Jules César (enlatin :Caius Iulius Caesar à sa naissance,Imperator Iulius Caesar Divus après sa mort), aussi simplement appeléCésar, est un conquérant,homme d'État et écrivainromain, né le 12 ou le àRome et mort le (auxides de mars) dans la même ville.
Son parcours unique, au cœur du dernier siècle de laRépublique romaine — bouleversée par les tensions sociales et lesguerres civiles —, marque le monde romain. Ambitieux, il s'appuie sur le courant réformateur et démagogue (populares) pour favoriser son ascension politique.Stratège ettacticien, il repousse, à l'aide de ses armées, les frontières de la République romaine jusqu'auRhin et à l'océan Atlantique en conquérant laGaule, puis utilise ses légions pour s’emparer du pouvoir au cours de laguerre civile l’opposant àPompée, son ancien allié, puis aux républicains.
Acclamé comme unimperator favorisé des dieux, seul maître à Rome après une suite devictoires foudroyantes sur ses adversaires, il entreprend de réformer l’État et satisfait les revendications de la mouvance despopulares. Pour ce faire, il concentre progressivement de nombreux pouvoirs exceptionnels, adossés à une politique deculte de la personnalité inédite reposant sur ses ascendances divines et sa fortune personnelle.
Adoré du peuple, pour qui il fait montre de largessesfrumentaires, économiques et foncières, il se fait nommerdictateur, d'abord pour dix ans avec des pouvoirs constitutionnels, puis à vie. Soupçonné de vouloir instaurer par ces mesures une nouvellemonarchie à Rome, il estassassiné peu après par une conspiration de sénateurs dirigée parBrutus etCassius. Jules César est néanmoinsdivinisé.
Son héritage est rapidement l'objet d'une nouvelle guerre civile entre ses partisans et successeurs,Marc Antoine et son fils adoptif par testament,Octave. Triomphant de ses adversaires, Octave achève par sa victoire et par l'élimination des derniers républicains la réforme de laRépublique romaine, qui laisse place auprincipat. Le nom César devientsynonyme de pouvoir. Sa personnalité et son parcours sont l'objet de nombreux récits plus ou moins enjolivés dans les cultures du monde entier ; de même, sont désignées par le terme de « césarisme » les attitudes politiques visant à faire reposer un pouvoir personnel fort sur l'approbation populaire et sur leplébiscite.
Sources
L'époque de Jules César est connue grâce à de nombreuses sources historiques, qu'elles soient primaires (littéraires,numismatiques,épigraphiques,archéologiques) ou secondaires, parmi lesquelles on reconstitue les écrits ayant servi à leur composition, dans la discipline historique de laQuellenforschung.
Le problème est que César a souvent été vu comme un personnage paradoxal en raison de ses actes et de sa personnalité, de sorte que les contemporains adoptèrent un jugement divisé, ambigu, propice aux réhabilitations et aux fréquents changements de points de vue. Quoique cette période de l'Antiquité soit l'une des plus fournies en sources, le portrait est faussé en fonction de l'idéologie et de la vision que l'on a de lui[2].
Sources primaires
Lessources primaires permettant de connaître la vie de César, ses actions et ses idées sont naturellement en premier lieu les écrits de César lui-même et les trois récits de guerre insérés dans le corpus césarien. À ce premier noyau de source, il faut ajouter d'autres contemporains : l'historienSalluste, bien que ses deuxLettres à César en 50 et 46 av. J.-C. soient probablementapocryphes[3],[N 1] ; les informations issues du prolifiqueCicéron sont fondamentales : contemporain du dictateur, tantôt adversaire, tantôt allié de circonstance, il fait de nombreuses mentions de ses relations avec César dans sa correspondance. Le fameux orateur romain est une source historique de premier intérêt grâce à ses traités et à sa correspondance, bien que les recueils ne respectent pas la chronologie précise[4].Varron, homme politique et grammairien de la fin de laRépublique romaine, est également une source mais fait vraisemblablement peu profession de ses idées personnelles et ne rallie le camp de César qu'après savictoire à Pharsale, une foisPompée éliminé.
LaLibertas que confisque César au profit de son idéal réformateur et de son ambition d'éteindre la guerre civile[réf. nécessaire] eut un effet relativement négatif sur bon nombre de commentateurs contemporains, issus de l'aristocratie romaine.Asinius Pollion, dont la chronique est perdue, aurait ainsi changé de camp, se ralliant à Octave. Les mêmes problèmes d'interprétation se posent pour un historien inconnu et dont l'œuvre est perdue, probablementLucius Aelius Tubero (qui aurait apprécié la stratégie militaire de César mais critiqué sa politique) ; il est utilisé parDion Cassius.Tite-Live, surnommé « le pompéien » par Auguste, n'est pas conservé pour l'époque césarienne, seules subsistent desperiochae très sommaires, son attitude à l'égard de César nous sont inaccessibles, bien qu'il soit probable qu'en tant que proche d'Auguste, il ait été relativement clément à l'égard du dictateur assassiné, malgré son ambivalence entre monarchisme contraint ou républicain convaincu, selonRonald Syme. LaperiochaCXVI rapporte néanmoins plusieurs motifs qui valent à César la haine de ses concitoyens[2].
Sources secondaires d'époque impériale
Lessources secondaires sont confrontées à plusieurs problèmes car certaines des œuvres faisant état de la vie de Jules César oscillent entre une quête de moralisme et un vrai souci d'analyse historique. Ces sources, surtout contemporaines des débuts de l'Empire, portent en elles la distance avec la défense du régime républicain, désormais aboli et lointain. Peu de sources secondaires furent donc hostiles à César, mais il peut y subsister des influences venant des sources primaires utilisées par les historiens ultérieurs. Tite-Live a été beaucoup lu, notamment parLucain.Asinius Pollion, contemporain de César a laissé une œuvre, aujourd'hui perdue, qui contenait de nombreuses informations sur les événements. Cet ouvrage a servi de source pour bon nombre d'écrivains postérieurs commeFlorus etSuétone.
Parmi les autres sources contemporaines, lanumismatique est surtout utilisée pour la dernière partie de sa carrière, pour ce que les émissions monétaires disent de sa communication politique et religieuse. L'épigraphie est beaucoup moins développée qu'à l'époque impériale et est souvent mal attribuée, telle lestables d'Héraclée, probablement plus anciennes que l'époque de Jules César[5]. L'archéologie demeure une source fondamentale pour comprendre notamment les entreprises militaires de César : au cours de ses longues campagnes en Gaule et par la suite, César entreprend de nombreux sièges, campements de marche, établit de nombreuses colonies à travers le monde romain, tant et si bien que de nombreux lieux portent encore la trace de ce passage dans leur toponymie. Les camps romains ditsCamp de César sont nombreux en France bien que plusieurs d'entre eux soient inauthentiques. Parmi les sites archéologiques célèbres sur lesquels la présence de Jules César est attestée, on peut mentionner bien sûr le site de labataille d'Alésia, ou encoreBibracte etGergovie. L'archéologie àRome et en Gaule permet également de mieux cerner César et les constructions qui lui sont attribuées[2], notamment leForum de César et lesSaepta Julia.
Monnaies émises sous la dictature de César
Monnaie de Jules César enpontifex maximus avec légende CAESAR DICT PERPETVO. Au revers : P SEPELLIVS MACER, avec Vénus debout à gauche, tenant une victoire et un sceptre ; au pied du sceptre, un bouclier (Crawford,Roman Republican Coinage, 480/12).
Denier frappé sous César célébrant l'ascendance de la gensIulia. Au droit, tête de Vénus à droite. Au revers CAESAR avecÉnée debout à gauche, portant lepalladium dans la main droite et portantAnchise(Crawford,Roman Republican Coinage, 458/1).
Biographie
Jeunesse et formation
Origines familiales
L'appellation Caius Julius Caesar « IV » est une convention des historiens modernes ; elle est liée à l'habitude, dans les famillespatriciennes romaines (lesgentes), de donner les mêmes prénom (praenomen), nom degens (nomen) et surnom ou nom de famille (cognomen) aux descendants en ligne directe d'un mêmepater famillias, lesquels se trouvent donc avoir tous le mêmenom romain complet sur plusieurs générations d'héritiers, ce qui peut être source de confusion.
Jules César est issu d'unegens patricienne, les Jules ou Iules (Iulii), qui fait remonter ses origines aux temps les plus anciens de l'histoire deRome[8]. LesIulii revendiquent des origines mythiques qui la font descendre deVénus et de son filsÉnée, dans une histoire dont la trame semblent déjà établie vers 200av. J.-C.[N 3] : le fils d’Énée et deCréuse,Ascagne — qui a gagné le nom deIulus au combat — fonde et règne surAlbe la Longue, où se sont établies les familles rescapées de laGuerre de Troie ; lorsque Albe est détruite par le roi romainTullus Hostilius, ce dernier transfère les familles « troyennes » à Rome où elles sont intégrées au cercle restreint des familles patriciennes[8]. César évoque à plusieurs reprises ce lignage divin, notamment à l'occasion des funérailles de sa tanteJulia Caesaris, veuve deMarius[9], et consacre un temple àVenusGenitrix sur leforum Julii[10].
Initialementpraenomen,Caesar devient lecognomen familial à une date inconnue, et son origine donne lieu à diverses interprétations antiques, qui n'ont toutefois pas de fondement solide[11]. Entre autres explications, une origine populaire du nom est évoquée par le grammairienSextus Pompeius Festus pour lequel il dériverait decaesaries (« cheveux »)[12] maisOvide évoque également le termecaeso, dérivé du verbecaedere (« couper »)[N 4].
Son père,Caius Julius Caesar III, ne dépasse pas, dans sa carrière politique, le rang depréteur en 92 av. J.-C. et meurt subitement un matin de 85 av. J.-C. en mettant ses chaussures[A 1] ; César est alors âgé de quinze ans[A 2]. Son oncle,Sextus Julius Caesar III, obtient leconsulat en 91 av. J.-C. mais meurt au siège d’Asculum lors de laGuerre sociale. On considère traditionnellement qu'avant César, lesIulii forment en réalité unegenspatricienne d'importance mineure, qui avait exercé aux siècles précédents quelquesconsulats mais ne faisait pas partie, au début duIer siècle av. J.-C., de la cinquantaine de familles de lanobilitas qui fournissent la plupart des consuls et qui ont un contrôle sur les institutions et les magistratures de la cité. LesIulii connurent des revers de fortune, et sont quelque peu désargentés aux débuts de Jules César, qui grandit dans le quartier deSubure, zone de Rome de mauvaise réputation[A 3].
SelonTacite, en mêlant dévouement maternel et ferme discipline, sa mère Aurelia donna à Caius et ses deux sœurs Julia une éducation exemplaire[A 4].Cicéron attribuera à cette éducation familiale et à des études assidues l’élégance dulatin de César et la qualité de son éloquence[A 5], César ayant en effet écrit plusieurs ouvrages théoriques (perdus) sur la grammaire et la rhétorique.Plutarque etSuétone souligneront aussi son art des relations en société : amabilité et politesse envers ses hôtes, prodigalité sans retenue, savoir-vivre et bonne tenue dans les banquets (Caton, qui pourtant le déteste, lui accorde qu’il est le seul ambitieux qui ne s’enivre pas), conversation brillante et cultivée[A 6]. Ces qualités de séduction seront ses premiers atouts dans la vie publique romaine, qu'il commence à partir de 84 av. J.-C., alors qu'il a16 ans.
Jeunesse de César
La jeunesse de Jules César se déroule durant de violentes luttes politiques qui opposent à Rome lesoptimates auxpopulares. Les premiers maintiennent une ligne conservatrice et aristocratique qui place lesénat romain au cœur de la République. Les seconds veulent satisfaire les revendications sociales et accorder plus de place politique aux Italiens et auxprovinciaux, en intégrant à la citoyenneté de nouvelles élites, en redistribuant les terres publiques accumulées dans les mains de quelques grandes familles au cours des conquêtes, et en donnant plus de pouvoir aux membres de l'ordre équestre.
Jules César grandit ainsi au milieu de troubles sanglants : combats de rue à Rome en 88 av. J.-C. entre les partisans deCaius Marius, chef despopulares, et ceux deSylla, puis victoire des légions de Sylla sur lesmarianistes en 82 av. J.-C., suivie d'impitoyables chasses à l'homme contre lesproscrits du camp adverse. Son précepteur jusqu'à sa prise de latoge virile estMarcus Antonius Gnipho[13].
Ses relations familiales placent Jules César parmi lespopulares. Sa tante Julia a été l’épouse du consulMarius et lui-même épouse en 84 av. J.-C.Cornelia Cinna, fille deCinna, successeur de Marius à la tête de la mouvance populaire. Malgré ces alliances familiales, Jules César ne semble pas s'être joint aux marianistes les plus extrémistes lors de laguerre civile contre Sylla, peut-être aussi car il est trop jeune pour entrer dans ces affrontements. Il est possible que César ait suivi les modérés qui se rallièrent à Sylla[14].
En 84 av. J.-C., César est choisi (ou est candidat) ausacerdoce deflamen dialis (premier prêtre deJupiter) à la suite du suicide deLucius Cornelius Merula durant les proscriptions marianistes. Ce poste honorifique lui aurait interdit toute activité guerrière, donc d'entreprendre lecursus honorum. Sylla exige alors que César divorce deCornelia Cinna et rompe ainsi ses derniers liens avec les marianistes pour être éligible à ce poste. César refuse et se cache jusqu’à ce que de puissants protecteurs, dont son oncleLucius Aurelius Cotta, fassent fléchir Sylla et cesser la traque. Sylla a entre-temps bloqué sa nomination commeflamen dialis et les interdits qui l'accompagnent (ainsi que la dot de sa femme et une partie de son héritage). Prudent, César quitte Rome[N 5].
Il s'enrôle vers 80 av. J.-C. dans l’armée et rejoint lepréteur Marcus Minucius Thermus sur le théâtre d’opérations militaires enAsie, oùLucullus assiège la cité deMytilène, capitale deLesbos qui s’est ralliée àMithridate VI. César reçoit pour mission de demander au roi deBithynie,Nicomède IV, le renfort de sa flotte.Suétone se fait l'écho d’une rumeur sur la réputation de César, rapportant qu’il se seraitprostitué à Nicomède, vice le plus méprisable aux yeux des Romains : il aurait servi d'échanson à la cour du roi et aurait partagé sa couche[15]. Cette suspicion, une lourde et classique plaisanterie entre soldats plutôt qu'une réalité indémontrable, a longtemps suivi César, exploitée par ses adversaires qui le qualifient entre autres injures de « reine de Bithynie », jusqu'à sontriomphe final, quand ses troupes autorisées à le railler le brocardent« César a soumis les Gaules, Nicomède a soumis César »[A 7].
Lors de la prise de Mytilène, César accomplit un acte que les historiens ne précisent pas, mais qui lui vaut en récompense unecouronne civique, décoration militaire habituellement décernée pour avoir sauvé au combat la vie d'un concitoyen. César sert encore enCilicie sous les ordres deServilius Isauricus, puis est démobilisé[A 8].
À la mort de Sylla en 78 av. J.-C., César demeure quelque temps en Asie. SelonPlutarque, lors de son trajet sur lamer Égée en 75 av. J.-C., il est enlevé par des pirates ciliciens qui le font prisonnier durant38 jours sur l'île deFarmakonisi et réclament une rançon de vingttalents d'or. César déclare en valoir cinquante, et promet de revenir exécuter les pirates après sa libération, ce qu'il fait effectivement : après avoir lancé quatre galères transportant500 hommes armés, il les capture dans leur repaire et les faitcrucifier[16]. Puis il perfectionne son éloquence auprès du célèbrerhéteur grecMolon de Rhodes[A 9].
De retour à Rome, il commence sa vie publique en attaquant en justice leproconsulCnaeus Cornelius Dolabella qui vient d'achever son mandat enMacédoine et l'accuse deconcussion. Malgré les discours de César et les nombreux témoins à charge qu'il cite, la cible a trop de poids politique : Dolabella est acquitté, probablement par solidarité de classe avec ses juges, tous issus du Sénat[N 6]. César tente une seconde attaque contreCaius Antonius Hybrida, qui faillit réussir. Antonius dut recourir à l'intervention destribuns de la plèbe pour échapper à une condamnation[A 10].
Après ces premières expériences, César développe ses relations, dépensant beaucoup en réceptions, et entame le parcours politique classique (cursus honorum) :tribun militaire,questeur en 69 av. J.-C. enHispanie. Commeédile en 65 av. J.-C., il capte la faveur du peuple en rétablissant le pouvoir destribuns de la plèbe et en relevant les statues deMarius. Chargé de l’organisation desjeux, il emprunte massivement pour en donner de spectaculaires, alignant selonPlutarque le nombre record de 320 paires degladiateurs[A 11].
Parallèlement, César poursuit son activité judiciaire, pour des causes qui flattent le courant despopulares. En 64 av. J.-C., il intente des procès contre d’anciens partisans de Sylla, fait condamner Lucius Liscius et Lucius Bellienus, payés pour avoir ramené la tête de proscrits. Mais il échoue contreCatilina, les jurés se refusant à condamner un membre de la vieille famille desCornelii[A 12]. L’année suivante en 63 av. J.-C., avec l’aide du tribun de la plèbeTitus Labienus, César tente un coup juridique extravagant en accusant de haute trahison le vieux sénateur syllanienCaius Rabirius pour des faits anciens de trente-sept ans : le meurtre du tribun de la plèbeSaturninus. L’affaire est sans précédent depuis le légendaire procès d’Horace.Cicéron assure la défense de Rabirius (Pro Rabirio), mais les deux juges désignés par le préteur ne sont autres que César lui-même et son cousin Sextus. Rabirius est condamné, mais fait appel au peuple romain, son jugement devant lescomices est reporté puis l’affaire est finalement abandonnée[A 13],[17].
César se fait élire en 63 au titre depontifex maximus grâce à une campagne financée parCrassus. Il dépense d’importantes sommes d’argent et contracte de nombreuses dettes, afin de remporter les suffrages descomices tributes, contre deux anciens consuls (Servilius Isauricus etQuintus Catulus), plus âgés et expérimentés que lui[A 14]. Selon l’usage, César s’installe dans la demeure du pontife à laRegia, et exerce sa fonction jusqu’à sa mort.
Désignépréteur urbain pour l'année suivante au moment de laconjuration de Catilina (63)[A 15], il ne fait rien, selon Suétone, pour la prévenir[A 16]. Lors du vote au Sénat sur le sort des complices de Catilina, César s'oppose à leur exécution immédiate qu'il considère illégale. Il propose de répartir les conjurés à travers les prisons des municipes et de confisquer leurs biens, mais son avis est mis en minorité après l'intervention de Caton[A 17]. L'animosité des sénateurs à son égard est telle que ses amis doivent l'aider à quitter discrètement les lieux[18]. Quelques mois plus tard, il est accusé de complicité. Il est contraint de demander de l'aide à Cicéron qui témoigne avoir spontanément apporté des informations sur la conjuration et qui fait emprisonner ses calomniateurs[19].
Envoyé commepropréteur enBétique (Hispanie) en 60 av. J.-C., il ne peut partir qu’après avoir donné des cautions à ses créanciers[A 18],[N 7]. Son départ précipité de Rome est motivé par sa volonté d’échapper à une action judiciaire éventuellement engagée à la fin de sa charge. César mène son premier commandement par une offensive contre lesIbères encore insoumis. Après avoir pacifié la province, il revient à Rome afin d’y défiler entriomphe pour son succès militaire puis de briguer leconsulat. Mais les préparatifs du triomphe lui imposent de stationner hors de Rome, tandis qu’il doit y être présent pour poser sa candidature dans les délais. Il demande une dérogation, que Caton fait traîner en palabres. César doit choisir, et renonce à son triomphe pour viser le consulat[A 19].
Du consul au conquérant des Gaules
Formation du premier triumvirat et premier consulat
L'homme le plus en vue à cette date estPompée, après sa victoire en Orient contre le roiMithridate VI. Cette campagne a permis à Rome de s'étendre enBithynie, auPont et enSyrie. Pompée revient couvert de gloire avec ses légions mais conformément à la règle, il les licencie après avoir reçu le triomphe, en 61 av. J.-C.
Au faîte de la gloire,Pompée demande des terres pour ses anciens soldats et la confirmation des avantages qu’il a promis pour les cités et princes d’Orient, mais le Sénat refuse. César exploite opportunément la déception de Pompée, le rapproche deCrassus, et forme avec eux lepremier triumvirat[A 20]. Cet accord secret scelle une alliance entre les trois hommes, chacun s’abstenant de réaliser des actions nuisibles à l’un des trois[A 21]. César renforce peu après cette alliance en mariant sa fille Julia à Pompée[A 22].
Grâce au financement de sa campagne électorale par Crassus, César est éluconsul en 59 av. J.-C., en ralliant notamment à sa causeLucius Lucceius, un de ses éventuels compétiteurs[A 21].
Durant son mandat, il ne laisse à son collègue le conservateurMarcus Calpurnius Bibulus qu’une ombre d’autorité. Bibulus et Caton multiplient les actions d’obstruction contre César, mais ils sont chassés du forum lors de la promulgation d’une loi agraire. À la suite de cet incident, Bibulus se retire chez lui jusqu’à la fin de son mandat, laissant le pouvoir à César qui l’exerce seul[A 23],[A 24].Suétone rapporte quelques vers décrivant la situation politique :
« Ce que César a fait, qui d’entre nous l’ignore ? — Ce qu’a fait Bibulus, moi je le cherche encore. »
César peut désormais légiférer comme un tribun, selon l’expression dePlutarque, satisfaire les revendications despopulares, rendre des gages à Pompée et gagner de nouveaux soutiens auprès deschevaliers et des provinciaux : passant outre aux protestations des sénateursLucullus etCaton, il fait ratifier les initiatives de Pompée qui a réorganisé les principautés du Moyen-Orient sans demander l’avis du Sénat ; il promulgue plusieurs lois agraires : distribution aux vétérans de Pompée de parcelles des terres publiques (l’ager publicus), faisant deCapoue unecolonie romaine, achat de terres à des particuliers qui sont ensuite distribuées à 20 000 citoyens pauvres. La diminution d’un tiers dufermage dû par lespublicains à l’État est une aubaine pour leschevaliers, affairistes et banquiers (lex de publicanis)[A 25]. Sa loi contre laconcussion (lex Iulia de repetundis) permet enfin de sanctionner d’amendes les gouverneurs de province qui monnayent leurs interventions ou se livrent à des exactions financières[A 26]. Enfin, il place le Sénat sous le contrôle de l’opinion publique, en faisant publier les comptes rendus de séance (Actus senatus)[A 24].
Cette activité politique va de pair avec une activité mondaine soutenue : Suétone prête à César entre autres maîtresses les épouses de Crassus et Pompée[A 27], et, ce qui paraît mieux attesté,Servilia, la demi-sœur deCaton[N 8]. Plus officiellement, César épouseCalpurnia, fille deCalpurnius Pison, consul désigné pour l’année suivante, ce qui lui assure une future protection politique. César se fait un autre allié en la personne deClodius Pulcher, qui a pourtant courtisé sa précédente épouse, en satisfaisant une requête qui lui tient à cœur : troquer son rang depatricien pour celui deplébéien et postuler ainsi à l’élection detribun de la plèbe.
César profite de sa popularité pour préparer l’étape suivante de sa carrière : normalement, le Sénat prolonge le mandat d’un consul par leproconsulat d’uneprovince pour un an. César contourne cette règle avec l’aide du tribun de la plèbePublius Vatinius : celui-ci fait voter par le peuple unplébiscite qui confie à César et pour cinq ans deux provinces, laGaule cisalpine et l’Illyrie, avec le commandement de troislégions (lex Vatinia). Pour sauver une apparence d’autorité, le Sénat lui accorde en plus laGaule transalpine et une quatrième légion[A 28].
Proconsul en Gaule
Les campagnes militaires de Jules César en Gaule.Denier commémorant les conquêtes gauloises de Jules César. Date : 48-47 avant J.-C. Au droit : tête de femme laurée et diadémée à droite avec boucle d'oreille et collier. Au revers : légende CAESAR avec trophée composé d'un bouclier gaulois et d'uncarnyx ; à droite une hache (Crawford,Roman Republican Coinage, 452/2).
Dès la fin de son consulat, César gagne rapidement la Gaule, tandis que le préteurLucius Domitius Ahenobarbus et letribun de la plèbe Antistius le citent en justice pour répondre à l’accusation d’illégalités commises pendant son mandat. En fin juriste, César fait objecter par les autres tribuns qu’il ne peut être cité en application de la loi Memmia[N 9], qui interdit toute poursuite contre un citoyen absent de Rome pour le service de la République. Pour éviter toute autre mise en cause devant la justice, César s’appliqua durant sonproconsulat à demeurer dans sesprovinces. Il passe ainsi chaque hiver enGaule cisalpine, où il reçoit partisans, clients et solliciteurs et s’assure chaque année d’avoir parmi les élus à Rome des magistrats qui lui soient favorables[A 29]. La gestion de ses affaires à Rome même est confiée à son secrétaireLucius Cornelius Balbus, unchevalier d’origine espagnole, avec qui il échange par précaution descourriers chiffrés[A 30].
Dès, César engage laconquête de la Gaule prétextant que la migration desHelvètes menace lesÉduens alliés de Rome. Cette expédition militaire est donc motivée par ses ambitions politiques, mais aussi par des intérêts économiques qui associent les Romains à certaines nations gauloisesclientes de Rome (Éduens,Arvernes, etc.).
À Rome, les conservateurs réagissent à la guerre que mène César : son affrontement contre le germainArioviste, qui a la qualité d’ami du peuple romain, accordée lors du consulat de César, scandaliseCaton, qui proclame qu’il faut compenser cette trahison de la parole romaine en livrant César aux Germains[A 35]. Ultérieurement, César se justifia longuement dans sesCommentaires en détaillant ses négociations préliminaires avec l’agressif Arioviste, lui faisant même dire que« s’il tuait [César], il ferait une chose agréable à beaucoup de chefs politiques de Rome, ainsi qu’il (Arioviste) l’avait appris par les messages de ceux dont cette mort lui vaudrait l’amitié »[A 36].
En 56 av. J.-C.,Lucius Domitius Ahenobarbus, candidat au consulat soutenu par Caton et par Cicéron, met à son programme électoral la destitution et le remplacement de César au poste de proconsul des Gaules. Toujours obligé de se cantonner en Gaule, César riposte et réunit àLucques ses alliés Crassus et Pompée, ainsi que tous les sénateurs qui les soutiennent. Ils renouvellent leuraccord et définissent un partage des provinces[A 37]. Ahenobarbus et Caton sont agressés en plein forum et empêchés de faire campagne. Pompée et Crassus profitent de l’appui de César pour être élus pour un second consulat en 55 av. J.-C.[A 38]. Cicéron est un des obligés de Pompée, chose que celui-ci lui rappelle vertement par l’intermédiaire de son frèreQuintus[A 39]. Cicéron s’incline pour ne pas se retrouver isolé et soutient la prorogation du proconsulat de César pour cinq nouvelles années[A 40].
À l’issue de leur consulat en 54 av. J.-C., les deux autres membres du triumvirat reçoivent le gouvernement d’une province : Crassus part enAsie chercher une gloire militaire qui pourrait égaler celle de Pompée et celle de César. L’Espagne et l’Afrique sont attribuées à Pompée, qui préfère rester à Rome, centre du pouvoir, et choisit de transférer à deslégats la gestion de ses provinces. Sur les quatre légions qui lui sont attribuées, Pompée en prête deux à César, qui a alors besoin de renforts[A 38].
Pendant son second mandat proconsulaire, à partir de 55 av. J.-C., César traverse laManche et réalise une première incursion enBretagne (l’actuelleGrande-Bretagne)[A 41], terre inconnue et quasi mythique pour les Romains de l’époque[A 42]. Ultérieurement, il réalise une attaque militaire au-delà duRhin, y faisant réaliser un pont évoqué dans la Guerres des Gaules sous forme d'analogie avec son titre depontifex maximus (littéralement « celui qui fait le pont (entre les hommes et les dieux) ». Dans le même temps, en 54 av. J.-C., sa filleJulia, qui a épousé Pompée pour sceller le premier triumvirat,meurt en couche. Son décès intervient alors au pire moment pour César : les troubles à Rome entre son parti et celui de Pompée s'accentuent ; la rupture entre les deux hommes n'est pas totale, mais le décès de Julia distend leurs liens[A 43]. L'élection desédiles de 55 est le théâtre de violences, Pompée a sa toge tâchée de sang. Un esclave la rapporte à sa maison, et, à la vue de ce vêtement sanglant, Julia fait une fausse couche mortelle[A 44]. Selon Plutarque, elle meurt ultérieurement lors d'un second accouchement difficile[20]. Son enfant, un garçon selon certains auteurs[A 45], une fille selon d'autres[A 46], ne lui survit que quelques jours[A 47]. D'aprèsSénèque, César est en Bretagne quand il reçoit la nouvelle de la mort de Julia[A 48].
À partir de l’hiver 54/53 av. J.-C., la situation en Gaule se détériore, et des révoltes se multiplient contre la brutalité de la guerre de César, qui n'hésite ni à réduire en esclavage des dizaines de milliers de civils, ni à passer au fil de l'épée de nombreuses communautés vaincues sur le champ de bataille. En 53 av. J.-C., la défaite et la mort deCrassus et de son filsPublius à labataille de Carrhes contre lesParthes, achève de défaire les derniers liens du triumvirat[A 49],[A 50]. César propose à Pompée la main de sa petite-nièceOctavie et demande en mariage la fille de Pompée, mais ces offres d’alliances matrimoniales n’aboutissent pas[A 51]. Il est désormais patent pour tous que la fin des hostilités en Gaule correspondra au début d'une nouvelle guerre civile.
Le début de l’année 52 av. J.-C. est difficile pour César : la révolte en Gaule se généralise sous l’impulsion de l’ArverneVercingétorix. À Rome, les désordres sont tels que Pompée est nommé consul unique, avec l’assentiment de Caton et des conservateurs[A 50]. Pompée épouseCornélie, la jeune veuve dePublius Crassus et la fille du conservateurMetellus Scipion, qu’il prend au milieu de l’année comme collègue au consulat[A 52]. Pompée est désormais le défenseur du parti des conservateurs.
En 52 av. J.-C., Jules César remporte une victoire décisive ausiège d'Alésia, où il reçoit la reddition de Vercingétorix[A 53]. Après un hivernage au cours duquel il rédige vraisemblablement sesCommentaires sur la Guerre des Gaules, il étouffe les derniers foyers de révolte en 51 av. J.-C. César affirme la souveraineté de Rome sur les territoires de la Gaule situés à l’ouest duRhin.
SelonVelleius Paterculus, en neuf campagnes, on n’en trouverait à peine une où César n’aurait pas mérité letriomphe ; il massacra plus de quatre cent mille ennemis et en fit prisonniers un plus grand nombre encore[A 50]. PourPlutarque, la conquête de la Gaule est l’une des plus grandes victoires de Rome et place son commandant César au rang des plus illustres généraux romains, tels lesFabius, lesMetellus, lesScipions : « En moins de dix ans qu’a duré sa guerre dans les Gaules, il a pris d’assaut plus de huit cents villes, il a soumis trois cents nations différentes, et combattu, en plusieurs batailles rangées, contre trois millions d’ennemis, dont il a tué un million, et fait autant de prisonniers »[A 54].
Tandis que son mandat de proconsul s'achève, César prépare son retour à Rome par la conquête de l’opinion romaine : il répond aux critiques sur sa conduite de la guerre par la publication de sesCommentaires sur la guerre des Gaules, sobre compte-rendu où il se présente à son avantage, puis en 51 av. J.-C., il annonce la construction d’un magnifique et nouveauforum, financé par le butin des Gaules, sur lequel est érigé letemple de Vénus Genitrix dont il prétend descendre. L’objectif de César est maintenant de se présenter aux élections de 50 av. J.-C. pour un second consulat en 49 av. J.-C., conformément à la loi qui impose un intervalle de dix ans entre chaque consulat. Pour éviter l’attaque en justice que lui a juréeCaton et qui l’empêcherait de faire campagne, il lui faut conserver son mandat deproconsul en Gaule et être candidat malgré son absence de Rome. Mais c'est sans compter sur l'opposition desoptimates.
À Rome, les conservateurs, désormais ralliés àPompée, cherchent à tout faire pour empêcher le projet de candidature de César. En 50 av. J.-C., César mène sa politique à distance depuis laGaule cisalpine où il campe ses troupes. Depuis le nord de l'Italie, il manœuvre pour faire élireMarc Antoine au poste detribun de la plèbe pour l’année suivante. Soldant les dettes du tribun de la plèbeCurion, il fait en sorte qu'il lâche Pompée et qu'il passe de son côté[A 55]. Enfin, César neutralise un des consuls,Lucius Aemilius Paullus, en lui versant les fonds nécessaires à la réfection de labasilique Aemilia sur le forum[A 56]. Malgré ces dispositions, César échoue à faire élire son lieutenantServius Sulpicius Galba au consulat pour 49 : les consuls élus sont alorsLucius Cornelius Lentulus Crus etCaius Claudius Marcellus qui lui sont farouchement hostiles. Les conservateurs s’activent eux aussi pour fragiliser la position de César auprès de ses propres fidèles et prennent des contacts avecTitus Labienus, le meilleur lieutenant de César qui s'est illustré à la bataille de Lutèce et à Alésia[A 57].
Toujours par l’intermédiaire de Curion et Marc Antoine, désormais tribun, César tente une nouvelle proposition : il accepte de ne conserver que deux légions et le gouvernement de la Gaule cisalpine et de l’Illyrie, pourvu qu’on accepte sa candidature au consulat. Malgré la recherche d’un compromis par Cicéron,Caton refuse qu’un simple citoyen impose ses conditions à l’État ; le nouveau consul Lentulus s’emporte et fait expulser du Sénat Curion et Marc Antoine. L'historienVelleius Paterculus accusera Curion d'être responsable de cette rupture, tandis queAppien présentera Marc Antoine comme l'initiateur de la dispute. Selon Plutarque,« c’était donner à César le plus spécieux de tous les prétextes » : s’en prendre aux tribuns de la plèbe, les représentants sacro-saints du peuple[A 61]. Le Sénat décrète que César doit abandonner son poste de gouverneur et revenir à Rome en simple particulier[A 62].
César peut se présenter comme la victime de l’acharnement des conservateurs et comme le défenseur des tribuns de la plèbe[A 63]. Prenant l’initiative de l’illégalité, il décide le de pénétrer en armes enItalie et franchit leRubicon, rivière marquant la frontière entre l’Italie et laGaule cisalpine.Plutarque etSuétone mettent en scène ce tournant historique et attribuent à César la citation« Alea jacta est » (« Le sort en est jeté »), signifiant qu’il tente la destinée[A 64]. Pour César, il n’y a plus que deux issues : la mort et le déshonneur ou la victoire et le pouvoir. Il mise sur l’audace et la rapidité de ses déplacements militaires et sur l’expérience et la fidélité de ses légions, et se démarque des atrocités de la précédente guerre civile par sa politique de clémence, n’exerçant ni proscriptions ni représailles.
César prend le port deRimini et progresse rapidement vers Rome sans rencontrer de résistance, et ajoute à ses forces les trois légions que Pompée a commencé à lever. Pompée récupère des troupes àCapoue, et se replie surBrindisi d’où il écrit à tous les gouverneurs de provinces de mobiliser contre César. Les consuls,Caton,Bibulus et même les sénateurs modérés commeCicéron fuient en hâte, rejoignent Pompée àBrindisi et s’embarquent pourDyrrachium enÉpire[A 65]. Sans flotte, César ne peut les poursuivre.
Pendant les quelques jours qu’il passe à Rome, il rassure les sénateurs restés sur place, offre au peuple une distribution de blé, promet un don de 75deniers à chaque citoyen et accorde lacitoyenneté romaine aux habitants de laGaule cisalpine. Après ça, le peuple le fera désignerdictateur pendant son absence. Assuré du soutien de l’Italie, il confie la gestion de Rome àLépide, envoie Curion s’emparer de laSicile et de laSardaigne, garantissant le ravitaillement de Rome en blé, libère l’ex-roi juifAristobule II afin de l’envoyer enSyrie avec deux légions et empêcherPompée de mobiliser des troupes. Mais les partisans de Pompée empoisonnent Aristobule[A 66].
Faute de moyens maritimes pour poursuivre son rival, César décide de se rendre enEspagne dans le but de neutraliser les sept légions que Pompée possède encore à l'Ouest. N'ayant plus rien à craindre du côté de Rome, César prend la route de laGaule transalpine, s'accrochant avec lesLigures deVintimille au passage[21], et arrive aux portes deMarseille. La cité grecque refuse de le laisser entrer, affichant une neutralité de façade dans le conflit qui oppose les deux hommes, mais en secret liée à Pompée. César essaye en vain de franchir les remparts de la ville, mais les Massaliotes repoussent si bien ses assauts qu'il préfère poursuivre sa route vers l’Espagne en laissant à trois légions, conduites parTrébonius, le soin de poursuivre le siège, tandis qu'il ordonne àDecimus Brutus d'organiser un blocus maritime[22]. Quand l’année 49 av. J.-C. se termine, César est maître de l’Italie, des Gaules et des Espagnes, mais ses lieutenants ont subi des revers : Curion s’est fait tuer enAfrique,Caius Antonius a été fait prisonnier enIllyrie, et son meilleur lieutenant,Titus Labienus, a rejoint le camp de Pompée[A 67], qui a levé une armée sur les provinces d’Orient et les royaumes alliés de Rome. La flotte pompéienne contrôle l’Adriatique, prête à débarquer en Italie.
L’année suivante, en, César est éluconsul ; poursuivant sa stratégie fondée sur l’initiative et la rapidité de mouvement, il prend un risque considérable en traversant l’Adriatique pendant l’hiver et surprend Pompée enÉpire. Mis en difficulté lors dusiège de Dyrrachium où il a enfermé Pompée pendant quatre mois, César doit se replier, attirant Pompée enThessalie. En, poussé par son entourage, Pompée accepte la bataille rangée. Malgré l’avantage du nombre, il est battu àPharsale.Cicéron etBrutus se rendent à César, qui les accueille chaleureusement.Caton etLabienus fuient enAfrique, Pompée se réfugie enAsie, puis àChypre, d’où il gagne l’Égypte, pensant trouver de l’aide chez le jeunepharaon dont il a autrefois protégé le père[A 68].
César parvient àAlexandrie début où il trouve, horrifié, le corps de Pompée, assassiné sur l’ordre du jeunePtolémée XIII[A 69]. César passe l’hiver 48/47 à Alexandrie, et la guerre s’engage alors entre Ptolémée et César. Ce dernier n’a qu’un faible effectif et doit mener un combat difficile ; lors d’un engagement dans l’île dePharos, il est même obligé de fuir à la nage et d'abandonner son lourd manteau d'imperator, aussitôt récupéré par son adversaire qui l'érige en trophée[23]. César sort vainqueur de l’affrontement en, et détrône le jeune souverain au profit deCléopâtre VII et du plus jeune de ses frères[A 69],[A 70].
D’Égypte, César se rend enAsie (juillet/août 47), afin de réprimerPharnace II, fils de l’ancien roi duPontMithridate VI, qui a profité de la guerre civile pour reconquérir des territoires et réaffirmer son autorité. Le cinquième jour de son arrivée, en quatre heures de combat et en une seule bataille (bataille de Zéla), César écrase et détrône Pharnace[A 69]. À cette occasion, il écrit au Sénat ces mots célèbres :« Veni, vidi, vici » pour exprimer la facilité avec laquelle il est venu à bout de son adversaire[A 71].
De retour en Italie, César doit faire face à l’insubordination des soldats cantonnés enCampanie. Il les reçoit à Rome, et parvient à les ramener à l’ordre sous la menace de les licencier[A 72]. Puis, il passe enAfrique fin 47 av. J.-C., où il passe l’hiver. Il détruit à labataille de Thapsus l’armée républicaine que commandentMetellus Scipion,Caton d'Utique et leur allié le roinumideJubaIer () ; Metellus Scipion et Juba meurent dans la bataille, Caton se suicide àUtique pour éviter d’être capturé[A 73],Titus Labienus se réfugie en Espagne. L’annexion de laNumidie s’ajoute aux conquêtes de César.
Lorsque César revient à Rome, la paix est revenue, l'Italie n'a pas connu les atrocités des précédentes guerres civiles. Tous les écrivains loueront la clémence de César, qui a accueilli sans restriction les pompéiens qui se rendent et n'a exercé aucune proscription contre la classe politique. César peut annoncer au peuple que l'annexion des Gaules et de laNumidie et le protectorat sur l'Égypte vont permettre d'obtenir du blé et de l'huile en abondance et définitivement résoudre les problèmes de ravitaillement de Rome[A 74].
En août et, César célèbre par un quadrupletriomphe ses victoires sur les Gaules, le Pont, l'Égypte et la Numidie. La durée et le faste des cérémonies, l'énormité du butin éclipsent tous les triomphes précédents. À chaque cérémonie, César vêtu depourpre parcourt en char laVoie Sacrée, suivi du butin, des captifs[N 10], des soldats qui ont toute liberté pour scander lesplaisanteries les plus osées sur son compte. Pour monter auCapitole offrir un sacrifice autemple de Jupiter Capitolin, le char de César passe entre deux rangées d’éléphants qui tiennent des flambeaux[A 75].
César offre au peuple des représentations théâtrales, des courses, des joutes d'athlètes, des spectacles de chasse et de gladiateurs, des reconstitutions de combat terrestre et nautique, cette dernière est la premièrenaumachie montrée à Rome. Des banquets publics réunissent près de 200 000 convives[N 11]. La vente du butin rapporte plus de600 millions desesterces[A 76], et l’argent est distribué à flots : les 75deniers que César a promis sont donnés à chaquecitoyen, avec 25 deniers de plus pour compenser le retard, les légionnaires reçoivent 24 000 sesterces chacun, et des lots de terre. Les loyers de moins de 1 000 sesterces à Rome et moins de500 sesterces en Italie sont annulés[A 77].
La plupart des revendications despopulares sont maintenant satisfaites, et César entreprend les réformes nécessaires à l'administration du monde romain. Il fait procéder à un recensement[A 74], et ajuste à la baisse le nombre d'allocataires des distributions de blé. Il compense cette mesure en installant 80 000 citoyens pauvres et des soldats démobilisés dans de nouvellescolonies dans les provinces[A 78], dontCarthage etCorinthe qu'il fait reconstruire.
Pouvoir absolu et élimination des derniers pompéiens
Périple de César de à : son arrivée enHispanie (Espagne) et labataille de Munda.Étendue du territoire de laRépublique romaine sous la domination de César. En jaune, ses conquêtes.
La paix ne dure que quelques mois. En 46 av. J.-C., les dernières forces du parti pompéien s’insurgent en Espagne, menées parPompée le Jeune, fils de Pompée, etTitus Labienus. Consul pour la quatrième fois, César arrive à marches forcées en Espagne en décembre 46. Cette guerre est longue et sans merci, avec des exécutions de part et d’autre. César achève en ses derniers adversaires à labataille de Munda, la plus acharnée des guerres civiles[24]. Retardé par une maladie, son jeune neveuOctave le rejoint en Espagne malgré les dangers du trajet, geste que César apprécie hautement. Dans le dernier testament qu’il rédige, il déclare adopter Octave et le désigne comme héritier principal avec comme autre héritierQuintus Pedius, son autre neveu qui a combattu à ses côtés en Espagne[A 79].
Revenu à Rome en, César célèbre son cinquièmetriomphe. Il commet là une erreur politique que Plutarque souligne[A 80] : la règle veut qu’un triomphe honore une victoire sur un peuple ennemi de Rome, ce qui n’est pas le cas dans cette guerre civile. Ni Pompée vainqueur deSertorius, ni Sylla vainqueur des marianistes n’ont célébré de triomphe. De plus, César accorde deux autres triomphes, à Fabius et son neveuQuintus Pedius[A 81]. Là encore, c’est une entorse aux usages qui réservent le triomphe au commandant doté de l’imperium et non à ses lieutenants.
César, nommé dictateur pour dix ans, est désormais le centre du pouvoir ; il reconstitue les effectifs du Sénat, en radie quelques sénateurs responsables de concussion dans leur province, et y inscrit desGaulois cisalpins et desEspagnols, une première qui marque le début de la promotion des provinciaux. Il nomme lui-même les magistrats, sauf les tribuns de la plèbe et les édiles plébéiens, encore élus, et désigne des consuls pour quelques jours de charge seulement. Obtenir un titre, un avantage ou une faveur dépend de son approbation. Ainsi, Cicéron par des discours emplis d’adulation où il qualifie la clémence de César de « divine » fait gracier plusieurs de ses amis[A 82].
Cicéron propose de décerner à César des honneurs, les autres sénateurs suivent en une surenchère de plus en plus excessive. Ainsi César reçoit le nom deLiberator et le titre d’imperator, transmissible à ses descendants, quoiqu’il n’ait plus d’enfant[A 83]. Il réforme lecalendrier, on renomme le mois deQuintilis de son nom de famille,Iulius[A 84]. Pompée a eu l’honneur de porter lesemblèmes du triomphe, toge pourpre et couronne de lauriers, lorsque desjeux sont célébrés à Rome. César reçoit le même honneur, mais par décret du Sénat à titre permanent, la couronne lui permettant notamment de cacher sa calvitie qu'il supporte mal car source de nombreuses railleries[A 85] ; il peut siéger sur un siège plaqué d’or. Il reçoit également un nombre considérable de pouvoirs extraordinaires, comme l'exercice de latribunicia potestas, les pouvoirs des tribuns de la plèbe[25], le droit d'être consul pendant cinq ans et, plus tard, à partir de 44, la fonction de dictateur à vie. Certains privilèges accordés par les sénateurs vont jusqu’à l’extravagance, comme l’autorisation d’avoir commerce avec toutes les femmes qu’il voudra[A 86]. PourDion Cassius, les sénateurs agissent par excès de flatterie, ou par raillerie. Plus préoccupant, selonPlutarque, c’est pour certains une manœuvre destinée à déconsidérer César et le rendre odieux, et se préparer plus de prétextes de l’attaquer un jour[A 80].
En nommant lui-même les magistrats supérieurs, César arrête le cycle corrupteur des campagnes électorales ruineuses financées par l’extorsion financière sur les provinces, et soulage la charge de celles-ci ; mais ceci réduit les profits despublicains et remplace la compétition politique par un arbitraire et une flagornerie indigne qui suscitent des oppositions : pour l’année 44 av. J.-C., César désigneMarc Antoine comme consul etMarcus Junius Brutus etCassius Longinus commepréteurs. SelonPlutarque, la déception de Cassius qui espérait le consulat est une des raisons qui l’amènent à comploter. Tous les historiens romains le présentent comme l’instigateur principal du complot. Cassius regroupe peu à peu unecoterie d’opposants, d’anciens pompéiens graciés par César, mais également, notent les historiens modernes, des césariens qui ont servi lors de la guerre des Gaules, notammentDecimus Junius Brutus Albinus[26] et plusieurs autres[N 12]. Ces derniers redoutent vraisemblablement l’expédition militaire que prépare César contre lesParthes qui serait suivie d’un retour par laScythie et laGermanie[27].
Les comploteurs cherchent enMarcus Junius Brutus le chef symbolique idéal : il porte le nom mythique deBrutus qui chassaTarquin le Superbe, le dernierroi de Rome. Neveu et admirateur deCaton, Brutus peut de surcroît trouver dans ses convictions philosophiques des raisons d'agir contre un « tyran ». Il a épouséPorcia, fille de Caton et veuve deBibulus, et par conséquent il est l’héritier moral des derniers républicains. Toutefois, César l’a comblé de faveurs et l’a nommépréteur urbain. Les comploteurs mènent donc une approche psychologique : ils parsèment chaque jour le tribunal que préside Brutus de messages anonymes qui invoquent le Brutus chasseur de roi : « Brutus, tu dors, tu n’es pas le vrai Brutus ! » Ensuite, Cassius convainc Brutus d’agir contre César. Présenter Brutus comme l’inspirateur du complot contre César permet de fédérer d’autres opposants[A 87]. Les rumeurs de complot parviennent à César, qui les néglige, affirmant en être informé, ou même en plaisante : quand on l'informe que Brutus complote, César rétorque en se pinçant« Il attendra bien la fin de cette carcasse ! »[A 88].
Le, leSénat confère à César la dictature perpétuelle. Son pouvoir est désormais sans limite, même l’intercessio des tribuns ne peut s’exercer sur sonimperium. Tout espoir d’une abdication comme celle deSylla et d’un retour à la République d’avant la guerre disparaît. César prend alors des décisions surprenantes : il décrète une amnistie générale, et licencie sa garde personnelle[A 89]. Autre inconséquence aux yeux des historiens romains, César néglige lesprésages : avertissements des devins, mise en garde pour la période allant jusqu’auxides de mars, cauchemar de son épouseCalpurnia la veille des ides[A 90]. SelonPlutarque, plusieurs signes auraient présagé la mort de César, comme le cœur manquant d'un animal dont celui-ci fait offrande[A 91]. Tout au plus, apprenant les signes néfastes observés sur les victimes offertes en préliminaire de la réunion au Sénat, César se résout-il à ne prendre aucune décision importante ce jour-là[A 92].
La Mort de César parKarl von Piloty, 1865 « Metellus lui découvrit le haut de l’épaule ; c’était le signal. Casca le frappa le premier de son épée » (Plutarque).Mort de César parVincenzo Camuccini, 1798 « Il s’était défendu, dit-on, contre les autres, et traînait son corps de côté et d’autre en poussant de grands cris. Mais quand il vit Brutus venir sur lui l’épée nue à la main, il se couvrit la tête de sa robe » (Plutarque).
Les conjurés ont prévu leur attentat auxides de mars (), au début de la réunion du Sénat dans laCurie de Pompée sur leChamp de Mars. Seul César est visé,Marc Antoine qui accompagne César est attiré à l’écart par de faux solliciteurs, tandis que César est entouré par le groupe des conjurés.Metellus s’assure que César ne porte aucune protection, et tous l’assaillent : il tombe percé de 23 coups de poignard[A 93]. Le coup ultime vient de Brutus. Selon Suétone, les derniers mots de César auraient été pour ce dernier, en grec« Toi aussi, mon fils »[A 93].
Pas moins de onze auteurs antiques ont rapporté l’attentat, avec plus ou moins de détails[A 94]. Si le fait est bien connu, l’analyse de ses causes est délicate. Officiellement, les conjurés ont éliminé César pour l’empêcher de devenir roi et pour sauver la République. L’accusation d’aspirer à la royauté était le procès d’intention quasi rituel des conservateurs romains pour éliminer tout homme politique trop favorable aux revendications populaires[N 13]. Les écrivains romains ont relevé comme autant d’indices ce qui peut étayer cette suspicion :
de retour d’Albe, César est salué du nom de roi par ses partisans, ce qui agite la foule. Il rétorque qu’il ne s’appelle pas Roi mais César, et il poursuit son chemin mécontent[A 95] ;
desrumeurs circulent disant que César recevrait le titre de roi pour son expédition en Orient, car selon la prophétie deslivres sibyllins, seul un roi pouvait vaincre lesParthes[A 95] ;
lorsque les sénateurs viennent à la tribune duforum lui annoncer les nouveaux honneurs qu’ils lui ont votés, il ne se lève pas, manquant au respect dû au Sénat[A 96] ;
le 15 février, lors de la fête desLupercales,Marc Antoine propose à César le diadème royal, que celui-ci repousse sous les acclamations de la foule. Marc Antoine insiste, et le refus de César est de nouveau applaudi. César fait porter ce diadème autemple de Jupiter Capitolin[A 97] ;
un matin, on trouve des statues de César couronnées du bandeau royal. Deux tribuns de la plèbe interviennent, les enlèvent et arrêtent des césariens qui ont salué César du nom de roi. César réagit en destituant ces tribuns[A 98].
Plutarque affirme que César cherche à détruire la République et à devenir roi[A 99]. Parmi les historiens modernes,Jérôme Carcopino suit cet avis[27], etJoël Schmidt y voit une façon pour César d'habituer le peuple à l’idée du rétablisement de la royauté[28]. D’autres historiens modernes sont plus circonspects dans l’interprétation des éléments cités par Plutarque etSuétone : pourMarcel Le Glay, il est difficile de séparer la réalité et la rumeur, et si César n’a pas voulu lui-même la royauté, certains dans son entourage l’ont voulue, et les Romains l’ont cru ou ont feint de le croire[27].Christol et Nony rappellent que César« sut toujours donner le change sur ses intentions réelles » et considèrent que ce problème n’est pas soluble[29]. Plus encore,Ronald Syme estime que ce problème« n'a pas à être posé. César fut tué pour ce qu'il était, non pour ce qu'il aurait pu devenir. En revêtant la dictature à vie, il semblait écarter tout espoir de retour à un gouvernement normal et constitutionnel. Le présent était insupportable, l'avenir bouché »[30].
MaisSuétone complique les analyses sur la fin de César en ouvrant une autre piste[A 100] : César aurait eu la mort qu’il souhaitait. Là encore, Suétone produit ses indices :
selon certains de ses parents, il n’aurait pas tenu à vivre davantage, et aurait préféré succomber aux complots plutôt que d’être toujours sur ses gardes ;
lors d’un banquet chezLépide, à la question philosophique sur le genre de fin que l’on préférait, César avait répondu « soudaine et inattendue »[A 101] ;
le licenciement de sa garde personnelle, un mois avant, qui l’exposait sans protection ;
l’indifférence aux avertissements sur les complots et aux prédictions défavorables.
Des historiens modernes ont développé cette thèse[31], justifiant l’attitude de César par sa perception d’une maladie qui le diminuait. Néanmoins, les préférences pour une mort brève et imprévue sont après tout banales, et selon Régis Martin, la croyance de César en sa chance protectrice (Fortuna) et sa certitude que sa perte provoquerait la guerre civile peuvent aussi expliquer sa conduite[32].
L'assassinat déclenche la panique, les sénateurs s'enfuient et les césaricides se retranchent sur leCapitole. Consul en titre,Marc Antoine réunit le Sénat le. Dans l'intérêt de l'État, une amnistie est décidée et les actes et les réformes de César sont confirmés[33].
Le, le testament de César est ouvert et lu : il désigne dans son testament trois héritiers, les petits-fils de ses sœurs, à savoirOctave,Lucius Pinarius Scarpus etQuintus Pedius. Il légue les trois quarts de son héritage au premier et le quart restant aux deux autres. Dans la dernière clause de son testament, César adopte Octave. Enfin, il légue au peuple romain ses jardins près duTibre et trois centssesterces par tête[A 102]. Ces dispositions provoquent l'enthousiasme populaire[33].
Les funérailles sont organisées par Marc Antoine le. Suétone en fait la narration détaillée : un bûcher est dressé sur leChamp de Mars, près de la tombe de sa fille Julia. Sur leforum, le corps de César, couché sur un lit d’ivoire tendu de pourpre et d’or, est exposé dans une chapelle dorée édifiée devant la tribune aux harangues. À sa tête, sa toge ensanglantée est exposée sur un trophée. Comme le corps reposait face vers le ciel et ne pouvait être vu, on élève au-dessus de lui une effigie de cire grandeur nature, afin que la foule puisse contempler les vingt-trois blessures (trente-cinq selon d’autres auteurs) qui lui ont été sauvagement infligées au corps et au visage. Pour souligner l’ignominie de ce crime, Marc Antoine fait lire, en guise d’oraison funèbre, la liste des honneurs qui ont été dévolus à César, ainsi que le serment qu’ont prêté les sénateurs de défendre sa vie. On chante des vers parmi lesquels revenaient, pour susciter la compassion, une citation empruntée auJugement des Armes dePacuvius :« Fallait-il les sauver pour qu’ils devinssent mes meurtriers ? », évoquant la mansuétude dont César a fait preuve à l’égard de ses opposants[A 103].
La cérémonie tourne à la confusion, deux soldats mettent le feu au lit funèbre, la foule entasse autour du lit le bois arraché aux boutiques avoisinantes et tout ce qui lui tombe sous la main pour construire un bûcher d’apothéose, comme elle l’a fait quelques années plus tôt pour les funérailles deClodius. Les vétérans y jettent leurs armes et certaines femmes les bijoux qu’elles portent[A 103]. Déchaînée, la foule se dirige vers les maisons de Brutus et de Cassius pour les piller[33].
LorsqueCaius Matius organisa des jeux funéraires en à l’occasion de l’anniversaire de la naissance de César, unecomète se mit à briller dans le ciel et l’Etna entra en éruption, faisant de sa mort un bouleversement cosmique[A 105],[A 106].
Après César
L’attentat contre César guide les prétendants à sa succession sur la conduite à tenir : ils font symboliquement rayer ladictature desmagistratures romaines, et pérennisent leur pouvoir par untriumvirat quinquennal. La politique de clémence a prouvé son danger suicidaire, les triumvirs commencent une vague deproscriptions sanglantes, suivie par quatorze ans de guerre civile, contre les assassins de César, contreSextus Pompée, puis entre triumvirs. Octave finit par l’emporter en 31 av. J.-C. puis devenir le maître unique de l’Empire romain avec le titre d'Auguste[35].
Jules César écrivain
Édition de1783 desCommentaires sur la Guerre des Gaules.
Outre sa carrière politique et militaire, Jules César est un passionné de lettres, de grammaire, de rhétorique et de poésie, conformément à l'éducation lettrée particulièrement poussée qu'il a reçue. La plupart des indications proviennent deSuétone[36]. La plupart de ses ouvrages ont étéperdus comme la grande majorité de la littérature antique.
Commentaires et corpus césarien
Des divers écrits qu'il a composés, il ne reste ainsi que le corpus de sesCommentaires (Commentarii rerum gestarum) :
Leurs conditions de rédaction sont mal connues, deux thèses principales s'opposant : d'abord celle d'une rédaction au fur et à mesure, avec une publication chaque année[37] ; ensuite, celle d'une rédaction en une fois, à la fin de chaque guerre, avec une sélection des faits saillants. La nature des œuvres, des commentaires, laisse à penser que la première option se vaut. Les quelques contradictions entre les différents livres plaident de même pour une rédaction échelonnée, même si ces contradictions dans l’œuvre peuvent tout autant plaider pour une rédaction rapide, à la hâte, à la fin de la guerre, pour une publication rapide. La structure en années n'est pas non plus déterminante, puisqu'il s'agit d'une tradition héritée de l'annalistique romaine[37], ajoutée à la nature même des opérations militaires relatées, qui s'interrompent à la mauvaise saison pendant plusieurs mois. Cette idée de la rédaction annuelle est donc aujourd'hui écartée : certaines informations des premiers livres présupposent la connaissance par César d'événements postérieurs, montrant que l'ensemble a été élaboré en plusieurs fois, mais rédigé au terme de chaque guerre[37]. Certains passages du Livre I faisant référence à l'alliance entreBoïens etÉduens ou à la trahison deCommios ont ainsi été écrits après52, probablement aprèsGergovie etAlésia. On suppose donc désormais que les 7 premiers livres ont été écrits à l'automne 52 av. J.-C., au lendemain de la bataille d'Alésia, succès lui assurant une stabilité durable pour sa conquête en mettant un terme définitif à la résistance gauloise organisée : virtuellement achevée, la guerre peut donc être racontée pour préparer son retour à Rome et sa candidature à un deuxième consulat[37]. On peut retenir au crédit de la thèse de la rédaction en 52 le contenu d'une lettre de Caelius à Cicéron, écrite en mai 51, dans laquelle il est dit que seules des rumeurs et des bruits circulent concernant la guerre de César en Gaule[37].
D'autres ouvrages sont aussi attribués à César. On sait cependant qu'ils sontapocryphes, on parle ainsi de « Pseudo-César » ou de « Corpus Césarien » pour désigner ces œuvres. Ces récits sont assurément rédigés par un témoin proche des guerres commentées, en utilisant des informations et un journal de bord personnel, combinés avec les notes de César. Le style est cependant moins aisé, avec unerhétorique médiocre qui semble indiquer auxphilologues que ce n'est pas César qui écrivit ces textes (et que les auteurs n'ont pas cherché à imiter)[38]. Certaines hypothèses indiquent toutefois que ces ouvrages auraient été commencés par César, mais qu'ils furent inachevés. Il semblerait selon une hypothèse que ces écrits seraient des suppléments anonymes à l'œuvre de César, qui formeraient un tout continu, les rédacteurs ayant accès à ses archives et sa correspondance, et César aurait eu à long terme le projet de les incorporer[36]. Les auteurs sont inconnus, les styles varient trop pour qu'ils soient de la même main.Suétone croit, selon des rumeurs, qu'il s'agit d'un des généraux de César,Aulus Hirtius ouCaius Oppius[A 108]. Suétone aurait cependant confondu la continuation du récit et la rédaction d'une préface, et son hypothèse a été récemment décriée. Les auteurs de ces récits ont été témoins oculaires des guerres racontées, Oppius n'y a pas participé, seul Hirtius participa à laguerre d'Alexandrie, avec l'intention de chroniquer cet épisode, mais le style médiocre fait plus soupçonner un travail inachevé, une ébauche ou un guide de travail (il est possible qu'il ait écrit ce récit mais que celui-ci a ensuite été perdu, et que les textes actuellement connus auraient été insérés en remplacement)[39]. On déclare que même pour Suétone, l'attribution est incertaine et l'est toujours[36].
Ces œuvres attribuées à César constituent un modèle du genre des mémoires historiques.Strabon traduit en effet le terme de commentaires parὑπομνήματα /upomnémata (« mémoires » ou « journal de guerre »)[A 109].Plutarque parle d'éphémérides[A 110],[37]. Mais aucun autre terme que« notes personnelles » ne semble suffisamment clair pour traduire l'intention et les modalités de rédaction d'une telle œuvre. L'objectivité et la part d'idéologie qui préside à l'organisation et au contenu de ces œuvres agite encore les débats et travaux des historiens[37]. En effet, ces ouvrages servent la communication politique de César et par conséquent leur exactitude — si ce n'est leur neutralité et leur exhaustivité — peut tout à fait être mise en doute ou questionnée pour tenter de déceler les déformations historiques volontaires laissées par l'homme politique dans son travail d'écrivain[réf. nécessaire].
La nature et le but des commentaires césariens a fait longtemps débat : s'agit-il d'une tentative de justification politique et publique ? Comment César concilie-t-il le souci de justification avec celui de la vraisemblance et de l'exactitude des faits ? Quelles sont les déformations volontaires que l'on trouve dans l’œuvre ? Une chose est certaine : nul n'était mieux placé que César pour livrer ce récit, mais nul n'est aussi bien placé que lui pour le tordre à sa guise. Le récit césarien est donc d'une extrême préciosité pour les historiens qui disposent ainsi d'un document de première main de grande qualité littéraire et factuelle, mais aussi d'un aperçu de la stratégie rhétorique d'un chef de guerre cherchant à limiter ses échecs et ses ratés par une discrétion redoublée à leur sujet. Ainsi, il faut différencier lesMémoires de ce que seraient par exemple desConfessions[réf. nécessaire].
La question de la véracité historique des œuvres césariennes se pose donc ainsi : César produit-il volontairement des récits obscurs par défaut d'information ? Altère-t-il sciemment la vérité par désir d'apologie personnelle ou en raison de ses ambitions politiques ?
Asinius Pollion, rapporté parSuétone, dit desCommentaires qu'ils sont écrits à la hâte, avec peu de soin et de respect pour la vérité[37]. César aurait accepté avec peu d'esprit critique le récit rapporté par seslégats et lieutenants. Il aurait été ainsi mal informé et peu sincère. Cependant, Pollion est un fidèle de César, duRubicon jusqu'àPharsale, il semblerait que son avis concerne donc avant tout lesCommentaires sur la Guerre civile (il était lui-même l'auteur d'un ouvrage au sujet et titre similaires) et non laguerre des Gaules[37].
Toujours est-il que César semble avoir disposé pour la rédaction de ses commentaires de sources de première main : témoins directs — dont il faisait partie — et rapports de ses lieutenants et légats en détachement en Gaule sur d'autres théâtres opérationnels que le sien. On estime que ses sources historiques sont bonnes, voire excellentes, tandis que ses sources géographiques sont médiocres : beaucoup des orientations qu'il donne pour relater latopographie et l'espace celtique et breton sont fausses. César se base ainsi probablement sur des cartes mal dressées, trop anciennes ou incomplètes, tant les approximations sur les lieux semblent se multiplier, voire témoigner d'interpolations et de déplacements involontaires dans le récit[37]. On attribue généralement une telle faiblesse géographique à la traduction personnelle, par César, d'un corpus de géographes grecs de moindre qualité dont il a les textes avec lui ; cette traduction aurait été directement versée dans le corps du texte de la guerre des Gaules pour orner le récit d'un cadre descriptif sur la faune et la flore, sur le terrain, afin de donner plus de réalisme à l'environnement des guerres qu'il avait menées. Ce choix relève de la nature de l'œuvre : écrite en quelques mois, de circonstance, sans avoir un accès favorisé à des sources de meilleure qualité depuis ses cantonnements hivernaux au-delà desAlpes[37].
Il en ressort qu'on refuse généralement à César le qualificatif d'historien : colorant volontairement les faits, maître dans l'art des omissions opportunes, muet sur son ambition masquée par la migration desHelvètes pour expliquer le déclenchement du conflit, discret sur les profits financiers qu'il tira de ces années de combat, l'œuvre globale desCommentaires apparaît plutôt comme un monument de communication politique que comme une œuvre d'histoire à proprement parler[37].
César a composé deux discours aux soldats durant la guerre d'Hispanie (Apud milites) dont Auguste aurait soupçonné qu'ils soient uneforgerie[36], ainsi qu'un discours pour défendreMetellus qui selon Suétone est authentique mais mal retranscrit par les sténographes[36],[13]. Enfin, et plus curieusement, il a rédigé un traité de grammaireDe analogia, en deux tomes, dans lequel il expose des théories grammaticales argumentées sur l'analogie, ainsi qu'un poème intituléle Voyage[40].
César est l'auteur de nombreusespoésies dans sa jeunesse, dont ne subsiste, grâce à Suétone, qu'uneépigramme considérée comme médiocre, surTérence. Selon lesLettres dePline le Jeune, leur caractère est léger[A 112]. Elles sont interdites parAuguste car il semble qu'elles aient été soit contraires à la pudeur soit trop médiocres[13]. César semble également avoir écrit plusieursessais dans sa jeunesse (Éloge d'Hercule, unetragédie d'Œdipe, unRecueil de mots remarquables, ce dernier étant un volume d'apophtegmes (ouDicta Collectanea) ; mais Auguste interdit leur publication après la mort du dictateur[A 113], probablement pour les mêmes raisons que les poésies[13]. Selon l'historienPierre Grimal, ces trois œuvres perdues ont probablement été écrites engrec[41].
Héritage de César
Réformes politiques
Jules César, devenudictateur, doit adapter les institutions à l'extension de la puissance romaine qui résulte des conquêtes en Orient et en Gaule, et offrir des charges à ses partisans[29] :
augmentation du nombre de magistrats : lesquesteurs passent de 20 à 40, lespréteurs de 8 à 16, lesédiles sont désormais 6. Lesconsuls sont toujours deux, mais la nomination de consuls suffects en complément des deux consulséponymes permet de disposer de plus de candidats pour les fonctionsproconsulaires.
César procède à la nomination directe de la moitié des magistrats, et recommande les candidats aux élections pour l'autre moitié[A 114].
reconstitution des effectifs du Sénat ; les pertes de la guerre civile sont compensées par l'incorporation massive de nouveaux membres, dont des provinciaux gaulois ou espagnols, faisant passer à 800 ou 900 l'effectif fixé par Sylla à600 sénateurs[29].
Pour l'administration desprovinces, César veut éviter les mandats de cinq ans que Pompée et lui-même ont pratiqués ; il limite la durée des charges de gouverneur à un an pour unpropréteur et deux ans pour unproconsul[A 115]. L'organisation desmunicipes italiens est précisée par une loi-cadre, dont lesTables d'Héraclée furent souvent vues comme une copie, bien que des études modernes proposent une datation largement antérieure à Jules César[5],[42].
Ces réformes sont conservées parAuguste, et permettent de disposer d'une élite nombreuse pour l'administration de l'Empire.
L’activité de bâtisseur de César se manifeste plusieurs fois dans sa carrière politique. À chaque fois, ses réalisations, toujours spectaculaires, sont destinées à renforcer son prestige et sa popularité.
À la fin de laguerre des Gaules en, César entame sa campagne électorale pour une future candidature au consulat. Pompée a construit le premierthéâtre romain en pierre à Rome et une nouvellecurie quelques années auparavant. César lance à son tour un projet de bâtiment public prestigieux : un nouveauforum, au nord de l’ancien, ouvrant son côté est sur l’Argilète. Il est financé par le butin des Gaules, et commence par l’achat des terrains, pour une somme de cent millions desesterces selonSuétone[A 35]. CeForum Julium suit un plan similaire à celui du forum dePompéi qui date de la même période : une longue esplanade rectangulaire fermée par une enceinte bordée deportiques, au fond de laquelle s’élève letemple de Vénus. SelonAppien, la dédicace de ce temple aurait fait suite au vœu de César d’élever un temple à Vénus Victorieuse s’il est vainqueur àPharsale[A 116]. Devant ce temple, il se fait représenter par une statue équestre[A 114]. Ce nouveau forum crée ainsi une architecture originale en combinant l’agora hellénistique et le temple romain surpodium, formule qu’adopteront tous lesforums impériaux ultérieurs.
Maître sans partage de Rome à partir de, César a désormais tous les moyens de sa politique. Il commence par des aménagements de circonstance pour les jeux célébrant son triomphe : agrandissement des extrémités du cirque, construction d’un stade pour les lutteurs sur leChamp de Mars, creusement d’un bassin au bord du Tibre pour unenaumachie[A 117].
Les travaux entrepris sur le vieux forum voient la reconstruction de lacuria Hostilia, incendiée en par les partisans deClodius Pulcher. D’autres projets plus ambitieux sont envisagés : la construction de la plus grandebasilique de Rome sur l’emplacement de la vieillebasilique Sempronia, l’édification d’un temple de Mars, et d’un secondthéâtre en pierre[A 118]. Tous ces chantiers seront suspendus pendant les guerres civiles. Octave devenuAuguste les mènera à leur terme en achevant la grandebasilique Julia et lethéâtre de Marcellus, et en dédiant untemple de Mars vengeur.
Toujours pour la gestion de Rome, César fait recenser la population urbaine, selon une méthode inédite : les citoyens ne sont plus convoqués partribus pour défiler devant les services de recensement. Le recensement est organisé quartier par quartier, et ce sont les propriétaires des immeubles de location qui doivent déclarer leurs locataires. La méthode dut être efficace, car Auguste la reprendra. Sans préciser les résultats de ce dénombrement,Suétone dit qu’il permit de ramenerde 320 000à 150 000 le nombre de bénéficiaires de distributions gratuites de blé instaurées parClodius Pulcher en 58 av. J.-C.[A 120]
Un ultime projet de loi de César destiné à améliorer quelque peu la circulation dans une agglomération aux rues étroites et encombrées interdit la circulation de jour à tout véhicule à roue, à l’exception deschars de procession lors des cérémonies et des charrettes d’entrepreneurs, nécessaires aux chantiers urbains. Cette loi est votée après la mort de César, et reste en vigueur plusieurs siècles, démontrant sa nécessité[43]. Depuis César, la nuit romaine est réservée au transit des marchandises, au grand dam des dormeurs, et suscitant les récriminations deMartial etJuvénal[A 121].
Denier de César émis en 44 avant J.-C. Au droit : P M CAESAR IM Jules César couronné de lauriers ; derrière un croissant. Au revers : L AEMILIVS BVCA, avec Vénus debout à gauche, tenant uneVictoire et un sceptre (Crawford,Roman Republican Coinage, 480/4).Aureus de César, consul pour la troisième fois - 46 av. J.-C.
Les guerres civiles menées par César lui imposent de forts besoins financiers pour entretenir de plus en plus de légions qui se déplacent d’un secteur à l’autre de l’Empire. Il se dote donc à partir de 49 av. J.-C. d’unatelier monétaire qui suit ses déplacements sur les théâtres d’opération et frappe les espèces monétaires dont il a un besoin croissant. Cette pratique n’est pas nouvelle, leSénat romain l’a autorisée pour les grands corps expéditionnaires deLucullus ou dePompée en Orient[44], mais César se l’arroge en s’emparant de laréserve de la République[N 14]. De surcroît, César apporte deux grandes innovations, qui servent sa politique, que ses successeursMarc Antoine etOctave pérenniseront, et qui s’institutionnaliseront sous l’Empire romain : la frappe de monnaie en or et la figuration de son portrait sur les monnaies.
Rome n’a émis de monnaies en or que temporairement, essentiellement aux moments les plus difficiles de ladeuxième guerre punique et en puisant dans les réserves de métal précieux thésaurisées par le Sénat. L’émission d’aurei renoue donc avec l’idée de puiser dans les réserves pour sauver la République, en frappant des monnaie à très fort pouvoir libératoire[44].
Les motifs qui apparaissent sur les monnaies émises par César participent à sa propagande : outre son nom ou son portrait, une première sous la République, figurent principalement les motifs suivants[45] :
Vénus, de profil ou en pied, que César présente comme son ancêtre, est le thème le plus fréquent ;
des accessoires du culte, qui rappellent sa piété et ses qualités d’augure et depontifex maximus ;
Les fonctions depontifex maximus exercées par César comportent la fixation du début de chaque année. César la met à profit pour réformer lecalendrier romain, pour que la durée moyenne de l’année soit exactement de365,25 jours, la meilleure approximation connue à l’époque en Occident. Il donne ainsi son nom de famille aucalendrier julien.Suétone précise :« Il régla l’année sur le cours du soleil, et la composa de trois cent soixante-cinq jours, en supprimant le mois intercalaire, et en augmentant d’un jour chaque quatrième année. Pour que ce nouvel ordre de choses pût commencer avec les calendes de janvier de l’année suivante, il ajouta deux autres mois supplémentaires, entre novembre et décembre, à celle où se fit cette réforme ; et elle fut ainsi de quinze mois, avec l’ancien mois intercalaire, qui, selon l’usage, s’était présenté cette année-là »[A 84].
Le nom de César, pris parOctave comme fils adoptif de Jules César, devint par la suite un titre que portèrent tous lesempereurs et les princes romains, quoique étrangers à la famille des Césars. Il est ensuite attribué aux héritiers présomptifs de l’empire, usage qui devint une règle à partir deDioclétien. Depuis cette époque les empereurs prirent le titre d’Auguste et s’adjoignirent avec le titre deCésar un prince qui doit leur succéder. Le nom de César a donné le mot « Kaiser » enallemand, ainsi que le mot « Tsar » (ou « Czar ») enrusse et enbulgare.
Étymologie du nom « César »
Naissance de César par une césarienne post mortem,Faits des Romains, circa 1360.
L'étymologie ducognomen « Caesar », porté durant plusieurs générations, demeure inconnue[46].
Pline l'Ancien avance que le surnom deCaesar pourrait venir du fait qu'un de ses ancêtres soit né parcésarienne (caesar, aris : enfant né par incision)[A 122]. Le grammairienServius reprend cette explication[A 123] mais affirme ailleurs que César lui-même est bien né ainsi[A 124]. Cependant, les césariennes n'existent durant l'Antiquité que sur une femme morte ou sur le point de mourir[47] et la mère de César,Aurelia Cotta, survit longtemps après la naissance de son fils illustre. Selon l'historien Jean-Paul Pundel, il n'existe aucun argument sérieux qui puisse accréditer la thèse de la naissance de Jules César par une césarienne[48].
Une tradition populaire postule que c’est à la suite d’un exploit accompli pendant lapremière guerre punique par un représentant de lagens Julia, qui a vaincu au cours d’un combat un éléphant de l’armée carthaginoise, en lui tranchant les jarrets, qu’on l’aurait honoré du surnom deCaesor, « trancheur ». Puis le terme puniquekésar, « éléphant », donnacaesar, et le sobriquet serait devenu héréditaire. La découverte de monnaies émises au début de la guerre civile, représentant un éléphant piétinant un serpent (ou un carnyx) au-dessus du nom « Caesar », semble étayer cette thèse. Cet ancêtre glorieux serait à placer aux environs de 250 av. J.-C. Mais le premier à porter cecognomen dont l'histoire a gardé la trace estSextus Julius Caesar qui a étépréteur en 208 av. J.-C. et qui a eu un poste de commandement indéterminé à labataille de Cannes en 216 av. J.-C.[46].
Enfin, une dernière hypothèse émise parFestus[A 125] considère que le premier César de lagens Julia aurait été surnommé ainsi à cause d’une abondante chevelure, en latincaesaries[49].
l’Histoire Auguste, dans laVie d’Aelius, fait une synthèse de ces différentes origines possibles du nom César[A 126].
Sa mèreAurelia Cotta, née en120 et morte en54 ou53[A 35], est issue d’une familleplébéienne et consulaire (ses trois frères furentconsuls). PourTacite etPlutarque[A 127], elle incarne lamatrone romaine, exemplaire par l’éducation et le dévouement qu’elle porte à ses enfants et à sa famille et en particulier à son fils[N 15]. Devenue veuve en 85, elle ne se remarie pas et continue d’habiter avec ce dernier.
Les informations concernant Julia Caesaris « Maior » sont peu nombreuses.Suétone confirme l’existence de cette dernière car elle aurait selon lui participé à l’accusation deClodius Pulcher poursuivi pour sacrilège et adultère[A 128]. Elle a au moins un fils, car différents auteurs mentionnent la part réservée à cet enfant dans le testament de César[A 129].
Julia Caesaris « Minor » naît en101 et meurt en51[N 16]. Elle épouse Marcus Atius Balbus, originaire d’Aricie, et est la mère deAtia Balba Caesonia et la grand-mère d’Octave, qui sera adopté par César et deviendra l’empereurAuguste.
SelonSuétone,Cossutia est la première femme de César, dont il divorce pour épouserCornelia (la mère de sa filleJulia) pour des motifs politiques : « et quoiqu’on l’eût fiancé, dès son enfance, à Cossutia, d’une simple famille équestre, mais fort riche, il la répudia, pour épouser Cornélie, fille de Cinna, lequel a été quatre fois consul »[N 17].
L’examen des rares sources et la compilation des études sur le sujet mènent à dégager l’hypothèse suivante : César, venant juste de revêtir latoge virile, a épousé Cossutia, issue d’une riche familleéquestre, entre juillet85 et juillet84 av. J.-C. (sans doute à l’instigation de ses parents et pour des raisons financières, la famille n’étant pas spécialement riche) et en divorça l’année suivante, sous le consulat deLucius Cornelius Cinna, dont il épousa la fille, Cornelia (un choix plus personnel traduisant une orientation politique qui ne s’est jamais démentie par la suite, César, bien qu’encore très jeune étant devenu le chef de famille à la mort de son père).
Plutarque, quant à lui, n’apporte pas une solution satisfaisante, car le récit qu’il fait de la vie de César comporte certaines incohérences :« Au retour de sa questure, il épousa en troisièmes noces Pompeia ; il avait de Cornélia, sa première femme, une fille, qui par la suite fut mariée au grand Pompée ». Le passage comporte une contradiction queNapoléon III avait déjà relevée en 1865 dans sonHistoire de Jules César :
« Plutarque dit que Cornelia fut la première femme de César, quoiqu’il prétende qu’il épousa Pompeia en troisièmes noces[A 130]. »
Enfin, siPompeia Sulla est la troisième femme de César, et Cornélia sa première, Plutarque ne mentionne pas l’identité de sa deuxième épouse. Il semble plus vraisemblable que Cornélia soit la deuxième épouse de César etCossutia sa première.
En 68 av. J.-C., après avoir exercé les fonctions dequesteur enHispanie, César épousePompeia Sylla, car sa deuxième épouse Cornélia est morte l’année précédente[A 131]. Cinq ans plus tard, en 63 av. J.-C., César est élupontifex maximus et décide de divorcer à la suite de relations supposées entre sa femme et un jeune patricien,Clodius Pulcher. Enfin, en 59 av. J.-C., il épouseCalpurnia Pisonis avec laquelle il restera lié jusqu’à sa mort en 44 av. J.-C.
Cornelia Cinna lui donne son unique enfant légitime[A 132], une fille prénomméeJulia, qui naît en 83 av. J.-C. ou 82 av. J.-C. et épousePompée en 60 av. J.-C.. Elle meurt en 54 av. J.-C.
Au cours de son séjour en Égypte, César entretient des relations avecCléopâtre VII qui accouchera plus tard (vers 47 ou plus probablement vers 44[50]) d’un enfant,Ptolémée XV ditCésarion. Cependant, la paternité de César envers cet enfant est discutée par les historiens et est selon Suétone l’objet d’une polémique peu de temps après la mort du dictateur[A 133]. Césarion est exécuté très jeune (15 ou17 ans) parOctavien, le fils adoptif de César.
En 46 av. J.-C., César, sans descendance légitime, adopte son petit-neveu Octave partestament qui, selon l’usage romain en cas d’adoption, est désormais appelé Caius Julius Caesar Octavianus (Octavien).
Enfin, César est peut-être le père deBrutus, qu’il aurait eu avecServilia Caepionis en 85 av. J.-C. En effet, Plutarque rapporte la bienveillance de César envers celui-ci et la croyance d’en être le père naturel, l’enfant étant né durant la période où il fréquente Servilia[A 134].
César entretient des relations particulières avecServilia Caepionis, sœur de Caton et mère de Brutus, dont la passion pour lui est publiquement connue à Rome[A 134], notamment par le billet doux qu'elle lui transmet lors de la séance sénatoriale de fin 63 av. J.-C. Ainsi,Suétone rapporte les présents et avantages qu’il lui offrit, dont une perle d’une valeur de six millions desesterces à l'occasion de son élection au consulat en 59[A 27],[51] ou en 46 de magnifiques domaines confisqués aux proscrits[52].
César aurait eu des relations amoureuses avecEunoé, femme deBogud, roi deMaurétanie[A 133]. C'est cependant sa liaison avecCléopâtre VII qui est restée la plus célèbre. Suétone rapporte comment il remonte leNil avec la reine d'Égypte et la fait venir à Rome où il la comble d’honneurs et de présents[A 133]. C’est aussi pour lui un bon moyen de tenir sous contrôle l’Égypte, où trois légions sont présentes, et dont la place dans l’approvisionnement en céréales de l’Italie commence à devenir prépondérante. Toujours est-il que Cléopâtre est présente à Rome au moment de l’assassinat de son amant et qu’elle rentre rapidement dans son pays après le meurtre.
Suétone fait état d’une rumeur selon laquelle César, au début de sa carrière, aurait eu avecNicomède IV, roi deBithynie, des relations sexuelles où il aurait tenu le rôle passif : l'histoire le suit sa vie durant. Reprise parCicéron,Caius Memmius et d'autres de ses adversaires politiques, elle lui vaut de la part deBibulus, son collègue au consulat, le surnom de« reine de Bithynie ». Lors de son triomphe à Rome, après les campagnes en Gaule, ses soldats chantent encore :« César a soumis les Gaules, Nicomède a soumis César »[A 85]. Lui-même, selonDion Cassius, rejette l'accusation, jusqu'à la nier sous serment[A 135].
Deux poèmes deCatulle laissent entendre que César etMamurra, son ingénieur, auraient été amants[A 136] ; toutefois leur auteur, nous dit Suétone, s'en est par la suite excusé[A 137]. Quant à l'allégation, émise parMarc Antoine, selon laquelleOctave aurait obtenu d'être adopté par César au prix de faveurs sexuelles[A 138], elle relève pour le même Suétone de la catégorie des« bruits infâmes » les plus facilement démentis[A 139].
César s'est aussi vu attribuer des conquêtes féminines nombreuses, particulièrement dans les rangs de la haute société romaine : àServilia Caepionis, Suétone ajoute Postumia, femme deServius Sulpicius, Lollia, femme d’Aulus Gabinius, et Tertulla, femme deMarcus Crassus ; il évoque également des soupçons concernant Mucia, la femme dePompée, et Tertia, la propre fille de Servilia[A 27]. Ce penchant de César pour les amours illicites est lui aussi chanté en vers par ses soldats lors de ses entrées triomphales[A 140] :
« Citoyens, surveillez vos femmes : nous amenons un adultère chauve. Tu as forniqué en Gaule avec l’or emprunté à Rome. »
Ces paroles rappellent que la calvitie dont il souffrait était un symbole de virilité[53].
Le mot qui le proclame« mari de toutes les femmes et femme de tous les maris », que Suétone attribue àCurion l'Ancien, rassemble les deux imputations de« sodomite » et d'« adultère »[A 133]. Comme le relèventFlorence Dupont et Thierry Éloi, si cette formule, lue avec le regard d'aujourd'hui, explique pour une bonne part la présence de César dans des recensions de« bisexuels célèbres »[N 18], elle n'a pas le même sens pour ses contemporains, dont les conceptions reposent sur d'autres catégories[54]. La société romaine ne réprouve pas qu'un citoyen ait des partenaires sexuels des deux sexes ; en revanche, elle fait d'un comportement sexuel passif le signe d'une soumission ou d'une infériorité indignes de son statut : une infamie qui, dans le cas de César, est contrebalancée, selonEva Cantarella, par la réputation de virilité tirée de ses conquêtes, tant féminines que militaires[55]. Cependant les deux allégations symétriques renvoient au fond à la dénonciation d'une mêmehypersexualité, incontrôlée et dégradante[56] ; Florence Dupont et Thierry Éloi y lisent un lieu commun, untopos des discours sur les « tyrans », qui vise plus particulièrement, à propos de César, son aspiration supposée à la royauté[54].
Cette faiblesse de César et son mauvais état de santé semblent également être attestés parSuétone[A 142]. Toutefois, Suétone souligne aussi l’endurance de César à la marche ou à la nage lors de ses campagnes[A 143].
Néanmoins, César n’aurait pas pu commander aussi efficacement ses troupes en Gaule s’il avait été en mauvaise santé[réf. nécessaire]. Quelle que soit la maladie l’affectant, il ne semble l’avoir éprouvée que tardivement. Les attestations de son « épilepsie » datent seulement des dernières années de sa vie (àThapsus et peut-être àMunda). S’il en avait été autrement, Cicéron, qui ne le portait pas dans son cœur, ne se serait sûrement pas privé de l’attaquer sur le sujet, comme il l’a fait à propos d’une prétendue aventure avec le roiNicomède IV de Bithynie. De plus, le diagnostic des maladies n’obéit pas aux mêmes critères qu’aujourd’hui et des symptômes ressemblant à ceux décrits très imprécisément par Plutarque et Suétone peuvent être dus à de nombreuses autres causes (hypoglycémie,malaise vagal, coup sur la tête,tumeur,hypotension orthostatique, etc.)[57].
Œuvres inspirées par la vie de César
Moyen Âge
César, roi de carreau, vestige de la série desNeuf Preux.
Jules César fait partie des personnages historiques les plus saillants de la culture mondiale. Sa popularité ne cesse de croître dès leXIIe siècle avec la diffusion du motif desNeuf Preux, neuf grandes figures historiques ou mythiques qui incarnent l'idéal du roi chevalier. De cette tradition subsiste encore aujourd'hui le roi de carreau de nos jeux de cartes.
LesFaits des Romains, au début duXIIIe siècle, est la première biographie enfrançais entièrement consacrée à César, qui s’inspire des œuvres de César lui-même,Lucain,Suétone etSalluste ; ce texte historique fait aussi appel à des procédés empruntés auroman ou à lachanson de geste, et aura une grande influence sur l’image de César au Moyen Âge.
Au début duhaut Moyen Âge,Saint Césaire de Terracina,diacre etmartyr, à cause de son nom, a remplacé et christianisé le culte païen de Jules César et des empereurs romains[58] ; ceci favorise la naissance de laPassio S. Caesarii (Histoire de la vie du saint protecteur des Caesars romains). Saint Julian, associé enItalie à Saint Césaire, montre que le nom de l'église au palais impérial sur lemont Palatin àRome, a été interprété dans le titre impérial qui a pris naissance avec Jules César[59].
Jules César au faîte du pouvoir est, à partir de1959, unpersonnage récurrent de labande dessinéeAstérix, créant une vision humoristique (mais non ridicule) qui sera une constante dans la représentation française grand public de César.
Dans un registre plus sérieux mais autant dramatique qu'historique, César apparaît aussi dans la sérieVae victis !, publiée parSimon Rocca (scénario) etJean-Yves Mitton (au dessin) chezSoleil en 15 tomes entre 1991 et 2006. La seconde moitié de la série retrace laguerre des Gaules.
Les années 2010 voient l'adaptation en bande dessinée deLa guerre des Gaules parTarek (au scénario) etVincent Pompetti (au dessin) : le tome 1,Caius Julius Caesar, paraît chez Tartamudo en 2012.
Cinéma
Au cinéma, Jules César apparaît dans de nombreux films sérieux ou comiques. EnFrance, il eut surtout droit à despéplumsburlesques :
Jules César apparaît aussi dans quelquespéplumsitaliens où il est traité de façon beaucoup plus dramatique et sérieuse, les Italiens s'identifiant aux Romains de la même façon que les Français s'identifient aux Gaulois, d'où le traitement principalement burlesque du personnage en France et plus noble en Italie. En Italie, il apparaît notamment dans les films suivants qui retracent également la guerre des Gaules :
en1964,Fort Alésia, réalisé parAntonio Margheriti, César est interprété parAlessandro Sperlì(it). Ce film est unnanar assumé qui imagine que les Gaulois auraient inventé une arme secrète pour gagner la guerre et que les Romains doivent détruire.
Inversement, les réalisateurs anglo-saxons le figurent de façon plus dramatique, notamment dans les nombreuses versions cinématographiques deCléopâtre :
Lesséries télévisées mettent tout aussi régulièrement en scène Jules César, la plupart de ses apparitions ont lieu dans des contextes qui se revendiquent davantage du genre historique :
en2005, la série télévisée américaineRome, coproduite parHBO et laBBC, retrace (de façon assez correcte historiquement, bien que simplifiée) son parcours en tant que dictateur. Son rôle y est interprété parCiarán Hinds ;
en2013, la série télévisée américaineSpartacus : La Guerre des damnés fait apparaîtreTodd Lasance dans le rôle de César. Mais le rôle de César dans cette série est une invention dramatique, car il n'y a aucune trace historique de sa participation, s'il en existe, dans laguerre contre Spartacus.
Documentaires
2007 :Vercingétorix : Le roi des guerriers, le héros national, le dernier Gaulois…, film documentaire en 3 épisodes de Jérôme Prieur[63], édition Arte DVD
« De tous les peuples gaulois, les Belges sont les plus braves »[67].
« Si les Gaulois sont ardents et prompts à entreprendre une guerre, pour supporter les désastres leur esprit est mou et sans résistance »[67].
« Le danger que l'on pressent, mais que l'on ne voit pas, est celui qui trouble le plus »[67].
Portraits
Sur près de deux cents portraits représentant César, seuls vingt à vingt-cinq sont antiques et seulement trois sont considérés comme une représentation de son vivant : les pièces de monnaie à son effigie (sept types de pièces montrant son portrait vu de profil[68]), leBuste de Tusculum du musée des antiquités deTurin découvert àTusculum en 1825[69],[N 19] et un portrait du musée d’Arlesdécouvert en 2007 dans le Rhône, dont l'identification à César ne fait toutefois pas l'unanimité[70]. Les caractéristiques de ces deux derniers portraits, fortement individualisés, les situent entre 50 et 44 av. J.-C., dans les dernières années de vie du dictateur. On distingue dans les deux cas un cou allongé, marqué de plusieurs plis, la pomme d’Adam saillante, de petits yeux enfoncés dans les orbites, des arcades sourcilières étirées, la disposition décalée des oreilles, les rides de vieillesse et d’expression, des joues émaciées avec les pommettes saillantes, la fossette supra-thyroïdienne[N 20] qui constitue une marque individuelle relativement rare, la calvitie avancée avec deux golfes temporaux creusés et masquée par une mèche de cheveux ramenée en avant par vagues successives, des déformations pathologiques (clinocéphalie — aplatissement du sommet du crâne — et hypertrophie bitemporale un peu plus marquée à gauche, signe deplagiocéphalie) probablement liées à un traumatisme à la naissance, enfin la même organisation des boucles de cheveux sur les tempes. Le dessin de profil est identique dans les deux représentations[71].
Parmi les autres portraits antiques de César, deux sont devenus des représentations « canoniques » célèbres à l’époqueaugustéenne, quand se mettent en place lapropagande et l’image officielle du défunt : celui dumusée Chiaramonti auVatican et celui duCamposanto dePise. Dans les deux cas, le visage est allongé, anguleux, les joues sont creuses, les lèvres serrées, la frange horizontale qui efface tout souvenir de la calvitie, ce qui fait penser à une œuvre de propagande augustéenne[72].
↑Les hypothèses se fondant non sur les témoignages mais basées sur lesleges annales descursus honorum, tant deMommsen, qui proposait l'année 102, ou deCarcopino, avec l'année 101 ne sont plus suivies dans la mesure où les divergences relevées par ces auteurs ont trouvé explications. La date du 12 juillet, précisément contextualisée parMacrobe dans sesSaturnales, est largement suivie par les auteurs anciens, à l'exception deDion Cassius qui la fixe le 13, sans pour autant citer de source ; cf.Badian 2009,p. 16 et etGoldsworthy 2006,p. 30.
↑Deux explications supplémentaires ont eu court ; l'une se référant au mot puniquecasai désignant l' « éléphant », l'autre à des « yeux brillants » (occulus caesis) ; voir pour l'ensemble des explicationsAndreas N.Michalopoulos,Ancient Etymologies In Ovid's Metamorphoses : A Commented Lexicon, Leeds, Francis Cairns,(ISBN978-0-9052-0598-4),p. 46-47.
↑Plutarque rapporte sans autres précisions que César encore traqué s'évade et se retire en Bithynie (Plutarque,César, 1), tandis que Suétone donne des détails qui permettent de comprendre pourquoi César se rend en Bithynie (Suétone,César, 2).
↑Plutarque et Suétone sont en désaccord complet sur la chronologie : Plutarque place l'enlèvement par les pirates et les cours de Molon avant le retour de César à Rome et l'affaire Dolabella, tandis que Suétone situe un bref séjour à Rome et le procès Dolabella en premier, puis l'épisode des pirates et les études de rhétorique auprès de Molon.
↑22 000 tables de trois lits selon Plutarque (Vie de César, 60).
↑Lucius Minucius Basilus, Servius Sulpicius Galba et Caius Trebonius sont cités dans l’index de l’édition deMaurice Rat de laGuerre des Gaules, Garnier Flammarion, 1964.
↑Buste découvert en 1825 parLucien Bonaparte, lors des fouilles du forum deTusculum. Conservé au musée archéologique de Turin, le buste est daté de 44 av. J.-C. et pourrait être la représentation la plus fidèle de César, le visage ayant selon une hypothèse pu être réalisé à partir dumasque mortuaire de cire de l'empereur ou d'après le bronze qui en aurait été tiré. Source :Luc Long,Secrets du Rhône : les trésors archéologiques du fleuve à Arles,Actes Sud,,p. 247.
↑Suétone,César 56 : « César a laissé aussi des mémoires sur ses campagnes dans les Gaules et sur la guerre civile contre Pompée. Pour l'histoire des guerres d'Alexandrie, d'Afrique et d'Espagne, on ne sait pas quel en est l'auteur. Les uns nomment Oppius, et les autres Hirtius, qui aurait même complété le dernier livre de la guerre des Gaules, laissé inachevé par César. »
« Appelé en témoignage contre Publius Clodius, qui était à la fois accusé de sacrilège et convaincu d’adultère avec Pompeia, sa femme, il [César] affirma ne rien savoir, quoique sa mère Aurélia et sa sœur Julie eussent fidèlement déclaré aux mêmes juges toute la vérité. »
↑Jean G. Préaux, « Pseudo-Salluste.Lettres à César.Invectives. Texte établi, traduit et commenté par Alfred Ernout »,L'antiquité classique,t. 33,,p. 492-493(lire en ligne).
↑(de)Wilhelm Drumann,Geschichte Roms in seinem Übergang von der republikanischen zur monarchischen Verfassung, oder : Pompeius, Caesar, Cicero und ihre Zeitgenossen [« Histoire de Rome dans sa transition de la constitution républicaine à la constitution monarchique, ou : Pompée, César, Cicéron et leurs contemporains »], Leipzig (6 volumes, avec Paul Groebe), 1899-1929 (réimpr. éditions Olms, Hildesheim, 1964),2eéd. (1reéd. 1834-1844, Kœnigsberg).
↑Jean-Paul Pundel,Histoire de l'opération césarienne. Étude historique de la césarienne dans la médecine, l'art et la littérature, les religions et la législation, Presses académiques européennes,,p. 32.
↑Jean-Paul Pundel,Histoire de l'opération césarienne. Étude historique de la césarienne dans la médecine, l'art et la littérature, les religions et la législation, Presses académiques européennes,,p. 18.
↑a etbFlorence Dupont et Thierry Éloi,L'Érotisme masculin dans la Rome antique, Belin, 2001, « Flamininus, Sylla, César : quelques grandsmolles de la République »,p. 271-292.
↑Eva Cantarella,Selon la nature, l'usage et la loi : La bisexualité dans le monde antique, La Découverte, coll. « Textes à l'appui », 1991,p. 226-230.
↑E. Rosso, « Le portrait tardo-républicain en Gaule méridionale : essai de bilan critique »,Revue archéologique, 50-2, 2010,p. 259-307résumé sur Cairn.info.
↑Luc Long,Secrets du Rhône : les trésors archéologiques du fleuve à Arles,Actes Sud,,p. 244.
↑Luc Long,Secrets du Rhône : les trésors archéologiques du fleuve à Arles,Actes Sud,,p. 241.
Pierre Castel, « La Guerre des Gaules et Jules César : de la réalité aux mythes »,La Revue d'Histoire Militaire, Les Lilas, La Revue d'Histoire Militaire, 2019 (lire en ligne)
La version du 18 août 2007 de cet article a été reconnue comme « bon article », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.