Vincenzo Gioacchino Pecci, né le 2 mars 1810 àCarpineto Romano près de Rome, alors rattachée aux territoires annexés formant les130 départements duPremier Empire français, et mort le 20 juillet 1903 àRome (Italie), est un ecclésiastique italien,256epape de l’Église catholique, élu le 20 février 1878 sous le nom deLéon XIII (en latinLeo XIII).
Son pontificat qui dura plus de vingt-cinq ans compte parmi les plus longs de l’histoire de la papauté, après ceux dePie IX et deJean-Paul II. Il est le premier pape à avoir exercé son ministère sans la souveraineté sur lesÉtats pontificaux, supprimés en 1870.
Léon XIII est l’auteur de 86encycliques, par lesquelles il s’attache à définir la position de l’Église catholique face au monde moderne.
Parmi elles la plus célèbre,Rerum novarum, est considérée comme le texte fondateur de ladoctrine sociale de l'Église catholique. Il y affirme le droit des travailleurs à un salaire juste, à des conditions de travail sûres et à la formation de syndicats, tout en réaffirmant le droit à la propriété privée et à la libre entreprise. Par cette approche il se distingue tant du socialisme que du capitalisme, proposant une troisième voie fondée sur la justice sociale et la dignité de la personne humaine. Léon XIII considère l’action pastorale au sein de la société comme une mission essentielle de l’Église, appelée à défendre les droits et la dignité de chaque individu.
Le pape donne également un nouvel essor authomisme, le système philosophique et théologique deThomas d’Aquin, qu’il érige en référence intellectuelle de l’Église. Afin d’en encourager l’étude et la diffusion il crée laCommission léonine.
Léon XIII manifeste aussi une grande dévotion mariale : il consacre onze de ses encycliques aurosaire et approuve la création de deux nouveauxscapulaires mariaux.
Vincenzo Gioacchino Pecci naît le 2 mars 1810 aupalais Pecci àCarpineto Romano, de l'union du comte Domenico Lodovico Pecci (1767–1833) et de la comtesse Anna Francesca Prosperi-Buzzi (1773–1824)[2]. Il est le sixième d'une fratrie de sept[3]. Son frère aînéGiuseppe Pecci deviendracardinal ; son plus jeune frère, Ferdinand, meurt prématurément de la scarlatine pendant ses études au séminaire[C 1].
Vincenzo Gioacchino Pecci est baptisé dans la chapelle privée du palais familial par l'évêque d’Anagni, Gioacchino Tosi. Il reçoit les prénoms de Vincenzo Gioacchino en hommage à saintVincent Ferrier, sous le patronage duquel la chapelle est placée ; dans sa vie cléricale il utilise le prénom Gioacchino[A 1].
En, à l'âge de huit ans,Vincenzo Gioacchino Pecci est confié avec son frère, Giuseppe, auxjésuites du collège deViterbe[4], avant d'entrer en 1824 auCollegium romanum[N 1] de Rome. Vincenzo se fait remarquer par sa maîtrise précoce du latin[A 2]. Ses professeurs rapportent que dès l’âge de douze ans il écrivait couramment en prose et en vers« avec une facilité et une élégance merveilleuses pour son âge »[5] et en 1825 lors duJubilé, il est chargé de réciter en latin un compliment au papeLéon XII lors de l'audience accordée aux élèves duCollegium romanum à cette occasion.
Il reçoit une formation enrhétorique, philosophie, mathématiques et physique[5]. Pendant ses études, il loge chez son oncle, Antonio Pecci (rue de l’Aracoeli) et subvient à ses besoins en travaillant commerépétiteur de philosophie auCollège germanique[A 2]. Il y côtoie notammentBarnaba Tortolini (it), alors répétiteur en mathématiques et physiques[C 2]. Vincenzo Gioacchino Pecci fréquente également l'universitéla Sapience[2].
En 1830, il se distingue dans une dispute publique en latin sur des questions théologiques auCollège romain. Il attribue son succès à son maître, lepère Jean Perrone[A 3]. En 1831, à l'âge de 21 ans, il obtient undoctorat enthéologie[2].
Le, après avoir prouvé ses origines nobles, il est admis à l'Académie des nobles ecclésiastiques qui prépare les futurs diplomates duSaint-Siège. Il devient alors pensionnaire du palais Severoli (it) mais pendant ses congés il retourne àCarpineto Romano où il pratique la chasse, l’alpinisme, le jardinage et la culture de la vigne, loisirs auxquels il attribuera plus tard sa longévité.
En octobre 1834, il demande à recevoirordres mineurs[A 4] (première étape vers la prêtrise). Ses qualités universitaires le font remarquer par lecardinal Lambruschini qui le recommande au papeGrégoire XVI. Le 6 février 1837, Vincenzo Gioacchino Pecci est nommé« prélat domestique de Sa Sainteté »[2] (titre honorifique qui le fait entrer dans laMaison pontificale et marque le début de sa carrière au sein de laCurie romaine), puis référendaire de la Signature de justice (c’est-à-dire rapporteur auprès de la plus haute juridiction du Saint-Siège, chargée de l’examen des causes et des recours en matière ecclésiastique).
En 1837, lorsque Rome est frappée par une épidémie decholéra, il assiste le cardinalGiuseppe Antonio Sala dans l’organisation des secours sanitaires, échappant lui-même à la contagion. En reconnaissance de son dévouement il est nommé prélat adjoint à la Sacrée Congrégation du Concile (aujourd'hui nomméDicastère pour le clergé).
Fin 1837, il confirme son désir d'entrer dans les ordres et effectue sa retraite spirituelle au sein du noviciat des Jésuites àSaint-André du Quirinal[A 5]. Le, à l’âge de 27 ans, il est ordonné prêtre par le cardinalCarlo Odescalchi[2].
En 1838, à l’âge de 27 ans, Pecci est nommélégat pontifical à Bénévent, une enclave pontificale au cœur duroyaume de Naples. Ses mesures fermes permettent d’y endiguer le banditisme. En 1841, le papeGrégoire XVI le transfère à la légation pontificale dePérouse[C 3]. Il y supervise la réfection des routes et organise la visite pontificale pour l’inauguration de laVia Gregoriana[A 6]. Il participe également à la fondation d’une caisse d’épargne.
Le il est nomménonce apostolique enBelgique. Pour s'y rendre il voyage par bateau deCivitavecchia àMarseille, puis par la route jusqu'àBruxelles. Il apprend le français durant le trajet et prend des cours particuliers dans cette langue àNîmes où il est retenu pendant une quinzaine de jours[C 4] par une indisposition.
Il soutient l'opposition des députés catholiques contre le gouvernement deJean-Baptiste Nothomb sur la question des jurys d'examen, opposition qui contraint le ministre à démissionner en. Le roiLéopold Ier, soucieux de ne pas froisser la majorité catholique, soutient cette opposition et propose Pecci comme cardinal auprès du pape Grégoire XVI[C 3]. Le roi lui confère également le grand cordon de l'Ordre de Léopold[A 7].
Durant ce séjour belge, le comte Ferdinand de Meeûs, gouverneur de la Société générale de Belgique, lui expliquera la nécessité pour l'Église de s'intéresser à la nouvelle industrie et au monde ouvrier.[réf. souhaitée]
Avant de rentrer à Rome en 1846, il voyage afin « d’étudier les institutions européennes »[B 1]. Il se rend à Paris par la nouvelle ligne de chemin de fer reliant Bruxelles à Paris et dont il participe à l'inauguration le[6]. Il séjourne ensuite environ un mois à Londres où il est présenté à la reineVictoria[C 5].
En 1846, Pecci est nomméarchevêque de Pérouse, charge qu’il occupe pendant trente-deux ans (jusqu'en 1877). Le papeGrégoire XVI le crée également cardinalin pectore (en secret). Après la mort de Grégoire XVI, son successeur le papePie IX rend public ce titre et durant leconsistoire du 19 décembre 1853, le crée officiellement cardinal, répondant ainsi au souhait exprimé par le roi Léopold Ier de Belgique. Pie IX lui maintient également son titre d'archevêque[7]. Pecci est alors âgé de 43 ans.
Archevêque de Pérouse, Pecci consacre une part importante de son épiscopat à la formation du clergé, suivant personnellement l’instruction et la progression des séminaristes, assisté de son frèreGiuseppe Pecci, revenu à Pérouse à la suite de la dispersion de laCompagnie de Jésus en 1848[C 6].
En 1849, afin de protéger la ville il obtient le retrait des troupes autrichiennes lancées à la poursuite deGaribaldi qui campent à Pérouse. En 1854, il doit faire face à ladisette qui frappe l'Ombrie et qui le sensibilise à laquestion sociale. En 1857, il reçoit pendant quatre jours le pape Pie IX qui visite Pérouse[A 8].
Pecci fait restaurer et embellir lacathédrale Saint-Laurent, notamment l’oratoire de Sant’Onofrio où se trouvait autrefois leretable de Sant'Onofrio deLuca Signorelli, aujourd'hui conservée dans le Musée annexe de la cathédrale et le tableau deFrancesco Appiani Saint Émidio baptisant Polisia. Il fonde le sanctuaire de Notre-Dame de la Miséricorde à Ponte della Pietra en l'honneur de l'image miraculeuse de la Vierge, qu'il consacre en 1871[B 2].
En 1859, il fonde à Pérouse l'académie de Saint-Thomas d'Aquin destinée à l’étude de lascolastique, ainsi que l'association de Saint-Joachim pour les prêtres indigents[B 3].
L’annexion de l’Ombrie par leroyaume de Sardaigne en 1860, puis la naissance duroyaume d’Italie en 1861 met fin à l’autorité temporelle du pape sur la région.Pérouse passe ainsi de la suzeraineté du pape à celle du roi d'Italie. Pecci devient dès lors citoyen italien, tandis que Rome reste protégée par les troupes françaises jusqu'en 1870. Pecci, en désaccord avec les positions politiques de Pie IX vis-à-vis de l'Italie nouvelle, est« systématiquement écarté des questions temporelles » par lecardinal Giacomo Antonelli, secrétaire d'État du pape. En 1869, Pecci ne se déplace pas pour rencontrer le roi en visite à Pérouse mais organise un synode qui réunit les évêques d'Ombrie et desMarches[A 9].
En 1870, après l’annexion définitive de Rome par le roi d'Italie et la fin desÉtats pontificaux, le pape Pie IX se réfugie dans lepalais du Vatican, où il se considère comme un captif. Devenu citoyen italien, Pecci s'oppose aux lois anticléricales du gouvernement deVictor-EmmanuelII[8]et condamne dans ses mandements les« erreurs modernes »[9] dans l’esprit duSyllabus dePie IX dont il a demandé la rédaction[10]. Plusieurs de ses instructions pastorales annoncent déjà les orientations doctrinales et sociales de son futur pontificat[C 7].
À la mort dePie IX (le 7 février 1878), pour éviter toute intervention du gouvernement italien sous prétexte de maintien de l’ordre, il décide de faire exposer la dépouille du pape dans la chapelle du Saint-Sacrement de labasilique Saint-Pierre, plutôt qu’à lachapelle Sixtine[C 8].
Lors duconclave de 1878, réuni après la mort dePie IX, Pecci est élu pape le 20 février 1878, à l'âge de67 ans, au troisième tour de scrutin avec 44 voix sur 61 votants, soit la majorité des deux tiers requise. Il est probablement choisi en raison de son âge et de sa santé jugée fragile, la majorité des cardinaux souhaitant alors un pape de transition après le long pontificat de Pie IX (1846-1878)[11]. Il jouit par ailleurs de la réputation d’avoir progressivement élaboré une pensée personnelle et de posséder un réel sens des réalités contemporaines[12].
Il prend le nom de Léon XIII, en reconnaissance à ses prédécesseursLéon Ier le Grand etLéon XII. Une autre explication avancée de son choix est que son élection a lieu un 20 février, jour de la fête de saintLéon de Catane[5].
Après le pontificat de Pie IX, d'abord assez libéral puis plus conservateur et dogmatique après lesrévolutions de 1848, auteur duPremier concile œcuménique du Vatican qui proclame l’infaillibilité pontificale, l’Église catholique découvre la figure intellectuelle et diplomate qu'est Léon XIII. Bien que sa santé suscite initialement des inquiétudes, il déjoue ces pronostics et règne pendant vingt-cinq ans, atteignant l’âge de 93 ans, une longévité exceptionnelle qui lui permet de survivre à la plupart de ses électeurs.
Léon XIII est le premier pape élu après la chute du pouvoir temporel de la papauté. Ce contexte politique particulièrement délicat, l'amène par prudence et diplomatie à modifier le protocole de l'accession au trône pontifical. La premièrebénédictionUrbi et Orbi est donnée depuis la loge intérieure de labasilique Saint-Pierre et non depuis le balcon extérieur, Léon XIII ayant constaté que le gouvernement italien n’avait pas salué son élection par un tir de canon depuis lechâteau Saint-Ange. Le déplacement traditionnel en cortège jusqu'àSaint-Jean-de-Latran pour sa prise de possession en tant qu'évêque de Rome est écarté et son couronnement n'a pas lieu à labasilique Saint-Pierre mais dans lachapelle Sixtine le[A 11].
De même, les cérémonies d’obédience des cardinaux se tiennent intégralement dans la chapelle Sixtine et non partiellement à la basilique Saint-Pierre comme il était d’usage.
Dès le début de son pontificat Léon XIII est confronté à la question de l'enseignement catholique à Rome. En, le conseil municipal décide que l'instruction religieuse n'est plus obligatoire et qu'elle ne sera désormais dispensée qu'aux enfants dont les parents en font la demande expresse. En réponse, le pape encourage la création d'écoles catholiques à Rome, ainsi que d'écoles du soir destinées aux apprentis, confiées auxsalésiens deDom Bosco.
Il doit également faire face au droit d'exequatur revendiqué par le pouvoir civil dans la nomination des évêques italiens. Ce droit d'approbation exercé par le gouvernement italien a freiné de nombreuses désignations épiscopales depuis 1870[N 3]. Léon XIII tente, en vain, d'y remédier en remettant en vigueur une constitution deBenoît XIV de 1740 en créant le une Congrégation de cinq cardinaux chargés de préparer à l'avance les vacances de siège[A 12].
À la suite de l’annexion des anciens États pontificaux et de Rome par les troupes italiennes en 1870, Léon XIII, comme son prédécesseurPie IX, se considère comme « prisonnier du Vatican ». Il continue de revendiquer lasouveraineté temporelle du Saint-Siège, estimant que celle-ci a été indûment confisquée par la monarchie italienne, désormais dirigée parHumbert Ier, successeur deVictor-Emmanuel II.
Le 20 septembre 1900, trente ans après la perte de ces territoires, Léon XIII dissout officiellement lesÉtats pontificaux, mettant ainsi la papauté en accord avec la réalité politique[13]. Il maintient toutefois la consigne donnée aux catholiques italiens de ne pas participer à la vie politique nationale, ni comme électeur ni comme candidat, mais il introduit un premier assouplissement aunon expedit de Pie IX en leur permettant de participer aux élections municipales
Concernant le clergé, il adresse en 1882 l’encycliqueEtsi Nos(en) aux évêques d’Italie, dans laquelle il esquisse un programme pastoral adapté au monde moderne. Il y souligne l’importance de la formation intellectuelle des prêtres, notamment dans lessciences naturelles, afin de répondre efficacement aux critiques dirigées contre la foi car« de nombreuses découvertes ont été sagement et utilement faites, qu'il ne convient pas d'ignorer, surtout quand des hommes malfaisants ont l'habitude de tourner, comme de nouvelles armes, contre les vérités divinement révélées, chaque ajout de ce genre que le jour apporte »[A 13].
Alors que la fin du XIXᵉ siècle est marquée par un climat anticlérical et largement hostile au catholicisme, Léon XIII lance dès le début de son pontificat un vaste programme de promotion de la recherche historique sur la papauté et l’Église. A compter de 1881, il autorise progressivement la libre consultation par les chercheurs et universitaires des Archives secrètes du Vatican (devenues en 2019 lesArchives apostoliques du Vatican) qui constituent les archives centrales du Saint-Siège, regroupant tous les actes et documents relatifs au gouvernement et à l’activité pastorale du pape et desdicastères de laCurie romaine[15] et nomme le cardinalJoseph Hergenröther premier préfet des Archives. Les papes suivants poursuivent et étendent la politique d’ouverture des Archives[15].
L’Index librorum prohibitorum, institué à l’issue duconcile de Trente, est une liste d’ouvrages jugés contraires à la foi ou aux mœurs, dont la lecture était interdite aux fidèles. Après les premiers assouplissements amorcés par Pie IX, Léon XIII réforme en profondeur l’Index par la constitution apostoliqueOfficiorum ac Munerum(en) du 25 janvier 1897[16], en réorganisant, adoucissant et simplifiant tant ses procédures que la liste elle-même[17].
Face à la diversité desÉglises orientales, Léon XIII développe une politique dite « unioniste », visant à favoriser leur rapprochement et leur union avec Rome[18],[19].
Sa vision de laTerre sainte s’inscrit à la fois dans une perspective spirituelle, diplomatique et apostolique. Après la restauration duPatriarcat latin de Jérusalem en 1847 et l’instauration du protectorat français sur leschrétiens d’Orient, il franchit une première étape avec l’encycliqueSancta Dei civitas(it) du 3 décembre 1880[20], par laquelle il encourage les catholiques à soutenir l’Œuvre d’Orient, fondée à Paris en 1856, dont la mission est de venir en aide spirituellement et matériellement aux chrétiens d’Orient.
À la suite duCongrès eucharistique de Jérusalem en 1893, il publie deux lettres majeures :Praeclara gratulationis (en) le 20 juin 1894 etOrientalium dignitas Ecclesiarum (en) le 30 novembre 1894. La même année, six conférences patriarcales se tiennent à Rome, sous sa présidence[19].
Dans un contexte marqué par le déclin de l’Empire ottoman et la naissance de nouveaux États enEurope balkanique, Léon XIII estime ces évolutions favorables à un dialogue avec les populationsorthodoxes. Il engage plusieurs initiatives, dont la reprise de relations diplomatiques avec laRussie[21] mais sans résultats durables sur le plan de l’unité interconfessionnelle[22].
Au cours de son pontificat, Léon XIII présidequatre cérémonies de canonisation, proclamant au total 27 saints proposés comme modèles et intercesseurs aux fidèles.
Il attribue également à quatre reprises le titre desaint patron :Thomas d’Aquin, comme patron des universités et des institutions catholiques (1880)[24] ;Vincent de Paul, comme patron des œuvres catholiques de charité (1885)[C 9] ;Jean de Dieu, comme patron des malades et des hôpitaux (1886) ; etPascal Baylon[25], comme patron des congrès et associations eucharistiques (1897)[26].
Réorganisation des congrégations et des ordres religieux
Un an avant son accession à la chaire de saint Pierre, à l'occasion du carême de 1877, le cardinal Pecci écrit une lettre pastorale sur l'Église et la civilisation où il dresse un historique du travail depuis l'Antiquité et en vient à évoquer les conditions faites aux travailleurs en cette fin duXIXe siècle. Il y dénonce« un indigne abus des pauvres et des faibles, de la part de ceux qui veulent les exploiter à leur profit » et y fustige« les écoles modernes d'économie politique » et« le nombre exagéré d'heures de travail imposées à ceux qui doivent gagner leur pain à la sueur de leur front ». Devenu pape, il fait créer à Rome, en 1882, unCercle romain d'études sociales dont le principal animateur est l'archevêqueDomenico Maria Jacobini. Ce cercle regroupe des personnalités éminentes catholiques qui, ne pouvant participer à la vie politique de leur pays, s'engagent sur le terrain social. Léon XIII se tient régulièrement informé de leurs travaux qui portent sur la condition des ouvriers dans les différents pays occidentaux, sur la question des salaires, sur le droit à la propriété et ses limites mais aussi sur le travail des femmes et des enfants. En 1889, il encourage la tenue du congrès de l'Union catholique pour des études sociales en Italie organisé à Padoue par l'évêqueGiuseppe Callegari[A 16].
Sur les pas descatholiques sociaux, tels queFrédéric Ozanam, il se saisit de la question ouvrière, tout d'abord par son appui à laConférence internationale de Berlin en, puis dans l'encycliqueRerum novarum du. Il y fustige« la concentration, entre les mains de quelques-uns, de l'industrie et du commerce devenus le partage d'un petit nombre d'hommes opulents et deploutocrates, qui imposent ainsi un joug presque servile à l'infinie multitude desprolétaires », mais, tandis queFriedrich Engels publie les parties 2 et 3 de l'œuvreLe Capital deKarl Marx, mort en 1883, Léon XIII condamne lemarxisme comme une« peste mortelle » pour la société. Dans ce document, Léon XIII critique également lelibéralisme et son régime de concurrence effrénée qui réduit les ouvriers à la misère, mais rejette lesocialisme qui veut abolir la propriété privée, droit naturel, et instaurer la lutte des classes. Il recommandel'association fraternelle des travailleurs et l'intervention de l'État pour régler les rapports entre patrons et ouvriers.
En 1891, l'encycliqueRerum novarum est fondatrice du catholicisme social, évoquant les conditions de travail inhumaines de la classe ouvrière et les moyens pour les catholiques d’y remédier. Dès 1890, Léon XIII avait fait part de ses positions sociales lors d'une correspondance avec l'empereurGuillaume II préparant laConférence internationale de Berlin.
En 1901, il accepte de se faire officiellement représenter à l'assemblée constitutive de l'Association internationale pour la protection légale des travailleurs qui se tient àBâle les 27 et 28 septembre. Il confie cette mission au comte Edoardo Soderini qui participe aux comités et séances aux côtés du représentant de gouvernement italien,Luigi Luzzatti[A 17].
Plusieurs initiatives[24] marquent la volonté de Léon XIII de promouvoir l’étude de la philosophiethomiste au sein de l’Église, appuyant ce modèle sur l’enseignement deThomas d'Aquin.
Ce renouveau est inauguré dès 1879 par la promulgation le 4 août de l’encycliqueÆterni Patris sur la philosophie chrétienne et par la fondation le 15 octobre de l’académie pontificale Saint-Thomas à Rome[27]. Parallèlement, il fonde une Académie historico-juridique qui« est destinée à faire descendre dans les réalités de la vie politique » les étudiants en théologie[B 4].
Un travail de fond est entamé pour la publication des œuvres de Thomas d'Aquin, la recherche d’ouvrages inédits, la vérification et la confrontation des sources et manuscrits existants. Confiée auxDominicains à travers laCommission léonine, cette œuvre poursuit ses travaux jusqu'à nos jours[24].
L'encycliqueProvidentissimus Deus, publiée en 1893, donne une impulsion auxétudes bibliques, demandant aux catholiques de pratiquer l'exégèse pour réfuter les accusations d'erreurs contenues dans la Bible. Cette encyclique réaffirme le principe de l'inerrance biblique énoncé lors duconcile VaticanI, et récuse la notion d'auteur à propos des rédacteurs bibliques : la Bible, ayant Dieu pour auteur direct, ne peut contenir aucune erreur même concernant les faits scientifiques ou historiques[28],[29]. Cette position sera remise en cause lors du concileVaticanII avec laconstitutionDei Verbum[30].
PourChristoph Theobald, le cardinalCamillo Mazzella, parlant des textes de la Bible comme « des choses et des assertions que Dieu avoulu faire écrire[31] », a fortement influencé cette encyclique, de même que le cardinalJohann Baptist Franzelin. Dans la mesure où celle-ci, estime Theobald, considère que Dieu est « l'auteur littéraire » des Écritures et que « leur inspiration s'étend à toutes leurs parties », il conclut que cette école dite « romaine », dont font partie Mazzella ou encoreLouis Billot, « prend des allures franchementfondamentalistes[32]. » C'est à ces conceptions que se heurtèrent, quelques années plus tard,Marie-Joseph Lagrange et surtoutAlfred Loisy, principaux acteurs de lacrise moderniste[33].
La lutte contre l'avortement. L'Église cherche à conjurer la montée dumatérialisme et du « paganisme médical ». LeSaint-Office édicte une série de six sentences, échelonnées de 1884 à 1901, sur les actes chirurgicaux à caractère abortif considérés comme illicites au regard de l'Évangile, quels que soient le motif et l'âge gestationnel. Le concept d'animation dufœtus qui est avancé (date de la formation de l'âme[N 4]) perd de sa force, remplacé plus tard par le concept de « vie innocente » dès saconception (Casti connubii (1930) etHumanæ vitæ 1968)[35].
Sous l'impulsion de Léon XIII, la première association française de médecins catholiques est fondée en 1884 sous le nom deSociétéSaint-Luc, surtout implantée dans leGrand Ouest français, et qui représente en 1910 près de 6 % du corps médical. Cette société lutte contre lerationalisme et l'athéisme, et intervient sur les questions liées à laprocréation, notamment en s'opposant à l'avortement thérapeutique[35].
Les trois encycliques « politiques ». La ligne papale sur ce thème s'exprime essentiellement au travers de ce triptyque[36] :
Diuturnum[37], parfois appeléeDiuturnum illud, en 1881, qui traite de l'origine du pouvoir civil ;
Immortale Dei[37], en 1885, sur les rapports entre l'Église et l'État ;
Les thèmes abordés sont essentiellement l'origine divine du pouvoir, l'attitude que les dirigeants devraient suivre pour se conformer à l'enseignement de l’Église, la reconnaissance de diverses formes de gouvernement (dont la démocratie), la dénonciation de diverses écoles de pensée et philosophies (laïcisme,libéralisme,naturalisme,socialisme,communisme), les réflexions sur la séparation de l’Église et de l’État, ou encore l'implication des laïcs dans la vie civile.
La condamnation de la franc-maçonnerie. En avril 1884, Léon XIII publie aussi l'encycliqueHumanum Genus contre lafranc-maçonnerie, dans laquelle il énumère les nombreuses condamnations de celle-ci par ses prédécesseurs, constituant en cela un autre volet du manifeste catholique du contre-modernisme. Cette condamnation restera constante par la suite[38], notamment par la note publiée en 1983 par laCongrégation pour la Doctrine de la Foi[39].
La condamnation de l'esclavage et de la traite humaine. En 1899, il rappelle dans l'encycliqueIn Plurimis l'opposition du christianisme à l'esclavage et la traite humaine, en opposition avec la dignité de tout baptisé, notamment au Brésil, mais aussi au Soudan et àZanzibar. En gratitude pour l'engagement de la princesse héritière et régente du BrésilIsabelle contre l'esclavage, Léon XIII avait déjà remis à celle-ci en 1888 la distinction papale de la « rose d'or »[40].
Alors que le dogme de l'Immaculée Conception a été promulgué par son prédécesseurPie IX en 1854, Léon XIII publie pendant son pontificat onze encycliques sur lerosaire et une douzième sur laVierge Marie, s'insérant dans la longue liste des papes ayant promu la pratique de cette prière[41]. Dans la première, datant de 1883,Supremi Apostolatus, il rappelle, chronologiquement, toutes les circonstances dans lesquelles l'Église a eu recours à son intercession. Six ans plus tard, avecQuamquam pluries, il associeJoseph à la dévotion envers son épouse. Dans l'encycliqueFidentem piumque animum (1896), il évoque avec lyrisme cette prière« décorée du beau nom de Rosaire, comme si elle avait quelque chose du parfum suave des roses et de la grâce des guirlandes fleuries »[A 18].
Il est question du culte duSacré-Cœur dans une des dernières encycliques de Léon XIII,Annum Sacrum, publiée le, portant sur la consécration du genre humain au Sacré-Cœur[A 19].
Lorsque Léon XIII monte sur la chaire de Pierre, le Saint-Siège n'a plus de territoire et le pape n'est plus un souverain. Dès lors aurait pu se poser la question de sa légitimité à entretenir des relations internationales. Formé à la diplomatie à l'Académie des nobles ecclésiastiques à Rome, ayant exercé la fonction de nonce en Belgique au moment décisif de son histoire qu'a été la conquête de son indépendance, Léon XIII« a reconstruit une diplomatie sans le support d'un État » en se positionnant en médiateur et en arbitre des litiges qui opposaient alors les États. Paradoxalement, il permet au Saint-Siège de« retrouv(er) une autorité morale accrue ». Ses médiations, nombreuses, ont concerné les territoires coloniaux d'Afrique et d'Amérique latine tels l'archipel des Carolines en 1885, le Congo en 1890, les tarifs douaniers entre lePérou et l'Espagne en 1891 ou encore entre la Grande-Bretagne et leVenezuela en 1894[42].
Dans le même temps, le souverain pontife doit compter avec un contexte international hostile à la religion catholique : l'anticléricalisme français qui expulse lescongrégations, leKulturkampf prussien qui tente de mettre sous tutelle de l'État les catholiques allemands, la méfiance de l'Italie mais aussi par exemple l'instabilité politique chronique de l'Espagne. Dans tous ces pays de longue tradition chrétienne en voie delaïcisation, le pouvoir duclergé est combattu, tandis que des théories révolutionnaires prônant la violence telles que lenihilisme russe ou l'anarchisme, se développent. L'autorité est aussi largement agressée : letsar de Russie Alexandre II est assassiné en 1881, l'impératrice d'Autriche en 1898, leroi d'Italie en 1900.
L'opposition aux directives du pape, sans être majoritaire dans une Église de France profondément marquée par l'école ultramontaine (Louis-Édouard Pie,Louis-Gaston de Ségur,Louis Veuillot, entre autres), influença néanmoins un certain nombre de catholiques ; ainsi,« les dames dévotes de Bretagne et d'Anjou priaient pour la conversion du pape »[49] ; certains vont même jusqu'à soutenir qu'au véritable Léon XIII on a substitué un sosie ;Les Caves du Vatican contiennent une allusion à cette fable qu'on a répétée avecPaul VI. Lacomtesse de Pange raconte[50] que son père, leduc de Broglie, a coutume d'inviter à déjeuner une ou deux fois par an les curés du voisinage ; l'un d'eux, un peu échauffé par le vin de champagne dont il n'a pas l'habitude, n'hésite pas à lancer au dessert un :« Et quand je pense à ce monstre de pape ! », qu'il refuse de retirer.
Prérogative du Saint-Siège, Léon XIII éleva 22 églises commebasiliques mineures en France, ce qui leur donna un titre honorifique et une dignité particulière[51] au sein deséglises et descathédrales.
Les relations avec le nouvelEmpire allemand (proclamé àVersailles le) sont rompues depuis l'arrivée au pouvoir du chancelierBismarck. Toute la diplomatie de Léon XIII sera tournée vers l'apaisement progressif duKulturkampf. Entre 1871 et 1887, le prince deBismarck veut renforcer la « solidarité » des composantes de l'Empire et ce, au détriment de l'Église (notamment en rabaissant le parti catholique duZentrum dont l'un des fondateurs est l'évêque de MayenceWilhelm Emmanuel von Ketteler). Ainsi, toute critique de l'Empire (cela inclut non seulement la Prusse, mais aussi laRhénanie prussienne à majorité catholique) est punie de prison.
En 1873, du 11 au 14 mai, sont promulguées quatre lois concernant la formation du clergé, l'exercice de l'autorité épiscopale et les liens hiérarchiques des ordres religieux et des congrégations. Ces lois, appelées« lois de mai », sont complétées en 1874 et 1875 par de nouvelles dispositions soumettant le clergé à une législation unique. En réponse, les évêques et le clergé catholiques se mobilisent autour deZentrum, le« parti du centre », dont les représentants défendent les libertés religieuses, avec l'appui des députés d'Alsace-Lorraine récemment annexée et des députés polonais dePrusse, dePosnanie et deSilésie, dont les populations catholiques trouvaient en l'Église un refuge pour leurs activités patriotiques. Cette résistance amène le « chancelier de fer » à infléchir ses positions et à évoquer, en août 1881, une modification des lois de mai et une amnistie partielle par la voix de son émissaire à Rome, le baron Kurd (Conrad) von Schlözer. En 1882, Léon XIII réussit à rétablir les relations diplomatiques avec laPrusse. Le pape a soutenu, avec un certain succès, les évêques dans leur appui aux actions sociales et à la formation d'associations de laïcs d'entraide de travailleurs. Face à la menace naissante du socialisme, le gouvernement prussien ménage le parti Zentrum dontBismarck a besoin des voix. Le chancelier est sensible à la médiation de Léon XIII qui permet en 1885 de régler, par la diplomatie, la question de l'occupation desÎles Carolines etPalaos enOcéanie. Ainsi en 1887, les congrégations peuvent progressivement revenir[N 6] et les lois les plus répressives de la précédente période duKulturkampf ne sont plus appliquées[A 20] Cependant, dans le domaine de la politique extérieure, à partir du renouvellement de laTriplice en février 1887, puis avec l'abandon dutraité de réassurance avec la Russie en 1890, le pape s'inquiète du caractère offensif du dernier système bismarckien dirigé contre la France.
Relations du Saint-Siège avec l'empire d'Autriche-Hongrie
Léon XIII entretenait des relations privilégiées avec l'évêque croate deDakovo,Josip Juraj Strossmayer, qui prônait l'unification religieuse des Slaves. En 1880, dans son encycliqueGrande Munus et en signe de sollicitude, il étend à la chrétienté tout entière la fête des saintsCyrille et Méthode[A 21].
En 1889, il est confronté audrame de Mayerling.François-Joseph, l'empereur d'Autriche, devra envoyer deux télégrammes pour obtenir la dispense permettant à son fils et héritier, mort dans des conditions scandaleuses, d'être inhumé chrétiennement. Le cardinalMariano Rampolla del Tindaro sera soupçonné par le souverain autrichien de s'être opposé à cet acte demiséricorde du pape. L'empereur s'en souviendra. Lors duConclave de 1903, il usera de son droit d'exclusive afin d'empêcher le prélat, pourtant favori, de ceindre latiare pontificale.
Par ailleurs, Léon XIII sera de ceux dont l'héritier de l'empire,François-Ferdinand, arrachera une approbation pour épouserSophie Chotek en dépit du désaccord de l'empereur François-Joseph[52].
Léon XIII a marqué une politique de détente et de rapprochement avec la Russie, notamment par la signature d'accords diplomatiques dès 1880, la reconnaissance des saints slavesCyrille et Méthode commedocteurs de l'Église[18]. Il en résultera une détente notable des relations entre l'Empire russe et le Saint-Siège.
Cette action diplomatique n'empêcha pas par ailleurs le pape de condamner dans une des premières encycliques,Quod Apostolici muneris, publiée 28 décembre 1878, lesocialisme, lecommunisme et lenihilisme, déclarés alors comme erreurs modernes. Si ces idées gagnent du terrain dans l'empire russe, l'encyclique reste générique et ne pose pas de lien explicite avec la Russie.
Au début de son pontificat, Léon XIII envoie une missive au ton conciliant au tsarAlexandre II de Russie, dans laquelle il rappelle à son bon souvenir l'existence de ses sujets de confession catholique (notammentPolonais etAllemands de Russie) qui souhaitent vivre en loyaux sujets de l'Empire. L'empereur répond tout aussi courtoisement, promettant que ses sujets catholiques disposeront des mêmes droits que les autres. Les relations entrePie IX et laRussie étaient rompues depuis 1870 en raison de la question polonaise et dans un contexte d'attentats contre les souverains[N 7].
Les relations s'améliorent encore lorsque Léon XIII use de son influence pour rapprocher laRussie de la France. En effet, le pape voit d'un mauvais œil la création de laTriplice, qui réunit uneItalie gouvernée par un ministère de gauche anticlérical et tenté par l'expérience voisine duKulturkampf deBismarck, unEmpire austro-hongrois miné par les nationalismes et un nouvelEmpire allemand qui a chassé les congrégations de son pays et promulgué des lois anticatholiques. D'un autre côté, bien que jugeant le régime politique de la France insatisfaisant et instable, la Russie a besoin des capitaux français pour se développer et pour se défendre d'une Allemagne trop orgueilleuse à ses frontières tandis que la France souhaite sortir de son isolement diplomatique et contrecarrer la puissance de laTriplice. La diplomatie française s'active avec le premier emprunt russe et l'élaboration de l'alliance militaire[18]. Léon XIII rétablit des rapports officiels avec Saint-Pétersbourg en 1888[A 22].
Après la mort d'Alexandre III en 1894, la question desuniates est réglée avec la lettre apostoliqueOrientalium dignitas sur le respect des rites orientaux[A 23]. En 1896, lesStatuts des Confessions étrangères dont fait partie le catholicisme sont revus et réédités mais les relations directes entre les fidèles, les évêques de l'Église catholique en Russie et Rome restent interdites, ainsi que les conversions de l'orthodoxie au catholicisme[54]. La question de la langue russe dans le culte et des matières russes dans les séminaires trouve une entente en 1897[18]. Le nouveau tsarNicolas II facilite le financement de la gestion dugrand séminaire catholique de Saint-Pétersbourg, des églises catholiques sont construites dans les grandes villes commerçantes de Russie, tandis qu'en Pologne les derniers sièges épiscopaux vacants sont pourvus.
Dans ce contexte, après avoir réuni un groupe d'experts autour du cardinalCamillo Mazzella, Léon XIII clarifie la position de l'Église vis-à-vis de l'anglicanisme par la lettre apostoliqueApostolicae curae du et déclare nul le rite d'ordination sacerdotal anglican[A 24].
EnÉcosse, qui est restée fidèle au catholicisme, il rétablit la hiérarchie catholique dès la première année de son pontificat. Par labulleEx supremo Apostolatus, il constitue deux évêchés : celui deSaint-André et Édimbourg et celui de Glasgow[A 25].
En 1885, à la demande du roi Alphonse XII d'Espagne, il élève la capitale du pays, Madrid, au rang d'évêché et crée le Diocèse de Madrid[réf. souhaitée].
En 1886, Léon XIII signe unconcordat avec le roi du PortugalLouisIer sur l'organisation religieuse aux Indes, mettant un terme auschisme goanais que son prédécesseur n'avait pu régler[A 26].
Durant son pontificat, il fonde auxÉtats-Unis trois nouvelles provinces ecclésiastiques,23 diocèses et une université. Il crée àWashington la permanence d'une délégation apostolique. Le, il adresse aux catholiques américains l'encycliqueLonginqua Oceani[C 11].
En 1899, par la lettre apostoliqueTestem benevolentiæ nostrae, il redresse certaines conceptions du catholicisme aux États-Unis - le libéralisme et le pluralisme religieux - en condamnant l'américanisme[56].
AuCanada, après l'envoi d'un premier visiteur apostolique à la fin du pontificat dePie IX, Léon XIII en envoya un second (en 1883-1884), puis monseigneurMerry del Val (en 1897), et enfin y créa formellement unedélégation apostolique le 3 août 1899[55].
Léon XIII s'intéresse aux développements de l'Église catholique en Asie.
Inde - Lalettre apostoliqueHumanae salutis[57] datée du établit la hiérarchie catholique enInde, alors sousdomination anglaise. Quelques années plus tard, l'encycliqueAd Orientis extremas oras[58](24 juin 1893) poursuit l'œuvre d'évangélisation dans ce pays en mettant l'accent sur la fondation de séminaires pour la formation d’un clergé autochtone ainsi que sur l'extension de postes missionnaires dans les régions non-chrétiennes du pays.
Japon - En 1884, la liberté religieuse est accordée aux Japonais. En 1888, Léon XIII crée un troisième vicariat apostolique puis un quatrième en 1891. Il y établit la même année la hiérarchie catholique avec l'archevêché de Tokio et les évêchés deNagasaki, d'Osaka et de Hakodate[A 27]. En 1901, il rencontreYamamoto Shinjiro qui est reçu en audience en tant que Japonais catholique. Il l'encourage à persévérer et répandre la foi catholique en son pays.Benoît XV continuera son œuvre dans ce sens et remettra à cet envoyé du gouvernement japonais les insignes de grand-croix de l'Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand[60].
Léon XIII authentifia la découverte des ossements retrouvés sous la cathédrale par l’archevêque deCompostelle comme étant les reliques deJacques de Zébédée. Dans salettre apostolique de 1884 intituléeDeus omnipotens, il rappelle avec force détails l’origine de Compostelle, reposant sur « une tradition orale constante, répandue partout, qui remonte jusqu'aux temps apostoliques et confirmée d'ailleurs par des Lettres publiques de Nos Prédécesseurs », évoquant à plusieurs reprises la présence à Compostelle du tombeau de l’apôtre sans la mettre en doute[61]. C'est alors la reprise desChemins de Compostelle.
Illustration de la rencontre entre Léon XIII et la future sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus.
En novembre 1887, Thérèse Martin, la future sainteThérèse de Lisieux, est en pèlerinage à Rome avec lediocèse de Coutances. Le 20 novembre, le pape Léon XIII reçoit ce groupe en audience. Désobéissant au protocole, Thérèse Martin profite du moment où elle salue le Saint-Père pour lui demander, en l'honneur du jubilé de ses cinquante ans de sacerdoce, l'autorisation d'entrer au Carmel nonobstant son jeune âge :15 ans. Le pape lui répond : « Mon enfant, faites ce que les supérieurs vous diront », puis il la bénit et en lui indiquant : « Allons, allons, vous entrerez si le Bon Dieu le veut. »[62]. Si la réponse l'avait laissée déçue, la jeune fille entra au Carmel de Lisieux quelques mois plus tard.
Création de l'ordre pontificalPro Ecclesia et Pontifice
Littéralement « Pour l’Église et pour le pape », la distinctionPro Ecclesia et Pontifice a été instituée par Léon XIII le 17 juillet 1888 à l'occasion de son jubilé sacerdotal (50 ans de prêtrise), et étendue en 1898 pour récompenser des services rendus à l'Église catholique. La décoration est en forme de croix grecque sur laquelle sont représentés Pierre et Paul, surmontés des armoiries pontificales. Le ruban est blanc et jaune, aux couleurs du Vatican.
Léon XIII est le premier pape à avoir été filmé : en 1896, le cinéasteVittorio Calcina, représentant desFrères Lumière en Italie, l'immortalise dans un évènement, probablement une messe, qui se déroule dans lesjardins du Vatican[63]. Ce film fait de lui l'humain le plus vieux jamais filmé, car il était né en 1810. Le pape a rencontré les frères Lumière dès 1891 lorsque ceux-ci ont fourni gratuitement des plaques photographiques pour la carte du ciel de l'Observatoire du Vatican. C'est en 1900 qu'ouvre le premier cinéma de Rome, place Saint-Pierre, le« Cinéma du Vatican ».
L'ouverture de Léon XIII au cinéma vient de son intérêt pour les sciences optiques et la photographie. Alors encore évêque de Pérouse, Gioacchino Pecci écrit en 1867 une ode à l'Ars photographica. Devenu pape, il fait insérer une personnification de cet art dans la fresque dédiée aux beaux-arts sacrés dont il passe commande en 1883 pour la Galerie des candélabres des palais épiscopaux, qui fait dorénavant partie desMusées du Vatican. Le pape avait un photographe attitré, Francesco De Federicis, qui prit douze clichés de Léon XIII dont trois se trouvent exposés dans sa maison natale, le palais Pecci à Carpineto Romano. Le, l'ensemble des films tournés par la Compagnie Biograph[N 8] en 1898 et par les frères Lumière entre 1899 et 1902, a fait l'objet d'une projection publique dans ce même palais[64].
Après plus de25 ans de règne, Léon XIII meurt le à15 h 50, dans sa chambre dupalais du Vatican après s'être confessé une dernière fois, à l'âge de93 ans. Les membres duSaint-Siège ont annoncé l'heure de sa mort à 16 h 04 lorsqu'elle fut formellement confirmée. Officiellement, le pape est mort d'unepneumonie, suivie d'unepleurésie hémorragique.
La question de l'exil, qui s'était posée à Pie IX en 1870, a tourmenté Léon XIII au plus fort du combat mené contre la papauté, ainsi qu'en témoigne une lettre du où il« fit des ouvertures très nettes » à l'empereurFrançois-Joseph d'Autriche qui avait fait l'offre de l'accueillir à son prédécesseur. À trois reprises, certains de ses conseillers l'engagent à quitter le Vatican et à prendre le chemin de l'exil pour s'extraire du climat anticlérical particulièrement exacerbé à Rome qui leur fait craindre pour la vie même du pape : en 1881, au lendemain du transfert des cendres de Pie IX qui donna lieu à des débordements outrageants et hostiles ; en 1889, lors de l'érection du monument àGiordano Bruno le lundi de laPentecôte auCampo de' Fiori et en 1891, lors du« pèlerinage de la France du travail », qui fut accompagné d'arrestations et de manifestations antifrançaises. Néanmoins, pas plus que son prédécesseur, Léon XIII n'a pu s'y résoudre[A 28].
À la différence de son prédécesseur, Léon XIII s'est rendu compte« de l'urgente nécessité de s'adapter à (...) la transformation progressive de l'ancienne économie agricole en un monde industrialisé et à la prise de conscience de sa misère, mais aussi de sa force, par un prolétariat urbain dont l'importance numérique croît d'année en année ». Durant son long épiscopat à Pérouse, il suit de très prés les évolutions politiques qui transforment la société civile et bâtit un plan d'action qu'il met en œuvre à l'échelle de son diocèse et qu'il développe au cours de son pontificat. Il donne au monde moderne« une charte chrétienne du travail » et avec réalisme, renonce à l'espoir vain d'un retour à l'Ancien Régime pour s'engager dans la voie de lanégociation avec les nouvellesdémocraties. Grâce à cet esprit deconciliation, il profite de ses avancées diplomatiques pour accroître l'expansion du catholicisme dans les nations protestantes que sont l'Angleterre et les États-Unis mais aussi en Orient où il donne un nouvel élan aux Missions. Avec Léon XIII,« l'Église se détache définitivement d'une conception anachronique du monde » pour entrer dans la modernité[67].
À la différence de Pie IX« qui aimait la plaisanterie, le calembour, le trait ironique ou satirique », Léon XIII manifeste dans son pontificat une« certaine froideur » et témoigne d'une grande réserve qui semblent l'avoir toujours caractérisé. Jusque dans l'intimité de ses appartements privés, il conserve une« haute conscience de sa propre dignité (et) de la majesté qui convenait à ses augustes fonctions »[A 29].
À la suite de son prédécesseur, s'il développe une nouvelle forme d'intransigeantisme[66], foncièrementanti-moderne[68], auquel il donne une forme plus conquérante, qui s'attaque au présent[69] afin de « reprendre l'initiative »[68] et proposer « un catholicisme de mouvement »[69], c'est surtout la prudence qui caractérise son pontificat.
Il poursuit inlassablement sa défense de la liberté de l'Église face aux nouveaux problèmes de la modernité : rupture entre le prolétariat et les classes aisées, mainmise du pouvoir politique sur l'enseignement dans différents pays d'Europe, laïcisation des consciences, et problème de la dissolution des congrégations en France (encycliqueNobilissima Gallorum Gens) et dans d'autres pays.
Ses successeurs le citèrent régulièrement dans leurs écrits, notammentPie XI,Pie XII,Paul VI etJean-Paul II dans plusieurs de leurs encycliques. Trois d'entre eux se sont rendus en pèlerinage dans la localité où il est né, à Carpineto Romano, pour lui rendre hommage en 1966 (Paul VI), en 1991 (Jean-Paul II) et en 2010 (Benoît XVI). Ils ont visité à cette occasion la demeure familiale où il est né, lepalais Pecci[70].
↑Voir les § 1898 sur l'autorité, §1951 sur la loi comme ordination de la raison, § 1954 sur la loi morale naturelle, § 2105 sur la royauté du Christ et § 2108 sur le droit à la liberté religieuse.
↑à l'exception des jésuites et des rédemptoristes qui ne sont rétablis dans leurs droits qu'en 1893 (Hayward, p. 197-198).
↑Alexandre II a été la cible de 11 tentatives d'assassinat de 1866 à 1881.
↑abcd eteHenryCarnoy,Dictionnaire biographique des membres du clergé catholique, Paris, Armorial,(lire en ligne),p. 8.
↑Lodovico Pecci (2.6.1767 - 8.3.1833) et son épouse Anna Francesca Prosperi (décembre 1772 - 5.8.1824), mariés le 27 novembre 1791, sont parents de sept enfants : 1) Carlo Ludovico (23.11.1793 - 29.8.1879), célibataire, 2) Anna Giovanna Francesca (23.5.1798 - 1870), 3) Caterina Maria Flaminià (3.11.1800 - 1867), épouse du chevalier Lolli de Ferentino, 4) Giovanni Battista (20.10.1802 - 28.3.1883), 5) Giuseppe (15.12.1807 - 8.2.1890), 6) Vincenzo Gioacchino (Léon XIII) et 7) Ferdinand (6.1.1816 - 1835) – source :Le Figaro, Supplément littéraire du dimanche - 31.12.1887.
↑Auguste-Marie-Félix Boudinhon (abbé),La Nouvelle législation de l'Index : texte et commentaire de la Constitution "Officiorum ac Munerum ", Paris, Lethielleux(lire en ligne).
↑Marie Mansuy Vaubourg,Le patron des congrès et des oeuvres eucharistiques, saint Pascal Baylon, franciscain : sa vie, son patronage, son culte, Paris, Société Saint-Augustin,,2eéd.(lire en ligne).
↑Cf. par ex.BernardMontagnes,Le père Lagrange, 1855-1938 : l'exégèse catholique dans la crise moderniste, Cerf,, 246 p.(ISBN978-2-204-05131-6,lire en ligne).
↑Émile Poulat,Histoire, dogme et critique dans la crise moderniste, Paris, Albin-Michel,,p. 333.
↑Philippe Levillain et Jean-Marc Ticchi,« Léon XIII : une vision du monde entre deux siècles. », dansLe pontificat de Léon XIII : renaissances du Saint-Siège?, École française de Rome (no 368),(lire en ligne),p. 3-8.
↑Jean-MarcTicchi,La représentation du Saint-Siège au couronnement des tsar Alexandre III (1883) et Nicolas II (1896): deux étapes dans les relations vaticano-russes, Ecole Française de Rome,.
Charles de T'Serclaes de Wommerson,Le pape Léon XIII : sa vie, son action religieuse, politique et sociale, Paris, Desclée, De Brouwer et Cie,, 636 p.(lire en ligne)