Lelac Tchad est un grand lacendoréique d'eau douce situé à la frontière entre le Niger (au nord-ouest), le Nigeria (au sud-ouest), le Cameroun (au sud) et le Tchad (à l'est). Lebassin hydrographique du lac couvre 7,8 % de la surface du continent, et alimente principalement le lac par le fleuveChari, frontalier du Cameroun et du Tchad au sud-est.
Le lac abrite une grande diversité d'espèces, dont laprinia aquatique et l'alouette rousse, qui sont presque endémiques à la région. Au sud, la végétation bordant le bassin est majoritairement composée depapyrus, dePhragmites mauritianus et deVossia cuspidata, tandis que le nord, légèrement plus salé, est bordé deroseau commun et deTypha australis. La salinité du lac reste basse, car les eaux chargées en sel quittent le lac par le sous-sol. Néanmoins, si l'apport hydrique du bassin nord reste faible, la salinité pourrait augmenter, et entraîner la disparition d'espèces.
De faible profondeur, le lac a vu sa superficie divisée par dix depuis 1960 en raison du déficit de pluviosité et de l'augmentation des prélèvements pour l'irrigation. Au cours de son histoire, le lac a déjà connu des phases d'assèchement complet, vers 20000av. J.-C. et au milieu duXVe siècle[1]. Une telle situation pourrait se reproduire prochainement.
Dans ce contexte d'assèchement du lac, des projets de transfert d'eau depuis lebassin du Congo sont imaginés depuis les années 1930, sans avoir jamais abouti à ce jour. Les derniers projets envisagent un détournement d'une partie de la rivièreOubangui par un canal de plus d'un millier de kilomètres.
Néanmoins, depuis quelques années, les effets duchangement climatique ont conduit paradoxalement à accroitre la superficie du lac. En effet, le réchauffement des océans provoque une plus grande évaporation ainsi qu'une plus grandepluviométrie dans la région. Il est ainsi estimé que son niveau a augmenté de 11cm de 2024 à 2025[2].
Carte interactive de lacs au Tchad (cliquer pour voir les détails).
Le lac Tchad est un grand lacendoréique d'Afrique (ses eaux ne rejoignent pas l'océan) dont les eaux sont douces, ce qui est rare pour ce type de lac[3].
Jadis l'un des plus grands lacs du monde (auQuaternaire, il s'étend sur plus de 300 000 km2[5]), le lac s'est réduit considérablement pendant les quatre dernières décennies. Dans les années 1960, il couvrait un secteur de plus de 26 000 km2. En 2000, il était tombé à moins de 1 500 km2[6]. Le déficit de pluviosité combiné à une plus grande utilisation des eaux du lac et des rivières pour l'irrigation – la population du bassin a doublé dans l'intervalle, et l'irrigation a quadruplé entre 1983 et 1994 – expliquent ce recul. Sa faible profondeur, qui est au maximum de 7 mètres, le rend fragile et très dépendant des fluctuations saisonnières. La navigation y est désormais impossible.
En haut : Altitude expérimentale et modélisée de l'eau sur le bassin sud du lac Tchad. En bas : Précipitations annuelles à quatre stations de mesure dans le bassin du lac Tchad[7].
À la suite du recul du lac dans les années 1970-1980, les nouvelles terres émergées, encore humides, ont permis d'entreprendre des cultures très productives surtout au sud du lac, côté tchadien. Les terres irriguées représentent135 000 hectares, dont100 000ha auNigeria[4]. La situation hydrologique, bien que fragile, semble stabilisée.« Le lac Tchad fait toujours face à des menaces majeures et sa variabilité contemporaine sous l'effet du changement climatique reste très incertaine. (…) [Cependant,] au cours des deux dernières décennies, l'étendue du lac Tchad est restée stable, malgré une légère diminution de son bassin nord. De plus, depuis les années 2000, les eaux souterraines, qui contribuent à ~70% du changement annuel de stockage d'eau du lac Tchad, augmentent en raison de l'approvisionnement en eau fourni par ses deux principaux affluents. »[7]
Même s'il demeure encore l'un des plus grands lacs d'Afrique, le lac Tchad est dix fois plus petit qu'il y a cinquante ans : 25 000 km2 en 1964 contre 2 500 km2 en 2004[8]. Un projet de grande envergure, dénomméTransaqua, regroupant leCameroun, leNigeria, leNiger, leTchad, laRépublique centrafricaine et laLibye, doit opérer un transfert des eaux de l'Oubangui, qui prend sa source enRépublique démocratique du Congo, vers le lac, via les fleuvesChari et son affluentLogone. L'opération nécessiterait le creusement d'un canal de 1 350 kilomètres en République centrafricaine. L'opération est loin de faire l'unanimité. Certains craignent ses impacts négatifs sur la biodiversité de l'Oubangui et du bassin duCongo. Par ailleurs, le mauvais état de l'Oubangui dont les eaux baissent dangereusement, plaide en faveur des opposants à Transaqua[9].
LaNASA a financé une étude sur le lac Tchad dans le cadre de son système d'observation de la Terre. Les variations sont suivies parsatellite artificiel, afin de prévenir les riverains des modifications attendues. L'agence américaine, qui a mené une étude de simulation climatique sur la région, prédit la disparition du lac à plus ou moins brève échéance[10].
Lebassin versant du lac compte 179 espèces de poissons, le lac lui-même en compte 85.
Il y a de nombreusesîles flottantes sur le lac abritant une grande diversité d'espèces. Parmi ces espèces, se trouvent notamment deséléphants, deshippopotames, descrocodiles ainsi qu'une grande communauté d'oiseaux migrateurs comprenant descombattants variés et de nombreuses espèces de canards. Deux espèces d'oiseaux sont presque endémiques à la région, laprinia aquatique et l'alouette rousse[11].
Durant les périodes postglaciaires, leSahara bénéficia de conditions climatiques beaucoup plus clémentes qu'actuellement et le désert réel était très restreint. Le Sahara était en majeure partie couvert d'une végétation boisée de type méditerranéenne, particulièrement dans les massifs centraux avec autour d'eux de nombreux lacs et des prairies sèches, situation favorable à une faune giboyeuse.
Le lac Tchad est le reste d'unemer intérieure, le paléo-lac Tchad (ou paléo-Tchad).« Le maximum de l’extensiondu lac Tchad aurait été enregistré entre 7 000 et 4 500 ans BP[13]. », il fut ainsi le plus grand des quatre paléo-lacs africains, plus grand que l'actuellemer Caspienne et s'étendait probablement au nord jusqu'à une centaine de kilomètres deFaya-Largeau[14]. À ce moment, la rivièreMayo Kébi était l'exutoire du paléo-lac, le reliant auNiger et à l'océan Atlantique[15]. La présence delamentins d'Afrique dans les affluents du lac témoigne de cette histoire.
Suivant les alternances des phases humides et des périodes sèches, le lac Tchad s'étend ou se rétracte, mais à partir de4000 av. J.-C. jusqu'à nos jours, la baisse des eaux est rapide, correspondant à l'installation de l'aridité et à l'avancée du désert. Les variations du lac Tchad témoignent de nombreux changements :
vers 50000 av. J.-C., le lac couvrait 2 millions de kilomètres carrés[Information douteuse] ;
vers 20000 av. J.-C., il disparut complètement à cause de l'aridité des tropiques consécutive à l'apogée de la glaciation ;
La récente diminution massive de la superficie du lac est principalement due à des pluies de plus en plus rares, des sécheresses dramatiques (1973, 1984, 2008) et le déboisement. Beaucoup de riverains sont défavorables à sa remise en eau, l'assèchement ayant mis à nu des terres fertiles dont ils tirent de bons revenus.
Le réchauffement climatique a provoqué une augmentation paradoxale de la taille du lac. L'évaporation accrue des océans et les précipitations plus importantes dans la région ont contribué à élever son niveau de 11 cm entre 2024 et 2025. Cette crue constante a des conséquences considérables pour la population locale, notamment pour les éleveurs, dont les troupeaux perdent leurs pâturages. Certaines estimations prévoient que la surface du lac pourrait s'étendre de 30 % d'ici à 2040[2].
Un village sur la rive du lac Tchad, Cameroun, 1989.La rive du lac Tchad,Tchad , 2025.
La salinité du bassin nord pourrait augmenter si l'apport hydrique vers ce dernier reste faible, ce qui pourrait causer la disparition de nombreuses espèces végétales et animales, augmentant l'érosion par la suite. La pêche, qui est déjà passée de 243 000 tonnes de 1970-1977 à 56 000 tonnes en 1986-1989, pourrait encore diminuer, privant les riverains d'un revenu substantiel alors que les États du nord duCameroun et duNigeria comptent déjà parmi les plus pauvres de leurs pays respectifs. La raréfaction de l'eau potable pourrait enfin augmenter les cas dediarrhée, decholéra et defièvre typhoïde[4]. Toutefois, la perspective d'un classement du lac Tchad aupatrimoine mondial de l'UNESCO[19] pourrait permettre la mise en œuvre d'une politique de préservation par l'ensemble des pays riverains.
Le lac Tchad est reconnu au titre desite Ramsar en 2001 dans ses parties nigérienne[20] et tchadienne[21], et en 2008 dans ses parties nigériane[22] et camerounaise[23].
Projet de transfert d'eau depuis le bassin du Congo
Pour sauver le lac Tchad, un ancien projet a été réactualisé au début duXXIe siècle, celui duTransaqua. Il s'agit d'un projet de transfert d'eau interbassins, au départ de certains affluents du fleuveCongo vers le lac Tchad, et ce par un gigantesque canal qui utiliserait la vallée du fleuveChari[24].
Face au risque d'assèchement du lac dès l'entre-deux-guerres, les autorités coloniales avaient commencé à échafauder un projet de raccordement depuis le Congo, projet baptisé à l'époque « Atlantropa ». Ce projet a finalement été abandonné après laSeconde Guerre mondiale et les décolonisations[24].
Au début des années 1980, c'est une sociétéitalienne (Bonifica) qui propose un projet de transfert des eaux des fleuves Congo etOubangui, par un canal de 2 400 km : le projet est baptisé« Transaqua »[24]. Le projet, titanesque et peu fédérateur, ne verra finalement jamais le jour.
Le projet d'origine formalisé au début des années 1990 prévoyait de barrer les cours de plusieurs rivières importantes du nord-est de larépublique démocratique du Congo au moyen de barrages de régulation, et de soustraire une partie de leurs débits pour les amener vers un lac artificiel construit sur l'Oubangui en amont deBangui. De là un canal conduirait ces eaux vers la ligne de partage des eaux entre bassins duCongo et bassin duChari, à environ 600 mètres d'altitude. Une fois franchi ce seuil, les débits seraient acheminés, toujours par canal, dans le lit duChari, et finiraient par alimenter le lac Tchad et toute sa région. La longueur totale du canal aurait été d'environ 2 400 kilomètres dont à peu près la moitié dans le bassin duChari. L'ensemble constituerait en outre une voie navigable internationale importante.
Le volume de prélèvement prévu dans ce premier projet était de l'ordre de 100 milliards de mètres cubes d'eau annuellement, c'est-à-dire environ 3 150 m3 par seconde.
Deux projets différents sont actuellement discutés, tous deux prévoyant le transfert d'une partie des eaux de l'Oubangui par un canal de 1 350 kilomètres.
En mars 2008, leNigeria, leNiger et leTchad ont engagé le financement des études pour transférer une partie des eaux de l'Oubangui[26],[27]. L'étude de faisabilité, débutée en 2009, nécessite des moyens importants et leNigeria, puissance pétrolière donc financière de la région, est prêt à y affecter cinq millions de dollars. Les quatre autres pays membre de laCommission du bassin du lac Tchad (CBLT), à savoir leCameroun, laRépublique centrafricaine, leNiger et leTchad, contribueront ensemble à hauteur d'un million supplémentaire.
En 2014,Romano Prodi, envoyé spécial de l’Organisation des Nations unies pour le Sahel en 2012 et 2013, appelle les membres CBLT à ne plus attendre de nouvelles études. Les 4 et 5 avril 2014 à la conférence deBologne pour le financement du sauvetage du lac Tchad, les acteurs se sont engagés à la création d'un comité de suivi et d'un comité de scientifique mondial[28].
Entretemps, des voix se sont élevées contre ce projet qui pourrait comporter des risques environnementaux et surtout sociaux, une population importante vivant désormais dans le lit de l'ancien lac[24].
Son rôle économique est très important, car il doit fournir l'eau à plus de40 millions de personnes des quatre pays limitrophes : leTchad, leCameroun, leNiger et leNigeria[29].
↑D'après Henri J. Hugot,Le Sahara avant le désert, éd. des Hespérides, Toulouse 1974 ; Gabriel Camps, « Tableau chronologique de la Préhistoire récente du Nord de l'Afrique : 2-e synthèse des datations obtenues par le carbone 14 » in :Bulletin de la Société préhistorique française vol. 71, n° 1, Paris 1974, p. 261-278 etJean Gagnepain.
↑Florence Sylvestre,« Variabilité paléo-hydrologique et changement climatique », dans jacques Lemoalle (dir.)et alii,Le développement du Lac Tchad : situation actuelle et futurs possibles, IRD,(lire en ligne),p. 84
↑(en) Leblancet al., « Reconstruction of megalake Chad using shuttle radar topographic mission data »,Palaeogeography, palaeoclimatology, palaeoecology,no 239,,p. 16–27
↑J. Maley,Études palynologiques dans le bassin du Tchad et paléoclimatologie de l’Afrique nord-tropicale de 30 000 ans à l’époque actuelle, Travaux & documentsORSTOM,no 129, 586 p.