Ne doit pas être confondu avecAntisémitisme ouAntijudaïsme.
Lajudéophobie est, littéralement, la « peur du Juif » ou la « peur dujudaïsme ». C'est une expression forgée à la fin duXIXe siècle, réapparue durant lesannées 1990 pour désigner des formes d'opposition à lacommunauté juive se définissant selon une forme floue dans une gamme de rejets allant de l'antisémitisme à l'antijudaïsme, issus notamment des tensions suscitées par leconflit israélo-palestinien (dans cette optique, judéophobie renvoie àislamophobie).
Il convient toutefois de relever que le mot employé couramment pour la discrimination à l'égard des juifs estantisémitisme et non pas judéophobie.
Ce terme est initialement forgé par le penseur russo-polonaisLeon Pinsker en 1882 dans un essaiproto-sioniste expliquant l'origine de l'antisémitisme européen et encourageant l'émancipation et l'autodétermination du peuple juif comme réponse, entre autres, auxpogroms et à la montée en puissance des écrits antisémites[1]. L'emploi du mot devient commun, en France, sous laBelle Époque, pour dénoncer l'attitude antisémite obsessionnelle d'une certaine presse ; ainsi,LeXIXe siècle écrit, en 1911 :
« En dehors de sa judéophobie originelle,La Libre Parole montre quotidiennement une haine profonde de la République et de son Gouvernement[2]. »
Si l'expression a été forgée à cette époque, selon David Saada l'existence de la judéophobie remonte à l'antiquité. Dans la Torah de nombreux personnages furent de grands persécuteurs du Peuple Juif, mais les premiers textes judéophobes apparurent notamment dans les écrits d'Apion, premier écrivain judéophobe connu[3].
Le réemploi de cette expression cherche à vraisemblablement marquer la différence entre l'antisémitisme issu du contexte sociopolitique international contemporain (ce qui permet de tenir compte de l'antisionisme) et l'antisémitisme radical associé au régimenazi et à une problématiqueethnique.[réf. nécessaire]
Son usage est popularisé par la publication en 2002 d'un essai dupolitologue ethistorien des idéesPierre-André Taguieff intituléLa Nouvelle Judéophobie suivi, en 2004, dePrêcheurs de haine. Traversée de la judéophobie planétaire. Dans le premier essai, Taguieff définit la judéophobie comme :
« l'ensemble des formes historiques prises par la haine des Juifs, et plus largement par toutes les passions, croyances et conduites antijuives dont les manifestations furent (et sont) les violences, physiques ou symboliques, subies par le peuple juif. »
Il définit l'antisémitisme comme« la forme racialiste prise par la judéophobie au cours de la seconde moitié duXIXe siècle, dans le cadre des doctrines racialistes fondées sur l'opposition Aryens/Sémites[4],[5] ».
Cette construction de néologisme à partir de la racinephobie, qui possède enpsychiatrie etpsychanalyse une connotation depeur bloquante, irrationnelle, d'angoisse impossible à maîtriser à propos d'un objet donné, est critiquée par certains commentateurs commePhilippe Muray[6] ou le psychanalysteDaniel Sibony[7].
Selon l'universitaireBassam Tibi, d'après ses travaux surHannah Arendt etBernard Lewis,« tandis que la judéophobie est de la haine et des préjugés, l'antisémitisme est une idéologiegénocidaire qui identifie les Juifs au mal et appelle à leur éradication[8]. » Il rappelle également qu'« historiquement, il existe de la judéophobie dans l'Islam, mais pas d'antisémitisme »[8] et l'islamisation de l'antisémitisme européen est récent[8].
« Je suis frappé depuis quelques années par l'opération de médicalisation systématique dont sont l'objet tous ceux qui ne pensent pas dans la juste ligne : on les taxe de phobie. »
« Que fait-on en parlant de “phobie” ? On prétend, en pointant ces “phobies”, interdire aux gens d'avoir telle ou telle peur. Mais peut-on interdire d'avoir peur ? […] »