L'histoire de Kars débute il y a des centaines de milliers d'années à l'âge de pierre. On a retrouvé différentes haches de typeacheuléen dans le district de Susuz, près de Ani, et sur les pentes de la montagne de Tombul Tepe datant duPaléolithique inférieur. On a découvert un embout enbasalte à l'ouest de Ağzıaçık Suyu, une hache dans la vallée de Borluk, des outils en pierres et des foyers dans la grotte de Kurbanalan. Tous sont de typeMoustérien et datent du paléolithique moyen. À la périodepaléolithique supérieur, nous pouvons constater des pratiques différentes de chasse et de cueillette, une amélioration de la production d'outils et d'équipements, et l'apparition de décors sur les murs. À l'ouest du village de Çamışlı, sur les pentes orientales de la montagne d'Aladağ, on a trouvé une grande pierre en basalte avec deux dessins datant de 10 000 ans, représentant des figures d'hommes et d'animaux. Le plus grand mesure 4 mètres de hauteur et 14 mètres de longueur. Non loin de là, dans la grotte de Kurbanağa, on retrouve des outils et d'autres objets de la période paléolithique supérieur[1].
Dans la vallée d'Aras, on a découvert desmicrolithes et divers autres outils appartenant à la période du paléolithique supérieur et à la périodemésolithique. On retrouve des outils similaires et de la même époque dans le Caucase russe. Desmenhirs, desdolmens et descromlechs datant duNéolithique sont présents sur l'île d'Akçakale, dans le lac de Çıldır. Au milieu de ces monuments, divers outils et objets rugueux et de couleur sombre ont été trouvés dans trou creusé dans le sol[2].
Les Urartéens furent les premiers habitants identifiés dans la région entre l'Anatolie et le Caucase ayant pour centre le lac de Van. Leur royaume s'y établit entre leXIe et le VIe sièclesav. J.-C.Ils parlaient une langue agglutinante, qui n'appartient ni à la famille des langues sémitiques, ni à celle des langues indo-européennes : elle fait partie deslangues hourro-urartéennes. Ils utilisaient l'écriture encunéiforme assyrienne. Kars et ses alentours formaient une région peuplée. Une dizaine de royaumes locaux vivaient sous domination urartéenne. Leurs habitants versaient au grand royaume d'Urartu de lourdes taxes en or, en bronze, en diamants, et en chevaux, en vaches et en moutons. Le royaume de Diauekhi (qui semble avoir été proto-géorgien) était le plus puissant, il dominait l'actuel Kars, et jusqu'à la frontière de la province d'Erzurum[3]. L'or et le diamant que l'on trouve dans la rivière de Kağız, et le cuivre extrait à Bardız y étaient exploités à cette époque de l'Antiquité.
Entre leVIIe et Ve sièclesav. J.-C., lesScythes sont à leur apogée, lesCimmériens sont alors forcés de migrer, à cause des invasions Scythes. Ils quittent laSteppe pontique pour trouver refuge en Anatolie. Ces migrations et invasions cimmériennes vont perturber l'Urartu et l'Assyrie. Le roi d'UrartuRusa II tente de créer des liens amicaux avec ces immigrés. Déjà sur le point de s'effondrer face aux agressions scythes et cimmériennes, l'Urartu va finalement tomber sous les attaques desMèdes qui causeront également la destruction de l'Assyrie.
En 640, arrivent les invasions arabes pour conquérir Kars et sa région déjà disputée par les deux puissances que sont les Romains et les Sassanides. Après l'effondrement du royaume des Sassanides en 640 jusqu'en 750, ce sont lesOmeyyades qui prennent la région et préservent le statut de gouvernorat de la région. Après 750, ce sont lesAbbassides (une autre dynastie Arabe musulmane) qui régissent la province jusqu'en 949 à l'arrivée desByzantins. Kars reste une petite principauté jusqu'en 888, et intègre ensuite le royaume arménienBagratide, créé sous l'autorisation du califeAl-Mutamid. Le roi du royaumeBagratide estAchot1er (Achot le Grand), son titre de roi est également reconnu par l'empereur byzantin BasileIer.
Plus tard, Kars fut prise par lesMongols en 1239. Cela pousse les Seldjoukides et les Arméniens à fuir la région pour se réfugier en Anatolie. Pendant que leroyaume arménien de Cilicie s'allie avec les Mongols. En 1380, les Mongols perdent le contrôle de la région au profit du beylicat turcQara Qoyunlu. En 1386,Timur réussit à pendre la ville et fait d'Ani la capitale d'une province. LesAq Qoyunlu envahissent la région et détruisent quelques monuments.
Après une défense courageuse, elle se rendit le au général russeNikolaï Mouraviev-Karsski. Onze mille hommes furent faits prisonniers de guerre. Durant laguerre de Crimée, la garnison turque, commandée par le général britanniqueWilliam Fenwick Williams et d'autres officiers étrangers, subit un siège prolongé, lesiège de Kars, mais après que la garnison eut été dévastée par lecholéra et le manque de provisions, elle ne put que capituler en novembre1855. À la suite du retrait des Russes, les Arméniens de la région partirent vers Constantinople, l'Arménie russe et la France. La forteresse de Kars fut également attaquée lors de laguerre russo-turque de 1877-1878 par des troupes sous le commandement des généraux Loris-Melikov et Lazarev Ivan Davidovich et fut finalement transférée à laRussie par letraité de San Stefano. Elle devint la capitale de l'oblast de Kars.
La Russie perdit Kars,Ardahan etBatoumi avec letraité de Brest-Litovsk le. Les Turcs prirent le contrôle de Kars le et la République du Caucase du Sud-Ouest fut établie dans la zone, mais l'armistice de Moudros () obligea l'armée ottomane à se retirer derrière les frontières de1914. Les Anglais occupèrent Batoumi, mais les Ottomans refusèrent de rendre Kars. Son gouverneur militaire constitua un gouvernement provisoire mené par Fahrettin Pirioglu qui revendiquait la souveraineté turque sur Kars et les régions turcophones et musulmanes environnantes à Batoumi etGyumri (Alexandropol).
La région fut occupée par l'Arménie en janvier 1919 mais le gouvernement pro-turc fut soutenu à Kars jusqu'à l'arrivée des troupes britanniques, qui y mirent fin le, et envoyèrent ses meneurs àMalte. Kars fut donnée à l'Arménie avecIğdır en. Laguerre arméno-turque entre septembre et, puis la chute de laPremière République d'Arménie furent à l'origine du traité d'Alexandropol, signé par les représentants turcs et arméniens le. Il stipulait l'abandon par l'Arménie de tous les territoires qui lui avaient été accordés par letraité de Sèvres ainsi que le passage à la Turquie d'environ 60 % de son territoire d'avant-guerre, incluant ainsi Kars.
À la suite de la guerre d'indépendance turque, la Turquie signa letraité de Kars () avec l'Union soviétique. Avec ce traité la Turquie renonça à ses prétentions sur Batoumi et obtint en retour la reconnaissance de sa souveraineté sur Kars et Ardahan. Les frontières définies par letraité de Kars ne sont toutefois pas acceptées par les nationalistes arméniens qui, pour la plupart, considèrent letraité de Sèvres comme la base de la solution du problème turco-arménien.
Les Soviétiques tentèrent de négocier avec la Turquie afin de leur accorder l'accès aux ruines d'Ani étant donné qu'elles ne possèdent pas de significations particulières pour la Turquie.Ankara refusa de donner son accord et la frontière entre l'Arménie et la Turquie est restée inchangée depuis presque un siècle. Depuis laguerre du Nagorny-Karabakh, la frontière a été fermée en représailles à la victoire des forces séparatistes du Haut-Karabagh sur les forces azéries. L'ancien maire de Kars, Naif Alibeyoğlu, est persuadé que la frontière sera de nouveau ouverte et qu'il n'y aura pas de sentiments nationalistes contre les Arméniens.
En 2009, le maire de Kars a perdu les élections au profit d'un membre de l'AKP, le parti islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002 dans le pays.
La ligne ferroviaireBakou-Tbilissi-Kars est inaugurée le et le premier train de marchandises traverse Kars le pour atteindre le port deMersin, sur la Méditerranée, le[8].
Le maire de la ville, Ayhan Bilgen, est arrêté par la police en septembre 2020. Il était le maire du dernier chef-lieu de département encore aux mains duParti démocratique des peuples (HDP) à la suite d'une vague d'arrestations et de destitutions. Son arrestation s'inscrit dans un contexte d'offensive des autorités contre les personnalités politiques manifestant leurs soutiens aux organisations du PKK et du YPG, reconnues terroristes[9],[10].
En tant que ville à la jonction de culturesarménienne,caucasienne,russe etturque, l'architecture des bâtiments de Kars en porte les influences. Le château de Kars (Kars Kalesi), appelé citadelle de Kars, surplombe la ville au sommet d'une colline rocheuse. Ses murs remontent à la période arménienne desBagratides (des éléments de maçonnerie sont encore présents au nord du château), il est probable qu'ils prirent leur forme actuelle auXIIIe siècle quand Kars était sous la domination de la dynastie Zakaride. Les murs portent des croix en plusieurs endroits, ainsi qu'unkhatchkar avec une inscription enarménien sur la tour la plus à l'est. Ainsi elle est fausse la croyance qui affirme que le château de Kars ait été construit par le sultan ottomanMurad III durant la guerre avec laPerse, à la fin duXVIe siècle. Cependant, il est probable que le sultan Murad ait reconstruit une grande partie des murs de la ville (ils sont similaires à ceux édifiés par l'armée ottomane àArdahan). Aux pieds du plateau se trouve la cathédrale Saint-Arak'elos, ou l'église des Apôtres. Construite auXe siècle, elle comprend un tétraconque voûté sur une base carrée avec quatreabsides. Lafrise du dôme incorpore desbas-reliefs représentant les douzeApôtres, un toit conique recouvre le dôme. Dans les années 1960 et 1970, elle abrita un petit musée, puis fut abandonnée pendant deux décennies jusqu'à sa conversion en mosquée en 1998.
À Kars, l'Université du Caucase, fondée en 1922, accueille plus de 12 000 étudiants, dont de nombreuxKurdes, puisque c'est la principale minorité de la région.
Kars est le lieu de l'action du romanNeige (traduction de Kars en français) d'Orhan Pamuk (2004). En voici un extrait : « Tous ces Arméniens, Russes, Ottomans et Turcs des débuts de la République, qui avaient transformé la ville en un modeste centre de civilisation, s’en étaient allés, et on avait l’impression que les rues étaient complètement désertes parce que personne n’était venu les remplacer[11]. »