UneḴānqāh ou ḵānāqāh (dupersankhaneh, « maison » ; enarabe :خانقاه) est d'abord un lieu destiné à abriter les spécialistes et savants religieux musulmans (‘ulamâ’), une sorte d'équivalent descouvents chrétiens. Ces établissements ont ensuite été réservés auxsoufis.
Ce terme est exclusivement usité auMoyen-Orient. L'équivalent du khanqah auMaghreb est appelézaouïa.
Peinture de la façade principale du complexe Jamâl ad-Dîn (1452-6,Anau, Turkménistan), qui comprend une mosquée, une madrasa, une khânqâh et une hôtellerie pour les pèlerins. (Tableau de Konstantin Michine, 1902. Musée des beaux-arts d'Achgabat.)
On retrouve de tels ensembles ailleurs dans le monde musulman, mais leur dénomination varie selon les régions[1],[2],[Note 1]. Ainsi, dans les pays arabes, on parle deribât, des bâtiments qui servaient de postes de défense fortifiés, avant qu'ils ne deviennent des lieux de rassemblement pour les soufis. Par la suite, le motribât tendit à être remplacé parzawiyya, c'est-à-dire le « coin » où l'on peut se retirer pour la pratique spirituelle[1]. En Syrie et dans l’Égypte des Mamelouk, on distingue entrekhânqâh qui est une fondation gouvernementale, etzawiyya qui renvoie à des fondations privées. En revanche, dans les zones persanes et turques, on emploie le plus souventkhânqâh pour l'un et l'autre type d'institution. En Inde, on retrouve le terme aux côtés detakya qui désigne toutefois un bâtiment de moindre taille. Ce dernier mot se retrouve d'ailleurs dans l'Empire ottoman sous la formetekke[1].
Enfin, on peut mentionner lesmazār, qui désignent souvent les tombeaux des fondateurs ou des lieux (maqâm) qui sont associés à son existence. Ces tombeaux sont souvent inclus dans les ensembles architecturaux mentionnés ci-dessus. Ces mazâr sont souvent d'importants lieux de rassemblement soufs. En Inde et dans l'Empire ottoman, ces tombes sont à l'origine de grands ensembles appelésdargâh (« palais »)[1].
Une khanqah est le lieu de vie de mystiques musulmans (mais elle peut aussi être un lieu de retraite temporaire pour des personnages « civils »). Dickie parle ainsi demosquée congrégationnelle (« monastic mosque »)[3]. Si on en rencontre dans les campagnes, elles abondent dans les villes musulmanes. Cette prolifération tient à la tendance des ordres à se scinder ce qui amène la fondation de nouveaux ensembles[4].
Le complexe Sultan al-Zahir Barqûq (à gauche), qui comprend une mosquée, une khânqâh et un mausolée.
Une khanqah comprend généralement une ou plusieurs mosquées et différentes dépendances : salle de cérémonie, cellules (y compris une cellule pour les punitions), cuisine, réfectoire, bibliothèque, une hôtellerie, une zone réservée aushaykh. Toutefois, l'organisation de ces bâtiments est beaucoup plus lâche que celle que l'on trouve dans les monastères chrétiens[4]. Elle peut également abriter une école (madrasa) et, ainsi qu'on l'a dit, abrite souvent la tombe de son fondateur.
En Turquie, on parle de « tekke » ou « tekké » ou encore « tekkyie ». On rencontre fréquemment de tels bâtiments. Destekke existent aussi dans les anciennes provinces moyen-orientales et balkaniques de l'Empire ottoman. Letekke d'Hassan Baba, situé dans lavallée de Tempé enThessalie, est un exemple de cet héritage ottoman enGrèce.
Ce type de bâtiment est en fait en général partie d'un complexe architectural qui comprend aussi une mosquée et le tombeau d'un saint. Le tekke peut alors servir de lieu de culte pour lesderviches tourneurs, et comprendre des cellules où lesderviches logent. Lestekke peuvent être considérés comme le pendant soufi de lamadrassa, lieu d'enseignement d'un islam plus « orthodoxe »[5].
LaTekke de Soliman, à Damas, construite par l'architecteSinan en 1560, est un parfait exemple de ce programme de bâtiments dans l'Empire ottoman, et l'une des plus belles réalisations architecturales de la Syrie[6].
↑Comme le relève J. Dickie, la nomenclature des termes désignant les bâtiments est souvent confuse dans l'islam: les catégories n'ont souvent pas limites clairement définies, si bien que les termes tendent à se chevaucher (1991, p. 38a), et ce flottement dans le vocabulaire se révèle problématique (p. 40b).
Vues du complexe Jamâl ad-Dîn, à Anau (avant et après le tremblement de terre de 1948 qui a presque complètement détruit l'ensemble) sur alamyimages.fr[lire en ligne (page consultée le 1 février 2021)]