Jules Ernest Séraphin Valentin Rimet[1], né le àTheuley (Haute-Saône)[1],[2] et mort le àSuresnes (Seine)[1], est un dirigeant du football français. Avocat de formation, Rimet commence, dès sa jeunesse, à s'intéresser fortement au football, lorsqu'il se trouve dans le prestigieux établissementLa Rochefoucauld.
Personnalité marquante du sport, Jules Rimet joue un rôle important dans l'émergence du football mondial entre les années 1920 et 1950, grâce à ces multiples actions d'envergure internationale[4].
Jules Rimet nait et passe toute son enfance à Theuley, commune située à 30 kilomètres à l'ouest deVesoul, dans laHaute-Saône. Il vit lors chez son grand-père Charles François Ramondot, agriculteur et meunier, son père paysan étant monté trouver du travail à Paris à la suite de la crise agricole consécutive à laGrande Dépression[5]. Jules, l'aîné des Rimet (il a deux frères et deux sœurs), reçoit une éducation chrétienne et patriotique empreinte decatholicisme social. En 1885, il fait sa première communion, obtient le certificat d'études primaires et quitte son village natal pour rejoindre ses parents qui travaillent comme épiciersrue Cler dans le quartier populaire du Gros-Caillou du7e arrondissement deParis. La famille habitant alorsrue de Grenelle[6], Rimet passe son adolescence au lycéeLa Rochefoucauld de la paroisseSaint-Pierre-du-Gros-Caillou et découvre lefootball dans la rue avant d'y jouer avec l'Étincelle. Il s'y forge la conviction des bénéfices du sport dans l'éducation physique et morale des jeunes, vecteur de bien-être et d'amitié entre les peuples[7],[8].
Élève consciencieux et assidu, il obtient son baccalauréat, puis une licence de droit et devient avocat[7]. Il devient par la suite associé au comptoir fiduciaire de Paris, un cabinet de contentieux et de recouvrement. Il s'intéresse à de nombreuses disciplines sportives, notamment l'escrime et l'athlétisme. Au début des années 1890, il devient membre du Cercle catholique d'ouvriers du Gros-Caillou, crée l’« Union sociale du VIIe arrondissement » et adhère au mouvement de laDémocratie chrétienne situé entre les restaurateurs du catholicisme traditionnel et les républicains anticléricaux[8]. Son beau-frèreGeorges Delavenne devient plus tard maire de cet arrondissement avec entre autres le soutien de Jules Rimet.
Le, Jules Rimet fonde le club omnisports duRed Star avec son frère Modeste et plusieurs amis[9]. Jules a alors 23 ans. Le club applique les valeurs humanistes de son fondateur, et notamment son ouverture aux jeunes issus de familles pauvres. La section football rejoint le championnat de Paris de troisième série de l'Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA). D'abord basé à Paris, près de laTour Eiffel, le club change plusieurs fois de résidence à Paris et dans la proche banlieue. En, dans son logement au numéro 188 rue de Grenelle, il invite des amis afin de créer une publication baptiséeLa Revue, journal chrétien, républicain et démocratique, qui fusionne en avecLe Sillon deMarc Sangnier, une revue qui fait rompre de nombreux chrétiens avec la monarchie[10]. Au-delà du football, qui l'intéresse avant tout pour ses vertus éducatives, Rimet est passionné de poésie, de littérature, de musique ; il ouvre ainsi au sein du Red Star une « section littéraire et artistique » avec comme but la vulgarisation des sports athlétiques[11],[8].
Survivant à laGrande guerre avec le grade de lieutenant d'infanterie et unecroix de guerre, Jules Rimet reprend ses activités de dirigeant sportif. Il est élu président de la toute nouvelleFédération française de football association (FFFA) le. Il a la joie en 1921, 1922 1923 et 1928 de voir le Red Star remporter laCoupe de France de football, la principale compétition française du moment. Il défend l’avènement du professionnalisme dans le football français, y voyant le seul moyen d'ouvrir la pratique du football aux classes pauvres, constituées d'ouvriers et employés[13]. En 1938, il se montre inflexible devant la menace des joueurs du championnat de France de faire grève et obtient gain de cause[14].
Jules Rimet et l'équipe de France de football, en partance pourMontevideo en1930.
Inspirés par le succès des tournois olympiques mondiaux de1924 et1928, Rimet etHenri Delaunay, secrétaire de la fédération française, proposent l'organisation d'un championnat du monde sous l'égide de laFIFA au congrès d'Amsterdam de 1928. Le projet est adopté l'année suivante et l'organisation de la premièreCoupe du monde de football est confiée à l'Uruguay, double champion olympique de football, qui fête le centenaire de son indépendance et s'engage à régler les frais de transports des sélections participantes[17]. Les Européens se plaignent de ce choix lointain — non sans un certain dédain pour leurs homologues d'Amérique du Sud — de sorte que seules quatre sélections se laissent convaincre de faire le voyage : laFrance, laBelgique, laRoumanie et laYougoslavie[15]. Le président accompagne la traversée de trois d'entre elles sur le SS Conte Verde, emportant dans sa valise le trophée qui doit être remis au champion du monde[18],[19]. Le tournoi, même s'il ne connaît qu'un écho lointain en Europe et qu'il provoque quelques incidents dans les pays des deux finalistes (l'Uruguay et l'Argentine), est une réussite sportive et commerciale. Le principe de la compétition ne sera plus remis en cause.
Jules Rimet à son bureau (1933).
La deuxième édition, en 1934, est précédée d'une phase qualificative et remporte un grand succès médiatique étant pour la première fois couverte par la radio. Elle n'est cependant pas exempte de polémiques. Le choix d'en confier l'organisation à l'Italie fasciste deBenito Mussolini, qui exploite la compétition pour vanter son régime, est critiqué mais Rimet refuse de considérer le mélange du sport et de la politique[11]. De plus, douze des seize participants sont européens alors qu'ils avaient massivement boycotté le tournoi de 1930 ; l'Uruguay, tenant du titre, déclare forfait en représailles. Il n'est pas non plus de la partie en 1938, tout comme l'Argentine. Cette troisième édition, en France, est marquée par de nouvelles perturbations politiques : l'Autriche, annexée par l'Allemagne nazie, doit déclarer forfait. Les Allemands commencent leurs matchs par unsalut nazi, ce qui fait scandale. LaSeconde Guerre mondiale conduit à l'annulation du mondial prévu en 1942. Malgré tout, Rimet poursuit sans état d'âme le développement de son projet et de la fédération[11].
Après le conflit, les fédérations britanniques acceptent de revenir au sein de la FIFA et de prendre part à laCoupe du monde de 1950 organisée au Brésil, à l'issue de laquelle Rimet remet en personne le trophée à l'Uruguay, champion du monde pour la deuxième fois[20].
Jules Rimet crée avec Louis Lacroy, au début du XXe siècle un "cabinet de contentieux, de recouvrements et comptabilité commerciale", dont le siège est initialement àMontgeron, en Essonne, et est ensuite transféré à Paris, 13rue Greneta, après le décès de son associé et le rachat de ses parts à ses héritiers[23]. Exploité sous la raison sociale "Lacroix, Rimet et Cie", ce cabinet est ensuite transformé en "comptoir fiduciaire de Paris"[24]. Outre l'activité de recouvrement de créances, il est également signalé comme travaillant dans le domaine immobilier et notamment des lotissements[25]. Après la guerre, il lui sera reproché d'avoir administré des biens spoliés à des personnes de confession juive. Si certains auteurs, mettent en doute ces accusations[26], elle sont néanmoins avérées par la publication de son nom et de l'adresse de son cabinet à plusieurs reprises comme "administrateur provisoire", d'immeubles[27] ou d'entreprises[28] appartenant à des personnes juives.
En 1955, Rimet est proposé pour leprix Nobel de la paix pour son action pour l'unité des peuples mais le jury norvégien rejette sa candidature ; le prix n'est pas attribué cette année-là. Les événements politiques des coupes du monde de 1934 et 1938 ont probablement joué dans la décision[11].
À la fin de sa vie, il écrit un ouvrage représentatif et caractéristique,L'Histoire merveilleuse de la Coupe du monde publié en. Jules Rimet meurt le à Suresnes, à l'âge de 82 ans[11].
En 1946, letrophée de la Coupe du monde de football — une statuette en or sculptée parAbel Lafleur connue commela Victoire aux ailes d’or —, initialement appeléCoupe du Monde de Football Association, est rebaptisé « Coupe Jules-Rimet » en son honneur[15]. Le trophée, en métal plaqué à l'or fin, est la représentation de la déesseVictoire, sur laquelle sont gravés successivement les noms des nations championnes du monde. De 1930 à 1970, le pays vainqueur de la Coupe du monde de football en restait détenteur jusqu'au mondial suivant quatre ans plus tard. En 1970, à la suite de sa troisième victoire, leBrésil obtient le droit de conserver la Coupe Jules-Rimet de manière définitive[7], de sorte qu'en 1974, un nouveau trophée, d'un dessin différent, est mis en jeu.
En 2004, il reçoit à titre posthume l'Ordre du mérite de laFIFA.
En 2012 est créé leprix Jules Rimet par l'Association Jules Rimet Sport et Culture — avec le soutien de la fondation Jean-Luc Lagardère et de Nes & Cité — doté de 5 000 euros pour le lauréat. Le prix Jules Rimet se propose de célébrer la littérature sportive, française ou étrangère, sous toutes ses formes : roman, chronique, nouvelle ou encore document. Fidèle à la devise de Jules Rimet,« Travailler le corps, éveiller l’esprit ! », ce prix est accompagné par des ateliers d'écriture auprès de jeunes footballeurs de clubs de ligue 1, ateliers coordonnés par l'écrivainHafid Aggoune.
Renaud Leblond et Yves Rimet,Le journal de Jules Rimet. Le récit rare du fondateur de la Coupe du monde de football, Paris, First Éditions,, 177 p.(ISBN978-2-7540-6576-4 et2-7540-6576-8).