Kim Il-sung occupa les postes de Premier ministre de 1948 à 1972 et de président de la République à partir de 1972, tout en dirigeant sans interruption jusqu'à sa mort leParti du travail de Corée. Fondateur d'un régimetotalitaire etautocratique, il établit un système politique basé sur l’idéologie dujuche, une forme desocialisme et decommunisme qui intègre unnationalisme coréen prononcé. Le juche prône l'autosuffisance économique et politique, mettant l’accent sur l’indépendance totale vis-à-vis des influences extérieures. Il était couramment désigné du titre deDirigeant Suprême (위대한 수령,widaehan suryŏng). Il fut surnommé le « président éternel » ou « professeur de l'humanité tout entière ». Son filsKim Jong-il lui succéda à la tête du parti et du régime. Son petit-fils,Kim Jong-un, est l'actuel dirigeant de la Corée du Nord ce qui, sur trois générations, fait de la famille Kim lapremière dynastie communiste de l'histoire.
Né sous le nom de Kim Song-ju (« le pilier du pays »)[1] àPyongyang, dans une famillechrétiennepresbytérienne pratiquante[2] (il fréquenta les services religieux pendant son adolescence avant de devenirathée plus tard dans sa vie[3]), Kim Il-sung est l'aîné de trois fils. Il est le fils deKim Hyong-jik (1894-1926) et deKang Pan-sok (1892-1932), tous deux militants indépendantistes anti-japonais. Ses frères cadets sontKim Chol-ju (1916-1935) etKim Yong-ju (1920-2021). Kim Chol-ju meurt au combat contre les occupants japonais, tandis que Kim Yong-ju est impliqué dans le régime de son frère et sera considéré comme un successeur potentiel avant de tomber en disgrâce[4],[5]. En 1920, sa famille s'installe enMandchourie, où il passe l'essentiel de sa jeunesse et de sa scolarité. Sa famille fait partie duclan Kim de Jeonju(en).
En 1929, il est exclu de son école, sans doute à la suite de sa participation à une petite organisation communiste. Il est possible qu'il ait fait un temps de prison pour cette participation, mais c'est peu après qu'il change de nom et c'est en 1932 qu'il rejoint ou organise un premier groupe derésistants à l'occupant japonais qui a transformé la Mandchourie enManchoukouo[6]. Comme d'autres groupes de partisans coréens et parlant mandarin, il s'intègre aux forces communistes chinoises qui s'organisent peu à peu entre 1931 et 1935 pour combattre les Japonais[7]. C'est au sein de la Seconde Armée, surtout active dans l'est de la Mandchourie, que Kim s'illustre et se hisse au grade de commandant de division (une centaine d'hommes)[8], mais le fait d'armes qui lui vaut d'être reconnu par les Japonais comme un des résistants les plus notoires est leraid sur Pochonbo, une ville coréenne, qu'il organise le en coordination avec une association de résistance locale. Il occupe la ville une journée avant de se retirer en Mandchourie, poursuivi par des policiers japonais qu'il défait dans une embuscade[9].
C'est à cette époque qu'il rencontre son épouseKim Jong-suk, qui est également la mère deKim Jong-il. Née le, elle est également de ces Coréens installés en Mandchourie et semble avoir rejoint laguérilla communiste dès 1935.
En 1940, alors que les forces japonaises lancent uneoffensive destinée à liquider la guérilla communiste, Kim devient commandant d'une des trois Armées plus particulièrement actives dans le sud de la Mandchourie. Dans les combats qui s'ensuivent, la guérilla est balayée, et Kim est le seul commandant qui n'est pas tué ou capturé. Poursuivi par les Japonais qui sont renseignés par des résistants capturés, dont l'ancien supérieur de Kim, il finit par se replier en 1941 enUnion soviétique avec ce qui reste de sa division et est intégré dans une unité internationale de l'Armée rouge[10] où il atteint le grade de capitaine[11] ou de major[12]. Il existe des rapports sur des incursions de Kim en Mandchourie, mais il ne semble pas avoir participé aux combats qui suivent la déclaration de guerre de l’URSS et l’invasion duMandchoukuo par les forces soviétiques le[13]. C'est donc dans unPyongyang occupé par les Soviétiques qu'il débarque le avec son groupe de résistants coréens[14]. Selon certaines sources, lui et ses camarades sont en uniforme de l'Armée rouge, Kim Il-sung portant les insignes de capitaine ou de major[15].
En, Kim, le plus célèbre des chefs de la résistance, est installé par lesSoviétiques à la tête duComité provisoire du Peuple. Il n'est pas à cette époque le dirigeant duParti communiste, dont le siège est àSéoul, mais il occupe néanmoins une position influente de par sa lutte contre l'occupant japonais. Leonid Vassin, agent duNKVD, cité parJasper Becker indique :« Quand Kim est arrivé, nous avons remarqué qu’il ne parlait pas couramment coréen [...] il a reçu l’ordre de lui donner un costume civil, et lui a donné trois jours pour apprendre un discours qui avait été écrit pour lui. Ce discours a été prononcé devant le premier congrès du parti organisé par des vétérans communistes, qui avaient été libérés à la suite de la défaite japonaise. Comme Kim n’avait aucune légitimité ni soutien, le NKVD a préféré lui créer son propre parti, leParti du travail. Très vite, ils ont contraint les autres partis à fusionner avec lui et brouillé les pistes sur son origine »[16].
Portrait officiel de Kim Il-sung (1er octobre 1948).
Sa réalisation majeure est la mise sur pied d'une armée professionnelle, l'Armée populaire de Corée (APC), formée à partir des anciens soldats qui avaient acquis une expérience au combat contre les Japonais et plus tard les nationalistes chinois. Avec l'aide de conseillers soviétiques, Kim construit une armée spécialisée dans les tactiques d'infiltration et de guérilla. Avant le déclenchement de laguerre de Corée,Joseph Staline munit l'APC de chars lourds modernes, de camions, d'artillerie et d'armes légères. Kim crée également une armée de l'air, équipée d'abord avec des vieux avions de chasse à hélice de l'URSS. Les futurs pilotes nord-coréens sont envoyés en Union soviétique et enChine pour se former sur desMiG-15 dans des bases secrètes[17].
En 1949, la Corée du Nord devient unedémocratie populaire. Tous les partis et organisations de masse sont réunis au sein duFront démocratique pour la réunification de la patrie, entièrement dominé par les communistes. À partir de cet instant, Kim Il-sung commence à développer unculte de la personnalité et se fait appeler le « Grand Dirigeant »[18]. Son règne est caractérisé par la mise en place d'un Étattotalitaire avec de nombreuses violations desdroits humains, incluant de nombreusesexécutions et un vaste réseau decamps de travail[19],[20]. De plus, la notion dedroit de vote n'est pas respectée puisque seul un candidat apparaît sur chaquebulletin de vote[21],[22]. Par conséquent, les élections ne sont pas libres et constituent un recensement politique[23],[24]. Il n'y a pas de compétition pour les sièges puisque tous les candidats sont choisis et que tous les sièges sont gagnés par le Front démocratique pour la réunification de la patrie, constituant alors une coalition unique[25],[26].
Entre 1946 et 1949, une série de lois (loi sur l'égalité des sexes,réforme agraire,nationalisation de l'industrie) visèrent à la protection desdroits des femmes, qui disposent dès lors de droits identiques à ceux des hommes. Elles disposent désormais du droit de voter, d'étudier, reçoivent à travail égal les mêmes salaires que les hommes et bénéficient des mêmes droits sur l'héritage ; lesmariages forcés et laprostitution sont interdits, alors que ledivorce est légalisé[27]. Néanmoins, cela ne reste qu'une égalité abstraite : la société restepatriarcale et les femmes cumulent la double fonction de travailleuse pour la patrie et de mère[27].
Kim Il-sung signant l'armistice mettant fin à la guerre de Corée en 1953.
Les documents d'archives suggèrent que la décision nord-coréenne d'envahir la Corée du Sud est à l'initiative de Kim plutôt que des Soviétiques[30],[31],[32]. Les sources suggèrent que le renseignement soviétique, à travers ses réseaux d'espionnage au sein du gouvernement américain et britannique a obtenu des informations sur les limites des stocks américains de bombes atomiques ainsi que sur des réductions de programmes de défense, ce qui conduit Staline à conclure que l'administration deTruman ne serait pas en mesure d'intervenir en Corée[33].
Larépublique populaire de Chine approuve à contrecœur l'idée de la réunification de la Corée après avoir été informée par Kim que Staline a approuvé l'action[30],[31],[32]. La Chine ne soutiendra pas directement la Corée du Nord jusqu'à ce que les troupes des Nations unies, en grande partie des forces américaines, atteignent la rivièreYalou à la fin de 1950. Au début de la guerre en juin et juillet, les forces nord-coréennes occupent pratiquement tout le sud à l'exception dupérimètre de Busan, mais en septembre, les Nord-Coréens sont repoussés par l'attaque menée par les États-Unis. En octobre, les forces de l'ONU ont repris Séoul et envahissent le nord afin de réunifier le pays sous l'égide du Sud. Le, les troupes américaines et sud-coréennes capturentPyongyang, obligeant Kim et son gouvernement à fuir vers le nord, d'abord àSinuiju et finalement en Chine.
Le, la Chine, après avoir averti à plusieurs reprises l'ONU de son intention d'intervenir si elle ne stoppait pas son avance, entre en guerre et envoie ses troupes traverser la rivière Yalou. Les troupes de l'ONU sont obligées de se retirer et les troupes chinoises reprennent Pyongyang en décembre et en janvier Séoul. En mars, les forces de l'ONU commencent une nouvelle offensive, reprenant Séoul, mais leur avancée est stoppée juste au nord du38e parallèle. Après une série d'offensives et decontre-offensives des deux côtés, suivie d'une période épuisante deguerre de tranchées largement statique de l'été 1951 à, le front se stabilise le long de ce qui allait devenir lazone coréenne démilitarisée. Pendant la guerre de position, laCorée du Nord est dévastée par des raids aériens américains causant de grands dommages dans la capitale et ailleurs dans le pays. Au moment de l'armistice, 3,5 millions de Coréens des deux côtés ont péri dans le conflit.
Pendant la guerre, Kim Il-sung semble avoir voyagé en Chine et en Union soviétique, cherchant un moyen de mettre fin au conflit. Les documents chinois et russes de l'époque révèlent que Kim est devenu impuissant à unifier la Corée sous sa direction et qu'il souffre que son armée soit reléguée en seconde ligne, la majorité des combats étant livrés par l'armée populaire de Chine.
Après laguerre de Corée, le pays est dévasté. Kim Il-sung consolide son pouvoir et lance immédiatement un effort de reconstruction nationale. Il établit un vaste plan économique de cinq années introduisant uneéconomie planifiée comprenant le contrôle total de l'industrie par l'État ainsi que lacollectivisation des terres. La consolidation de son pouvoir passe également par la création du système de castesongbun, inspiré du confucianisme, qui divise la population en cinq groupes :spécial,normal,de base,complexe ethostile en fonction du degré supposé de sympathie de chaque personne envers le régime. Chaque personne est classée en fonction de ses caractéristiques politiques, sociales et économiques. Le système a une influence sur de nombreux aspects de l'existence d'un individu au sein de la société nord-coréenne, y compris l'accès à l'éducation, aulogement, à l'emploi, au rationnement de la nourriture, à la possibilité de rejoindre le parti au pouvoir et même où une personne est autorisée à vivre. Un grand nombre de personnes appartenant à la classe dite hostile, comprenant desintellectuels, des propriétaires terriens et d'anciens partisans dugouvernement d'occupation japonais pendant laSeconde Guerre mondiale, sontrelogées de force dans les provinces pauvres et isolées du Nord. Lorsque lafamine toucha le pays dans les années 1990, les personnes vivant dans ces communautés marginalisées et isolées ont été les plus durement touchées[34]. Ce système ne détermine pas le niveau de vie de chaque individu : un commerçant prospère peut appartenir à la classe la plus basse, tandis qu'un paysan pauvre peut appartenir à la classe la plus haute. En revanche, les personnes identifiées comme hostiles ne pourront s'établir dans la capitale ou à proximité des frontières, pas plus qu'elles ne pourront adhérer au Parti du travail (indispensable pour accéder à des fonctions à responsabilité dans l'administration) ou exercer dans l’enseignement ou la police. L'appartenance d'une personne à telle ou telle caste peut changer au cours de sa vie : par exemple, une tentative de défection entraîne une relégation, tandis que s'engager dans un service militaire long permet de monter dans ce système[35].
Kim Il-sung punit toute opposition réelle ou supposée par despurges comprenant des exécutions publiques et desdisparitions forcées. Les familles desdissidents s'exposent à un reclassement dans le système dusongbun. Les camps, connus sous le nom dekwanliso, font partie d'un vaste réseau d'institutions pénales et detravaux forcés, avec des colonies clôturées et fortement surveillées dans les régions montagneuses, où les prisonniers sont forcés d'effectuer des travaux obligatoires telles l'exploitation forestière, l'extraction minière et larécolte. Des centaines de ressortissants étrangers, surtoutSud-Coréens etJaponais, ont été enlevés afin de les intégrer à des missions derenseignement à l'étranger, ou pour exploiter leurs compétences techniques pour entretenir lesinfrastructures économiques de l'État nord-coréen.
Rapidement, il mena une politiqueantireligieuse violente. La Constitution reconnaît la liberté religieuse à la condition de ne pas menacer l’État et l'ordre social, mais leclergé a été anéanti au lendemain de la guerre de Corée. Leschamans et les chrétiens, adeptes de la religion des « capitalistes occidentaux », sontpersécutés[36]. Il prétendit que la religion était une sorte de superstition et qu'elle « représente une vision du monde antirévolutionnaire et non-scientifique. Elle est comme l'opium. »[37]. En 1955, toutes les organisations religieuses avaient disparu ou étaient passées dans la clandestinité ; elles avaient complètement disparu dans les années 1960. En 1958, une grande campagne antireligieuse est lancée. Depuis lors, 300 000protestants, 35 000bouddhistes, 30 000catholiques et 12 000chondoïstes ont disparu selon le gouvernement sud-coréen[38]. La ligue bouddhiste nord-coréenne, fondée en, disparaît en 1965 ; la fédération chrétienne nord-coréenne, fondée en, disparaît en 1960[37]. En 1963, pour les catholiques, il ne restait que 20 prêtres et 59 religieuses. L’Église catholique a dénoncé des persécutions, à l'origine de l'ouverture d'un procès en béatification de 53 martyrs morts entre 1949 et 1952. La pratique duCheondoïsme, qui mêleconfucianisme,chamanisme etnationalisme, s'est en revanche poursuivie. Elle est également représentée politiquement avec leParti Chondogyo-Chong-u (qui participe auFront démocratique pour la réunification de la patrie). Lebouddhisme est également resté influent dans le pays et peut être enseigné dans les universités. Depuis 1992, des édifices religieux peuvent à nouveau être bâtis[39].
Modernisation économique et indépendance politique
LaCorée du Nord reconstruit rapidement son économie en s'industrialisant par lemouvement Chollima, le cheval ailé des légendes coréennes qui parcourait 1 000li par jour. Cette reconstruction est facilitée par le fait que la très grande majorité des infrastructures industrielles de lapéninsule coréenne laissées par leJapon sont localisées dans le Nord, mais ces infrastructures sont presque totalement anéanties durant la guerre de Corée. La Corée du Nord se développe néanmoins plus rapidement que le Sud dans les années 1960, qui est alors en proie à une certaine instabilité politique et à plusieurs crises économiques. Alors que le PNB par habitant s'élevait en 1953 à 86 dollars en Corée du Nord contre 117 pour la Corée du Sud, il grimpe en 1960 à 329 dollars au Nord, alors que la misère persiste dans le Sud (117 dollars)[40],[41],[42]. En1970, grâce à un premier plan quinquennal, suivi d'un plan septennal, la Corée du Nord posséde les bases d'une économie socialiste planifiée classique. Elle dispose alors d'une puissante industrie lourde, d'une bonne assise énergétique et de puissants barrages[40].
L'historienBruce Cumings note qu'« un rapport interne de laCIA admettait du bout des lèvres les différentes réalisations du régime : les soins apportés aux enfants et notamment aux orphelins ; le "changement radical" du statut de la femme ; le logement gratuit ; les soins médicaux gratuits et la médecine préventive ; des taux de mortalités infantiles et une espérance de vie comparable aux pays les plus avancés »[43].
Kim Il-sungcollectivise entièrement l'agriculture entre 1953 et 1958. Le travail agricole est de type militaire, les paysans travaillant 345 jours par an dans les années 1950. Le pays devient à peu prèsautosuffisant en 1973 avec 5 millions de tonnes de céréales produites par année. Malgré le principe national dejuche prônant unsocialisme autosuffisant et une forme d'autarcie, la Corée du Nord reçoit une importante aidechinoise etsoviétique après la guerre ce qui lui permet de se moderniser et de s'industrialiser rapidement. Ce grand bond en avant, caractérisé par un fort taux de croissance économique estimé à plus de 10 % par an dans les années 1960, se ralentit à partir des années 1970 puis devient négatif à la fin des années 1980 ou au début des années 1990 sous l'effet de la disparition dubloc communiste qui prive la Corée du Nord de ses partenaires traditionnels. L'État est alors déclaré en cessation de paiement en 1987. En conséquence, Kim Il-sung autorise une très légère libéralisation de l'économie en accordant aux paysans le droit de commercialiser sur les marchés leurs petits lopins de terre individuels (100 m2 par famille). De plus, un troisième plan quinquennal est organisé mais il se solde par un échec cuisant et les autorités reconnaissent publiquement que les objectifs de redressement n'ont pas été atteints[40]. En une trentaine d'années, la Corée du Sud a largement dépassé le Nord en matière de développement économique : à partir de 1968, le Sud commence à égaliser le Nord, puis en 1976, lePNB par habitant est de 464 dollars contre 765 au Sud. Le voisin sudiste s'est stabilisé politiquement et est en train d'émerger comme une puissance économique et industrielle, alimentée par les investissementsjaponais etaméricains, l'aide militaire et le développement économique interne. En 1991, la consommation d'énergie par habitant en Corée du Nord est inférieure de 10 % à celle de la Corée du Sud, grâce à ses régions montagneuses riches en ressources minières, déjà mises en valeur par les occupants japonais : fer, or, nickel, zinc, mercure, tungstène et molybdène. La Corée du Nord dispose également de charbon et d'abondantes ressources hydroélectriques aménagées[40],[44],[45].
Kim Il-sung a défini la diplomatie nord-coréenne selon une politique d'équilibre et d'indépendance à l'égard de ses deux puissants voisins communistes, la Chine et l'URSS, ce qui a longtemps contribué à lui donner une image meilleure que celle d'autres dirigeants socialistes auprès des chefs d'État et de gouvernement occidentaux[46]. Conformément à cette volonté d'indépendance, les troupes soviétiques ont quitté la Corée dès la fin de l'année 1948 et la Corée du Nord n'a jamais adhéré auCAEM.
Célébration du 80e anniversaire de Kim Il-sung en présence d'invités internationaux (avril 1992).
Dès 1960, puis à nouveau en 1972, Kim Il-sung a effectué des propositions en vue d'une réunification pacifique de la Corée finalisées dans le projet d'une « république confédérale démocratique de Koryŏ », consistant à proposer (selon une formule pouvant être comparée à celle aujourd'hui envisagée pour la Chine et Taïwan) un seul État pour deux systèmes[47].
Lors de la dernière année de son règne, la Corée du Nord connaît le début d'uneimportante famine.
Kim Il-sung meurt le 8 juillet 1994 vers 2h00 du matin à la Résidence deMyohyangsan (Hyangsan), à l'âge de 82 ans, après avoir régné sans partage sur la Corée du Nord pendant 46 ans.Sa mort, survenue lors d'uneattaque cérébrale, a donné lieu à d'immenses scènes de pleurs dans toute la Corée du Nord, souvent interprétées comme surréalistes en Occident. Des récits des réfugiés nord-coréens témoignent toutefois de l'affection sincère des Nord-Coréens envers leur président[48]. Cependant, selonHwang Jang-yop, les scènes d'émotion étaient causées par la combinaison du culte de la personnalité voué à Kim Il-sung et de la peur dereprésailles. Ainsi, le parti menait des enquêtes sur l'intensité du chagrin de la population, dont il déduisait la loyauté ; les patients qui ne sortaient pas des hôpitaux et ceux qui continuaient de boire ou de faire la fête après l'annonce de la mort étaient punis[49]. Après sa mort, c'est son filsKim Jong-il qui lui succède comme Dirigeant suprême. Le 12 juin 1995, Kim Il-sung est inhumé dans lepalais du Soleil Kumsusan, où son corps est exposé depuis dans un grand sarcophage en verre. Le 5 septembre 1998, l'Assemblée populaire suprême le proclame « président éternel de la République ».
Visiteurs s'inclinant devant les statues de Kim Il-sung et de Kim Jong-il sur la colline Mansu (Pyongyang)Peinture murale de Kim Il-sung prononçant un discours à Pyongyang
La vénération dont Kim Il-sung a été et est toujours l'objet enCorée du Nord s'inscrit dans une filiation confucéenne qui a déifié les empereurs de Corée et affirmé le principe du respect de l'autorité, des pères et des maîtres. Ce « respect », selon le terme utilisé par les Nord-Coréens, est aussi interprété par les Occidentaux comme unculte de la personnalité propre austalinisme. Tous les Nord-Coréens portent le badge du grand leader. Son portrait orne l'ensemble des bâtiments officiels et est accroché dans tous les logements privés en Corée du Nord.
Le « grand dirigeant » a reçu le titre posthume, en 1998, de « président éternel ». Le préambule de la Constitution nord-coréenne annonce :« Le président Kim Il-sung, grand Leader, est le Soleil de la nation et le symbole de la réunification du pays. (...) La république populaire démocratique de Corée et le peuple coréen sous la direction du Parti du travail de Corée honoreront éternellement le camarade Kim Il-sung, grand leader, comme président de la République, défendront et développeront ses idées et ses hauts faits pour mener jusqu'à son achèvement l'œuvre révolutionnaire Juche »[50]. Il est le père deKim Jong-il, « le cher dirigeant » : la Corée du Nord constitue ainsi le premier cas d'une succession dynastique dans un État se réclamant dusocialisme, et plus précisément des idées dujuche définies par le président Kim Il-sung (le deuxième cas[réf. nécessaire] étant l'accession au pouvoir de Kim Jong-un après la mort de Kim Jong-il en 2011).
Le corps de Kim Il-sung repose désormais dans lepalais du Soleil Kumsusan, ancien palais présidentiel dePyongyang, transformé pour l'occasion enmausolée. De nombreux Nord-Coréens, notamment les habitants de Pyongyang, vont à l'occasion des dates anniversaires du calendrier révolutionnaire se recueillir devant la dépouille du « président éternel ». Ces rassemblements donnent lieu à de longues files d'attente se poursuivant loin jusqu'à l'extérieur du bâtiment. Ce type de scène rappelle également, à l'époque de l'URSS, les longues processions devant le mausolée deLénine. Kim Il-sung est l'un des quatre derniers chefs d'État de l'ancienbloc de l'Est avecLénine,Mao Zedong etHô Chi Minh à êtreembaumé et non enterré. Il est possible pour les rares touristes voyageant en RPDC d'aller visiter le site à condition d'en obtenir l'accord préalable des autorités de Pyongyang et d'être vêtus pour l'occasion de manière très formelle, Kim Il-sung restant encoreà ce jour[Quand ?] la plus haute personnalité du régime en tant que « président éternel ».
Kim Il-sung — tout commeKim Jong-il — fait l'objet de chansons patriotiques, d'histoires apprises par cœur dès le plus jeune âge à l'école, ainsi que de chants et de quasi-prières sur les lieux de travail. De nombreuses réalisations monumentales à sa gloire (inscriptions laudatives sur des montagnes, mausolées, musées) sont également l'objet de pèlerinages réguliers, montrés de façon régulière sur la seule chaîne de télévision nationale. Les images du grand leader ainsi que de son fils sont montrées un peu partout en Corée du Nord (notamment dans la rue, dans les écoles, ou dans les rames de métro).
Uneorchidée a été baptiséeKimilsungia par référence au président Kim Il-sung.
Dès que le cessez-le-feu a mis fin à la guerre de Corée, Kim a commencé à purger les personnes soupçonnées d'être dangereuses en Corée du Nord. Les premiers procès visaient les aspirants potentiels à des postes de direction, et il a ordonné l'arrestation et l'assassinat d'anciens compagnons d'armes mandchous et de fondateurs du parti travailliste sud-coréen[51]. Après l'échec de la campagne de prise de force de la Corée du Sud par l'armée en 1953, il décide de purger tous les fonctionnaires pro-soviétiques ou pro-chinois qui tentent de le critiquer[52]. Phil Roberston, directeur adjoint pour l'Asie deHuman Rights Watch, a décrit les violations des droits du régime de Kim Il-sung et son recours fréquent à la séparation forcée et aux camps de prisonniers mortels[53]. Dans une interview accordée à Mark Colvin et Brendan Trembath, le transfuge nord-coréen Kim Hye-sook a mentionné que Kim Il-sung avait ordonné la création d'un camp de concentration pour prisonniers politiques en juillet 1969 àYodok[54]. En 1979, Amnesty International a publié un rapport sur Ali Lameda, un poète vénézuélien qui avait travaillé au ministère de la propagande de la Corée du Nord et qui avait été arrêté pour ses critiques à l'égard du gouvernement du pays. Lameda a décrit le culte que le pays voue à la figure de Kim Il-sung, qui se montre cruel envers tout ce qui va à l'encontre du système nord-coréen[55].
↑La connaissance que Kim avait du chinois et son éducation chinoise lui servirent lorsque l'armée de guérilla fut secouée par des incidents visant les Coréens, soupçonnés d'intelligence avec les Japonais
↑Selon Dae-Sook Suh qui cite cependant les deux informations sans réellement se prononcer. Les témoignages les plus crédibles - tel celui du major Lebedev, sont cependant ceux parlant du grade de capitaine
↑Le mouvement des troupes soviétiques s'arrête au38e parallèle nord à la suite du débarquement des forces américaines àIncheon le
↑a etbJuliette Morillot et Dorian Malovic,La Corée du Nord en 100 questions, Texto,,p. 310
↑Andrei N. Lankov,Crisis in North Korea: The failure of De-Stalinization, 1956,Honolulu, Hawaii University Press,(ISBN978-0-8248-2809-7)
↑Juliette Morillot et Dorian Malovic,La Corée du Nord en 100 questions, Texto,,p. 73-76
↑a etbWeathersby, Kathryn,The Soviet Role in the Early Phase of the Korean War, The Journal of American-East Asian Relations 2, no. 4 (hiver 1993): 432
↑a etbGoncharov, Sergei N., Lewis, John W. et Xue Litai,Uncertain Partners: Stalin, Mao, and the Korean War (1993)
↑a etbMansourov, Aleksandr Y.,Stalin, Mao, Kim, and China’s Decision to Enter the Korean War, 16 September – 15 October 1950: New Evidence from the Russian Archives, Cold War International History Project Bulletin, Issues 6–7 (hiver 1995/1996): 94–107
↑Sudoplatov, Pavel Anatoli, Schecter, Jerrold L., and Schecter, Leona P.,Special Tasks: The Memoirs of an Unwanted Witness — A Soviet Spymaster, Little Brown, Boston (1994)
↑En 1981,François Mitterrand, alors premier secrétaire du Parti socialiste, avait ainsi effectué un voyage en Corée du Nord pour renforcer sur la scène internationale sa stature de candidat à l'élection présidentielle. La France n'a toutefois pas établi de relations diplomatiques avec la Corée du Nord après 1981 et elle resteà ce jour[Quand ?] le seul État de l'Union européenne, avec l'Estonie, à ne pas reconnaître la république populaire démocratique de Corée. (voir l'article détaillé sur lesrelations entre la Corée du Nord et la France)
↑Dans un récit de recueil de témoignages auprès de plusieurs dizaines de Nord-Coréens, notamment réfugiés en Chine et en Corée du Sud, les journalistes Juliette Morillot et Dorian Malovic, chef du service « Asie » au quotidienLa Croix, soulignent que « Tous [les Nord-Coréens rencontrés] éprouvent une grande nostalgie des années Kim Il-sung. Un "Grand Leader" aimé et pas seulement « vénéré aveuglément », comme on voudrait trop nous le faire croire, un Grand Leader qui au lendemain de la guerre a transformé aux yeux de toute une génération un pays pauvre et détruit en un pays où chacun avait de la nourriture, un toit, un métier, l'accès à l'éducation : la République populaire démocratique de Corée » (extrait de :JulietteMorillot et Dorian Malovic,Évadés de Corée du Nord, Paris, Presses de la Cité Belfond,, 323 p.(ISBN978-2-7144-4057-0),p. 11-12).
↑Hwang Jang-yop,The Problems of Human Rights in North Korea (3)