LesLakhmides (enarabe : اللخميون) sont une tribuarabepréislamique ayant régné dans le sud de l’Irak depuis leur capitale,Al-Hira, pendant plus de trois siècles, de300 à602.
Ayant émigré duYémen auIIe siècle[1], ils régnèrent par intermittence en tant qu’alliés ou vassaux des roisSassanides de Perse, entretenant des liens particulièrement étroits auVIe siècle, lorsque le royaume Lakhmide devint le rempart de la position sassanide enIrak contreByzance et ses alliésarabes enSyrie, lesGhassanides[2]. Bien qu'alliés desSassanides, les Lakhmides furent très attachés à leurs traditions, gardant ainsi une culture typiquement arabe[3].
Rivaux desGhassanides, ils faisaient partie de l'Église de l'Orient. Des ruines d'églises nestoriennes ont été découvertes dans la région, par exemple àAl-Jubayl. Cependant, tous les souverains lakhmides ne furent pas chrétiens. C'est le cas par exemple d'Al-Mundhir III ibn al-Nu'man.
Ils sont longtemps au service de la politique perse de contrôle des tribus arabes de leur empire. Leurs revenus viennent des bénéfices commerciaux, du butin de leurs expéditions principalement contre les tribus arabes et les autres populations des confins duShâm, et du tribut versé par les tribus arabes soumises.
Aujourd'hui, les descendants des Lakhmides sont la famille princièreArslan, une familledruze descendante du prince Arslan ibn al-Mundhir et ayant régné sur leMont-Liban[réf. souhaitée]. Actuellement, le chef de la famille est l'émirTalal Arslane.
Le royaume des Lakhmides a été fondé par la tribu des Banu Lakhm qui a émigré duYémen auIIe siècle[1]. Comme lesGhassanides, ils sont une branche de la tribuAzd, issue de la lignée desArabes Qahtanites. Ayant habité la ville deMarib, ces derniers auraient migré un peu partout dans lapéninsule arabique avant de s'installer enIrak. À partir duIIIe siècle, le royaume Lakhmide commence à prendre de l'importance lorsque ʿAmr b. ʿAdi (268-295) fait d'Al-Hira sa capitale et étend son pouvoir à travers ledésert syrien et dans le nord de l’Arabie[2].
Selon la tradition arabe, il entra en conflit avec d'autres dirigeants locaux, notamment la reineZénobie dePalmyre[2].
Vassaux des rois sassanides, les Lakhmides furent chargés de contenir les incursionsByzantines,Ghassanides etBédouines enIrak[5]. Bien que les rois Lakhmides furent pour la plupart adeptes du polythéisme arabe, certains rois se convertirent au christianisme tel qu'Imru'l-Qays (à ne pas confondre avec le poèteImru'l Qays), fils de ʿAmr I ibn Adi[1].
Ce dernier rêvait d’un royaume arabe unifié et indépendant et mena ainsi plusieurs campagnes militaires dans la région, s'emparant ainsi de nombreuses villes d'Arabie[1]. Imru'l-Qays forma également une grande armée et fit du royaume une puissance navale constituée d'une flotte de navires opérant dans legolfe persique[6]. De cette position, il attaqua les villes côtières de l’Iran alors en guerre civile en raison d'une crise de succession, pillant même le lieu d'origine des rois sassanides, la province duFars[6].
Inscription de Namara, épitaphe arabe de« Imru-l-Qays, fils de 'Amr, roi de tous les Arabes », inscrite enécriture nabatéenne. Basalte, daté du 7 Kesloul 223, c’est-à-dire du 7 décembre 328. Trouvé à Namara dans leHauran (sud de laSyrie).
À la suite de ces campagnes, l'empereur sassanideChapour II mena une expédition punitive contre les Lakhmides. Imru' al-Qays se retira alors à Bahreïn puis enSyrie pour demander l’aide de l’empereur romainConstantin. Il se convertit alors au christianisme mais mourut en328 sans pouvoir réaliser son rêve et fut enterré à Namara[7] où une inscription, célèbre sous le nom d'« inscription de Namara », commémore son règne et déclare :
« Ceci est le tombeau d’Imru' al-Qays, fils de 'Amr, roi de tous les Arabes, celui qui ceignit le diadème,
qui soumit (les deux tribus) d'Asad, (celle) de Nizar et leurs rois, qui dispersa (la tribu) Madh'hij jusqu'à ce jour, qui sortit
victorieux du siège deNajran, ville deShammar, qui soumit la tribu deMa'add, qui répartit entre ses fils
les tribus et organisa celles-ci comme corps de cavalerie pour les Romains. Aucun roi n'a atteint sa gloire
jusqu'à ce jour. II est mort en l'an 223, le septième jour de Kesloul. Que le bonheur soit sur sa postérité[7]. »
Après la mort d'Imru'l-Qays, son fils 'Amr (328-363) lui succéda. Sa mère était Mariya al-Barriyah, une sœur du roiGhassanide Tha’laba ibn 'Amr. À l'inverse de son père, ce dernier prêta allégeance aux Sassanides.
Les Lakhmides ont eu une grande influence politique, religieuse et culturelle dans la région et sont restés influents jusqu'auVe siècle. Le roi al-Nuʿman I (390-418), appelé al-Aʿwar (Le Borgne) était réputé pour être un roi bâtisseur[2]. Ce dernier avait notamment fait construire deux palais près d'Al-Hira, leKhawarnaq(en) et le Sadir[2] qui étaient considérés à l'époque médiévale comme des« merveilles du monde »[8].
Son fils, al-Mundhir I (418-462), est célèbre pour avoir combattu lesByzantins et joué un rôle important dans les affaires politiques internes sassanides[2]. Le prince sassanideVahram V avait été élevé à la cour d'Al-Ḥira par al-Mundhir I[5],[9] où il apprit le droit, le tir à l’arc et les arts équestres[10]. Après l'assassinat de son frère aînéChapour,Vahram V s'est emparé du trône sassanide face àKhosro l'Usurpateur et aux grands dePerse grâce à l’aide des Lakhmides[2],[5],[9].
AuVIe siècle,Al-Hira, capitale des souverains Lakhmides, fut à son apogée. Les rois Lakhmides firent de la ville une cité prospère ornée de palais et de châteaux[4], un centre important de laculture arabe[4], duchristianisme[4] et de lapoésie arabe[4], attirant certains des poètes les plus connus de l’Arabie préislamique tels que Ṭarafah ibn al-ʿAbd ou Al-Nābighah al-Dhubyānī[4].
Miniature duXVe siècle, réalisée parBehzad et décrivant la construction du palais d’Al-Khawarnaq à Al-Hîra.
Bien que la plupart des rois Lakhmides sont restés fortement païens presque jusqu’à la fin,Al-Hira fut un centre majeur de piété et d’apprentissage chrétiensnestoriens dans le centre de l’Irak[2], avec sa célèbre population alphabétisée de chrétiens arabes, les ʿIbād, sesévêques, et ses nombreuseséglises etmonastères[11]. Les ʿIbād (arabe : عِباد), était un groupearabe chrétiennestorien aux origines tribales diverses (principalementTamīm,Rabīʿa etMuḍar,Azd,Iyād etLakhm)[12]. Ces derniers ont joué un rôle important dans le développement dessciences. C'est le cas par exemple deHunayn ibn Ishaq.
En ce qui concerne l'architecture, ayant activement favorisé la construction depalais, d'églises et demonastères[4], les Lakhmides ont laissé une empreinte significative sur l'urbanisme de la région. Ainsi, les palais duKhawarnaq(en) et du Sadir, considérés comme des « merveilles du monde », continuèrent à être utilisés par les premierscalifes abbassides comme résidence de chasse[8].