Elle désigne unelangue littéraire utilisée par les savants, « très dépendante de l'arabe classique coranique »[1], transcrite encaractères hébraïques, relativement uniforme à travers des communautés juives des pays de languearabe. De nombreux ouvrages de philosophie, d’exégèse, de grammaire, delexicographie, de médecine, etc. sont écrits en judéo-arabe littéraire ;
Elle désigne unetraduction arabe mot à mot de laBible ou de la littérature paraliturgique : c’est le « judéo-arabecalque », comme il existe unjudéo-espagnol calque, unjudéo-allemand calque, unjudéo-perse calque etc. « Cette langue présente un caractère artificiel en raison de sa fidélité extrême, notamment sur la plan syntaxique, à l'original hébraïque »[2]. Le modèle historique de ce judéo-arabe calque, appelésharh (en arabe, « traduction ») est la traduction littérale de la Bible en arabe parSaadia Gaon auXe siècle ;
Elle désigne un néo-judéo-arabe apparu dans lapresse enAfrique du Nord à la fin duXIXe siècle et au début duXXe siècle. Aussi bien le judéo-arabe parlé (dialectal) que le judéo-arabe littéraire (classique) ne suffisaient pas pour rendre compte de certaines réalités modernes. Les rédacteurs de journaux ont donc été amenés à opérer une rénovation linguistique, en suivant deux voix différentes :« ceux deTunisie ont forgé une nouvelle variété de langue, le néo-judéo-arabe moyen, en puisant des structures lexicales et syntaxiques dans lapresse arabe et dans lalittérature narrative orale arabo-musulmane post-classique, alors que ceux d’Algérie et duMaroc ont multiplié les empruntsnéologiques auxlangues européennes et à l’hébreu classique et moderne pour pallier le déficit lexical du judéo-arabe quotidien et littéraire[3] ».
Parchemin écrit notamment (au verso) avec des caractères hébraïques (aljamiat[4]), faisant référence à l'obligation signée par Pericó Sartre, fils de feu Berenguer Sartre, de la commune de La Pineda (près deVila-seca enTarragone), de 110(ca)sous catalans de Barcelone, monnaie de tern[5],[6], en faveur de Conort, épouse de Bunist Barçelay,Juif deTarragone, le 3 octobre 1309
Lesdialectes judéo-arabes (al Yahudiyya) furent parlés dans lapéninsule arabique, avant même lesconquêtes islamiques. Il n'est pas certain que celles-ci aient contribué directement à leur propagation, bien qu'elles se soient accompagnées de migrations deJuifs arabes qui ont perpétué dans leurs terres d'accueil l'usage du judéo-arabe. Les dialectes naquirent pour la plupart par adoption puis adaptation de la langue des conquérants arabes.
Page manuscrite en arabe, écrite en employant l'alphabet hébraïque, Maïmonide,XIIe
Nombre de textes fondamentaux de lapensée juive médiévale furent à l'origine rédigés en judéo-arabe « classique », de même que certains ouvrageshalakhiques et que certainscommentaires bibliques. Ce n'est que plus tard qu'ils furent traduits enhébreu médiéval, principalement par les communautés juives provençales, en particulier celle deLunel, et purent être lus en Europe par les juifsashkénazes.
Parmi les œuvres les plus notables :
l'Emounot vedeot deSaadia Gaon, sonTafsir (commentaire biblique sous forme de traduction), et sonsiddour (pour les portions explicatives, les prières étant rédigées en hébreu ou enaraméen) ;
Parmi lesjournaux tunisiens en judéo-arabe moderne, il faut citer l’hebdomadaireAl-Bustan (Le Verger) (1888-1894) dirigé parJacob Chemla (1858-1938) et Mascud Macarek (1861-1947), ainsi queAl-Najma (L’Étoile), publié àSousse par Makhlouf Nadjar pendant quarante ans (1921-1961), le dernier hebdomadaire judéo-arabe d’Afrique du Nord[3].
AuMaroc, Salomon Benaioun a fait paraître àTanger un journal judéo-arabe qui eut différents titres, comme‘Or le-Yisra’el (Lumière d’Israël), etMebasser Tob (L’Annonciateur de bonnes nouvelles)[3].
EnAlgérie, « c’est àOran qu’a été publié en 1881 ce qui peut être considéré comme le premier organe de presse judéo-arabe, à savoir la feuilleZikkaron Li-bnei Israel (Remembrance pour les Enfants d’Israël) »[3].
Dans les années qui suivirent laguerre israélo-arabe de 1948, la plupart des Juifs arabophones résidant enpays arabe émigrèrent, principalement pour laFrance,Israël et leCanada. Leurs dialectes judéo-arabes dépérirent dans ces nouveaux pays, et sont de nos jours menacés d'extinction, la quasi-totalité des descendants de ces Juifs ayant aujourd'hui lefrançais, l'hébreu moderne ou l'anglais commelangue maternelle.
Shir HaShirm (Cantique des Cantiques) en hébreu suivi d'une traduction en araméen et d'un commentaire en judéo-arabe, probablement de la communautébaghdadi deCalcutta (Inde), 1841
À l'instar du monde arabe en général, le dialecte des Juifs arabophones variait en fonction de leur lieu de résidence, dans des proportions plus importantes que les variations entre les différents dialectesjudéo-espagnols oujudéo-allemands. Par exemple, la langue desJuifs de la côte septentrionale du Maroc n'est pas un dialecte judéo-arabe maisjudéo-espagnol, appeléladino occidental ouhaketia, leladino oriental étant leladino desBalkans. Les Juifs du Maroc parlent une variante juive de l'arabe marocain, appeléejudéo-marocain, pour laquelle il existe maintenant un dictionnaire publié sur Amazon : "Imma Hbiba, Dictionnaire français-judéomarocain".
en partie, du fait d'emprunts à l'hébreu ou à l'araméen, principalement dans les domaines culturels et rituels, mais aussi dans laphonologie, lamorphologie, et lasyntaxe. Par exemple :
leila arabe était souvent utilisé paranalogie au marqueur direct hébreu d'objetett ;
deslocutions typiquement arabes entrecoupées d'hébreu, comme ליגי וקת אל משיחLi iji oukt al'Mashiah (« afin que letemps du Mashiah arrive ») ;
à l'inverse des locutions typiquement hébraïques oujudéo-araméennes entrecoupées d'arabe comme בנאדר ברקBnadir Braq (en judéo-arabe : « Bnei Brak ») ;
uneprononciation de mots ou noms hébreuxarabisée commeMassa pour « matsa » ; à moins qu'il s'agisse d'une conservation de la prononciationhébraïque ou araméenne antique du צ, la réalisation [ts] de l'hébreu moderne étant probablement une innovation européenne),Amin[réf. souhaitée] pour « amen » ;
une prononciation de mots ou noms arabes hébraïsée :Zenzlane pourJenjlane (« sésame »), le sonJ n'existant pas en hébreu[8] ;
et d'autre part, du fait de leur géographie reflétant l'histoire desmigrations juives. Par exemple, le judéo-arabe desJuifs d'Égypte, y compris des Juifscairotes, ressemblait au dialectealexandrin, qui est plus proche de l'arabe maghrébin que de l'arabe égyptien. De même, l'idiome desJuifs de Bagdad ressemblait davantage à l'arabe deMossoul et en général des parlers arabes de la vallée supérieure duTigre et d'Anatolie, qu'à l'arabe irakien. Par exemple, « J'ai dit » se ditqeltu dans le dialecte des Juifs et deschrétiens d'Irak, comme dans les parlers de la haute vallée du Tigre, tandis que lesMusulmans disentgilit comme dans les dialectesbédouins de lapéninsule arabique (ce phénomène s'expliquerait par une bédouinisation récente des parlers des musulmans d'Irak, tandis que les parlers des communautés chrétiennes et juives conserveraient un état linguistique plus ancien de l'Irak, marqué d'influencesaraméennes).
Expressions usuelles dans un dialecte judéo-arabe : le judéo-marocain
↑J.-Ch. Attias, E. Benbassa,Dictionnaire de civilisation juive, Larousse, 1997, article« Littérature judéo-arabe »,p. 164.
↑J.-Ch. Attias, E. Benbassa,Dictionnaire de civilisation juive, Larousse, 1997, article« Littérature judéo-arabe »,p. 164
↑abc etdJoseph Chetrit, « Rénovation linguistique et resémiotisation du monde : la presse judéo-arabe d’Afrique du Nord en quête d’une langue journalistique »,Cahiers de la Méditerranée [En ligne], 85 | 2012, mis en ligne le 14 juin 2013, consulté le 02 janvier 2018. URL :http://journals.openedition.org/cdlm/6718
↑a etbMartine Berthelot,« Glossaire », dansJuifs de Catalogne : Et autres contributions à l’étude des judaïsmes contemporains / I altres contribucions a l’estudi dels judaismes contemporanis, Presses universitaires de Perpignan,coll. « Études »,(ISBN978-2-35412-223-2,lire en ligne),p. 347–355
Joshua Blau,The Emergence and Linguistic Background of Judeo-Arabic, Oxford, 1965, 2. Auflage Jerusalem 1981. 3. Auflage Jerusalem 1999.
Joshua Blau,Studies in Middle Arabic and its Judeo-Arabic Variety, Jerusalem, 1988.
Solomon Dob Fritz Goitein,A Mediterranean Society. The Jewish communities of the Arab world as portrayed in the documents of the Cairo Geniza. 6 Bd, University of California Press, Berkeley & Los Angeles 1967–1988(ISBN0520032659) (Bd. III [Quoi ?]).
Stefan C. Reif, A Jewish Archive from Old Cairo. Curzon, Richmont 2000(ISBN0-7007-1312-3).
Werner Diem et Hans-Peter Radenberg,A Dictionary of the Arabic Material of S. D. Goitein's A Mediterranean Society. Harrassowitz, Wiesbaden, 1994 (voir :Joshua Blau, dans : Jerusalem Studies in Arabic and Islam 19 (1995) 287–295).