Lekhaganat khazar devenant une des principales puissances régionales, les Byzantins rompent leur alliance et se rallient aux Rus' etPetchénègues, récemment chassés de leurs terres par lesOghouzes.
Vers la fin duXe siècle, l'Empire khazar s'affaiblit progressivement, jusqu'à être intégré à la Rus' de Kiev. S'ensuivent des déplacements de populations, rythmés par les invasions successives des Rus', desCoumans et probablement de laHorde d'ormongole.
L'étymologie du termekhazar est obscure et controversée. Selon l'Encyclopaedia Judaica[3], ce nom pourrait venir duturcqazmak qui signifierait « errer » ou « nomadiser »[4] ou du motquz qui signifie « ubac ».
Les tribus rassemblées au sein de l'empire des Khazars ne constituent pas une entité unifiée mais plutôt une confédération depeuples nomades de lasteppe eurasienne, dominée par une composanteturcophone. Beaucoup de groupes turcs, tels que les peuples delangues oghoures, qui rassemblent les Saragoures, les Oghours, lesOnoghours et lesBulgares, déjà présents au sein de la confédération deTiele, sont attestés assez tôt dans l'ensemble khazar. Ils ont été poussés vers l'ouest par lesSabires, qui eux-mêmes fuient lesAvars et commencent à se répandre dans la zone comprise entre laVolga, lamer Caspienne et la mer Noire dès leIVe siècle. Ils sont notamment mentionnés par l'historienPriscus en 463[5]. Tous ces peuples viennent des confins mongols et sibériens et émergent après l'effondrement de l'Empire hunnique. Une alliance de ces tribus turques, rassemblant aussi des peuples iraniens, proto-mongols etpaléo-sibériens, triomphent du khanat deRuanruan en 552 et se dirigent vers l'ouest, amenant avec eux tout un conglomérat multi-ethnique originaire deSogdiane[6].
Le clan dominant au sein de cette confédération semble être celui desAshinas, issu dukhaganat turc occidental[7],[8],[9]. Néanmoins, l’historienConstantin Zuckerman est plus sceptique sur le rôle des Ashinas dans la fondation de l'ensemble khazar[10]. Golden note que les sources chinoises et arabes concordent et fait l'hypothèse que leur chef pourrait êtreIrbis Seguy qui disparaît vers 651, rattaché au clan des Nushibis[11]. Dans tous les cas, cette confédération atteint la région des Akatziris située au nord de lamer Noire et qui sont d'importants alliés des Byzantins à l'époque de leur guerre contreAttila.
Un État embryonnaire se constitue vers 630, profitant de l'effondrement du khaganat desGöktürks[12]. Ces derniers ont dominé la région de la Volga à partir de 549, aux dépens des Avars, obligés de fuir vers laPannonie. Le clan des Ashinas apparaît vers 552 quand ils battent les Ruanruan(s) et fondent le khaganat des Göktürks. En 568, ils forment une alliance avec les Byzantins contre lesSassanides. Par la suite, une guerre intestine éclate entre les Göktürks orientaux et le khaganat turc occidental, à la mort de Taspar Qaghan, qui ouvre une lutte de succession entre son héritier désigné, Apa Qağan et celui nommé par le conseil tribal, issu des Ashinas, Ishbara Qaghan.
Au cours des premières décennies duVIIe siècle, Tong Yabghu Qaghan parvient à stabiliser leKhaganat turc occidental mais, dès sa mort, il se dissout après avoir été un allié précieux des Byzantins face auxSassanides[13],[14]. En effet, il subit la pression intense des armées de ladynastie Tang quipénètre en Asie centrale. Deux fédérations émergent de cet effondrement, composées chacune de cinq tribus. Pendant un temps, elles s'opposent aux Tang dans leTurkestan oriental tandis qu'à l'ouest, deux États nomades apparaissent : l'Ancienne Grande Bulgarie dirigée parKoubrat et laconfédération Nushibi. Koubrat devient le principal rival desAvars dans la région duKouban alors que le khaganat des Khazars commence à se structurer, plus à l'ouest, probablement dirigé par un rejeton des Ashinas. Si les Tang s'imposent en Orient, en Occident tant les Bulgares que les Khazars dominent la steppe. Finalement, les Khazars s'imposent et les Bulgares se soumettent ou bien décident de pénétrer plus loin vers lesBalkans, sous la direction d'Asparoukh qui défait les Byzantins lors de labataille d'Ongal, à l’été680[15].
C'est donc sur les décombres d'un empiresteppique que se constitue celui des Khazars. Après s'être imposé sur la région de la basseVolga jusqu'aux espaces entre leDanube et leDniepr, le khaganat des Khazars devient la force dominante de la steppe eurasiatique vers 670[16]. SelonOmeljan Pritsak, la langue de la fédération bulgare devient lalingua franca de l'Empire khazar, qui impose une sorte dePax Khazarica[17]. La Khazarie domine alors le commerce de la région, permettant aux marchands venus d'Europe de transiter à travers les vastes plaines de l'Europe orientale en sécurité[18]. Rapidement, la Khazarie fait figure de puissance majeure de l'époque, comme l'attestent les écrits de Ibn al-Balhî. Celui-ci affirme que le shah des Sassanides,KhosroIer, ne considère que trois autres empires comme ses égaux : la Chine, l'Empire byzantin et l'Empire khazar. Bien que cette affirmation soit anachronique, étant donné que Khosro règne à une époque où les Khazars n'ont pas encore percé, elle démontre que ceux-ci sont considérés par leurs contemporains comme une grande puissance.
Les liens génétiques des sépultures des sites de typeNovinki avec l'Asie centrale et intérieure sont conformes aux faits historiques et archéologiques selon lesquels les Khazars venaient du territoire duKhanganat turc occidental[19].
Enfin, une autre thèse, celle de la caste royale des Khazars, autoproclamée descendante deKozar(ru), un des fils deTogarma, petit-fils deJaphet selon laTable des nations des premiers chapitres duLivre de la Genèse, est probablement due à saconversion au judaïsme. Elle donna cependant naissance à de nombreuses spéculations ; selon l'une d'elles, consignée dans l'un des manuscrits de laGuéniza du Caire étudiés parSolomon Schechter, les Khazars descendraient pour une partie au moins destribus perdues d'Israël. Quelques historiens, dontYair Davidiy[20], souscrivent à cette thèse « conciliante » suggérant que les juifsashkénazes d'Europe du Nord, pour certains héritiers des Khazars, sont des convertis au judaïsme.
Concernant leur expansion et leur territoire,Ibn Rustah écrit « le pays des Khazars est vaste »[21].Alexei Terechtchenko dansL’Empire khazar[22] explique que le territoire est situé dans leDaghestan actuel et que leurs centres principaux étaient Balanger (Varatchan) etSamandar. Il ajoute qu'ils ne contrôlaient pas totalement lesud du Caucase à cause de la présence desAlains, bien que ces derniers aient été fidèles aux Khazars. Le territoire de l’empire était donc beaucoup plus étendu vers le nord avec des colonies le long duDon et de laVolga ; la frontière atteignait leDanube. Ainsi l’espace que contrôlaient les Khazars comprenait selon Terechtchenko « une grande partie de l’Ukraine et de la Russie méridionale ».
L'organisation tribale des Khazars semble complexe. Ils auraient été divisés entre « Khazars blancs » et « Khazars noirs ».
Le géographe médiéval persanIstakhri avait établi une différenceraciale entre ces deux castes: « les Khazars ne ressemblent pas auxTurcs. Ils ont les cheveux noirs et sont de deux sortes : les Khazars Noirs (Kara-Khazars) qui ont le teint basané ou très sombre comme certains Indiens, et les Khazars Blancs (Ak-Khazars), qui sont d'une beauté frappante. »[23], mais rien ne semble corroborer cette thèse, peut-être extrapolée des termes « noirs » et « blancs » qui renvoient en réalité à une symbolique spatiale (« noir » pour le nord, « blanc » pour le sud — voir plus tard lesKara Koyunlu,Moutons noirs turcomans, etAg Koyunlu,Moutons blancs turcomans).
Carte de lasteppe pontique aux environs de l'an 650.Carte du Caucase vers 740.Zone d'influence khazar vers 820.Khazarie vers 850.Routes commerciales varègues.Khazarie vers 950.Khazarie vers 1015.Expéditions des Rus' en mer Caspienne.
L'histoire des Khazars est liée à l'empire desGöktürks (ouKöktürks), formé après la défaite desRuanruan parBumin, du clanAshina, en552.
Lorsque l'empire Göktürk s'effondre à la suite de conflits internes au milieu duVIe siècle, il se partage enproto-Bulgares et Khazars menés par la tribu Ashina.
Vers650, les Khazars fondent un royaume indépendant au nord duCaucase aux abords de laVolga, notamment au détriment des proto-Bulgares, qu'ils chassent vers le nord-ouest. Cet « État » mal connu est indifféremment appelé « Empire khazar », « Royaume khazar », ou encore « Khazarie ».
Signe de l'importance qu'a acquise le royaume, en626, leKhagan (dirigeant) khazar Ziebil (probablementTong Yabghu) ou son fils, envoie 40 000 soldats à l'empereur ByzantinHéraclius, pour l'aider dans sa lutte sans merci contre lesSassanides[24]. Pour séduire leKhagan, en signe de reconnaissance, Héraclius lui avait offert en mariage sa filleEudocia Epiphania. Elle était en route vers lui lorsque le Khagan mourut, si bien qu'elle rebroussa chemin.
L'Empire byzantin a toujours été attentif à la situation géopolitique de la steppe ukrainienne et, généralement, il joue des rivalités entre les peuples pour les affaiblir et se préserver de leurs attaques. Parfois, ils s'allient avec eux contre un ennemi commun, à l'image de l'accord passé avec les Göktürks contre les Perses, lors de laguerre perso-byzantine de 602-628. À l'égard des Khazars, qu'ils appellent parfois Turcs, les Byzantins cherchent assez vite leur alliance. Au moment du siège de Constantinople de 626,Héraclius envoie divers émissaires proposer des alliances, notamment à Tong Yagbu Khagan, lui proposant d'épouser sa fille, Epiphania. Cette alliance favorise le retournement de situation lors de la guerre avec la prise de contrôle des cols caucasiens. Byzantins et Göktürks assiègent notammentTiflis. S'il a parfois été rapporté que les troupes alliées aux Byzantins sont des Khazars, l'hypothèse la plus probable demeure celle des Göktürks car c'est à l'issue de l'éclatement de ces derniers que les Khazars deviennent une force prépondérante, après les années 630.
Dès lors que les Khazars deviennent une force incontournable, les Byzantins s'allient avec eux. En 695, l'empereurJustinien II est déposé et choisit de s'exiler àCherson, enCrimée byzantine, à proximité directe des terres des Khazars, qui l'accueillent. Ainsi, il semble s'être réfugié chez eux vers 704 ou 705 et reçoit comme épouse la sœur du khagan Busir[25]. Justinien espère aussi certainement une aide militaire pour reprendre le trône. Dans tous les cas, son épouse prend le nom byzantin de Théodora. Busir est aussi approché par l'empereurTibère III Apsimar qui tente de l'inciter à tuer Justinien II, en échange d'un important tribut mais Théodora prévient son mari à temps. Justinien peut s'enfuir en tuant deux dignitaires khazars et il rejoint la Bulgarie où il obtient l'aide du khanTervel pour récupérer le trône. En dépit de ces troubles, Justinien II renoue avec Busir qui accepte que Théodora rejoigne son époux àConstantinople, où elle devientAugusta.
Plus tard, sousLéon III (717-741), une alliance est nouée contre lesArabes. L'empereur envoie un ambassadeur auprès du khan Bihar et marie son fils, le futurConstantin V (741-775) à la fille de Bihar, nommée Tzitzak[26]. Convertie au christianisme, elle prend le nom d'Irène. Leur fils,Léon IV le Khazar, est ainsi surnommé en raison des origines de sa mère. Régnant de 775 à 780, il meurt dans des circonstances troubles alors qu'il est particulièrement impopulaire. AuVIIIe siècle, les Byzantins doivent composer avec la domination des Khazars sur la Crimée, jusqu'à Cherson, traditionnelle tête de pont romaine dans la région. Enfin, des mercenaires khazars sont couramment utilisés par les empereurs byzantins, en particulier au sein de l'Hétairie.
Lors desVIIe et VIIIe siècles, les Khazars mènent une série de guerres contre le califat desOmeyyades puis desAbbassides. La première guerre arabo-khazare éclate à l'occasion des premières offensives musulmanes. Dès 638, les Arabes envahissent l'Arménie et, en 642, lancent leur premier raid au-delà du Caucase, sous le commandement d'Abd ar-Rahman ibn Rabiah. En 652, les Arabes progressent versBalanjar, capitale des Khazars mais subissent une défaite. Plusieurs sources russes affirment que le khagan est alors un certain Irbis, qui serait issu de la lignée royale des Ashinas.
À l'occasion de laGrande discorde qui frappe le monde musulman, les Arabes se retirent pour un temps des conflits contre les Khazars jusqu'au début duVIIIe siècle. En revanche, les Khazars en profitent pour lancer des raids sur des principautés transcaucasiennes dominées par les Musulmanes, dont une expédition d'envergure entre 683 et 685 qui fait un grand nombre de prisonniers. SelonTabari, les Khazars forment alors une alliance solide avec les descendants des Göktürks toujours présents enTransoxiane.
Les guerres arabo-khazares reprennent véritablement après l'an 700 avec des raids lancés à travers le Caucase. Les Omeyyades resserrent leur domination sur l'Arménie en 705 en y écrasant une rébellion. En 713 ou 714, le généralMaslama ben Abd al-Malik s'empare deDerbent et pénètre en profondeur chez les Khazars. Ces dernier répliquent par des raids dans l'Albanie du Caucase et enAzerbaïdjan, jusqu'aux confins de l'Iran, avant d'être repoussés parHassan Ibn Numan. En 722, le conflit gagne en intensité avec une force d'invasion de 30 000 Khazars qui attaque l'Arménie avec succès. Le califeYazīd II réplique en envoyant 25 000 soldats qui parviennent à repousser l'envahisseur et à reprendre Derbent, poussant jusqu'à Balanjar. Là, les Arabes brisent les défenses des Khazars et pillent la ville, dont les habitants sont tués ou réduits en esclavage. En dépit de ces succès, les Arabes ne peuvent tenir le terrain et se retirent vers le sud[27].
En 724, le général musulman,Al-Jarrah al-Hakami, écrase les Khazars lors d'une longue bataille entre les fleuvesCyrus etAraxe et s'empare deTiflis. L'Ibérie du Caucase est alors intégrée au califat. Les Khazars réagissent deux ans plus tard avec le général Barjik, qui envahit l'Albanie et l'Azerbaïdjan. En 729, les Arabes ont perdu le contrôle du nord-est de la Transcaucasie et sont de nouveau sur la défensive. En 730, Barjik envahit l'Azerbaïdjan iranien et remporte un succès à la bataille d'Ardabil, tuant le général Al-Jarrah al-Hakami et occupant brièvement la ville. Il est tué dès l'année suivante àMossoul, lors d'une campagne dans laquelle il se sert de la tête tranchée d'Al-Jarrah comme sorte d'étendard. En 737, Marwan ibn Mohammed pénètre à son tour en Khazarie, dans l'intention supposée de conclure une trêve. Mais il lance en réalité une attaque surprise, obligeant le khagan à fuir vers le nord, sans parvenir à tenir le terrain[28]. Néanmoins, le khagan accepte de se convertir à l'islam et de reconnaître la suzeraineté du califat. Finalement, l'instabilité au sein des Omeyyades et le soutien byzantin permettent aux Khazars de reprendre rapidement leur indépendance[29]. C'est notamment cet événement qui sert de justification à l'hypothèse que la conversion au judaïsme serait une manière pour les Khazars de démontrer leur indépendance, tant à l'égard des Byzantins que des Musulmans.
Après 737, le conflit s'atténue durant plus de deux décennies et prend la forme de raids récurrents de la part des Arabes jusqu'en 741, sans visée expansionniste. Leur contrôle de la région tend à s'atténuer car la défense de Derbent les oblige à y maintenir une garnison importante, qui pèse sur une armée déjà très mobilisée sur d'autres fronts. À l'éclatement de la troisième Fitna, nouvelle guerre civile parmi les Musulmans, les Omeyyades sont chassés du pouvoir et remplacés par lesAbbassides.
En 758, le califeAl-Mansur[Lequel ?] tente de renforcer ses liens diplomatiques avec les Khazars, ordonnant àYazid ibn Asid ibn Zafir al-Sulami, le gouverneur militaire de l'Arménie, de prendre une épouse royale khazare[30]. Yazid se marie à une fille du khaganBagatur mais elle meurt rapidement, peut-être alors qu'elle est enceinte. Ses servants reviennent en Khazarie où ils affirment que des Arabes l'ont empoisonnée, ce qui plonge son père dans une profonde colère. Le général khazar, Ras Tarkhan, envahit les régions du sud du Caucase en 762-764, ravageant l'Albanie, l'Arménie et l'Ibérie, s'emparant de Tiflis[31]. Néanmoins, les tensions s'atténuent progressivement et les relations deviennent plus cordiales car les Abbassides n'ont pas les visées expansionnistes des Omeyyades. Il faut attendre 799 pour retrouver l'occurrence de raids entre les deux puissances caucasiennes, à la suite d'un nouveau projet d'alliance matrimoniale raté[31].
Les Khazars commercent, enEurasie, avec ou sansRadhanites, du miel, des fourrures, de la laine, du mil et d'autres céréales, du poisson et desesclaves (slaves). La production en Khazarie relève de la poterie et de la verrerie, de lacolle de poisson (ichtyocolle) et de l'élevage (moutons, bétail, et produits dérivés)[32].
Le gouvernement central ne lève pas d'impôt, mais taxe le commerce à 10%, et perçoit des revenus (tributs,dîmes) des populations protégées et des états (ou tribus)vassaux.
La Khazarie frappe des pièces en argent, appeléesyarmaqs, dont beaucoup de copies dedinars arabes (deniers). Certaines pièces marquéesArd al-Khazar (enarabe, pour « Terre des Khazars »), et/ou « Moïse est le prophète de Dieu », datées de 766 à 838, ont été retrouvées en 1999 à Spillings sur l'île deGotland (Suède) ; selonRoman K. Kovalev, letrésor de Spillings, d'origineviking, està ce jour[Quand ?] le plus important jamais découvert[33].
LesByzantins ménagent l'Empire khazar qui les protège des envahisseursvikings etarabes, si bien que leur empereurConstantin V épouse une princesse khazare,Tzitzak dont le filsLéon IV est surnommé « Léon le Khazar »[34].
Leurs armées sont renforcées au cours desVIIIe siècle etIXe siècle par des nomades de lasteppe, en particulier desPetchénègues. Ceux-ci deviennent plus puissants que les Khazars qui ne peuvent les empêcher de franchir laVolga et de s'installer en889 entre leDon et leDniepr ; puis, en895 de conquérir le royaumemagyar de l'Etelköz.
De manière générale, les Khazars protègentByzance et leurs populations sujettes contre les expéditions de pillage desVarègues, lancées le long des grands fleuves, et contre les expéditions arabes tentant de contourner lamer Caspienne :guerres arabo-khazares,Pax Khazarica.
AuIXe siècle, des groupes deVarègues commencent à former des entités marchandes particulièrement puissantes. Ils contrôlent de plus en plus les voies fluviales, allant toujours plus loin vers le sud et la Khazarie. A cette époque, l'argent des Arabes transite vers le nord en échange de fourrures et defer et ce sont les Khazars ainsi que leurs vassaux, lesBulgares de la Volga, qui ont la mainmise sur ce commerce. Les commerçants sont soumis à l'impôt quand ils arrivent àAtil, proche de la Caspienne, de même queCherson, comptoir commercial byzantin. Peu à peu, ces marchands varègues commencent à se constituer en un véritable Etat, qui rassemble desSlaves, desFinnois de la Volga et desTchoudes, pour défendre leurs intérêts face aux Khazars. Souvent, l'idée générale est qu'un khaganat Rus' se serait formé sur le modèle du Khaganat khazar et que les chefs varègues se seraient appropriés le terme deqagan oukhagan, cela dès les années 830. Ce titre survit au sein de laRus' de Kiev dont la capitale,Kiev, aurait été fondée par les Khazars. Dans le même temps, ces derniers auraient pris des mesures défensives, notamment la construction de la forteresse deSarkel grâce à l'aide d'ingénieurs byzantins. Néanmoins, vers 860, les Rus' dominent déjà la région autour de Kiev et l'essentiel du cours duDniepr, ce qui les met en contact avec Constantinople.
Les Rus' représentent vite une menace, y compris pour les Byzantins qui s'allient avec les Khazars, tandis que ces derniers sont ambivalents et laissent parfois les guerriers rus' passer à travers leur territoire en échange d'une fraction du butin qu'ils pourraient avoir acquis. Mais, auXe siècle, les Khazars sont soumis à des menaces multiples, qui les obligent à combattre sur différents fronts. Lapax Khazarica commence à s'effondrer alors que lesPetchénègues, autre puissance nomade, s'impose dans la steppe eurasiatique. Si l'on en croit le document appelé lettre de Schechter, un document khazar, le khagan Benjamin, qui règne dans les années 880-890, combat une alliance de cinq peuples différents, peut-être soutenus par les Byzantins. Si Benjamin l'emporte, son fils, Aaron II, est lui aussi attaqué, cette fois par lesAlains convertis au christianisme et alliés de l'empereurLéon VI le Sage, qui en profite pour affaiblir les Khazars.
Dans les années 880, les Khazars perdent le contrôle du cours moyen du Dniepr, au profit de Kiev, alors que c'est une région traditionnelle de prélèvement du tribut auprès des Slaves. C'est notammentOleg de Novgorod qui chasse les Khazars de la zone et fonde véritablement la Rus' de Kiev. Dans un premier temps, les Khazars les autorisent à faire du commerce le long de la Volga et à mener des raids jusqu'à lamer Caspienne. SelonAl-Mas'ûdî, cette autorisation est conditionnée à la rétrocession de la moitié du butin[35]. Toutefois, en 913, deux ans après la conclusion d'un traité de paix entre les Rus' et les Byzantins, un raid des Varègues s'en prend aux musulmans. Ces derniers réagissent en demandant la permission aux Khazars de mener des représailles contre les Varègues. Ces derniers sont alors massacrés et les Khazars décident de fermer l'accès à la Volga, ce qui déclenche une guerre. Au début des années 960, le chef des Khazars, Joseph, écrit àHasdaï ibn Shaprut pour lui faire part de la dégradation des relations avec les Rus', du fait de la fermeture de certaines voies commerciales qui les empêche de mener des raids.
C'est une guerre ouverte qui oppose désormais les Rus' aux Khazars. Les premiers n'hésitent pas à mener des raids en profondeur, jusqu'en Caspienne. Une campagne, rapportée par la lettre de Schechter, voit la victoire du général khazar Pesakh contre Oleg[36]. Toutefois, dans le même temps, l'alliance byzantino-khazare disparaît au début des années 900. Des affrontements ont même probablement éclaté entre les deux empires en Crimée, tandis queConstantin VII Porphyrogénète, l'auteur duDe administrando Imperio, s'interroge sur la meilleure manière d'isoler les Khazars. Les Byzantins commencent à s'allier avec les Petchénègues et les Rus' avec des fortunes diverses. Dans le même temps, les échanges connaissent une évolution sensible dans la région car les Musulmans fondent des routes commerciales qui les mettent directement en contact avec des Bulgares de la Volga convertis à l'islam, sans passer par la Khazarie. Cette dernière pourrait avoir vu une chute de près de 80 % de ses revenus commerciaux, ce qui a des conséquences drastiques sur son équilibre[37].
Les Khazars développent une structurediarchique, assez classique parmi les nomades turcs, comprenant unshad oubäk et unkhagan. L'émergence de ce système pourrait aussi être liée à la conversion au judaïsme. Selon les sources arabes, le roi secondaire, appelé îšâ et le premier roi, lexâqân se partagent les rôles : le premier a un rôle militaire tandis que le second est surtout spirituel et ne s'intéresse guère aux affaires temporelles. Le khagan est nommé parmi les grandes familles nobles et, lors d'un rituel initiatique, est étranglé presque à mort, jusqu'à ce qu'il annonce le nombre d'années que durera son règne. Au terme de ce nombre, il doit être tué par les autres nobles. Le second roi se présente alors au khagan pour se prosterner devant lui avant d'enflammer un bout de bois d'un feu purificateur. De même, l'enterrement royal fait l'objet d'un cérémonial complexe. Les voyageurs doivent par exemple descendre de cheval devant une tombe royale. Si les dirigeants se convertissent au judaïsme, ce n'est pas le cas de l'essentiel des Khazars.
Les Khazars sont notamment connus pour laconversion de la dynastie régnante et d'une partie de la population aujudaïsme[38].Les khazars étaient originellement de religiontengriste, mais font l'objet d'unprosélytisme chrétien, plus de l'Arménie et de l'Albanie que de Byzance, ainsi que d'une pressionmusulmane, avec des conversions de la population lors des invasionsomeyyades. Lebouddhisme exerce également une certaine influence[39]. Les premiers contacts avec le judaïsme auraient eu lieu avec des marchands juifs venus deByzance[40], ou par le biais des populations grecs judaïsées deCrimée.
Laconversion au judaïsme se serait faite en deux phases. La première, autour de 735[41], a vu le judaïsme adopté par la dynastie régnante (celle de leur roiBulan vers 750) et plus généralement de la caste noble[40]. La « correspondance khazare » échangée dans lesannées 950 et960 entreIbn Shaprut, ministre juif ducalife de Cordoue et Joseph, roi des Khazars, qui mentionne cette conversion, est retrouvée dans laguéniza du Caire et est maintenant généralement considérée comme authentique,[42].
L'adoption du judaïsme comme religion officielle se fait sous le règne deHârûn al-Rashîd qui a régné de 786 à 809[43]. Selon le géographeIstakhri, à son époque le poste de kagan était réservé à des hommes de réligion juïve[44]. Elle est généralement expliquée par un choix stratégique des élites khazares, leur permettant d'échapper à l'influence islamique et à l'influence chrétienne de leurs puissants voisinsarabes etbyzantins[38].
Tout en adoptant le judaïsme, les Khazars restèrent trèstolérants sur le plan religieux, et laissèrent leurs sujets slaves professer lechristianisme ou l’islam.
Une des découvertes de l’ancienne forteresse deSarkel dans l'actueloblast de Rostov, avec ses inscriptions juives.
La thèse de l'origine khazare desJuifsashkénazes affirme que les populations juives de langueyiddish qui habitaient autrefois l'Europe centrale et orientale de l'Allemagne à l'Ukraine descendaient en partie des khazars convertis au judaïsme au Moyen âge.
Le débat ne porte pas sur la présence, indiscutée, de Juifs en Khazarie, ni sur leur rôle dans son administration. Il concerne les convertis au judaïsme au sein de la tribu Khazar et de ses alliés turco-mongols : leur nombre, leur statut (membres de la famille régnante ou autre), et l'importance de leur descendance parmi les Juifs vivant auXIXe siècle.
Différents auteurs depuis la seconde moitié duXIXe siècle suggèrent que les Juifs d'Europe de l'Est descendent au moins partiellement de Khazars ayant migré vers l'ouest entre leXe et le XIIe siècle, à la fin ou lors de l'effondrement de l'empire des Khazars.
En 1883,Ernest Renan écrit dansLe Judaïsme comme race et religion :« Les conversions massives à l'époque grecque et romaine enlèvent au judaïsme toute signification ethnologique, et coupent tout lien physique (mais non pas spirituel) avec la Palestine […] La plupart des Juifs de Gaule ou d'Italie, sont le produit de ces conversions. Quant aux Juifs du bassin du Danube, ou du Sud de la Russie, ils descendent sans doute des Khazars. Ces régions contiennent de nombreuses populations juives qui probablement n'ont rien à voir, du point de vue ethnologique, avec les Juifs d'origine »[47].
En 1940, l'historien françaisMarc Bloch, qui se présente comme Juif par la naissance et non par religion, dit en introduction deL'Étrange Défaite que « juif » désigne « un groupe de croyants, recrutés, jadis, dans tout le monde méditerranéen, turco-khazar et slave »[48].
Lettre deKiev datant de 930, écrite par une communauté juive khazare à Kiev. Il s'agit d'une recommandation (plaidoyer) enhébreu écrite au nom d'un membre de cette communauté. Des historiens pensent que la lettre date d'une époque où les Khazars n'étaient plus une force dominante dans la politique de la ville.
En 1943, l'historien israélienAbraham Polak publie son livre sur l'histoire des Khazars et émet deux hypothèses : la première est l'origine nonmoyen-orientale de la plupart des Juifs d'Europe orientale ; la seconde selon laquelle leyiddish serait né enCrimée et non enAllemagne, comme on le croyait précédemment.
En 1954, l'orientaliste britanniqueDouglas Dunlop(en) publie uneHistoire des Khazars juifs qui développe l'hypothèse khazare.
En 1976 le livre d'Arthur Koestler,La Treizième Tribu, popularise auprès du grand public l'idée selon laquelle les Juifs ashkénazes descendraient des Khazars.
La théorie connaît un regain d'intérêt avec la publication du livreComment le peuple juif fut inventé de l'historien israélienShlomo Sand, qui reprend les idées de Koestler pour étayer sa propre thèse selon laquelle ladiaspora juive serait le fruit de conversions successives[49]. En France,Marc Ferro reprend ce thème, qu'il élève au rang de« tabou de l'histoire »[50] ; ailleurs, il explique que bien des Juifs« croient ferme, comme les Juifs d'Europe centrale, qu'ils sont tous originaires de Palestine : ceux-ci ont oublié qu'une grande partie d'entre eux sont des convertis de l'époque du royaume khazar »[51]. L'écrivainMarek Halter a aussi popularisé cette thèse dans son romanLe Vent des Khazars[52].
L'hypothèse khazar, reste cependant régulièrement réfutée.Israel Bartal(en) s'amuse de la mention des Khazars dans l’Encyclopédie Mikhlal (une référence des jeunesIsraéliens des années 1950) et de l'usage qui en est fait[53]. D'autres rejettent cette hypothèse en des termes catégoriques[54], notent qu'elle n'est reprise que par peu d'historiens[55] et qu'un lien avec la Khazarie ne saurait concerner qu'une faible partie des communautés juives d'Europe orientale[56].
Le livre de Koestler a été combattu parChimen Abramsky(en) qui ne lui trouve aucune base scientifique ou historiographique[57], et par l'historienHyam Maccoby qui dénonce son supposé racisme[58] ; de nombreuses erreurs lui étaient reprochées, notamment sur desétymologies et dans l'interprétation des sources[59]. Selon l'historien britanniqueBernard Lewis[60] :
« Cette théorie […] ne repose sur aucune preuve quelle qu'elle soit. Elle a été abandonnée depuis longtemps par tous les chercheurs sérieux dans ce domaine, y compris ceux des pays arabes, où la théorie khazar est peu utilisée en dehors de polémiques politiques occasionnelles. »
En 2011, l'historienMoshe Gil, spécialiste des interactions entre Juifs et musulmans, publie une étude détaillée de l'ensemble dessources primaires arabes évoquant une conversion des Khazars au judaïsme[61]. Selon Gil, il n'est pas possible de fonder sur ces sources la conversion des Khazars au judaïsme.« Cela n'a jamais eu lieu », conclut-il. Cette conclusion a été aussitôt réfutée par lebyzantiniste françaisConstantin Zuckerman(en), qui a souligné que Moshe Gil avait inexplicablement négligé le témoignage d'Ibn al-Faqih, Persan duXe siècle, et minoré sans raison celui de son contemporainAl-Mas'ûdî, mais surtout qu'il avait tout simplement écarté tous les témoignages non-arabes indépendants sur la conversion des Khazars. La réalité historique de la conversion ne fait donc pas de doute pour Zuckerman, qui renvoie dos à dos Shlomo Sand et Moshe Gil, dont les manquements méthodologiques lui paraissent équivalents[62].
En,Shaul Stampfer(en), professeur à l'université hébraïque de Jérusalem, publie un article concluant que la conversion d'« un groupe significatif de Khazars conduit par leur roi […] est une légende dépourvue de base factuelle »[63]. Il attaque donc non seulement la thèse de l'origine des juifs ashkénazes mais la conversion même des khazars, dont il affirme qu'il n'y a pas de preuves archéologiques[64] ni documentaires[65].
En, paraît dans la revue britanniqueGenome Biology and Evolution une étude conduite parEran Elhaik(en), généticien à l’université Johns-Hopkins, qui va dans le sens de l'« hypothèse khazare »[66],[67],[68]. Elle a comparé les génomes « de 1287 individus non apparentés descendants de huit groupes de population juifs et de 74 non juifs » :
« Nous concluons que le génome des juifs d'Europe est une mosaïque de populations anciennes, incluant des Khazars judaïsés, des juifs gréco-romains, des juifs de Mésopotamie et de Palestine »[69].
Pourtant Shaul Stampfer déclare qu'elle est basée sur l'analyse de l'ADN de douze Juifs ashkénazes d'Europe de l'Est seulement et, de plus, à défaut d'ADN khazar, qu'elle les compare à l'ADN d'Arméniens et deGéorgiens[70].
Une autre étude conduite par Kevin Brook en 2022 se concentre sur les haplogroupes[71]. Il ne prétend pas, comme Elhaik l'avait fait, que les Khazars seraient apparentés aux Arméniens et aux Géorgiens, mais il indique que les Khazars étaient un peuple turc avec une ascendance d'Asie centrale, de la région de la Volga et du Caucase du Nord. Brook compare les ashkénazes juifs modernes aux échantillons génétiques médiévaux des Khazars en plus des échantillons génétiques des populations modernes. Les Juifs ashkénazes dans l'ensemble ne portent pas beaucoup d'ADN turc mais ils ont deuxhaplogroupesmitochondriaux, N9a3a1b1[72] et A-a1b3a[73], qui sont liés à des peuples turciques (Bachkirs,Turkmènes).
Une partie dusionisme politique base son idéologie sur la thèse que les juifs constituent une communauté biologique avec une ascendance commune qui remonte aux royaumes juifs décrits dans laBible. Notamment,Vladimir Jabotinsky affirmait que « l'identité nationale [juive] réside dans le "sang" de l'homme, dans son type physique et racial, et là seulement »´[74]. Accepter la thèse khazare impliquerait que l'ascendance des juifs ashkénaze comme Jabotinsky lui-même était différente de celles dessefarades,yémenites, etc et avec peu ou pas de rapport avec l'ancienneJudée.
En 1947, auxNations-Unies, l'hypothèse khazare est utilisée par les représentants britanniques et arabes pour tenter d'empêcher lacréation de l'État d'Israël, ce qui fait dire au président de l'Agence juive : « Je suis surpris de découvrir que je ne suis pas Juif mais Khazar »[75]. Une fois le nouvelÉtat d'Israël créé, et ses mécanismes demémoire officielle mis en place, l'intérêt de sa population par la Khazarie juive a pratiquement disparu[76].
Lors de la publication du libreLa treixième tribu parArthur Koestler, l'ambassade d'Israël au Royaume-Uni l'a diffamé, affirmant qu'il s'agissait d'un ouvrage de propagande financé par des organisations palestiniennes[77].
La thèse khazare a été également utilisée par lesKaraites enRussie qui affirment que leur religion a longtemps été séparée et distincte dujudaïsme rabbinique[78],[79].
Le terme « Khazar » est parfois utilisé comme code pour désigner les Juifs dans des discours conspirationnistes, présentant certains d'entre eux — comme les Rothschild, Soros ou Kissinger — comme membres d'une supposée « mafia khazare » contrôlant les affaires mondiales[80],[81].
↑Cette origine est aussi celle donnée par S. Szysman. VoirLes Khazars, problèmes et controverses, Revue de l'Histoire des religions, volume 152, issue 152-2, année 1957.
↑Peter B. Golden, « Irano-Turcica: The Khazar Sacral Kingship Revisited »,Acta Orientalia Academiae Scientiarum Hungaricae, vol. 60, no. 2, 2007, p. 165.
↑Moshe Gil, « Did the Khazars Convert to Judaism? »,Revue des Études Juives, vol. 170, no. 3-4, juillet-décembre 2011, p. 429-441.Résumé en ligne.
↑Constantin Zuckerman, « On the Kievan Letter from the Genizah of Cairo »,Ruthenica 10 (2011), p. 18 :« Though published in a leading journal in the field of Jewish history, Zion, Gil’s piece, by its disdain for sources and modern scholarship (which the author chooses deliberately to ignore), stands on equal grounds with Sand’s. ».
Roman-lexique qui a la particularité d'avoir été publié en version masculine et féminine (les deux volumes, strictement identiques, ne diffèrent que par la mention "Exemplaire féminin" ou "Exemplaire masculin"), puis réédité en version androgyne.
Bernard Hislaire,Le Ciel au-dessus de Bruxelles (bande dessinée), Éd. Futuropolis, 2007, deux tomes.