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« [kitsch] se dit d'un objet, d'un décor, d'une œuvre d'art dont lemauvais goût, voire la franchevulgarité, voulus ou non, réjouissent les uns, dégoûtent les autres[1]. »
Le terme « Kitsch », motallemand attesté vers 1870, est peut-être dérivé du verbekitschen, qui signifie « ramasser des déchets dans la rue » ou, moins probablement, issu de l’anglaissketch, prononcé à l'allemande[2].
Il est intimement lié à l'idée de l'inauthentique, de la surcharge et du mauvais goût. Désignant au départ la« production artistique et industrielle d'objets bon marché » (Legrand), le concept est indissociable de l'industrie deconsommation de masse.
Dans le langage courant, le kitsch désigne des objets de mauvais goût, agrémentés de décorations superflues, qui copient le plus souvent des œuvres reconnues comme des classiques. Le kitsch, produit de changements sociaux et historiques, émerge au cours de deux périodes précises.
EnEurope et enAmérique du Nord, ceux qui profitent des positions offertes par l'industrie forment une nouvelle classe moyenne. Ces travailleurs, satisfaits autrefois par l'art rural et traditionnel, ont maintenant accès à de nouveaux produits culturels. Les nouvelles classes moyennes cherchent à se divertir avec des moyens adaptés à elles. Ces dernières se contentent donc de ce queClement Greenberg appelle un« succédané de culture […] destiné à une population insensible aux valeurs culturelles authentiques, mais néanmoins avide de cedivertissement que seule la culture, sous une forme ou une autre, peut offrir. »
Les loisirs permettent entre autres aux classes moyennes de développer un goût pour les imitations à bon marché du grand art traditionnel. Les manufactures et le commerce au détail leur permettent ainsi d'acquérir facilement des produits culturels distribués à grande échelle.
Dans le domaine religieux se développent à la même époque les objets debondieuserie, essentiellement liés au culte catholique.
« Rabaissant les adultes en enfants, le nouveau kitsch rend les masses plus faciles à manipuler en réduisant leurs besoins culturels à la gratification facile offerte par les dessins animés de Disney, la littératurepulp (bon marché), et les romans à l'eau de rose[3]. »
Pour certains penseurs desannées 1950, le kitsch, dans la mesure où il encourage l'abaissement de la masse devant l'autorité, opère de la même manière dans le contexte capitaliste américain qu'il a opéré chez lesfascistes et lescommunistes.
Ainsi,Milan Kundera développe dans son romanL'Insoutenable Légèreté de l'être le rapport entretenu, par le régime communiste d'après-guerre deTchécoslovaquie, entre les valeurs attendues chez le citoyen communiste idéal et le kitsch. Selon lui, toute tentative de démarcation de l'individu par rapport au mode de pensée de la masse est rejetée par le kitsch communiste.
Parallèlement à la globalisation progressive des marchés et des produits échangés, le kitsch est devenu involontairement un des styles les plus répandus dans le monde à travers les produits de consommation courante. Le terme se situe entre péjoratif et affectif (« mauvais » goût assumé) ; le kitsch d'un objet est surtout corollaire des goûts de son observateur. Ainsi, l'artrococo, les nappes napolitaines, laboule à neige, lesnains de jardin et les horloges bavaroises ou lapendule à coucou sont souvent taxés de « kitsch », parfois avec condescendance, ou avec humour.
On peut estimer aujourd'hui que les courants esthétiques de l'aprèspost-modernisme, accueillant avec bienveillance toutes les formes plastiques témoignant d'une histoire personnelle, ont largement revalorisé la notion de kitsch.
Dans lesannées 1980, le plasticienJeff Koons a délibérément développé son œuvre au sein de l'esthétique kitsch[5], trouvant dans lamarketisation des images des ressources de création potentielles. On retrouve une démarche similaire chezPierre et Gilles.
AuJapon, la culture manga, et notamment le stylekawaii (mignon) ont été les vecteurs d'incalculables[réf. nécessaire] productions kitsch :Takashi Murakami a détourné la connotation puérile de ces productions dans ses œuvres.
Le peintre norvégienOdd Nerdrum, qui a publiéOn Kitsch, revendique que sa peinture relève du kitsch.
Le kitsch historique pourJavier Cercas dans le romanL'Imposteur est la négation de tout ce qui dans l'existence humaine s'avère inacceptable, caché derrière une façade de sentimentalisme, de beauté frauduleuse et de vertu postiche. En deux mots, le kitsch historique est un mensongenarcissique :
« … même si toutes les données factuelles que Marco manie étaient vraies, tout son discours est du pur kitsch, c'est-à-dire, du pur mensonge ; ou, plus précisément : il en est ainsi paré que tout Marco est du pur kitsch. »
↑« Reducing adults to children, the new kitsch made masses easier to manipulate by reducing their cultural needs to the easy gratification offered by Disney cartoons,pulpliterature, and romance novels. »
Hans Haug, « Kitsch »,Formes et couleurs, Lausanne, janvier-.
Abraham Moles,Psychologie du Kitsch, l'art du bonheur, Paris, Maison Mame, 1971.
Gillo Dorfles,Le Kitsch : un catalogue raisonné du mauvais goût, trad. de Paul Alexandre, Bruxelles/Paris, Éditions Complexe/Presses universitaires de France, 1978.
Lionel Souquet, « Le Kitsch dansEl beso de la mujer araña de M. Puig » (et animation d'une table ronde sur Puig), « Rencontre autour de la pièceLe Baiser de la femme araignée de M. Puig », organisée à Charleroi en, par Christine Defoin, Société Belge des Professeurs d'Espagnol, in Puente,Bulletin de la SBPE, spécial Manuel Puig,no 98,,pp. 26-35.
Lionel Souquet, « Le kitsch : une esthétique hors-normes ?... Ou l’art comme anomalie », revueMotifs [en ligne], numéro spécial « Normal, anormal, anomal », N° 5, dirigé par L. Souquet, HCTI - UBO, 1er novembre 2022 : https://motifs.pergola-publications.fr/index.php?id=766
Lionel Souquet, « Kitsch et littérature : complaisance, jugement de valeur et subversion. De la modernité à la postmodernité »,Poétique du kitsch, Colloque des 4 et 5 novembre 2021 co-organisé par Paris-Nanterre – Littérature et Poétique Comparées et Université de Bretagne Occidentale – HCTI, Actes dirigés par Le Collectif LiPothétique – Doctoriales comparatistes de l’Université Paris Nanterre, RevueSilène, Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest-Nanterre-La Défense, 13-11-2022, pp. 13 à 62.
Journée d'étude interdisciplinaire « Le kitsch : une affaire de goût ? »(programme), responsable Lionel Souquet, co-organisatrices Isabelle Le Corff etLucie Taïeb, faculté Victor Segalen,université de Bretagne-Occidentale, Brest,.