Khoïsan est un terme servant à désigner conjointement deuxgroupes ethniques autochtones d'Afrique australe qui partagent des caractéristiques génétiques et linguistiques les distinguant des populationsbantoues aujourd'hui majoritaires dans la région[3]. Culturellement, les Khoïsan se divisent entre leschasseurs-cueilleursSan[note 1], appelés aussi « Bochimans » (de l'anglaisBushmen) et lespasteursHottentots, qui se désignent aussi comme Khoikhoi[4]. Les San forment la population autochtone d'Afrique australe, les Khoïkhoïs étant arrivés beaucoup plus tard[5].
LesBantous, venus du centre et de l'est du continent, quant à eux, arrivent dans la région vers500 ap. J.-C. ; ils dominent et chassent les Khoïkhoï et les San pour devenir la population dominante. Il semblerait qu'au fil du temps, des Khoïkhoï aient abandonné leur mode de vie pastoraliste pour adopter le mode de vie de chasseur-cueilleur des San, probablement à cause d'une sécheresse climatique ; cela les aurait fait considérer comme des San. De la même manière, les bantousDamaras, dans leur migration vers le sud, auraient abandonné l'agriculture pour adopter l'économie des San.
Il reste de nombreux Khoïsan dans les zones arides de larégion, notamment dans ledésert du Kalahari.
Khoisan faisant griller des sauterelles, 1805.Aquatinte par Samuel Daniell.
Dès le début duPaléolithique supérieur, des chasseurs-cueilleurs, relevant de la cultureSangoen, occupent le sud du continent africain dans des endroits où les précipitations annuelles sont inférieures à un mètre[6]. Ces populations duLate Stone Age sont les ancêtres des habitants actuels du désert du Kalahari ; les Khoïkhoï et San actuels ressemblent aux restes de squelettes qu'elles ont laissé[7]. Les populations Khoïsan d’Afrique australe acquièrent des moutons et du bétail quelques siècles avant l'arrivée des Bantous[8]. Les études génétiques montrent que l'ascendance des Khoïsans était davantage présente autrefois plus au Nord et à l'Est de l'Afrique qu'elle ne l'est actuellement[9].
Les Bantous arrivent vers 500, détenteurs de compétences avancées en agriculture, développées depuis au moins2000 av. J.-C., et maîtrisant la métallurgie du fer. Ils dominent et se métissent avec les Khoïsan, devenant la population majoritaire de l'Afrique australe jusqu'à l'arrivée des Néerlandais en 1652[10]. 22 000 ans auparavant, les Khoïsan représentaient alors la population la plus nombreuse du monde[11],[12],[13].
Après l’arrivée des Bantous, les Khoïsan et leur mode de vie pastoral ou de chasseurs-cueilleurs restent dominants à l'ouest de laFish River, en actuelleAfrique du Sud, et dans les déserts alentour, où le climat entrave le développement de l'agriculture bantoue, mieux adaptée à des étés humides qu'aux pluies d'hiver de la région[14].
Durant la période coloniale, les Khoïsan survivent dans ce qui est désormais l'Afrique du Sud, laNamibie et leBotswana. Aujourd'hui, beaucoup de San vivent dans le désert du Kalahari, où ils sont en mesure de préserver leur culture et leur mode de vie. Dans les actuelles Afrique du Sud et Namibie, une grande partie desmétis du Cap, desXhosa et desTswanas sont d'ascendance partiellement Khoïsan, dépassant de loin, en nombre, les populations Khoïsan proprement dites.
Une des preuves de la présence originelle des Khoïsan en Afrique australe est la répartition actuelle de leurs langues[note 2]. Les langues du groupe khoïsan présentent d'importantes différences de structure et de vocabulaire en dépit de leur grande proximité géographique, ce qui démontre une longue période d'influences réciproques et de coévolution des langues dans la même région[15]. Par opposition, les langues des peuples d'origine bantoue de la région, telles celles desZoulous et desXhosa, sont très semblables. Cela indique une ascendance commune beaucoup plus récente pour le groupe bantou de la région[16]. Les Xhosa et les Zoulous ont adopté les « clics » représentant les consonnes, caractéristiques des langues khoïsan, ainsi qu'une partie du vocabulaire, dans leurs langues respectives.
Dans les années 1990, des études génétiques sur les peuples du monde montrent que lechromosome Y des San partage certains modèles de polymorphisme distincts de toutes les autres populations[13]. Du fait que le chromosome Y se transmet avec peu d'altérations d'une génération à l'autre, les tests génétiques sur l'ADN l'utilisent pour déterminer quand les différents sous-groupes se sont séparés les uns des autres et, donc, leur ascendance commune. Les auteurs de ces études suggèrent que les San sont l'une des premières populations à se différencier dudernier ancêtre commun à tous les humains existants par filiation patrilinéaire, l'Adam Y chromosomique, dont on estime qu'il vécut il y a 60 à 90 000 ans[18],[19]. Les auteurs notent également que leurs résultats doivent être interprétés comme se limitant à constater que les Khoisan « préservent des lignées anciennes » et non pas qu'ils ont « cessé d'évoluer » ou qu'ils sont « anciens », puisque les changements ultérieurs de leur population sont parallèles et similaires à ceux de toutes les autres populations humaines[20]. Unepopulation fantôme a été détectée dans le patrimoine génétique des Khoïsan[réf. nécessaire].
Plusieurs études sur le chromosome Y[21],[22],[23] confirment que les Khoïsan possèdent les haplogroupes du chromosome Y les plus variés, c'est-à-dire les plus anciens. Ces haplogroupes sont des sous-groupes spécifiques des haplogroupesA etB, les deux branches les plus anciennes de l'arbre du chromosome Y humain.
De manière similaire aux découvertes faites à l'occasion des études sur le chromosome Y, les recherches pratiquées sur l'ADN mitochondrial montrent aussi que les Khoïsan sont très fréquemment porteurs des plus anciens haplogroupes de l'arbre de l'ADN mitochondrial. Le plus ancien haplogroupe mitochondrial, leL0d, est très fréquent chez les Khoïkhoï et les San[21],[24],[25],[26].
Jean-Claude Fritz et Raphaël Porteilla,« Les Khoisan d'Afrique Australe », dans Jean-Claude Fritz, Frédéric Deroche, Gérard Fritz, Raphaël Porteilla (éds.),La Nouvelle Question Indigène, Peuples autochtones et ordre mondial, L’Harmattan,. — Extrait en ligne surgitpa.org.
Nathaniel Herzberg, « Quand la majorité de la population mondiale était « bushman » : les chasseurs-cueilleurs Khoisan d’Afrique australe sont restés le plus important groupe humain jusqu’à il y a 22 000 ans »,Le Monde,(lire en ligne).
François-Xavier Fauvelle-Aymar,L'invention du Hottentot : histoire du regard occidental sur les Khoisan,XVe – XIXe siècle, Publications de la Sorbonne,.
François-Xavier Fauvelle,« Les Bushmen dans le temps long. Histoire d’un peuple dit sans histoire », dans E. Olivier et M. Valentin (éds.),Les Bushmen dans l’histoire, Paris, CNRS Éditions,,p. 39-64.
Fr. Bon, L. Bruxelles, Fr.-X. Fauvelle-Aymar et K. Sadr, « Les pasteurs khoekhoe à la confluence des sources historiques et archéologiques. Proposition de modèles d’implantation spatiale et de signature technologique d’une population néolithique d’Afrique australe »,P@lethnologie,no 4 « Palethnologie de l’Afrique »,,p. 143-168(lire en ligne).