Cet article concerne l'ethnie des Kali'nas. Pour leur langue, voirKali'na (langue).
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| 4 000 à 5 000 (1978)[1] | |
| 3 000[1] | |
| 2 500 (1989)[1] | |
| plus de 475[1] | |
| moins de 100 (1991)[1] | |
| Population totale | 10 000 à 21 714 (1990 et 1991)[2],[1] |
| Langues | Kali’na |
|---|---|
| Religions | Animisme,Christianisme |
| Ethnies liées | Autres peupleskalinagos,Wayana |
LesKali’nas[note 1],prononcé[kaliɲa], (anciennementGalibis ouKarib[note 2]) sont uneethnieautochtone d'Amérique que l’on retrouve dans plusieurs pays de la côte caraïbe d’Amérique du Sud. Ils sont delangue et de culturekalinago.
L’origine du nom que les Européens leur donnèrent,Galibi, est inconnue, mais eux-mêmes préfèrent s’appelerKali’na tilewuyu, c’est-à-dire « les vrais Kali’na » , en partie pour se différencier des métismarron-kali’na habitant leSuriname[3]. L’emploi de « Kali’na » n’est devenu habituel dans les publications que récemment[Quand ?]. LesKali'nas, qui ont peuplé un temps lesAntilles, se faisaient appeler Kalinago.

Les Kali’na ne connaissant pas l’écriture avant l’arrivée des Européens, leur histoire se transmettait donc oralement de génération en génération sous forme de récits légendaires.
Pendant longtemps les rares Européens qui se sont penchés sur l’histoire des Amérindiens de cette région n’ont pas fait de distinction entre les différentestribus caraïbes. La période de l’exploration passée, l’intérêt pour l’étude de ces peuples diminua beaucoup et n’a ressurgi qu’à la fin duXXe siècle quand quelquesmétropolitains,Gérard Collomb notamment, se sont intéressés aux Kali’na et qu’eux-mêmes ont commencé à relater leur histoire, en particulierFélix Tiouka, président de l’Association des Amérindiens de Guyane française (AAGF), et son frère Alexis.
Toutes ces données expliquent que les sources historiques concernant cette population soient rares et incomplètes.
Palliant l’absence de sources écrites, l’archéologie a permis de mettre au jour 273 sites archéologiques amérindiens sur seulement 310 km2 de la zone recouverte par lebarrage de Petit-Saut sur laSinnamary. Certains datent de deux mille ans, établissant ainsi l’ancienneté de l’implantation amérindienne dans cette région[4],[5].
Les faibles indices historiques disponibles montrent que, avant 1492, les Kali’na habitaient la côte (de l’embouchure de l’Amazone jusqu’à celle de l’Orénoque), partageant leur territoire avec lesArawaks[6], contre lesquels ils luttèrent pendant leur expansion vers l’est et l’Amazone[7].

Ils étaient de grands voyageurs sans pour autant êtrenomades ; ils faisaient souvent des voyages terrestres et maritimes jusqu’aux rives de l’Orénoque pour rendre visite à leur famille, faire des échanges ou se marier[8]. Ils allaient souvent jusqu’aux rives de l’Essequibo (aujourd’hui auGuyana) pour y prendre desgalets deporphyre rouge (takuwa), très prisés des Kali’na parce que les femmes les utilisent pour lustrer lespoteries[9]. Le mottakuwa désigna aussi lejade, dont le commerce était très actif aux Amériques en général[10].
Il existe un site appeléLes Roches Gravées sur le mont Carapa derrièreKourou où l’on peut voir plusieurs exemples d’art rupestre qui ont probablement[réf. nécessaire] été produits par des Kali’na, majoritaires dans la région.

Au premier contact avec des Européens, les Kali’na pensèrent avoir affaire à des esprits de la mer,Palanakiłi, nom qu’ils continuent à utiliser pour nommer les Blancs aujourd’hui[11],[note 3].
L’une des toutes premières conséquences de l’arrivée desPalanakiłi fut, comme pour beaucoup d’autres peuples amérindiens, une diminution de la population due auxmaladies importées par les Européens. Leursystème immunitaire n'étant pas adapté aux virus et bactéries provenant de l’Ancien Monde, les Kali’na succombèrent rapidement en grand nombre.
« À cette époque, les Kali’na ne connaissaient que les haches de pierre, et les machettes en bois dur. Ces hommes amenaient avec eux des haches et des machettes en fer, ils montrèrent que celles-ci coupaient bien mieux... Cette fois, les Palanakiłi avaient apporté de bonnes choses[12]. »
Les premiers Blancs rencontrés étaient des commerçants espagnols[13], ils avaient beaucoup de marchandises qu’ils donnaient aux Kali’na et aux autres tribus tout au long de leurs voyages. C’étaient le plus souvent des objets depacotille : perles de verre, miroirs, etc., mais parfois aussi des couteaux et autres outils[14]. La langue kali’na emprunte de l’espagnol des mots désignant lesdits objets[15].
Se rendant compte que les Européens détruisaient leur culture et leur territoire, les Kali’na les rebaptisèrentPailanti’po, ou « destructeurs des Kali’na »[16] ; la résistance commença, mais fut rapidement annihilée du fait de la supériorité des armes des nouveaux venus[17].
Après plusieurs tentatives dans la seconde moitié duXVIIe siècle, infructueuses en raison des conflits avec les Amérindiens en général, les Français fondèrent la ville deCayenne en 1664 ; les Anglais et les Hollandais, eux, s’installèrent sur le fleuve Suriname[6]. Quant au territoire Kali’na, il s’étendait depuis l’île de Cayenne jusqu’à l'Orénoque :
« C’est dans cette Isle que commence la Nation des Galibis, qui s’estend jusqu’au grand fleuve d’Orénocque, n’y ayant qu’une nation entr’eux qui s’appelle des Arrouagues, fort peuplée et fort courageuse, comme aussi les Galibis qui sont leurs voisins, avec lesquels ils sont continuellement en guerre. [...] Depuis la rivière deCorou jusques à celles de Coonama, il n’y a aucune habitation de Sauvages, mais depuis ladite rivière et celle d’Amana jusques à Suriname, ce païs est peuplé de la Nation des Galibis. Toutes ces nations ont presque un même langage, excepté quelques mots. Les Galibis d’auprès de Suriname sont amis des nôtres. Ils leur donnent secours dans leur guerre[18]. »

Le gouverneur Lefebvre de la Barre, qui s’installa à Cayenne l’année de sa fondation avec 1 200 colons[19], écrivit alors des Kali’na:
« [Les Galibis] éstoient autrefois si puissans, qu’ils ont imprimé la terreur et la crainte dans les cœurs des François qui s’estoient établis à Cayenne ; en sorte que plusieurs de ces anciens Habitants qui se sont retirez à laMartinique ont peine à nous croire quand nous leur disons qu’ils ne sont d’aucune considération. Ils sont à présent si fort diminuez, que tous ceux qui habitent depuisApprouague jusqu’àMarony ne peuvent pas mettre ensemble vingt Pirangues [pirogues] de guerre armez chacune de vingt-cinq Hommes. Ce qui est arrivé tant par des maladies qui les ont attaquez que par diverses rencontres de guerre où ils ont esté battus par les Palicours[20]. »
L’arrivée des Européens changea radicalement les anciens circuits commerciaux. Ils ne longèrent plus la côte pour aller à l’Orénoque, mais se rendaient directement dans les petits ports sur la côte, où ils échangeaient des pierres précieuses, de l’or et d’autres marchandises plus « exotiques » (animaux, plantes) contre des bouteilles derhum ou des outils enacier[21].
Les Kali’na luttèrent souvent contre les Européens (Anglais, Français, Espagnols) les premières années après l’arrivée de ceux-ci. Il y eut plusieurs combats pour le contrôle deYalimapo, un emplacement stratégique, à mi-chemin entre les fleuvesMana etMaroni. Il y existe un site archéologique appeléIneku-tupo (« là où pousse la lianeineku »), où l’on peut trouver des céramiques antérieures de plusieurs siècles à l’arrivée des Européens[22].

Décimés par les maladies et harcelés par les Européens avides d’or et des richesses de l’Eldorado, ils s’enfuirent à l’intérieur des terres, dans laforêt tropicale quasiment infranchissable pour les Européens. Seuls de petits groupes s’installèrent àCayenne et dans d’autres villes côtières. Les Kali’na furent particulièrement nombreux sur les fleuvesApprouague,Mana,Suriname etSaramacca[21]. Les Kali’na sur la côte furent progressivement repoussés vers l’ouest, cédant leur territoire aux plantations[23].
L’arrivée des Européens bouleversa les alliances amérindiennes traditionnelles; les Kali’na s’allièrent aux Français et les aidèrent à repousser lesHollandais et leurs alliés lesArouagues à l’ouest du fleuve Maroni[7]. Ils devinrent actifs dans la traite d’esclaves amérindiens, allant jusqu’à établir des postes permanents dans le basItany et le basMarwini pour servir de base à leurs raids sur les populations deTiriyó,Wayana etEmerillons, les vendant ensuite aux Hollandais, Anglais ou Français. Ils ne firent pas de même avec lesLokono et lesPalikurs, les relations avec ceux-ci étant exclusivement guerrières[24]. Ils eurent même un mot pour les tribus chez lesquelles il était possible de monter des expéditions esclavagistes :itoto.
Le gouverneur Fiedmont écrivit en 1767 :
« Il nous est revenu que la nation des Emerillons, qui ne respirent que la paix et ne désirent que d’éviter la guerre injuste à laquelle les forcent les Indiens des Hollandais et dont toutes nos autres nations ressentiront bientôt les cruels effets, ne peut abandonner ses établissements pour s’en préserver sans s’exposer d’un autre côté à la disette jusqu’à ce qu’elle ait pourvu par de nouvelles plantations à sa subsistance ; que les agresseurs sont excités par desnègresmulâtres et autres sujets du Surinam qui ont intérêt à la perpétuer et qui la peuvent porter dans le centre de notre province, qu’ils se proposent d’y venir encore faire des courses en force et à main armée, pour tomber sur les Emerillons, les détruire ou faire esclaves pour les vendre ; que plusieurs ont été tués ou vendus à Surinam il y a quelques mois par ceux de Marony qui font encore de nouveaux préparatifs contre les Indiens qui sont sur notre territoire[25]. »
Les excursions contre lesitoto prirent fin auXVIIe siècle quand l’accès au haut Maroni tomba sous le contrôle des MarronsNdjuka etAluku.

Les Pèresjésuites fondèrent leur premièremission à Ikaroua (sur la crique Karouabo) en 1709, mais la déplacèrent à un site sur le fleuveKourou en 1713[note 4],[26].
Le but principal des missions était, comme ailleurs en Amérique du Sud, de répandre la foi catholique parmi les Amérindiens vus comme « sauvages » ayant besoin d’être « sauvés ».
« […] depuis près de vingt ans cette mission est entièrement à la charge des Jésuites qui y ont considérablement dépensé, surtout pour se concilier par leurs libéralités l’esprit des Indiens, qui sont des demandeurs importuns. […] Kourou est à présent comme un petit bourg où les Indiens rassemblés en bon nombre sont entretenus dans la religion avec un zèle très édifiant[27]. »
Les missions facilitèrent le métissage entre différentes populations amérindiennes parce que toutes y étaient mélangées indifféremment[note 5]. Si la forte concentration de population (450 Amérindiens en 1740 sur le site de Kourou[28]) facilita ladiffusion des maladies, elle protégea les Amérindiens de l’esclavage puisque les colons y étaient interdits d’accès[29].
La mission fut abandonnée par les jésuites quand l’ordre fut expulsé de France en 1763, avant que la dissolution définitive par le pape n’intervienne en 1773.
À la suite de l’abandon de la mission par les jésuites et de la désastreuseexpédition de Kourou, il ne restait en 1787 qu’une cinquantaine d’Amérindiens :
« ... restes infortunés d’un très grand nombre qui existait dans cette partie avant le désastre de l’établissement qui y fut tenté en 1763, et qui a entraîné la perte d’un nombre de ces indigènes, en même temps que la plupart des colons qu’on y avait transplantés[30]. »
Ayant été maltraités et exploités par les colons de l’expédition[31], ils fuirent à l’ouest pour rejoindre le Surinam ou la région entre la Mana et le Maroni[32]. Ils se déplacèrent très souvent entre le Surinam et la Guyane pour profiter des aléas des économies des deux colonies[33].
« ... ce peuple change souvent de demeure, & ne paraît pas d’un esprit fort stable à ce sujet ; j’ignore cependant si c’est par inconstance ou par précaution ; mais à peine ont-ils formé leur bourg ou village dans un endroit, qu’on les en voit souvent partir pour aller s’installer ailleurs[34]. »

Il fut donc très difficile de recenser le nombre exact d’Amérindiens dans la colonie[35].
Plus tard, vers les années 1780, les NoirsMarronsAluku (Boni) etNdjuka, fuyant le conflit avec les Hollandais, se déplacèrent sur les rives du Maroni et ses affluents, entrant dans le territoire des Kali’na. Un certain nombre de métissages entre les Kali’na et les Noirs se produisirent malgré le fait que les Amérindiens évitaient le plus souvent le contact avec ces derniers[36]. Ces métis sont considérés Kali’na et sont acceptés comme faisant partie de la communauté, mais ne sont pas considérésKali’na tilewuyu - « vrais Kali’na. »
La population Kali’na connut son apogée dans la première moitié duXIXe siècle. C’est vers cette époque aussi qu’Anne-Marie Javouhey installa sa mission pour esclaves libérés à Mana sur territoire kali’na, diminuant leur isolement du reste de la colonie. Il y eut des tentatives de colonisation de la région (à Nouvelle-Angoulême notamment), mais toutes furent des échecs[37]. Les Amérindiens ayant fui au Surinam[38], il ne resta que d’épars villages kali’na sur la Sinnamary[39], la Counamama (environ 50 kali’na)[40] et la Mana[40],[41].
L’établissement desbagnes sur les rives du Maroni, particulièrement àSaint-Laurent, força les Kali’na et autres Amérindiens à se déplacer à nouveau du côté hollandais du fleuve.
« Nous venions mouiller près du pénitencier de Saint-Laurent, près de la rive droite. C’est sur l’autre rive, basse et boisée comme tout le littoral guyanais, que sont dispersés, au sein même de la forêt,les carbets (huttes) des Galibis[42]. »
C’est à Saint-Laurent, pôle commercial (de même qu’Albina, en face) que les Kali’na rencontrèrent une nouvelle sorte de Blanc, le bagnard. Ils furent appelésSipołinpo, ou « vieux Blanc ». Ils n’aidèrent pas en général lesSipołinpo en fuite[43].

La seconde moitié duXIXe siècle a vu l’âge d’or desexpositions universelles, au sein duquel les pays européens faisaient étalage de leurs richesses coloniales avec des « villages » représentant les cultures colonisées. Quoique lesexpositions universelles de Paris n'eussent pas de « villages amérindiens », la curiosité du public fut telle que des Kali’na furent envoyés à la capitale à deux reprises - l’une en 1882 et l’autre en 1892 - pour être exhibés auJardin d’acclimatation[44],[note 6], alors dirigé parAlbert Geoffroy Saint-Hilaire.

Quinze Kali’na, tous membres d’une même famille habitantSinnamary etIracoubo, furent envoyés àPau:wa (« Le pays des Blancs ») en[44]. On ne sait presque rien d’eux à part leurs noms[45] et le fait qu’ils furent logés dans descarbets sur la pelouse du Jardin d’acclimatation. Le voyage dura quatre mois, dont trois à Paris et un mois de trajet en bateau (aller et retour). Ils furent accompagnés d’un Créole qui servit d’intermédiaire et, on le présume, d’interprète[46]. Il existe plusieurs portraits d’eux, pris par le photographe Pierre Petit[note 7].
Cette fois, ce sont trente-trois Kali’na et quelques Arawaks, tous d’Iracoubo, de Sinnamary et du basMaroni, qui furent envoyés à Paris en plein hiver. Quoiqu’ils fussent originaires de la même région, ils n’étaient pas apparentés aux Kali’na envoyés en France en 1882.
Ils y furent emmenés par un certain F. Laveau, un explorateur qui était en Guyane expressément pour«... recruter des Indiens Peaux-Rouges Caraïbes »[44] et les montrer au public à Paris. La mémoire orale des Kali’na en témoigne, puisqu’il y a une chanson qui dit«... Lawo nous a emmenés au pays des Blancs »[44].
Le bateau partit deParamaribo, où leur chef attendit les survivants à leur retour. Ils ne furent pas embarqués de force, mais il est possible que de l’argent leur ait été offert[44].
Ils furent logés sur la pelouse du jardin, comme en 1882, mais cette fois en«... deux vastes huttes largement ouvertes en forme de hangar » fournies de nattes et de hamacs sur lesquels la plupart des Amérindiens d’Amazonie se reposent. Ils passèrent leur temps surtout en dansant au son dessanpula (tambours), parce que le public et les photographes le demandaient. Les femmes tressaient de lavannerie et faisaient despoteries avec des matériaux apportés de Guyane. Le princeRoland Bonaparte les prit en photo[47],[note 8].
Les Kali’na n’étant pas habitués au froid, les danses s’arrêtèrent quand ils tombèrent malades. Huit Kali’na, six hommes et deux femmes (dont l'une enceinte) âgé(e)s de 12 à 25 ans, moururent de froid[note 9] à Paris entre le 5 mars et le 10 mai 1892 et y furent enterré(e)s[48]. La cérémonie d'Epekotono, célébrant la fin du deuil deux à trois ans après la mort du défunt, ne put se faire jusqu’en 1996[49].
Les recherches de Corinne Toka Devilliers, arrière-petite-fille de Moliko, l'une des rescapées, ont permis d'identifier vingt-sept des trente-trois Kali’na du Jardin d'acclimatation et, en janvier 2023, de montrer que six de leurs dépouilles sont toujours présentes dans les collections duMuséum national d'histoire naturelle[48]. Les descendants comptent sur la proposition de loi transpartisane Morin-Desailly, adoptée en première lecture par le Sénat le 13 juin 2023, qui permettrait la restitution des restes humains étrangers et ultramarins sans avoir à passer chaque fois par une loi dédiée[48].
La partie de l'Amérique du Sud où vivent les Kali'na est très faiblement peuplée, pourtant cette ethnie est elle-même extrêmement minoritaire dans tous les pays où elle est établie bien que localement elle soit majoritaire dans certaines zones très reculées. Leur répartition actuelle ne constitue qu'un reliquat de leur zone d'expansion à l'époque précolombienne.

Malgré leur dispersion géographique les Kali’na maintiennent des contacts entre eux, ainsi en 2006 a eu lieu une rencontre culturelle entre Kali’na du Venezuela et de Guyane française séparés par une distance de plus d'un millier de kilomètres[54].

Certains Kali’na continuent à vivre de leurs activités traditionnelles dans le cadre d'uneéconomie de subsistance. Ainsi, ils pratiquent lachasse, lapêche, la cueillette et uneagriculture vivrière surbrûlis comme le faisaient leurs ancêtres. Néanmoins, une partie d’entre eux est intégrée dans lessecteurs primaire et secondaire des économies de leurs pays respectifs, occupant le plus souvent des emplois non qualifiés. Les Kali’na du Venezuela vivant dans lesllanos de l’Orénoque travaillent souvent dans le secteurpétrolier[55], principal employeur de la région, tandis que ceux de Guyana effectuent des tâches debûcheronnage et sont parfoisorpailleurs[56].
En Guyane française, ils ont participé à la construction ducentre spatial guyanais à proximité deKourou[57]. Globalement cette ethnie vit donc en marge du monde moderne, cependant des signes de changement sont par endroits observables. Ainsi, le groupe des Kali’na français dont certains membres ont pu accéder à l’enseignement secondaire dès les années 1960 constituent le fer de lance de la Fédération des organisations amérindiennes de Guyane qui lutte pour la reconnaissance des droits des amérindiens guyanais[58].

Les Kali’na ont une structure sociale de typepatriarcale. Les chefs de famille sont appelésyopoto et ils portent parfois des coiffes de plumes (umali) pour se différencier des autres membres de la famille.
Chaque village a un chef coutumier ayant la fonction de "capitaine". C'est un rôle exclusivement pour les hommes. Néanmoins, en 1997,Cécile Kouyouri fut nommée, première femme, cheffe coutumière amérindienne appartenant au groupe Kali'na de Guyane. Elle est toujours actuellement cheffe coutumière du village de Bellevue, situé sur la commune d'Iracoubo[59],[60].
Ils témoignent énormément de respect pour leurs "anciens", les membres les plus âgés de la communauté, qui sont appelésuwapotosan. Quand unuwapotosan parle, les autres écoutent. Leur culture et histoire étantorales, les anciens sont leur mémoire vivante.
Ils changent encore aujourd’hui fréquemment de lieux de résidence, en partie pour éviter de fâcher les esprits des morts enterrés dans leurs villages ainsi que lesimawale (esprits forestiers malfaisants[61]) et pour profiter de meilleures conditions de chasse ou de cueillette ailleurs[62].
Si les Kali’na habitant la forêt peuvent mener une vie paisible loin des établissements commerciaux, vivant de lachasse, lapêche et la cueillette, ce n’est souvent pas le cas pour leurs frères urbains. L’alcool fut introduit par l’ancien gouvernement colonial[63], comme en témoigne la correspondance du gouverneur Fiedmont en 1767 :
« Ce qui flatte le plus particulièrement les Indiens est la boisson, que l’on épargne trop ici, à laquelle cependant il ne serait pas mal de les accoutumer, ainsi qu’à l'usage de toutes les choses d’une grande consommation qui multiplient leurs besoins et les mettent dans le cas de ne pouvoir se passer de nous[64]. »
Nous devons nuancer que le manioc tient une place primordiale dans les rituels, notamment funéraires. L’ethnographie spécialisée montre, en effet chez les Kali’na, en particulier, que la consommation reste collective.
Les Kali’na disent descendre du dernier homme survivant sur Terre après un déluge appeléumuti’po et qui pour se protéger des eaux montantes se réfugia dans un palmierkumu avec sonchien et unperroquet. Il mangea les fruits dukumu, et, ne pouvant pas voir le sol depuis le sommet de l’arbre, il jetait les noyaux dans l'eau. Quand il ne les entendit plus tomber dans les flots, il descendit. Il alla à la chasse, tua du gibier, le ramena à sa hutte, et repartit. Quand il fut parti, le chien enleva sa peau et se métamorphosa en femme. Elle prépara le repas puis se retransforma en chien avant l’arrivée de l’homme[note 10]. Le jour suivant, l’homme intrigué se cacha derrière un petit buisson ; il vit le chien ôter sa peau, s'en empara et courut la jeter dans le feu. La femme eut alors honte de sa nudité, et l’homme lui donna unkuyu[note 11] pour cacher leur sexe[65].
Mais avant l’umuti’po, il y eut une période où les hommes et les animaux pouvaient se parler,Isenulupiłi[66], à propos duquel il existe plusieurs légendes. Les Kali’na gardent un profond respect pour les animaux, puisque, il y a longtemps, ils étaient leurs frères.
Bien qu’en majorité baptisés, ils continuent de pratiquer de nombreux rituels animistes ensyncrétisme avec lechristianisme[55].Ils rendent un culte à la nature symbolisée par plusieurs sortes d’esprits qui peuplent leur panthéon, dont des esprits forestiers malfaisants à quatre doigts (imawale),Amana (aussi le nom d’un fleuve), un très puissant esprit de l’eau,palanakiłi (esprits de la mer),tunakiłi (des fleuves), etc. Les gardiens de la tradition sont leschamans appeléspiyai qui disposent de leur propre abri,tokai, isolé du reste du village pour y officier. Ils sont respectés par toute la communauté en raison de leur savoir sur l’au-delà.
Les Kali’na possèdent desrituels funéraires très élaborés. Ceux du Venezuela et de Guyana célèbrent le 2 novembre, ce qui correspond au jour desDéfunts, un rituel appeléAkaatompo : au lever du jour, les parents et les proches des défunts se rendent au cimetière, les bras chargés de nourriture, d’alcool et de fleurs et, s’accompagnant de chants et de danses, ils accueillent chaleureusement les morts pour les mettre à l’aise, déposent leurs offrandes sur les tombes et en consomment une partie. Ils nettoient lessépultures et réparent les objets personnels des morts qu’ils ont déposés là lors de l’enterrement, ils allument des bougies pour les éclairer, leur dédient des chants en kali’na tandis qu'unuwapotosan se charge de mener la danse dite dumare mare, spécifique à cette cérémonie, durant laquelle les participants, submergés par l’émotion du moment, peuvent entrer entranse.
Dans les foyers Kali’na, dès l’aube, de grandes quantités des plats préférés du défunt sont préparés pour accueillir son esprit qui, selon la tradition, se réincarne dans les personnes qui visitent la maisonnée (qu’ils soient kali’na ou non), et qui est censé être affamé après sa longue absence.
Les visiteurs se succèdent l’après-midi passant de maison en maison, mangeant et buvant dans chacune d’elles, dansant lemare mare tandis qu'un chanteur fait l’éloge du disparu. Dans certains cas la fête dure jusqu’au lendemain.
Une variante de ce rituel existe pour les enfants morts ; elle a lieu le1er novembre, et est codifiée de la même manière mais se déroule sans alcool et les paroles des chantsmara mara sont dirigées en direction du monde de l’enfance.

Deux autres rituels funéraires existent, bien qu’ils n'aient pas la même transcendance que l’Akaatompo ils n'en sont pas moins importants, il s'agit duBoomaankano, la prise dedeuil et duBeepekootono (au Venezuela) ouEpekotono (en Guyane)[49], la levée du deuil. Le premier s’effectue sept jours après le décès. Une cérémonie a lieu la nuit dans la maison touchée par le malheur, ceux qui prennent le deuil s’immergent dans un bain rituel pour purifier leur esprit et avoir la force d’affronter cette période. Au cours de ce rite, unéloge funèbre du disparu est effectué et les participants jouent et chantent unemare mare spéciale appeléeSheññorijsha.
La levée du deuil s’effectue, elle, un an après le décès. La communauté se réunit à nouveau autour de la famille. Durant cette cérémonie, les personnes présentes boivent pour célébrer la fin du deuil et aux alentours de minuit, les cheveux des anciens endeuillés[67] sont coupés.

Ils utilisent surtout desinstruments de percussion, dont lasanpula (ousambula), un grandtambour à deux membranes muni d’une corde de timbre sous laquelle une fine baguette végétale est coincée, et que l’on joue avec une petitemailloche. Ils ont aussi deux sortes demaracas de danse appeléeskalawasi (oukalawashi) etmalaka.
Leur trompe traversière, lakuwama, se fait encore mais est de plus en plus souvent remplacée par laflûte traversière européenne. Il existe aussi une trompe en terre cuite appeléekuti.
Ils parlent lekali'na, qui fait partie de la famille deslangues caribes. Cette langue est encore pratiquée par plus de 10 000 personnes dans la bande côtière qui va du Venezuela (5 000 locuteurs) au Brésil (100) en passant par le Guyana (475), le Surinam (2 500) et la Guyane française (3 000 personnes).
Grâce au nombre relativement important de locuteurs, c’est une des langues amazoniennes qui semblent avoir le plus de chances de survivre. Quelques expériences de transcription écrite ont été menées en Guyane[68], la normalisationlinguistique d'une formeécrite de Kali’na bute cependant sur la diversité des graphies actuelles, influencées par les langues léguées par lescolonisateurs des pays où vivent les Kali’na soit l'espagnol, leportugais, lenéerlandais, lefrançais et l'anglais. Ainsi rien qu'en ce qui concerne leurethnonyme :Kali’na, on compte pas moins de neuf graphies différentes[note 1]. Le Kali’na reste donc une langue essentiellementorale.
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