Knut le Grand est un monarque de lamaison de Jelling mort le. Il est roi d'Angleterre à partir de 1016, roi deDanemark à partir de 1018 environ et roi deNorvège à partir de 1028. Son autorité s'étend peut-être également sur une partie de laSuède.
Fils du roiSven à la Barbe fourchue, Knut participe à son invasion duroyaume d'Angleterre en 1013. Après la mort de son père en 1014, il rentre au Danemark, puis mène une nouvelle campagne anglaise en 1015-1016. Sa victoire surEdmond Côte-de-Fer à labataille d'Assandun, puis la mort prématurée de son adversaire, lui permettent d'être reconnu roi d'Angleterre. Il assoit rapidement son autorité sur ce pays, puis se rend au Danemark en 1019-1020 pour s'y faire reconnaître roi après la mort de son frèreHarald. Son règne sur l'Angleterre se caractérise par une volonté de s'adapter au contexte anglo-saxon : il conserve les organes administratifs mis en place parÆthelred le Malavisé et promulgue deux codes de loi inspirés par l'archevêqueWulfstan d'York qui s'inscrivent dans la tradition législative des rois anglais.
En 1026, labataille de l'Helgeå oppose Knut à ses homologuesAnund Jacob de Suède etOlaf Haraldsson de Norvège. Son issue est incertaine, mais Knut est en mesure de se rendre en pèlerinage àRome l'année suivante et d'assister au sacre de l'empereurConrad II le Salique, dont le filsHenri épouse par la suiteGunhild, la fille de Knut. Ce dernier envahit la Norvège en 1028 et s'en fait reconnaître roi après avoir chassé Olaf.
Alors que les rois anglo-saxons étaient proclamés « roi des Anglais », Knut était « roi de toute l'Angleterre» (ealles Engla landes cyning)[1]. Après sa victoire contre la Norvège et la Suède en 1026, il se désigne dans une lettre adressée à ses sujets « Roi de toute l'Angleterre, du Danemark et des Norvégiens et d'une partie des Suédois »[2]. Le médiévisteNorman Cantor l'a qualifié de « roi le plus efficace de toute l'histoire anglo-saxonne »[3].
Knut meurt encore jeune en 1035. Son héritage est disputé entre ses deux fils,Harold Pied-de-Lièvre etHardeknut, qui meurent eux aussi à un jeune âge. Sa lignée mâle s'éteint en 1042. Il est aujourd'hui principalement connu à travers l'anecdote apocryphe, rapportée par le chroniqueur duXIIe siècleHenri de Huntingdon, selon laquelle il aurait tenté en vain d'imposer son autorité à lamarée.
Envieux norrois,knútr signifie littéralement « nœud » et constitue à l'origine un surnom donné aux hommes petits et trapus. Ce prénom est devenuKnut dans leslangues scandinaves modernes[4]. Il est également orthographiéKnud,Cnut,Canut ouCanute enanglais et enfrançais.
Knut etAlfred sont les seuls monarques anglais à avoir reçu l'épithète « le Grand » (inn ríki en vieux norrois,den store endanois,the Great en anglais).
Knut est issu de lamaison de Jelling, une dynastie qui règne sur leDanemark depuis le début duXe siècle. Son grand-pèreHarald à la Dent bleue est le premier roi chrétien du Danemark : il se convertit auchristianisme vers 965 et règne jusqu'à la révolte de son filsSven à la Barbe fourchue, le père de Knut, vers 986 ou 987[9]. Les chroniqueurs allemandsThietmar de Mersebourg etAdam de Brême rapportent que la mère de Knut, dont ils ne précisent pas le nom, est une sœur du roi polonaisBoleslas Ier qui s'est mariée avec Sven après la mort de son premier mari, le roi suédoisÉric le Victorieux. Cette princesse polonaise reçoit par la suite le nom deSigríðr stórráða (« la Fière » ou « la Hautaine ») dans lessagas[10]. Outre Knut, Sven a un autre fils avec cette femme,Harald, qui est l'aîné des deux[11], ainsi que plusieurs filles dont au moins une, Gytha, est le fruit d'une union antérieure[12].
La date de naissance de Knut est inconnue. LaKnútsdrápa d'Óttarr svarti souligne son jeune âge lorsqu'il part pour la première fois à la guerre. S'il s'agit d'une allusion aux campagnes de 1013-1014, il pourrait être né vers l'an mil ou peu avant[13], mais il pourrait aussi faire référence aux raids menés en Angleterre par Sven entre 1003 et 1005. La présence de Knut n'y est pas attestée, mais s'il y a participé, il serait alors né vers le début des années 990[14]. LaKnýtlinga saga affirme qu'il a trente-sept ans à sa mort, en 1035, ce qui situerait sa naissance vers 998, mais ce même texte lui attribue à tort un règne de vingt-quatre ans en Angleterre[14].
Carte de l'invasion de l'Angleterre par Sven à la Barbe fourchue en 1013.
Knut apparaît dans les sources en 1013. Cette année-là, son père Sven rassemble une flotte pour envahir leroyaume d'Angleterre. Il laisse son fils aîné Harald au Danemark pour assurer la régence, tandis que son cadet Knut l'accompagne. Cette campagne est d'une autre nature que les raids vikings que subit l'Angleterre depuis plusieurs décennies : l'objectif de Sven n'est pas le pillage, mais la conquête, comme l'illustre l'alliance qu'il conclut avec le duc de NormandieRichard II de Normandie, beau-frère du roi anglaisÆthelred le Malavisé[15]. Les Danois accostent au mois d'août àSandwich, dans leKent, longent la côte orientale de l'Angleterre vers le nord jusqu'à l'estuaire duHumber, puis remontent laTrent jusqu'àGainsborough, dans leLincolnshire, qui devient la base d'opérations de Sven. Les principaux seigneurs duNord de l'Angleterre viennent lui rendre hommage[16]. Avec des renforts anglais, il marche vers le sud etOxford, puisWinchester se soumettent sans combattre. SeuleLondres lui résiste sous les ordres d'Æthelred et deThorkell le Grand, ancien viking passé au service du roi anglais. Sven prend alors la direction de l'ouest et se rend àWallingford, puis àBath, où les barons locaux se soumettent à lui, avant de revenir devant Londres. Æthelred s'enfuit sur l'île de Wight avant de prendre le chemin de l'exil en Normandie[17].
C'est vraisemblablement pendant la campagne de 1013 que Knut épouseÆlfgifu de Northampton. Fille de l'ealdormanÆlfhelm, elle est issue d'une famille aristocratique desMidlands qui possède un certain poids politique dans le Nord de l'Angleterre jusqu'en 1006, année qui voit l'exécution du père et des frères d'Ælfgifu avec l'assentiment du roi Æthelred. Le mariage d'Ælfgifu avec Knut est donc éminemment politique et permet à Sven de s'assurer de solides soutiens en Mercie et en Northumbrie[18].
Après la soumission de Londres, Sven retourne dans le Nord. Il compte apparemment se faire sacrer àYork, mais il n'en a pas le temps : il meurt le à Gainsborough[19]. Knut est aussitôt proclamé roi par l'armée danoise, mais la noblesse anglaise, peut-être échaudée par l'apparente intention de Sven de déplacer vers le nord le centre de gravité du royaume, préfère rappeler Æthelred d'exil pour le remettre sur le trône[20]. Rentré en Angleterre pendant leCarême, Æthelred mène aussitôt des troupes à la rencontre de Knut, qui a conclu un accord avec les habitants du Lindsey, et le chasse de la région aux alentours dePâques, le[21]. Knut rembarque précipitamment avec ses troupes et rentre au Danemark. En chemin, il fait halte à Sandwich pour y laisser les otages anglais de son père après leur avoir fait trancher le nez, les oreilles et les mains[22].
Carte de l'invasion de l'Angleterre par Knut en 1015-1016.
De retour au Danemark, Knut reconstitue ses forces avec le soutien dujarl norvégienÉric Håkonsson[23]. D'après l'Encomium Emmae Reginae, il aurait proposé à son frère Harald de partager le trône du Danemark avec lui et de lui laisser le choix entre l'Angleterre et le Danemark s'il l'aidait à conquérir la première, mais son frère aurait refusé cette proposition ; néanmoins, Thietmar de Mersebourg affirme que Harald accompagne bel et bien Knut dans cette campagne[24]. Quoi qu'il en soit, sa flotte, forte de 160 (d'après laChronique anglo-saxonne), 200 (d'après l'Encomium) ou 340 navires (d'après Thietmar), arrive au large de Sandwich en[14]. Le royaume d'Angleterre est alors en pleine crise : le roi Æthelred, souffrant, est confronté à la rébellion de son filsEdmond, qui s'oppose à l'influence exercée par le puissant ealdorman mercienEadric Streona sur son père et revendique le soutien de la noblesse du nord du pays[25].
C'est probablement parce qu'il s'agit de la base d'opérations d'Edmond que Knut ne se dirige pas vers le nord, mais plutôt vers l'ouest[26]. Sa flotte longe le littoral jusqu'à l'estuaire de laFrome, qu'elle remonte afin de ravager les comtés duDorset, duSomerset et duWiltshire[27]. Eadric lève des troupes en Mercie pour le compte du roi malade, mais il choisit de rallier l'envahisseur avec ses forces et une flotte de 40 navires qui correspond vraisemblablement aux mercenaires de Thorkell le Grand. Le Wessex se soumet peu après à Knut[26].
Pendant les fêtes de Noël, Knut traverse laTamise et attaque leWarwickshire. Edmond tente de lever une armée en Mercie, mais la méfiance qui règne entre son père et lui entrave la résistance anglaise et leurs troupes se dispersent[28]. Le prince se rend alors à York pour y solliciter l'aide de l'ealdormanUchtred le Hardi et leurs troupes se lancent dans une campagne de pillage dans l'ouest de la Mercie, base de pouvoir d'Eadric Streona. De son côté, Knut prend la direction du nord à travers les comtés favorables à Edmond (leBuckinghamshire, leBedfordshire, leHuntingdonshire, leNorthamptonshire et leLincolnshire). Arrivé à York, il contraint Uchtred à se soumettre à lui, puis le fait exécuter et confie la Northumbrie à son allié Éric Håkonsson[29].
Edmond et Knut s'affrontent et concluent la paix avant la mort d'Edmond. Enluminure de laVie de seint Aedward le Rei parMatthieu Paris (vers 1255).
Æthelred meurt à Londres, où il s'était réfugié, le. Les nobles présents à Londres élisent aussitôt Edmond pour lui succéder, mais dans le reste de l'Angleterre, c'est Knut qui reçoit le soutien de la noblesse ; Jean de Worcester rapporte qu'elle vient lui prêter serment de fidélité àSouthampton[30]. Il assiège Londres, mais ne parvient pas à s'en emparer, tandis qu'Edmond reprend le contrôle du Wessex. Deux batailles s'ensuivent, àPenselwood dans le Somerset et àSherston dans le Wiltshire, qui ne permettent pas à Knut de prendre l'ascendant sur son adversaire[31]. Tous deux reprennent la direction de Londres, où Edmond parvient à remporter une victoire sur Knut àBrentford. Après avoir levé des troupes fraîches au Wessex, il le poursuit dans leKent et l'affronte à nouveau àOtford, une bataille qui convainc Eadric d'abandonner Knut au profit d'Edmond. Knut reprend alors la mer et traverse l'estuaire de la Tamise pour ravager l'Essex et la Mercie[32].
Alors qu'il retourne à ses navires après cette campagne de pillage, Knut est rattrapé par les forces d'Edmond près d'une colline appeléeAssandun, correspondant soit àAshingdon, dans le sud-est de l'Essex, soit àAshdon, dans le nord-ouest de ce même comté. Labataille d'Assandun prend place le. Une nouvelle trahison d'Eadric, qui déserte avec ses hommes, permet à Knut de remporter une victoire décisive[32]. Edmond s'enfuit vers l'ouest, mais un ultime affrontement près de laforêt de Dean, dans le Gloucestershire, l'amène à négocier avec Knut. Les deux princes se rencontrent àAlney, une île sur laSevern, pour se partager l'Angleterre : Knut obtient la Mercie et probablement la Northumbrie, tandis qu'Edmond conserve le Wessex. Cette situation ne dure que quelques semaines, car Edmond meurt le, peut-être à la suite de blessures reçues au combat. Knut est alors reconnu comme seul roi de toute l'Angleterre[14].
Jean de Worcester rapporte que Knut organise une grande réunion des principaux seigneurs anglais à Londres peu après la mort d'Edmond Côte-de-Fer. Il leur demande de confirmer la légitimité de son arrivée au pouvoir et de rejeter explicitement les prétentions potentielles des frères et des fils d'Edmond[33]. Il est possible que cette réunion ait servi de prélude à un sacre en bonne et due forme par l'archevêque de CantorbéryLyfing en lacathédrale Saint-Paul, mais un tel sacre n'est pas évoqué avant leXIIe siècle dans les écrits du chroniqueurRaoul de Diceto, le doyen de cette cathédrale[34].
Dans son entrée pour l'année 1017, laChronique anglo-saxonne indique que Knut partage l'Angleterre en quatre grands comtés : le Wessex, qu'il se réserve, l'Est-Anglie, qu'il accorde à Thorkell le Grand, la Mercie, qu'il laisse à Eadric Streona, et la Northumbrie, qu'il donne à Éric Håkonsson[35]. Cet arrangement vise probablement à stabiliser le pays et faciliter la levée de l'impôt, mais aussi à récompenser ses alliés[36]. La loyauté d'Eadric apparaît trop incertaine, si bien que Knut le fait exécuter à Noël avant de partager la Mercie occidentale entre les comtes Hákon (pour le Worcestershire), Eilaf (pour le Gloucestershire) et Hrani (pour le Herefordshire et le Shropshire), tous d'origine scandinave[37]. D'autres membres de l'aristocratie anglaise sont exécutés la même année : c'est le cas de Northman, fils de l'ealdorman mercienLeofwine, ainsi que d'Æthelweard et Beorhtric, deux nobles du Wessex. Le dernier frère vivant d'Edmond Côte-de-Fer,Eadwig, est banni du royaume, puis tué, tandis que les deux jeunes fils d'Edmond,Édouard etEdmond, sont envoyés en exil et échappent peut-être à une tentative d'assassinat[38].
Une étape supplémentaire dans le renforcement de la position de Knut est son mariage, au mois de, avecEmma de Normandie, la veuve d'Æthelred. Contrairement à son union avec Ælfgifu de Northampton (qui ne lui est plus d'aucune utilité politique), ces noces se font dans le respect absolu du rite chrétien[39]. En épousant Emma, Knut neutralise la menace posée par les deux fils qu'elle a eus d'Æthelred,Alfred etÉdouard : exilés en Normandie, les deux princes(æthelings) ne peuvent attendre aucun soutien militaire de leur oncle Richard II[40].
En 1018, Knut obtient le versement d'un tribut de82 500 livres par les Anglais, dont 10 500 pour la seule ville de Londres, qui paie probablement son soutien continu à Æthelred et Edmond. Cet argent, obtenu grâce à la robustesse du système de taxation mis en place par ses prédécesseurs, lui permet de solder ses hommes et de les renvoyer au Danemark, ne conservant qu'une flotte de40 navires avec lui en Angleterre[41]. Leurs équipages forment un corps d'élite d'environ 2 000 à 3 200 hommes dont la fidélité à Knut est assurée : ce sont leshousecarls, oulithsmenn[42]. Ce sont probablement eux qui détruisent une flotte pirate de30 navires la même année[14]. Enfin, l'année 1018 est également marquée par une grande assemblée d'Anglais et de Danois à Oxford qui aboutit à la réconciliation officielle entre les deux peuples[36]. Un geste supplémentaire d'apaisement prend place en 1020 avec la consécration d'une église en pierre dédiée àsaint André àAssandun pour commémorer les victimes de la bataille[43].
L'« empire » de Knut le Grand à son apogée après la conquête de la Norvège en 1028.
LaChronique anglo-saxonne rapporte que Knut se rend au Danemark en 1019 avec neuf navires et y reste pendant l'hiver avant de rentrer en Angleterre au printemps 1020[44]. C'est vraisemblablement pour recueillir l'héritage de son frère qu'il traverse la mer du Nord. L'histoire danoise de cette période est mal documentée, mais Harald semble être mort vers 1018 sans laisser d'héritier autre que son frère cadet[45]. Il subsiste une lettre rédigée par Knut durant ce séjour danois et adressée à ses sujets anglais, dans laquelle il explique avoir effectué ce voyage pour les protéger d'une menace non définie, peut-être une révolte danoise ou une attaque desWendes[46].
Peu après son retour en Angleterre, Knut organise une grande assemblée àCirencester le, jour dePâques. Elle déclare hors-la-loi l'ealdorman du Wessex Æthelweard, sans que la raison de cette décision soit connue : il est possible qu'il ait participé à une révolte contre l'autorité de Knut en son absence, peut-être en lien avec un certain « Eadwig, roi desceorls », qu'il faut peut-être identifier au fils d'Æthelred le Malavisé dans l'hypothèse où celui-ci n'aurait pas été exécuté en 1017[43].
Le, c'est au tour de Thorkell le Grand d'être déclaré hors-la-loi. Les sources ne précisent pas pourquoi Knut cherche à se débarrasser de celui qui est alors le deuxième personnage le plus puissant d'Angleterre (son nom figure systématiquement en première position dans les listes de témoins des chartes de la période 1017-1021). Il est possible que Thorkell ait tenté de s'emparer du pouvoir, ou en tout cas que Knut ait craint qu'il ne le fasse[43]. Deux ans plus tard, alors que Thorkell est retourné au Danemark, il se réconcilie avec Knut dans des circonstances tout aussi floues. Il livre son fils au roi, qui lui remet en échange la garde de son propre filsHardeknut et leur confie à tous les deux le gouvernement du Danemark. Knut est vraisemblablement contraint à cet arrangement par la position solide de Thorkell au Danemark[47].
À partir de 1022, il s'évertue à prendre de la distance de l'archevêché d'Hambourg-Brême afin que le Danemark se dote de ses propres évêques et de ses propres diocèses. Cette mise en place n'aboutira que peu avant sa mort, mais l'influence d'Hambourg-Brême persiste[48].
En 1026, les roisOlaf Haraldsson deNorvège etAnund Jacob deSuède envahissent le Danemark. L'alliance entre ces deux souverains remonte au moins à 1019, année du mariage d'Olaf avecAstrid Olofsdotter, la sœur d'Anund Jacob. Ils bénéficient de soutiens au sein de l'aristocratie danoise en la personne des frèresUlf et Eilaf Thorgilsson, deux anciens fidèles de Knut[49]. Les flottes norvégienne et suédoise attaquent laScanie et leSjælland, mais elles battent en retraite vers l'est lorsque Knut arrive de manière inattendue dans leLimfjord à la tête de ses propres navires[50]. Elles s'affrontent à l'embouchure d'un fleuve appelé « la rivière sainte », probablement l'Helgeå dans l'est de la Scanie. L'issue de cettebataille de l'Helgeå n'est pas claire, mais laChronique anglo-saxonne rapporte que les Suédois restent maîtres du champ de bataille et que Knut subit de lourdes pertes[14]. Néanmoins, cette campagne se solde néanmoins par une victoire stratégique pour Knut, dont la flotte bloque les Norvégiens dans laBaltique et les empêche de rentrer au pays par voie de mer. Les troupes d'Olaf doivent abandonner leurs navires et passer par les terres pour retourner en Norvège, ce qui les affaiblit considérablement[51].
Après s'être assuré le soutien dujarl de LadeHåkon Eiriksson, le fils d'Éric Håkonsson, Knut assemble une flotte de50 navires et envahit la Norvège en 1028. Le pays ne lui oppose apparemment aucune résistance et Olaf s'enfuit plutôt que de livrer bataille. Plusieurs membres de l'aristocratie norvégienne opposés à Olaf pour diverses raisons prêtent allégeance à Knut, commeKálfr Árnason,Einar Tambarskjelve,Erling Skjalgsson,Thorir Hund ouHarek de Tjøtta(en)[52]. Il confie le gouvernement du pays à Håkon, mais celui-ci disparaît dans un naufrage en 1029 ou 1030. Olaf semble avoir voulu profiter de la situation pour reprendre son trône, mais sa tentative d'invasion est déjouée par les Norvégiens à labataille de Stiklestad, le, au cours de laquelle il trouve la mort[53].
Pour remplacer Håkon, Knut envoie en Norvège sa première épouseÆlfgifu avec leur fils aînéSven. La manière dont ils gouvernent le pays leur vaut l'inimitié de l'aristocratie locale, notamment leur tentative d'introduire un code juridique aux dispositions strictes. Sven et Ælfgifu sont confrontés en 1033 à une tentative d'invasion menée parTryggvi Olafsson, un prétendant qui se présente comme le fils du roiOlaf Tryggvason[54]. Celui-ci trouve la mort au combat, mais Sven et Ælfgifu sont contraints de fuir la Norvège peu après, peut-être en 1034. Einar Tambarskjelve et Kálfr Árnason offrent la couronne àMagnus, un fils d'Olaf Haraldsson. Knut ne survit pas assez longtemps pour tenter de reconquérir le pays[55].
Cette châsse mortuaire placée près de l'autel de lacathédrale de Winchester contiendrait les ossements de Knut et de sa femme Emma.
Knut meurt le àShaftesbury, dans leDorset. Bien qu'il ne soit pas très âgé (il a tout au plus une quarantaine d'années[56]), il est possible qu'il ait senti sa fin approcher, à en juger par une charte accordée cette année-là à l'abbaye de Sherborne. En échange d'un terrain de 16 hides àCorscombe, il demande aux moines de prier Dieu, de chanter des psaumes et de célébrer des messes tous les jours pour le salut de son âme et la rémission de ses péchés[57],[58]. Sa dépouille est ramenée à Winchester pour être inhumée dans l'Old Minster[59]. Elle est ultérieurement transférée dans lacathédrale normande de Winchester. En 1642, pendant laPremière révolution anglaise, les ossements des rois anglais enterrés à Winchester sont exhumés et éparpillés par des soldatsparlementaires. Après laRestauration, ces ossements sont rassemblés et déposés dans de nouvelles châsses mortuaires, dont l'une porte les noms de Knut et Emma, mais ils ont été tellement mélangés qu'il est impossible de dire lesquels sont les leurs[14].
À sa mort, son fils Hardeknut lui succède sur le trône du Danemark, mais Harold Pied-de-Lièvre profite de son absence pour prendre le pouvoir en Angleterre. Hardeknut perd également la tutelle de la Norvège qui réinstaure la précédente dynastie. Harold meurt en 1040, permettant à Hardeknut de réunir à nouveau les deux couronnes, mais il meurt à son tour deux ans plus tard. Les morts prématurées de Knut, de son père et de ses enfants pourraient être liées à unemaladie génétique ; la description de celle de Hardeknut évoque unaccident vasculaire cérébral ou unanévrisme intracrânien[60].
Il subsiste plusieurs textes de nature législative datant du règne de Knut. Le principal est un code juridique compilé, voire rédigé par l'archevêqueWulfstan d'York, et promulgué à Winchester en 1020 ou 1021. Il se compose de deux grandes parties : la première, appeléeI Cnut par les historiens modernes, s'intéresse au droit canon, tandis que la seconde,II Cnut, est consacrée aux affaires séculières. Il reprend de nombreuses dispositions figurant déjà dans les codes des prédécesseurs de Knut, ainsi que des éléments de naturehomélitique tirés des œuvres de Wulfstan[61],[62]. Il s'agit du dernier code juridique émis par un roi anglais avant laconquête normande[63]. Trois copies manuscrites de l'époque anglo-saxonne en subsistent (BL Harley 55, Cotton Nero A. i et CCCC MS 383), ainsi que des traductions latines duXIIe siècle (lesInstituta Cnuti et laConsiliatio Cnuti), signe d'une popularité durable[64].
Un autre code, plus court, est conservé dans le manuscrit CCCC MS 201. C'est également l'œuvre de l'archevêque Wulfstan, et il s'agit de toute évidence d'une première étape dans l'élaboration du grand code de 1020/1021. Il correspond vraisemblablement au fruit des délibérations de la grande assemblée d'Anglais et de Danois convoquée à Oxford en 1018[65],[66]. Les deux lettres adressées au peuple anglais à Knut lors de ses absences de 1019-1020 et 1027 contiennent également des considérations d'ordre législatif ; la première porte encore l'empreinte de Wulfstan, tandis que la seconde pourrait avoir été rédigée par l'abbéLyfing de Tavistock[67].
Les pennies d'argent frappés sous le règne de Knut en Angleterre connaissent trois types successifs. Le premier, appelé « Quatrefoil » par les numismates modernes, porte à l'avers un portrait de profil du roi à l'intérieur d'unquatre-feuilles et une grande croix évidée avec un quatre-feuilles au revers[68]. Il s'agit de la première pièce anglaise avec un dessin de roi portant une couronne depuis les monnaies au buste couronné d'Edgar le Pacifique, mort en 975, peut-être afin d'accréditer la légitimité de Knut[34]. Elle commence à être frappée vers 1017, après une brève période où les dernières pièces du règne d'Æthelred le Malavisé continuent à circuler, et reste en circulation jusqu'à une date incertaine, peut-être 1023[69].
Le deuxième type de Knut, qui pourrait avoir circulé de 1023 à 1029, présente toujours un portrait de profil du roi à l'avers, mais la couronne y est remplacée par un casque pointu, d'où son surnom de « Pointed Helmet ». Au revers figure une croix avec quatre petits anneaux dans chaque quartier[70]. Il s'agit d'une des pièces les plus légères de la période 973-1066, ce qui pourrait refléter une volonté d'harmoniser les unités monétaires anglaises et scandinaves[71].
Sur le troisième et dernier type de Knut, « Short Cross », le roi apparaît à l'avers, toujours de profil, mais coiffé d'un diadème et tenant un sceptre. Une croix figure au revers, avec un anneau à l'intersection des deux branches[70]. La tendance globale du règne de Knut est à une réduction de la production monétaire : selon les estimations du numismateD. M. Metcalf, le typeQuatrefoil aurait été frappé à 47 millions d'exemplaires, contre 22 pour lePointed Helmet et seulement 14 pour leShort Cross[72]. Si le grand nombre de piècesQuatrefoil s'explique par la nécessité de payer le tribut de 1018, la réduction du nombre d'ateliers et de monnayeurs reflète également une centralisation accrue et un renforcement de l'autorité royale après un début de règne tumultueux[73].
Les types successifs des pennies anglais de Knut :
D'après M. K. Lawson, Knut se préoccupe sans doute de politique étrangère davantage qu'aucun autre de ses prédécesseurs sur le trône d'Angleterre[14]. Il se rend en pèlerinage à Rome en 1027 pour assister au sacre impérial deConrad II le Salique par le papeJean XIX et joue un rôle privilégié dans la cérémonie[74]. Conrad a tout intérêt à se concilier Knut, dont le Danemark jouxte la Germanie au nord et qui est apparenté par sa mère auxPiast dePologne, voisins turbulents du Saint-Empire. Il reconnaît son autorité sur toute la région située au nord du fleuveEider[75]. Les relations entre Conrad et Knut restent bonnes par la suite : les fiançailles d'Henri le Noir, fils de l'empereur, avecGunhild, la fille de Knut, sont annoncées le. Ils se marient un an plus tard, après la mort de Knut[76].
Knut est généralement considéré comme un roi d'Angleterre sage et bénéfique, toutefois cette image est peut-être partiellement attribuable à ses bonnes relations avec l'Église, qui contrôle ceux qui archivent l'histoire. Ainsi, il est encore décrit, aujourd'hui, comme un homme pieux, en dépit du fait qu'il était en pratique bigame et qu'il fut responsable de nombreux assassinats politiques.
Dans la culture populaire, Knut reste principalement connu pour la légende selon laquelle il aurait ordonné à la marée montante de refluer. D'après cette légende, Knut se serait un jour lassé des flatteries de ses courtisans, qui allaient jusqu'à prétendre qu'il pourrait se faire obéir des vagues. Le roi aurait alors ordonné que l'on transporte son trône sur le rivage, afin de démontrer par l'exemple qu'il n'en était rien et que même les rois les plus puissants restent inférieurs à Dieu. Cette histoire apparaît pour la première fois auXIIe siècle, dans la chronique deHenri de Huntingdon, qui s'en sert pour illustrer l'humilité de Knut. Il arrive qu'elle soit interprétée d'une façon diamétralement opposée, en faisant de Knut un monarque arrogant persuadé de pouvoir se faire obéir des éléments et ridiculisé par l'échec de sa tentative.
Victor Hugo met en scène Knut sous le nom de Kanut dans son poème « Le Parricide » (la Légende des siècles), en prétendant qu’il a assassiné son pèreSven ou Swéno[77].
Le roi Canute (Knut) est un personnage important de la série téléviséeVikings: Valhalla, diffusée surNetflix depuis 2022. Il est incarné par l'acteur galloisBradley Freegard(en).