Kheïr-Eddine Baba Arroudj, ou Khizir Khayr ad-Dîn (turc : Barbaros Hızır HayreddinPaşa,arabe :خير الدين Khayr ad-dīn[n 1],[n 2],[n 3]), dit « Barberousse », né vers 1476 dans l'île deLesbos, mort le àConstantinople, fut uncorsaire ottoman sous le règne deSoliman le Magnifique, ayant occupé les postes de sultan, puisbeylerbey (gouverneur général) de larégence d'Alger etCapitaine pacha (grand amiral). Il prendra également le titre de sultan de Tunis en 1534 après la prise de la ville.
Khayr ad-Dîn est le frère cadet d'un autre marin connu,Arudj Reïs[1].
Issu d'une famille grecque ottomane pauvre et nombreuse[2] installée sur l'île de Lesbos, Khayreddine a eu 3 frères et 4 sœurs. Son père, Yakup Ağa, est un anciensipahi ottoman, devenupotier, s'étant installé surLesbos. Ce dernier était certainement unmusulman d'origineturque[3],[4],[5],[6],[7] oualbanaise[8],[9]. Les sources européennes de l'époque écrivent bien souvent, mais sans fondement, qu'il serait néchrétien[10], puis converti à l'islam. Sa mère serait une grecque chrétienne, nommée Katalina (ou Katarina), veuve d'un prêtre grec[1],[2],[11]. D'après leGazavat-ı Hayr ed-din Paşa ("Geste de Hayreddin Paşa"), véritable biographie autorisée des frères Oruç (ouArudj) et Hızır Hayreddin (Khayreddine) commanditée par le sultanSoliman en personne, les deux hommes seraient issus du mariage entre un officier ottoman de la garnison deMytilène (ottomane depuis 1462) et d'une jeune fille grecque. Les enfants étaient bilingues (turc et grec) et musulmans[12].
Des trois frères,Arudj, Elias et Ishak, l'un meurt jeune, à savoir Elias. Quelques années plus tard, Arudj prend la mer, dans l'espoir de sortir de la pauvreté. À la mort de son père, il revient sur l'île, avec un navire dont il a reçu le commandement, decorsaires turcs, et embarque ses frères qui fuyaient la misère[10]. Ils convoient, ensuite, desMusulmans et desSéfarades fuyant la pression de l'Inquisition espagnole et les conversions de force décrétées parIsabelle la Catholique en 1492, de l'Andalousie vers l'Empire ottoman (fin de laReconquista) où le sultanBayézid II leur a donné refuge[13]. Cela leur confère un grand prestige auprès des Juifs et des Musulmans, et c'est à cette période qu'ils acquièrent le surnom de « Barberousse ». Les trois frères sillonnent la Méditerranée s'adonnant à la « course » contre les navires chrétiens avec pour ports d'attacheTunis,Djerba,Jijel etAlger, oùArudj, usant de ruse et de cruauté, se fitbey de la cité[14].
Khayreddine Barberousse proclamé sultan d'Alger, craignant une attaque espagnole, va proposer, sur avis d'une assemblée d'oulémas et de notables algérois, le rattachement de larégence d'Alger à l'Empire ottoman en 1519[15]. Le sultanSélimIer lui envoie ainsi une troupe de 2 000 janissaires munie d'artillerie et 4 000 volontaires turcs[16].
Ce rattachement volontaire et le rôle important de la flotte d'Alger dans les conflits navals ottomans vont donner aux relations entre Alger etConstantinople un caractère particulier faisant de la régence non pas une simple province mais un « État d'Empire »[15].
En 1526, il subit un échec cuisant face à la flotte d'Andrea Doria, alors chef de la flotte pontificale, qui attaque avec succès une partie de sa flotte aux abords dePiombino. Plusieurs centaines d'hommes de Barberousse sont alors faits prisonniers[17]. Barberousse reprend Alger après l'assassinat deSidi Ahmed ou el Kadhi par ses proches en 1527 au niveau de la région desAïth Aïcha.
En 1529, Barberousse entreprend laprise du Peñon d'Alger, considérée comme une « épine au cœur des Algérois » par celui-ci[18][réf. incomplète]. Après deux semaines d'intensifs bombardements d'artillerie[réf. nécessaire], les Ottomans prennent d'assaut le fort. Des 150 hommes que comptait la garnison du capitaine Martin de Vargas, le quart seulement survit, dont le capitaine[19]. 25 femmes et enfants sont réduits en esclavage[réf. nécessaire]. Barberousse fait raser la forteresse et emploie les pierres pour la construction d'une jetée entre la plage et le rocher[19].Dans la baie deSanta Pola, le capitaine Rodrigo Portuondo perd toutes ses galères sauf une lors d'une attaque de Cachadiablo, allié de Barberousse. Portuonda y perd la vie alors que son fils Domingo est ramené prisonnier à Alger. Barberousse envoie aussitôt l'étendard impérial et quelques chrétiens capturés au sultan turc, qui le récompense en le nommantbeylerbey (gouverneur régional) etgazi (« conquérant »[20])[19].
En 1531, son grand rival l'amiralgénoisAndrea Doria, au service de l'Espagne, fond surCherchell, surprenant Ali Caraman, lieutenant de Barberousse, il l'oblige à détruire la majeure part de ses navires pour éviter qu'ils soient pris et libère plusieurs centaines d'esclaves[21], mais subit par la suite une défaite au cours de laquelle 300 Espagnols sont tués ou faits prisonniers[22]. Barberousse poursuit la flotte espagnole en déroute et ravage au passage les côtes italiennes et la Provence.
Il élimine l'idée d'une alliance entre les puissances chrétiennes contre les Turcs, Venise se retirant de la coalition des flottes occidentales[24]. En conséquence, cette bataille marque le début de la prédominance navale des Turcs en Méditerranée qui prend fin àLépante en 1571[25].
Khayr ad-Din Barberousse.
« Ils les prirent, les dépouillèrent tout nus et les ouvrirent vivants ; et ils ne faisaient cela que pour prendre le fiel. Comme nous leur demandions pourquoi ils usaient de si grandes cruautés, ils nous répondirent que ce fiel avait une très grande vertu. Nous n'en obtînmes rien d'autre. ». Mais selon l'historienJacques Heers, le bilan politique et militaire de ces opérations pour les Ottomans demeurait médiocre :« de riches prises mais ni victoire retentissante ni conquête territoriale. Tunis restait aux mains des Espagnols »[26].
En 1534, Khayr ad Dinprend Tunis au détriment des Hafsides alliés aux Espagnols. Il prend alors le titre de « sultan de Tunis ». L’équivoque et toute la diversité des situations dans l'Empire ottoman fait qu'un Grand Amiral de la flotte ottomane qui vient conquérir un pays au nom du Sultan ottoman, se proclame sultan du pays conquis sans pour autant se soustraire le moins du monde à ses obligations envers son chef, le Sultan ottoman. La formule « sultan de Tunis » n’était qu’un article de consommation locale. Elle signifie que la fin des sultans hafsides ne supprimait pas le statut « sultanien » de Tunis[27].
↑Alan G.Jamieson,Lords of the Sea: A History of the Barbary Corsairs, Canada, Reaktion Books,, 59 p.(ISBN1861899467) :
« "Desperate to find some explanation for the sudden resurgence of Muslim sea power in the Mediterranean after centuries of Christian dominance, Christian commentators in the sixteenth century (and later) pointed to the supposed Christian roots of the greatest Barbary corsair commanders. It was a strange kind of comfort. The Barbarossas certainly had a Greek Christian mother, but it now seems certain their father was a Muslim Turk." »
↑La piraterie barbaresque en Méditerranée : XVI-XIXe siècle, 2000,p. 28.
↑Nicolas Vatin,« Les origines des Barberousse. Extrait des Gazavat-ı Hayr ed-din Paşa (milieu du XVIe siècle) », dans Elisabetta Borromeo et Nicolas Vatin,Les Ottomans par eux-mêmes, Paris, Les Belles Lettres,, 480 p.(ISBN978-2-251-45071-1),p. 285-289
↑A. L. F. Alix, Précis de l'histoire de l'empire Ottoman: depuis son origine jusqu’à nos jours, Firmin Didot, père et fils, Volume 1,p. 14, 1822Lire en ligne.
LouisMouilleseaux et JeanLassus,Histoire de l'Algérie : Textes de Jean Lassus (o.fl.a.), Imprimeries Oberthur pour le compte des Productions de Paris,(lire en ligne).
NicolasVatin, « Comment êtes-vous apparus, toi et ton frère ? : Note sur les origines des frères Barberousse »,Studia Islamica,vol. 106,no 1,(JSTOR23884947).