ([roz], « tertre »), Toulalan (« trouée dans la lande »), Pennalan (« le bout de la lande »), Landrein (« lande de ronces », de [lann drein]). Le mot /lanneg/ a également ce sens : Le Lannec, Lannéguic (diminutif), Lannéguer et Lannéguy (pluriels)[26].
Le mot « lande », soit en tant que nom commun toponymique, soit en tant que simple élément du lexique, est à l'origine de très nombreuxpatronymes : Deslandes, Delalande, Delande et sa variante altérée Delandre, Lalande, Landes, Landais, Landier, Landel, Landois, Lelandais, comme les Lane et Lanes gascons[27].
↑On distingue des landes àajoncs etgenêts (Fabacées arbustives) surtout présentes sur sols sédimentaires (sables calcaires) neutres oubasiques et des landes àbruyères sur des terrainsacides,cristallins.
↑Lionel Visset, « Recherches palynologlques sur la végétation pléistocène et holocène de quelques sites du district phytogéographique de Basse-Loire »,Suppl. Hors série Bull Soc. Sc. Nat Ouest France, 1979, 282 p. ; Dominique Marguerie, « Confrontation des données polliniques et anthracologiques : défrichement du milieu forestier et développement de la lande régressive à partir du Néolithique en Armorique »,Revue d'Archéométri, 15, 1991, p.75-82
↑L'anthracologie (analyses de graines carbonisées) et lapalynologie (pollens et spores qui se conservent fort bien dans les tourbières ou dans les sépultures néolithiques sous tumulus) mettent en évidence des paysages de type lande avec à la fois des plantes témoignant d'une économie de production agricole avec régression du couvert forestier (développent de plantes allochtones comme des légumineuses ou des céréales importées, échangées entre communautés de fermiers néolithiques), et de plantes indicatrices de l'activité humaine (plantes rudérales et de jachères). Cf Dominique Marguerie, Évolution de la végétation sous l'impact humain en Armorique du Néolithique aux périodes historiques, Association des travaux du laboratoire d'anthropologie, 1992, 313 p.
↑Leur entretien durant l'âge du Fer est sans doute lié à la nécessité d'une consommation accrue de matière première ligneuse (constructions, chauffage pour les fours de potiers, de métallurgie…), associée à une ouverture du milieu forestier pour créer des surfaces agricoles (pâtures et cultures).
↑Nigel R. Webb,Etude sur les biotopes et les habitats perdant leur valeur pour la protection de la nature par suite de la succession écologique, Council of Europe,,p. 18
↑van Wingerden, W. K. R. E., van Dam, R. I., van der Sluis, T., Schmitz, P., Kuipers, H., & Kuindersma, W. (2005).Natura2000 grensgebieden; ecologische kansen en grensoverschrijdende samenwerking in Natura2000 grensgebieden (No. 1061). Alterra.
↑Le terme de « lande » est utilisé ici dans son sens le plus strict, c'est-à-dire comme un type deformation végétale précis. Souvent, il désigne dans un sens plus large l'ensemble des zones incultes ou en friche et correspond alors à des types de végétation beaucoup plus variés.
↑Abderrazak Marouf, Joël Reynaud,La botanique de A à Z, Dunod,(lire en ligne),p. 165.
↑Les landes dites atlantiques et hyper atlantiques sont climaciques. Localisées presque exclusivement dans les régions littorales, où le facteur responsable de la présence de la lande et de l'absence de la forêt, est d'abord le vent, elles sont en équilibre avec les conditions naturelles indépendamment de toute action humaine.
↑Antoine Da Lage, Georges Métailié,Dictionnaire de biogéographie végétale, CNRS Editions,,p. 331.
↑Petit bois nécessaire dans les constructions (clayonnages des maisons, palissades…), le chauffage, l'artisanat, et l'élevage.
↑P. Ozenda; M. J. Lucas, « Esquisse d’une carte de la végétation potentielle de la France au 1/1 500 000 »,Documents de cartographie écologique,no 30,,p. 49-80.
↑Benoît Pascault,La lande, ressource pastorale des Cévennes vivaroises, Conservatoire Rhône-Alpes des Espaces Naturels,(lire en ligne),p. 6 et 11.
Y. Petit-Berghem, « Unité et diversité des landes atlantiques : un déterminisme biogéohistorique »,Actes du colloque « La Lande. Un paysage au gré des hommes (P. Jarnoux, Coord.)», PNR d’Armorique, CRBC, colloque International, Châteaulin, 14-, 2008, 111-121.
C. Ferault, « Les landes en Mayenne : un état instable issu des défrichements, étroitement associé aux systèmes agricoles d'antan », Colloque Académie du Maine, Le Mans,, 7 p., à paraître dansCahiers du Maine, n°28, 2019 (consultable sur www.academie-agriculture.fr[réf. incomplète])