
L'histoire des Juifs en Ukraine est la partie de l’histoire du peuple juif qui se déroule dans les territoires devenus ceux de l'Ukraine et la succession des manifestations dujudaïsme dans lepaysage religieux ukrainien.Tout débute dans leSud-Est où une implantation précoce est attestée dès l’Antiquité (royaume du Bosphore,Crimée,royaume Khazar,Tmoutarakan,Boudjak,Odessa) et où les populations juives sont très diverses (Romaniotes,Karaïtes,Séfarades,Mizrahites,Ashkénazes), puis dans leNord-Ouest où leur histoire commence auXe siècle avec un apogée auXVIe siècle (Union polono-lituanienne,Galicie,Bucovine) et où la population juive est presque entièrementashkénaze, et enfin dans toute l’actuelle Ukraine (incluse dans la « zone de résidence ») où se développent lesdynasties hassidiques et où despogroms se déroulent sous ladomination russe, notamment à partir de l’assassinat du tzarAlexandre II en 1881, qui sert de prétexte à un déchaînement d’antisémitisme (1881-1916).
Durant laSeconde Guerre mondiale, les pertes ukrainiennes civiles totales sont estimées à sept millions dont plus d'un million deJuifs assassinés. Pendant laGuerre froide, la population juive d'Ukraine diminue considérablement. Pendant et après l'effondrement du communisme (années 1990), la majorité des Juifs ukrainiens quittent le pays pour se rendre enIsraël ou ailleurs.
| Population juive ukrainienne | ||
|---|---|---|
| Année | Pop. | ±% |
| 1650 | 40 000 | — |
| 1765 | 300 000 | +650.0% |
| 1897 | 2 680 000 | +793.3% |
| 1926 | 2 720 000 | +1.5% |
| 1941 | 2 700 000 | −0.7% |
| 1959 | 840 446 | −68.9% |
| 1970 | 777 406 | −7.5% |
| 1979 | 634 420 | −18.4% |
| 1989 | 487 555 | −23.1% |
| 2002 | 100 000 | −79.5% |
| 2010 | 71 500 | −28.5% |
| 2014 | 67 000 | −6.3% |
| Source : | ||
Les Juifs ukrainiens se composent d'un certain nombre de sous-groupes ethniques, notamment les Juifsashkénazes, lesJuifs des montagnes, lesJuifs de Boukhara, lesKaraïmes deCrimée, les Juifs deKrymchaks et les Juifsgéorgiens.
L’histoire des Juifs en Ukraine commence auroyaume du Bosphore (438-110 AEC), dans l’Antiquité. Des témoignagesarchéologiques descommerces grecs, puisromains etbyzantins sur le littoral de lamer Noire, attestent la présence de communautésromaniotes de langueyévanique depuis les derniers siècles avant l’ère commune jusqu’auMoyen Âge.
EnCrimée, ils sont attestés dans lethème byzantin de Cherson et dans laprincipauté de Théodoros. Les parties méridionales et orientales de l’actuelle Ukraine, font, auVIIe siècle, partie de l’Empire bulgare puis, auVIIIe siècle, duroyaume Khazar, et passent ensuite sous les dominations desPétchénègues et desPolovtses. Cependant, la population juive n’est plus signalée dans ces territoires après lagrande invasion mongole ettatare duXIIIe siècle. En revanche, elle laisse une empreinte importante àKiev, ville qui avait à la fois un quartier juif et uneporte juive dès leXIe siècle et où untalmudiste,Moshe de Kiev, est mentionné auXIIe siècle. Les Juifs de ces régions,romaniotes de langueyévanique, suivaient encore leTalmud de Jérusalem et non leTalmud babylonien. Ils commerçaient avec l’Empire byzantin.

La migration des Juifs d’Europe occidentale, en particulier de la région deRhénanie, appelésashkénazes (« allemands ») et suivant leTalmud de Babylone, commence auXIIIe siècle et a un grand impact sur la communauté juiveruthène (comme on appelait alors lesUkrainiens) qui atteint son apogée d’abord avec le renforcement de laprincipauté de Galicie-Volhynie puis avec le rattachement de cet état ukrainien à lacouronne polonaise et ainsi à l’Union polono-lituanienne. Les Juifs de Kiev, expulsés à la fin duXVe siècle, viennent alors rejoindre la communauté juive ouest-ukrainienne, qui regroupe à ce moment la majorité du peuple juif.
Après1569, les Juifs sont fréquemment utilisés par l’aristocratie polonaise pour gérer le système d’affermage des propriétés nobiliaires nomméarenda, en vertu duquel ils administrent les grandes propriétés foncières appeléeslatifundia. Dans de tels cas, les Juifs obtiennent le droit exclusif de collecter lestaxes, lespéages, et autresimpôts de lapaysannerie ukrainienne. Beaucoup plus souvent, le contrat porte sur le droit local de propination, le privilège exclusif de ladistillation et de la vente d’alcool, commerce qui s’intègre naturellement avec l’activité d’aubergiste et de prêt avec intérêt.

En1648-1649, les émeutes qui accompagnent la révoltecosaque dirigée parBogdan Khmelnitski déciment les communautés juives d'Ukraine et réduisent en cendres des centres importants deVolhynie,Lituanie etPologne. Dans ces territoires, c'est donc la fin du contrôle de lanoblesse polonaise, de l'Église catholique polonaise et des intermédiaires juifs (« arendaches ») sur les paysans ukrainiens. Le nombre de Juifs tués durant cette période varie selon les sources : 50 000 à 60 000 selon l'historienHenri Minczeles, de 80 à 100 000[11], selon l'historienIlia Tcherikover[12].
Lors dusoulèvement de Khmelnytsky entre 1648 et 1657, une armée de cosaques et deTatars de Crimée traite les Juifs avec une extrême cruauté et sans pitié[13],[14]. L'UkrainienMaksym Kryvonis et ses troupes, qui remportent de nombreuses victoires, sont accusés par les historiens de violences et d'atrocités de toutes sortes - notamment àPolonne et àKremenets, en 1648[15]. Untémoin oculaire et chroniqueur (en) de l'époque décrit les pogroms sanglants deNemirov,Toultchyn,Bar,Ostroh et d'autres villes[13] ; il appelle Khmelnytsky « le persécuteur » en décrivant les malheurs des Juifs, massacrés, ouconvertis de force auchristianisme, ou encore vendus commeesclaves sur lesmarchés deConstantinople[16] - comme c'est également le cas decatholiques romains et dechrétiensuniates tués ou emmenés en captivité. Une complainte debadkhn, l’amuseur traditionnel desmariages juifs, rappelle ces épisodes :
« Leshaïdamaks nous ont massacrés et martyrisés.
Ils tuèrent de jeunes enfants, ils enlevèrent des femmes.
Chmielnicki [Khmelnitski] fendait les ventres et y cousait des chats (à cause de nos péchés !).
Voilà pourquoi nous nous lamentons si fort et t’implorons,
Venge, Seigneur, le sang de tes saints massacrés ! »
— Carole Ksiazenicer-Matheron, Messianisme et intertextualité dansLa Corne du bélier, d'Isaac Bashevis Singer[17].

En raison des meurtres généralisés, les anciens juifs du Conseil deVilna interdisent les réjouissances par un décret du 3 juillet 1661 : ils fixent des limites aux célébrations de mariage, à la consommation publique d'alcool, aux danses du feu, aux mascarades et aux artistes comiques juifs[18].
Les chroniques juives et polonaises de l'époque du soulèvement soulignent le grand nombre de victimes. Dans la littérature historique de la fin duXXe siècle et au début duXXIe siècle, les estimations avancent qu'entre 40 000 et plus de 100 000 Juifs ont été tués[19],[20],[21],[22],[23],[24],[25],[26],[27],[28],[29],[30],[31],[32],[33],[34].
Shaul Stampfer dans son article estime la population à environ 40 000 ; le même chiffre est donné parHenry Abramson dans son article sur « l'Ukraine » (2010), dans l' EncyclopédieYIVO des Juifs d'Europe de l'Est[35]. Même si le pourcentage de victimes parmi les Juifs est nettement plus élevé que parmi toutes les autres catégories de la population[36], les estimations récentes vont de 15 000 à 30 000 Juifs tués ou faits prisonniers, et 300 communautés juives complètement détruites[37]. D'autres historiens considèrent que toute estimation du nombre de morts est de nos jours impossible[38],[11],[39] et l'historien Orest Subtelny conclut que « le soulèvement de Khmelnytsky est considéré par les Juifs comme l'un des événements les plus traumatisants de leur histoire »[39].
Ces pogroms ont contribué à un renouveau des idées du grandkabbalisteIsaac Luria et - à cause des histoires d'atrocités (victimes enterrées vivantes, femmes enceintes éventrées, nourrissons rôtis à la broche, personnes coupées en morceaux ou forcées à s'entre-tuer) répandues dans toute l'Europe et au-delà, qui ont accentué le désespoir des Juifs et leur recherche d'un soulagement - à l'identification deSabbatai Zevi comme leMessie[40].
Khmelnytsky et Kryvonis sont considérés, de nos jours, comme deshéros nationaux, en Ukraine.

LaZone de résidence (russe : черта оседлости ,tcherta osédlosti ;yiddish : דער תּחום-המושבֿ,der tkhum-ha-moyshəv ;hébreu : ְְְּּּוּם הַַּוָָֹֹ ,t'ẖum Hammosháv), instituée par l'impératriceCatherineII de Russie, comprenait les territoires, à forte population juiveashkénaze, acquis par l'Empire russe à l'issue despartages de la Pologne et ducongrès de Vienne (1815) : cette région occidentale de l'Empire a existé de 1791 à 1917, mais ses limites orientales ont parfois été modifiées. Son but était d'empêcher les Juifs devenus russes de s'installer en nombre ailleurs dans l'Empire[41],[42].


La Zone de résidence comprenait toute laBiélorussie, laLituanie et laMoldavie d'aujourd'hui, une grande partie de l'Ukraine et du centre-est de laPologne ainsi que des parties relativement réduites de laLettonie et de l'ouest de lafédération de Russie. Elle s'étendait de la limite orientale (ancienne frontière de laPologne-Lituanie avant les partages de la Pologne), vers l'ouest jusqu'à la nouvelle frontière impériale russe avec leroyaume de Prusse (plus tard l'Empire allemand) et l'Autriche-Hongrie.
Les Juifs qui furent autorisés à vivre en dehors de la Zone de résidence étaient des personnes ayant des études universitaires, anoblies, membres desguildes marchandes les plus aisées,artisans particuliers, militaires ; des services leur sont associés, y compris à leurs familles et parfois à leurs serviteurs. Lesquotas de Juifs existaient dans l'enseignement depuis1886 : le pourcentage d'étudiants juifs ne pouvait dépasser 10 % dans la Zone de résidence, 5 % en dehors de la zone et seulement 3 % dans les métropoles (Moscou, Saint-Pétersbourg et Kiev). Les quotas dans les métropoles seront légèrement augmentés en1908 et1915.
La Zone de résidence composait environ 20 % du territoire de la Russie européenne et correspondait aux terres historiques de l'anciennePologne-Lituanie, duHetmanat cosaque, de l'Empire ottoman (Yedisan), duKhanat de Crimée et de laPrincipauté de Moldavie (Bessarabie)[17].
La vie dans la Zone de résidence était pour beaucoup économiquement modeste (comme cela est évoqué dans le filmUn violon sur le toit et dans les tableaux deMarc Chagall). La plupart des habitants vivaient de petits travaux, de services ou de l'artisanat. La croissance démographique et la violence endémique des pogroms ont entraîné l'émigration, surtout à la fin duXIXe siècle, et surtout vers l'Amérique du Nord.
Le géographeÉlisée Reclus remarque en 1880 qu'en Ukraine, les Juifs« conservent mieux leurs enfants et vivent jusqu'à un âge plus avancé, quoique la plupart d’entre eux soient, comme les artisans polonais, tombés dans le prolétariat : parmi les juifs, comme parmi les chrétiens, les grandes affaires se font à profit de quelques-uns (…) dans l’Ukraine occidentale, on compte plus de vingt mille mendiants israélites » »[43].
Malgré tout, laculture juive, notamment enyiddish, s'est développée dans lesshtetls (petits villages), et la culture intellectuelle s'est développée dans lesyechivot (écoles religieuses) et s'est également propagée à l'étranger, également à travers la musiqueklezmer ou lalittérature.
AuXVIIIe siècle, l'Ukraine est le centre névralgique du mouvement hassidique, et à partir de là, lehassidisme se répand dans toute l'Europe de l'Est. Dans le nord de l'Ukraine, leshassidim de Tchernobyl mènent une activité importante, et dans l'ouest de l'Ukraine, ce sont les hassidim deRoujyn.

Lespogroms qui se dérouleront après l'assassinat du tsarAlexandre II de Russie, de à, feraient presque oublier les trois tragédies qui ont lieu àOdessa en 1821, en 1859 et en 1871. Une première vague de deux cent cinquante-neuf pogroms frappent Odessa, Kiev et égalementVarsovie. Des écrivains témoignèrent de laviolence, desincendies, despillages, desviols.


Un tournant majeur dans l’histoire juive d'Ukraine se produit donc en, quandle tzar russe Alexandre II est assassiné par une grenade lancée par un membre d'unpetit cercle socialiste. Des rumeurs circulent dans tout l’empire russe affirmant que le nouveau tzar,Alexandre III, a donné au peuple le droit de« battre les Juifs » en guise de représailles[44]. La première vague de massacres désignés commepogroms commence et dure jusqu’en 1884, les plus nombreux survenant dans lazone de Résidence, correspondant aux actuelles Biélorussie et Ukraine, où les Juifs étaient les plus nombreux et où, cent ans plus tôt, ilsaffermaient lesgrands domaines fonciers de l’aristocratie polonaisecatholique, domaines où travaillaient lesserfs ukrainiensorthodoxes, que lespopes excitaient contre les « tueurs du Christ » et dont lescosaques s’auto-proclament « défenseurs et vengeurs » (захисники та месники -zakhisniki ta miesniki). Au cours de ces deux années, on rapporte des actes de violence contre les Juifs dans plus de 200 localités[45].
Haïm Nahman Bialik, témoin oculaire des vagues de violence à Odessa le, crie son horreur et son dégoût :
« Lève-toi, va-t-en dans la ville du massacre, viens dans les cours
Voir de tes yeux et palper de tes mains sur les barrières
Et sur les arbres, sur les pierres et le crépi des murs
Le sang coagulé et la cervelle durcie des victimes (...)
Demain la pluie tombera, le charriera dans un fossé, vers les champs
Le sang ne criera plus des puisards ni des haumiers,
Car il sera perdu dans l'abîme ou abreuvera le chardon
Et tout sera comme avant, comme si de rien n'était. »
— Extrait du poèmebe'ir haharegah (en fr.Dans la ville du massacre)
L’ambianceanomique, l’apparente incapacité ou la réelle réticence des autorités russes à contrôler la violence descosaques ou des civils, ont un impact majeur sur les Juifs ukrainiens : certains sereplient sur la religion etleurs communautés, d’autres se tournent vers lesocialisme qui promet l’émancipation et l’égalité, articulé par leBund général et leBund juif[46], d'autres encore émigrent vers l'Amérique, d’autres enfin incarnent les premiers frémissements dusionisme moderne, articulé par le mouvementBilou qui envoie, en 1882, ses premiers émigrants fonder des communautés enPalestine[47].
Plus tard, laJewish Colonization Association prendra le relais, pas seulement vers la Palestine mais vers d’autres destinations[48],[49],[50].

Durant larévolution russe de 1905, des Juifs sont massacrés : l'extrême droite crée lesCenturies noires, plus ou moins soutenues par le gouvernement, pour lutter contre les libéraux, les intellectuels, les socialistes et les Juifs, notamment par l'organisation de pogroms comme ceux deKichinev.
De mars à mai 1915, face à l'armée allemande, le gouvernement expulse des milliers de Juifs des zones frontalières de l'Empire, qui coïncident avec laZone de résidence[17],[51].
Pendant larévolution russe et laguerre civile russe qui a suivi, environ 31 071 juifs sont tués entre 1918 et 1920. Pendant l'établissement de laRépublique populaire ukrainienne (1917–1921)[52], outre lesaccusations de « crimes rituels », des pogroms continuent à être perpétrés sur le territoire ukrainien[53].

Les deux républiques populaires ukrainiennes proclamées en1918,celle de l’ancien Empire austro-hongrois etcelle de l’ancien Empire russe, n’affichent pas de politique contre les Juifs, mais laguerre civile russe et laguerre soviéto-polonaise servent de prétexte à des pogroms extrêmement sanglants : selonNicolas Werth, on estime à 125 000 le nombre de victimes juives de pogroms en Ukraine, entre 1918 et1924.

La pire année fut sans conteste1919. Les pogroms furent commis par les unités armées les plus diverses : troupes débandées russes ou allemandes vivant debrigandage,Russes blancs,atamans ukrainiens agissant pour leur propre compte, détachements de « Verts » (paysans affamés et insurgés) et unités de l’Armée rouge vivant elles aussi de réquisitions[55].
C’est dans ce contexte que prend naissance, chez lesennemis des bolcheviks, lemythe du « judéo-bolchevisme » selon lequel tout Juif est unbolchevik en puissance, un « homme au couteau entre les dents »[56],[57].
Après son annexion par l’URSS en1924, l’Ukraine héberge la moitié de lapopulation juive soviétique[58]. De nombreux dignitaires soviétiques d’origine juive ukrainienne apparaissent, commeLéon Trotski fondateur de l'Armée rouge ouGrigori Zinoviev président du soviet deLeningrad.


Dans laRépublique populaire ukrainienne (1917-1921), leyiddish est une langue d'État avec l'ukrainien et lerusse. À cette époque, l'Union nationale juive est créée et la communauté obtient un statut autonome[60].
Le yiddish est également utilisé sur la monnaie ukrainienne entre 1917 et 1920[61].
Avant laSeconde Guerre mondiale (1939-1945), l'ancienne « Zone » abolie vingt-quatre ans auparavant compte environ cinq millions de Juifs, soit la plus grande concentration de Juifs au monde. Pendant l'occupation par l'Allemagne nazie s'y déroule laplus grande opération planifiée d'assassinats systématiques de Juifs, qui extermine la plus grande partie d'entre eux.
La Seconde Guerre mondiale est particulièrement sanglante en Ukraine. Les Juifs sont spécialement ciblés par lesEinsatzgruppen et leurs supplétifs locaux durant la « Shoah par balles » (exécutions sommaires en masse) : le nombre des victimes est estimé à 1,5 million de personnes[62],[63].Babi Yar (Babyn Yar) à Kiev est le théâtre d'exécutions massives de 1941 jusqu'en 1943 ; jusqu'à 100 000 personnes y sont tuées, parmi lesquelles une majorité de Juifs (34 000 personnes) mais également desRoms, desrésistants et des prisonniers soviétiques[64].Pour de nombreux historiens, le nombre de victimes est sans doute beaucoup plus important que les 1,5 million de personnes estimées, car les recensements depuis 1913 étaient approximatifs, ou pas du tout réalistes, depuis la révolution de 1917 et ses nombreuses crises, dont l'Holodomor.[réf. nécessaire]
En Ukraine encore, sont installés la plupart descentres d’extermination nazis. Enfin plusieurs millions de personnes périssent de faim, de froid et d'épidémies dans lesghettos - la ghettoïsation forcée de tous les Juifs ayant été ordonnée parHeydrich, le chef de lapolice de sécurité SS, dès le 21 septembre 1939. Les rares survivants se trouvent parmi lespartisans ayant pris les armes, ou parmi ceux qui ont pu s'enfuir à temps.

Le « judéo-bolchevisme » n’étant qu’unmythe, un grand nombre de Juifs d’Ukraine a fui le « paradis communiste », dès le lendemain de laPremière Guerre mondiale (étant accueillis enEurope centrale etoccidentale par l’Office Nansen)[65] et également aprèsla Seconde. Beaucoup de Juifs d’origine ukrainienne émigrent ainsi vers lesÉtats-Unis (où un quartier deNew York àBrighton Beach est surnomméLittle Odessa tant ils y sont nombreux) ou vers laPalestine mandataire et ensuite enIsraël (où on les appelleמסורבים - mesuravim).
Divers dignitaires israéliens ont des origines juives ukrainiennes : c’est le cas deZeev Jabotinsky, fondateur de laLégion juive, d’Yitzhak Ben-Zvi, second président d’Israël, du généralMoshe Dayan, vainqueur de laguerre des Six Jours et deGolda Meir,premier ministre israélienne. Le Rabbi du mouvementLoubavitch,Menachem Mendel Schneerson est un des héritiers spirituel d’Yisroel ben Eliezer (leBaal Shem Tov).
L'Ukraine comptait 840 000 juifs en 1959, soit une diminution de près de 70 % par rapport à 1941 (à l'intérieur des frontières actuelles de l'Ukraine). La population juive d'Ukraine diminue considérablement pendant laGuerre froide.
En 1989, la population juive d'Ukraine ne représentait qu'un peu plus de la moitié de ce qu'elle était trente ans plus tôt.
Après ladislocation de l'URSS, au début desannées 1990, environ 250 000 Juifs profitent de leur nouvelleliberté de circulation pour s’installer à leur tour en Israël ou ailleurs[66].


En Ukraine auXXIe siècle, lacommémoration de ces crimes est difficile, car lesnazis ont utilisé, pour exterminer les Juifs, des milices ukrainiennes anticommunistes, alliées à eux par rejet dustalinisme. Après ladislocation de l'URSS, la doctrine soviétique officielle selon laquelle les nazis et lescollaborateurs ont commis des crimes contre « des citoyens soviétiques » en tant que bons communistes et pas en fonction de leurs religions ouorigines ethniques, s’est effondrée. À sa place, une « concurrence des mémoires » s’est instaurée entre la « Shoah par balles » et les crimes soviétiques subis par l’Ukraine auXXe siècle, comme laterreur rouge, lesgrandes purges et lesfamines soviétiques. Dans ce contexte délétère, une partie des Ukrainiens voient leurs nationalistes, y comprisles collaborateurs, comme des héros qui ont osé s’opposer àStaline, en occultant « pudiquement » les massacres auxquels ils ont pu participer, réduits au statut de « dégâts collatéraux », quand ils ne sont pas simplement et purement « justifiés » par lemythe du « judéo-bolchevisme » remis « au goût du jour »[67].
Depuis 2001, la population juive d'Ukraine ne cesse de baisser. Elle était estimée cette année-là entre 56 000 et 140 000 personnes. En novembre 2007, environ 700rouleaux de la Torah précédemment confisqués aux communautés juives pendant le régime communiste de l'Union soviétique sont restitués aux communes juives d'Ukraine par les autorités de l'État[68].
En 2010, selon le Rapport sur la population juive mondiale, l'Ukraine ne compte plus que 71 500 Juifs, devenant la onzième plus grande communauté juive du monde. La majorité desJuifs ukrainiens vit dans les plus grandes villes d'Ukraine :Kiev,Dnipro,Odessa etKharkiv[69]. À cette époque, desgraffitis antisémites et la violence contre les Juifs restent toujours un problème en Ukraine[70].

Lors des élections parlementaires ukrainiennes de 2012, l'Union panukrainienne "Svoboda" remporte ses premiers sièges auParlement ukrainien, recueillant 10,44% du vote populaire et le quatrième plus grand nombre de sièges parmi les partis politiques nationaux[71]. Cela suscite des inquiétudes parmi les organisations juives tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Ukraine qui ont accusé Svoboda de sympathies ouvertementnazies et d'antisémitisme[72]. La même année, le journaliste et députéIgor Miroshnichenko (en), membre de ce parti, traite l'actriceMila Kunis, d'origine ukrainienne, de « sale juive » (« zhydovka », terme à consonance nazie) après qu'elle a évoqué l'antisémitisme qui a fait fuir sa famille d'Ukraine[73],[74],[72]. En mai 2013, leCongrès juif mondial répertorie le parti commenéo-nazi bien que Svoboda lui-même ait nié être antisémite.
La même année, leMenorah Center ouvre ses portes àDnepropetrovsk ; cet établissement de22 étages et sept tours comprend un hôtel, une salle de banquet, des salons, des bureaux et un musée juif.

En 2014, l'Ukraine tente de se dégager de l'emprise russe avec le renversement du présidentViktor Ianoukovytch. Les médias israéliens ou juifs ont constaté l'implication dans ces actions de quelques Juifs ukrainiens, parfois anciens deTsahal[75],[76]. La Russie réagit en soulevant lesrussophones d'Ukraine : c'est laguerre du Donbass. Pendant ce conflit, il n'y a pas d'exactions contre les Juifs, mais de nombreux Juifs fuient les zones de combats ou l'antisémitisme ambiant[77] et envisagent de s'installer en Israël pour effectuer leuralya[78],[79]. Cependant, le grand rabbin et émissaire deChabad à Kiev, le rabbin Jonathan Markovitch, affirme en avril 2014 : « Aujourd'hui, vous pouvez venir à Kiev,Dnipro ouOdessa et marcher dans les rues ouvertement habillé en juif, sans rien avoir à craindre »[80]. Le, ce sont environ 250 Juifs ukrainiens qui y émigrent[81].
Le, après la démission d'Arseni Iatseniouk,Volodymyr Hroïsman est désigné Premier ministre par le présidentPetro Porochenko[82]. Le, sa nomination est approuvée par laRada[83]. Volodymyr Hroïsman est la première personne ouvertement juive à êtrePremier ministre ukrainien. Il est aussi le plus jeune Premier ministre ukrainien de l'histoire[84].
Le,Volodymyr Zelensky, autrejuif russophone, est éluprésident de l'Ukraine[85], ce qui inquiète certains membres de la communauté juive ukrainienne :« il ne devrait pas se présenter car nous aurons à nouveau des pogroms ici si les choses tournent mal »[86].
Lors de l'invasion russe de l'Ukraine de février 2022 - dont l'une des raisons serait de« dénazifier» l’Ukraine, notamment de son chef d'État (Juif lui-même)[87] -, la tour de télévision à Kiev, mitoyenne du site mémorial deBabi Yar, est touchée par une frappe russe[64]. Lecentre Menorah de Dnepropetrovsk devient un centre d'aide humanitaire pour de nombreux réfugiés venus des zones de combat[88]. Des milliers de Juifs fuient le pays[87],[89].