Cette idéologie prône le mouvement de la nation vers lechaju (« indépendance ») à travers la construction ducharip (« économie nationale ») et l'accent mis sur lechawi (« autodéfense »). Cette idéologie est ainsi portée par trois axes : l'indépendance politique, par l'exaltation de l'ethno-nationalisme coréen et la domination d'un leader coréen fort, l'autosuffisance économique, par la mise en place d'une économiesocialiste de typeautarcique, et l'autonomie militaire, par une militarisation tous azimuts de la société coréenne[2],[3].
Le motjucheseong, dans le langage courant coréen, veut lui-même à la fois dire « autonomie », « indépendance » et « initiative »[2]. La doctrine du juche est inscrite dans laconstitution de la Corée du Nord depuis 1972[2].
Les racines de cette idéologie, née avant la mise en avant par le régime nord-coréen, eurent comme socle commun le nationalisme de la Corée et de son peuple (l'ethnie coréenne)[5]. Elle a amené les Coréens à rejoindre le campcommuniste au Nord, ou, pour ceux privilégiant la voielibérale etcapitaliste, à se tourner vers le Sud[5].
Cette doctrine est marquée par l'empreinte dunationalisme ethnico-culturel, née du long passé d'invasion de la Corée par des puissances étrangères[2].
La doctrine du juche reprend les idées ducommunisme, qui prône unesociété sans classes et repose également sur le principe d'indépendance politique, d'autosuffisance économique et d'autonomie militaire. Elle a comme objectif la réunification avec laCorée du Sud. Selon le discours officiel de la Corée du Nord,« la prémisse idéologique et théorique des idées du juche réside dans l’idéologie et l'aspirationmarxistes-léninistes ». La doctrine du juche constitue cependant« une nouvelle idéologie révolutionnaire originale », Kim Il-sung ayant perçu les limites historiques du marxisme-léninisme,« découvert les nouveaux principes de la révolution » et« formé le noyau des idées du juche, idées révolutionnaires de la souveraineté »[7]. Le Juche diffère donc sensiblement du communisme dans le sens qu'il ne considère pas le marxisme-léninisme comme une fin en soi, en vue d'une utopie prolétarienne, mais simplement comme un moyen, qui peut être réformé.
Kim Il-sung, le fondateur de l'idéologie du juche.
Ainsi, en 1980, leParti du travail de Corée révise sa charte pour remplacer les concepts deMarx etLénine par ceux de Kim Il-sung[8]. LaConstitution du 9 avril 1992 supprime toute référence au marxisme-léninisme et à ladictature du prolétariat, et accentue les références au concept coréen de juche[9]. Dans sa version datant de 2009, le préambule de la Constitution définit la république populaire démocratique de Corée comme« la patrie socialiste du juche incarnant les idées et les directives du président Kim Il-sung, grand Leader » ; cette version supprime toute référence aucommunisme et introduit également le concept de Songun, dû àKim Jong-il[10]. Les statues de Marx et Lénine qui figuraient sur laplace Kim Il-sung ont été retirées en 2012[8]. D'après laBBC, certains livres traitant de Marx ou de Lénine sont désormais interdits dans le pays, car ils pourraient proposer une autre vision du communisme[11].
D'après le site officielNaenara,« les idées du juche peuvent se résumer à ceci : le peuple est le maître de la révolution et du développement du pays et a les capacités à les promouvoir. Ces idées reposent sur le principe philosophique selon lequel l'homme est maître de tout et décide de tout. Les idées du juche présentent une conception du monde axée sur l'homme et une philosophie politique visant à réaliser lasouveraineté des masses populaires, c'est-à-dire une philosophie précisant le fondement de la politique qui permet de conduire la société à son développement par la voie la plus droite »[12].
Il existe des associations dont le but est de soutenir politiquement la Corée du Nord, elles comportent parfois des groupes d'étude dédiée à la défense et à l'apprentissage des différentes doctrines de l'idéologie du Juche. On retrouve ces associations en Argentine[14], au Bengladesh[15], au Brésil[16], au Cambodge[17], au Chili[15], en Espagne[18], aux États-Unis d'Amérique[19], en Finlande[20], en Irlande[21], en Italie[22], à Malte[23], au Népal[24], au Nigéria[25], aux Pays-bas, au Pérou[26], en Roumanie[27], au Royaume-Uni[15], en Russie[27], en République Tchèque[28], en Slovénie[15], en Suisse[29], en Suède[30], en Thaïlande[31] et en Ukraine[32].
Les ressources pour l'apprentissage de l'idéologie du Juche proviennent soit de la bibliothèque des Éditions en langue étrangères de Pyongyang[33] ou des cours disponibles sur le site de l'Association des hommes de sciences sociales de Corée[34].
En France, depuis 1969, l'Association d’amitié franco-coréenne, composée de cent cinquante adhérents, principalement desmilitants communistes, défend l'image du régime nord-coréen et vise à la création de liens diplomatiques entre les deux pays. Son vice-présidentBenoît Quennedey[36] a publié deux ouvrages à ce sujet,L'économie de la Corée du Nord en 2012 : Naissance d'un nouveau dragon asiatique ?[36],[37] ainsi queLa Corée du Nord, cette inconnue : un essai de décryptage de la République populaire démocratique de Corée[37].
Deux prétendus « partis » informels, le « Parti Juchéen »[36],[38] et le « Parti Juche de France »[38],[39], se réclameraient aussi du régime de Pyongyang. L'un comme l'autre ne sont déclarés, ni commeassociations ni commepartis politiques[36],[39],[38]. En 2018, Marie-Perrine Tanguy, journaliste àLibération, déclare à leur sujet qu'il n'existe que« des comptes twitter et sites Internet administrés par des anonymes dont il est impossible de mesurer le sérieux ». Il s'agirait en réalité d'une « mauvaise blague potache »[38].