Léon IV le Khazar (engrec ancien :Λέων Δʹ), né à Constantinople le et mort le à Strongylon, est un empereur byzantin de ladynastie isaurienne qui règne de 775 à 780. Premier fils deConstantin V, empereur de 740 à 775 et de sa première femme,Tzitzak, d'originekhazare (d'où le surnom de Léon), il est très jeune associé au pouvoir de son père et peut sans difficulté s'imposer sur le trône en 775. Marié àIrène l'Athénienne, il a alors déjà un fils, le futurConstantin VI, qu'il peut nommer comme son successeur désigné pour consolider une emprise dynastique alors de plus en plus forte, tout en veillant à se rendre populaire auprès de divers corps de la société byzantine.
Son règne reste largement méconnu et apparaît comme une période de stabilité et de continuité des réalisations de son père. Bien qu'il soit peu actif en matière religieuse, il demeure un partisan de l'iconoclasme instauré par ses prédécesseurs, sans toutefois mener de répression particulière. Il profite d'une situation extérieure plutôt stabilisée grâce aux efforts de son père et de son grand-père. Prudent en Occident, il poursuit l'incessant conflit de frontière avec le nouveaucalifat abbasside et son règne voit quelques succès d'ampleur face aux musulmans, sans parvenir à faire cesser leurs raids.
Les sources qui permettent d'approcher le règne de Léon IV sont peu nombreuses[2] et se limitent fortement à laChronographie deThéophane le Confesseur, un contemporain de l'empereur, qui l'a élevé au rang destrator, particulièrement critique des souverains iconoclastes mais qui épargne un peu plus Léon[3]. Son ouvrage, qui relate les événements de façon chronologique, est la base de la plupart des autres chroniques ultérieures qui décrivent la fin duVIIIe siècle[4]. Par ailleurs, le récit du patriarcheNicéphore Ier de Constantinople s'interrompt quelques années avant l'avènement de Léon IV et ne peut donc être utilisé[5]. Ce manque de matériau complique la bonne compréhension d'un règne court même si quelques autres récits peuvent être convoqués, comme ceux deGeorges Cédrène, qui rajoutent des détails au début et à la fin du règne de Léon. Plus tardif, Cédrène pourrait s'être appuyé sur des textes perdus, comme celui duPseudo-Syméon ou bien d'une chronique inconnue[6].
Si le statut de Léon comme successeur légitime de son père est plutôt solide, il ne néglige pour autant pas l'enjeu de la consolidation de son pouvoir. Afin de s’attirer les faveurs de la population, Léon commence son règne en faisant undonativum, c’est-à-dire une distribution au peuple et à l’armée d’importantes sommes d’argent, puisées sur le butin amassé par son père durant ses différentes campagnes[19]. Dès 776, il décide de couronner comme coempereur son premier fils,Constantin VI, imitant ainsi l'action de son père. En parallèle, il s'assure de soutiens au sein de l'administration et de l'armée. Il nomme dans celle-ci diverses recrues, tant au sein des troupesthématiques, présentes dans les provinces de l'Empire, qu'au sein detagmata qui constituent l'armée centrale. Par ailleurs, il nomme de nouveaux évêques[20]. Ces différents actes contribuent à asseoir son autorité et, selon le récit deThéophane le Confesseur, l'armée aurait notamment insisté pour qu'il nomme son fils comme coempereur. Au moment du couronnement de son jeune fils, à la Pâques 776, il en profite pour rassembler les différents corps de la société byzantine ainsi que la population de la capitale pour faire reconnaître son héritier. Sont présents lessénateurs, les représentants d'une armée renforcée et divers corps de métiers. Il exige d'eux un serment écrit d'allégeance à son fils et à ses successeurs[8]. C'est la première occurrence d'un serment demandé à un aussi vaste ensemble de sujets par un empereur byzantin, etNicolas Svoronos a pu y voir un symbole de l'affirmation du principe dynastique dans un système encore en partie ouvert à d'autres modes de succession[21].
Ainsi, cet acte provoque l'ire des frères de Léon, qui ont pu se juger écartés de toute possibilité d'accession au trône et cela même si Léon nomme son plus jeune frère à la dignité denobellissime[22]. C'est principalement Nicéphore qui prend la tête du complot avec son frère Christophe, tous deux césars. Néanmoins, ils sont rapidement arrêtés en mai 776 et Léon fait preuve de clémence[23],[24],[25]. Nicéphore perd son titre de césar tandis que ses complices sont exilés àCherson, enCrimée byzantine, lieu habituel de relégation politique[26]. En-dehors de ces événements, seul un autre complot est attesté, en 779, impliquant six dignitaires de la cour impériale, peut-être soutenus par les frères de Léon. SelonThéophane le Confesseur, ils auraient été arrêtés pour avoir vénéré des images, mais il est peu probable qu'il s'agisse de la seule raison[26].
En revanche, Léon se serait montré intransigeant avec sa femme quand il aurait découvert qu'elle cachait des icônes dans ses appartements privés. Il aurait alors mis fin à leur relation quelques mois avant sa mort, même si ce récit émane de textes ultérieurs, notammentSyméon Métaphraste, repris parGeorges Cédrène[38],[39]. Théophane le Confesseur rapporte un autre récit. La même année, plusieurseunuques et dignitaires de la cour, peut-être promus par Irène, auraient été surpris vénérant des icônes et punis par la tonsure et l'emprisonnement, même si l'hypothèse d'un complot sous-jacent n'est pas à exclure pour justifier cette condamnation[40],[41].
La politique étrangère de Léon IV est principalement concentrée en Orient, face à la menace que font peser lesAbbassides. Si son père a pu profiter des troubles internes liés à l'effondrement du pouvoir desOmeyyades pour mener des actions offensives et plus largement consolider la frontière anatolienne après des décennies de recul, Léon est confronté à l'émergence d'un nouveau pouvoir fort, incarné par le califeAl-Mahdi. Bien vite, celui-ci reprend à son compte la stratégie de raids intensifs contre les terres byzantines alors que les Byzantins ont profité du vide du pouvoir en 776 pour mener un assaut enCilicie. Dès 777, le calife lance un premier raid mal connu suivi d'un deuxième, d'envergure, dès 778[42]. Néanmoins, cette année-là, les Byzantins prennent aussi l'initiative grâce au généralMichel Lachanodrakôn, accompagné des stratèges des principauxthèmes asiatiques. Cette armée franchit la frontière pour assiéger la cité deGermanicée. S'ils ne peuvent s'en emparer, ils repoussent notamment une armée de renforts et peuvent ensuite piller les environs et déporter une importante population dechrétiens jacobites pour les réinstaller enThrace, reprenant là une pratique déjà utilisée par Constantin V[43],[44]. L'empereur Léon célèbre ce succès par l'organisation d'untriomphe aux portes de Constantinople[45]. L'année suivante, le calife envoie une force expéditionnaire qui s'avance jusqu'àDorylée. Léon IV opte pour une stratégie d'évitement, demandant à ses généraux de s'appuyer sur différents bastions pour suivre les Arabes et les empêcher de lancer des razzias destructrices, tout en pratiquant lapolitique de la terre brûlée pour les priver d'approvisionnements. Contraints de se replier, ils tentent vainement d'assiégerAmorium mais la cité est trop bien fortifiée et les Arabes rejoignent finalement le califat en ayant infligé des dégâts limités aux Byzantins[46].
En Occident, Léon IV mène une politique prudente. S'il reçoit en exilAdalgis, le fils du roi desLombardsDidier, vaincu et déposé parCharlemagne en 774, il se contente de lui octroyer le titre depatrice sans chercher à soutenir activement son retour sur le trône[47]. En revanche, il s'oppose aux tentatives du pape d'accroître son aire d'influence aux dépens des Byzantins. Ainsi, enIstrie, des partisans de l'Empire déposent l'évêque nommé par Rome, suspecté de collusion avec les Francs[47]. De même, le stratège deSicile s'allie auduc de Bénévent pour s'opposer aux troupes papales qui tentent de reprendreTerracine. Le contexte des relations byzantino-papales est donc plutôt à la dégradation[48],[49].
Dès son plus jeune âge, Léon est d'une santé chancelante, souffrant detuberculose. Il meurt subitement le. Les récits des chroniqueurs byzantins romancent en partie cette mort en mettant l'accent sur un accès d'arrogance du jeune Empereur, qui aurait décidé de revêtir une couronne sacrée conservée au sein de la basilique Sainte-Sophie. Selon les versions, il s'agit soit de la couronne deMaurice, soit de celle d'Héraclius, deux prestigieux prédécesseurs de Léon[53]. Or, cet acte aurait provoqué l'apparition defuroncles et un violent accès de fièvre le conduisant à la mort, alors qu'il est en chemin pour mener une campagne contre les Bulgares[54]. Ce récit, probablement fictif, pourrait mettre en avant l'idée d'une vengeance divine face au raidissement iconoclaste de Léon, perceptible en 780, tandis queWarren Treadgold va jusqu'à suspecter Irène d'empoisonnement à la suite de l'épisode de la découverte d'icônes qu'elle aurait cachées[55]. L'hypothèse d'une infection à lamaladie du charbon est aussi parfois retenue[56],[57]. Quoi qu'il en soit, son fils Constantin VI lui succède sous la régence de sa veuve, Irène l'Athénienne, qui s'empare finalement seule du pouvoir quelques années après la majorité de Constantin, qu'elle écarte du trône, mettant ainsi un terme à la dynastie isaurienne[58].
Léon IV est enterré dans l'église des Saints-Apôtres, nécropole impériale des Byzantins, aujourd'hui disparue. Sa tombe se situait plus précisément dans le mausolée deJustinien, aux côtés des autres membres de la dynastie isaurienne, dont sa femme[59].
↑Pablo Ubierna,« L’apocalyptique byzantine au début duIXe siècle », dansMonastères, images, pouvoirs et société à Byzance, Publications de la Sorbonne,(ISBN9782859445560,lire en ligne), paragraphe 31.
↑Sur la pratique byzantine des concours de beauté, qui apparaît avec certitude quelques années après la mort de Léon IV, voir(en)Warren Treadgold, « The Bride-Shows of the Byzantine Emperors »,Byzantion,vol. 49,,p. 395-419.
↑VivienPrigent etMikaël Nichanian, « Les stratèges de Sicile. De la naissance du thème au règne de Léon V »,Revue des études byzantines,vol. 61,,p. 115-116.
↑Les deux sources principales à ce sujet sont les récits de Théophane le Confesseur et de Georges Cédrène, le second indiquant que la couronne appartient à Héraclius et que les furoncles seraient apparus immédiatement (Treadgold 1984,p. 269-277).
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