Cet article est uneébauche concernant laculture juive ou lejudaïsme.

Le judaïsme orthodoxe moderne (aussi appelé orthodoxie moderne) est un mouvement au sein du judaïsme orthodoxe qui cherche à synthétiser les valeurs juives et le respect de la loi juive avec le monde moderne[1].
L'orthodoxie moderne s'appuie sur plusieurs enseignements et philosophies, ce qui lui confère diverses formes. Aux États-Unis, et plus généralement dans le monde occidental, l'orthodoxie centriste, fondée sur la philosophie deTorahOumada (« Torah et savoir profane »), est dominante. En Israël, l'orthodoxie moderne est principalement influencée par le sionisme religieux. Bien que ces mouvements ne soient pas identiques, ils partagent de nombreuses valeurs et comptent de nombreux adeptes en commun[2].
L'orthodoxie moderne englobe un spectre assez large de mouvements ; chacun d'eux s'appuie sur plusieurs philosophies distinctes, mais liées, qui, sous diverses combinaisons, constituent la base de toutes les variations du mouvement aujourd'hui.
De manière générale, l'orthodoxie moderne adopte une approche fondée sur la conviction que l'on peut et doit être un membre à part entière de la société moderne, en acceptant les risques liés à l'observance religieuse, car les bénéfices l'emportent sur ces risques[3]. Les Juifs doivent interagir de manière constructive avec le monde qui les entoure afin de favoriserla bonté et la justice, tant en eux-mêmes qu'au sein de la communauté au sens large, notamment en évitant lepéché dans leur vie personnelle tout enprenant soin des plus démunis.
Ainsi, l'orthodoxie moderne considère que la loijuive est normative et contraignante, tout en valorisant positivement l'interaction avec le monde moderne. Selon cette perspective, telle qu'exprimée par le rabbin Saul Berman[4], le judaïsme orthodoxe peut « être enrichi » par son intersection avec la modernité ; en outre, « la société moderne crée des opportunités d’être des citoyens productifs engagés dans l’œuvre divine detransformation du monde pour le bien de l’humanité ». Toutefois, afin de préserver l’intégrité de lahalakha, toute « contradiction ou conflit profond » entre la Torah et la culture moderne doit être écarté.
L'orthodoxie moderne accorde également un rôle central au « peuple d'Israël »[5]. Deux caractéristiques s'en dégagent : en général, l'orthodoxie moderne attribue une importancenationale et religieuse élevée à l'État d'Israël, et ses institutions ainsi que ses adhérents sont généralementsionistes ; par ailleurs, les relations avec les Juifs non orthodoxes ne se limitent pas au« kirouv » (rapprochement religieux) mais incluent également des relations institutionnelles et des coopérations.
Parmi les autres « principes fondamentaux »[3] figurent la reconnaissance de la valeur et de l'importance des études séculières, un engagement en faveur de l’égalité dans l’éducation des hommes et des femmes, ainsi qu’une acceptation pleine et entière de l'importance de subvenir à ses propres besoins et à ceux de sa famille.
L'orthodoxie moderne se manifeste de diverses manières et, en particulier au cours des 30 à 40 dernières années, s'inscrit dans unspectre politique[3]. Parmi les questions débattues figurent son degré de coopération avec les courants juifs plus libéraux, la place des études académiques séculières aux côtés de l’apprentissage religieux, ainsi que l'élargissement du rôle des femmes dans l'étude et la pratique du judaïsme. L'usage de lacritique textuelle moderne comme outil d’étude de la Torah fait également l’objet de discussions[6].
Àdroite du spectre idéologique, la frontière entre le mondeharedi et l’orthodoxie moderne s’est estompée ces dernières années ; certains ont qualifié cette tendance de "haredisation"[7]. En plus d’une application plus stricte de laHalakha, de nombreux Juifs orthodoxes modernes expriment un sentiment croissant de distance vis-à-vis de la culture séculière dominante[7],[8] (« La civilisation occidentale est passée de ce que l’on appelait autrefois l’éthiquejudéo-chrétienne à une culture axée sur laconsommation et obsédée par lechoix... Un tel monde n’est pas simplement khol (profane), mais chiloni (laïc) ; il n’est pas seulement séculier, mais séculariste. Il est imperméable aux valeurs dekedushah (sainteté). »[9]) Ici, l’équilibre s’est nettement déplacé en faveur de la Torah au détriment du madda (les études séculières), et pour beaucoup, madda a été redéfini comme un simple moyen de gagner sa vie dans le monde séculier, sans véritable engagement culturel ou intellectuel avec celui-ci[7]. Bien que se définissant comme "centristes", les institutions associées à cette tendance incluent l’Union Orthodoxe (Union of Orthodox Jewish Congregations of America), le Rabbinical Council of America, et leRabbi Isaac Elchanan Theological Seminary.
Les adeptes situés àgauche du spectre idéologique ont commencé à développer de nouvelles institutions visant à s’ouvrir sur le monde tout en maintenant un dialogue entre la modernité et laHalakha. Ce courant cherche à renouer avec les études séculières, à interagir avec les Juifs de toutes dénominations et à s’impliquer dans les enjeux mondiaux. Certains membres de ce mouvement ont exploré des formes d’égalitarisme orthodoxe, où des solutions à l’égalité des genres sont recherchées à travers laHalakha. Cela a conduit àune plus grande implication des femmes dans des rôles de leadership religieux. D’autres, au sein de cette tendance, s’engagent de plus en plus dans des questions de justice sociale sous un prisme halakhique. Parmi les institutions et initiatives associées à cette mouvance figurent laYeshivat Chovevei Torah, le Shalom Hartman Institute, le Hebrew Institute of Riverdale, le Partnership minyan, Shira Hadasha, Yeshivat Maharat, ou le mouvement Ayeka en France[10].
Le judaïsme orthodoxe moderne trouve ses racines dans les œuvres desrabbinsAzriel Hildesheimer (1820–1899) etSamson Raphael Hirsch (1808–1888). Aujourd’hui, ce courant est particulièrement influencé par la pensée du rabbinJoseph B. Soloveitchik et par la philosophie associée du Torah Oumada, ainsi que par les écrits du rabbinAbraham Isaac Kook. (Lesionisme religieux, bien qu'étant une philosophie distincte à proprement parler, exerce néanmoins une influence indirecte.)
La philosophie du Torah im Derech Eretz (תורה עם דרך ארץ – « la Torah avec la ‘voie du monde’/la société »), développée par le rabbin Samson Raphael Hirsch, est une approche du judaïsme orthodoxe qui formalise la relation entre l'observance halakhique et le monde moderne[11]. Hirsch considérait que le judaïsme exige l'application de la philosophie de la Torah à toutes les sphères du savoir et de l'activité humaine compatibles avec elle. Ainsi, l'éducation séculière devient un devoir religieux à part entière. Il écrivait : « Le judaïsme n'est pas un simple complément à la vie ; il englobe toute la vie… dans la synagogue et la cuisine, dans les champs et les entrepôts, au bureau et sur la chaire… avec la plume et le ciseau. »[12] Bien que sa vision ne soit pas sans nuances, Hirsch prônait une ouverture aux sciences, ainsi qu’à la littérature, la philosophie et la culture allemandes.
Le mouvement néo-orthodoxe, issu de la communauté de Hirsch à Francfort, se considère idéologiquement distinct de l’orthodoxie moderne contemporaine.
Le rabbinAzriel Hildesheimer, tout comme le rabbin Hirsch, insistait sur le fait que les Juifs orthodoxes vivant en Occident ne devaient pas se retrancher derrière des murs de ghetto. Au contraire, l'éducation juive moderne devait leur apprendre à affronter et à gérer la modernité sous tous ses aspects[13]. Son approche, appeléeorthodoxie cultivée, était définie comme une« adhésion inconditionnelle à la culture de son époque, une harmonie entre le judaïsme et la science, mais aussi une fidélité absolue à la foi et aux traditions du judaïsme. »
Cependant, Hildesheimer était davantage un pragmatique qu'un philosophe, et c’est son action plutôt que sa pensée qui s’est institutionnalisée dans l’orthodoxie moderne[14]et qui continue d’influencer ce courant aujourd’hui. Parmi ses réalisations majeures :
Le Torah Oumada (תורה ומדע – « Torah et savoir profane ») est une philosophie qui traite de la relation entre le judaïsme et le monde séculier, en particulier entre le savoir juif et le savoir profane. Elle prône une « synthèse » personnelle — plutôt que philosophique — entre l’étude de la Torah et les connaissances occidentales, impliquant également un engagement positif dans la société au sens large. Ainsi, « l’individu absorbe les attitudes caractéristiques de la science, de la démocratie et de la vie juive, et y réagit de manière appropriée dans divers contextes et relations. »[15]
Telle qu’elle est formulée aujourd’hui, cette philosophie est en grande partie issue des enseignements et de la pensée durabbin Joseph B. Soloveitchik (1903–1993),Rosh Yeshiva à laYeshiva University. Dans sa vision, le judaïsme, qui affirme que « le monde est très bon »[16], engage l’homme dans letikkoun olam (la réparation du monde). L’Homme halakhique (Halakhic Man) doit ainsi tenter d’apporter la sainteté et la pureté du domaine transcendant dans le monde matériel[17].
L’orthodoxie moderne s’appuie sur les enseignements du rabbinAbraham Isaac Kook (1864–1935) ainsi que sur les écrits et interprétations de son fils, le rabbinZvi Yehuda Kook (1891–1982), tant en ce qui concerne leur vision dupeuple juif que leur approche des interactions avec le monde séculier.
EnIsraël, lesionisme religieux du courantDati Leoumi (דתי לאומי – « national-religieux ») est la principale forme d’orthodoxie moderne. Là encore, la base idéologique repose largement sur les enseignements du Rav Kook[8], ce qui entraîne de nombreuses convergences, bien que des différences philosophiques subsistent.
Bien qu’il existe un débat sur la manière précise de distinguer l’orthodoxie moderne dujudaïsme haredi, on s’accorde généralement sur trois caractéristiques majeures[19] :
Une quatrième différence suggérée concerne l’acceptabilité de la modération dans laloi juive. Tant l’orthodoxie moderne que l’ultra-orthodoxie considèrent la halakha comme d’origine divine et ne prennent donc aucune position qui ne soit justifiée dans leChoulhan Aroukh et chez lesAharonim. Cependant, ces mouvements divergent quant à leur approche des 'houmrot (rigueurs) et des koulot (assouplissements). L’orthodoxie moderne estime que les 'houmrot ne sont pas normatives mais relèvent du choix personnel[20],[21],[22] ; « sévérité et indulgence ne sont pertinentes qu’en cas de doute factuel, et non dans des situations de débat ou de diversité de pratique. Dans ces derniers cas, la conclusion doit se fonder uniquement sur l’analyse juridique » Toutefois, ces dernières années, de nombreux juifs orthodoxes modernes sont décrits comme étant « de plus en plus rigoureux dans leur observance de la loi juive »[7]. Du point de vue haredi, en revanche, la position la plus stricte est la plus susceptible d’assurer l’unité et l’uniformité des pratiques au sein de la communauté orthodoxe, et doit donc être privilégiée. De plus, une telle rigueur assure avec le plus de certitude que la volonté de Dieu est accomplie. Ainsi, le judaïsme haredi a tendance à adopter les 'houmrot comme norme.
Il est également question de l’acceptation du concept de Da’at Torah – c’est-à-dire la mesure dans laquelle les juifs orthodoxes doivent consulter les érudits rabbiniques non seulement pour les questions de loi juive, mais aussi pour toutes les décisions importantes de la vie. La plupart des dirigeants rabbiniques du mondeharedi considèrent ce concept comme indissociable de la tradition juive ancestrale. En revanche, de nombreux rabbins et érudits de l’orthodoxie moderne estiment qu’il s’agit d’un développement moderne résultant des changements dans la vie communautaire juive au XIXe siècle[23]. Ainsi, bien que la notion de Da’at Torah soit perçue par les rabbins haredim comme une tradition ancienne du judaïsme, les chercheurs orthodoxes modernes soutiennent que cette affirmation est révisionniste. Selon eux, bien que le terme Da’at Torah ait été utilisé dans le passé, l’idée d’une autorité rabbinique absolue sous cette appellation n’est apparue qu’après la création du parti Agoudat Israël en Europe de l’Est[24].
Une autre divergence concerne la place des femmes dans l’orthodoxie. Le judaïsme haredi impose généralement une séparation plus stricte entre les genres et pratique souvent un placement distinct même lors d’événements hors de la synagogue. Les haredim ont des écoles séparées pour les garçons et les filles (dès le plus jeune âge), et les femmes haredim suivent un code vestimentaire (tsniout) plus strict. Dans le monde de l’orthodoxie moderne, cependant, les hommes et les femmes interagissent davantage, et lamekhitsa (cloison de séparation entre les hommes et les femmes) ainsi que le placement distinct sont généralement limités à la synagogue. De nombreuses écoles orthodoxes modernes sont mixtes. Toutefois, dans les deux courants religieux, on respecte les exigences halakhiques fondamentales, qui interdisent le contact physique entre les genres et imposent certaines normes minimales detsniout.
Tant l'orthodoxie moderne que la néo-orthodoxie, le mouvement directement issu de la communauté de Hirsch à Francfort, ont combiné la Torah et la connaissance séculière avec la participation à lavie contemporaine occidentale. Ainsi, certains soutiennent qu'il existe un certain chevauchement pratique et philosophique entre les deux mouvements. Cependant, ces mouvements restent distincts, et en général, la néo-orthodoxie adopte une approche plus mesurée que l'orthodoxie moderne, insistant sur la nécessité pour les adeptes d'exercer une prudence dans leurs engagements avec le monde séculier.
Les différences entre les mouvements ne relèvent pas uniquement d'une question de degré : certains chercheurs de Hirsch soutiennent que la philosophie hirschienne est en contradiction avec celle de l'orthodoxie moderne[25], tandis que certains érudits de l'orthodoxie moderne affirment que celle-ci correspond à la vision du monde de Hirsch[26]. Ces distinctions philosophiques, bien que subtiles, se manifestent par des attitudes religieuses et des perspectives nettement divergentes. Par exemple,Shimon Schwab, deuxième rabbin de la communauté Torah Im Derekh Eretz aux États-Unis, a été décrit comme étant "spirituellement très éloigné" de l'Université Yeshiva et de l'orthodoxie moderne[19].
Du point de vue de la néo-orthodoxie, ce mouvement diffère de l'orthodoxie moderne (et en particulier de l'orthodoxie centrée) sur trois points principaux[25].
Lesionisme religieux, dans sa définition large, est un mouvement qui adhère à l'idée de lasouveraineté nationale juive, souvent en lien avec la croyance en la capacité du peuple juif à instaurer unétat rédempteur par des moyens naturels, et attribuant fréquemment une signification religieuse àl'État d'Israël moderne. Les penseurs spirituels à l'origine de cette idéologie incluent le rabbinTzvi Hirsh Kalisher(1795–1874) et le rabbinYitzchak Yaacov Reines (1839–1915). Ainsi, dans ce sens, le sionisme religieux englobe en réalité un large éventail de perspectives religieuses, y compris l'orthodoxie moderne[29].
Cependant, l’orthodoxie moderne recoupe largement lesionisme religieux dans son acception plus restreinte (« Partout dans le monde, une 'école sioniste religieuse' est synonyme d’une 'école orthodoxe moderne' »[30]). Ces deux courants ne sont donc pas en opposition directe et coexistent généralement[2], partageant des valeurs communes ainsi qu’une partie de leurs adhérents. Par ailleurs, en Israël, les différences entre l’orthodoxie moderne et le sionisme religieux sont souvent minimes, en particulier ces dernières années et parmi la jeune génération[31].
Néanmoins, ces deux mouvements se distinguent philosophiquement sur deux points majeurs.
En Israël aujourd’hui, l’orthodoxie moderne, distincte du sionisme religieux dans ses tendances les plus nationalistes, est représentée par un nombre limité d’institutions, parmi lesquelles le Mouvement des kibboutz religieux, Ne’emanei Torah Va’Avodah[33], leparti Meimad, l’Institut Shalom Hartman, la Yeshivat Har Etzion / Migdal Oz, ainsi que la Yeshivat Hamivtar et les institutions Ohr Torah Stone / Midreshet Lindenbaum. Certains incluent également la Yeshivat Hesder Petah Tikva, la Yeshivat Ma’ale Gilboa et la fondation Tzohar[34].
Dans certains contextes, l’aile gauche de l’orthodoxie moderne semble se rapprocher des éléments les plus traditionnels dujudaïsme massorti. Certains représentants de cette tendance ont noué des alliances avec l’Union pour le judaïsme traditionnel, autrefois affiliée au mouvement massorti. Néanmoins, ces deux courants restent généralement considérés comme distincts. Le rabbin Avi Weiss, issu de l’aile gauche de l’orthodoxie moderne, souligne que l’orthodoxie et le judaïsme conservateur sont « fondamentalement différents sur trois points essentiels : la Torah mi-Sinaï, l’interprétation rabbinique et la législation rabbinique »[35].
Les orthodoxes modernes se réfèrent souvent aux figures et concepts suivants :
Institutions se réclamant de l’orthodoxie moderne :Union orthodoxe (OU),Rabbinical Council of America (en) (RCA) etYeshivat Chovevei Torah aux États-Unis,Meimad enIsraël, ainsi que l’Alliance féministe du judaïsme orthodoxe (JOFA).
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