Formé à la composition et à la musique contemporaine àBudapest, passé à la musique de combat àBerlin, exilé enFrance et intégré au milieu parisien, il va se consacrer pendant trente ans à la musique d'accompagnement, pour la chanson (près de 150 titres) et pour le cinéma (près de 90 longs métrages), où sa collaboration avec le poèteJacques Prévert a joué de part et d'autre un rôle essentiel pour la création poétique et musicale populaire duXXe siècle.
La vie, la carrière et l’œuvre de compositeur de Joseph Kosma dans les domaines de la chanson, de la musique de cinéma et de scène sont jalonnées de dates d'exils, de fuites, de rencontres, de ruptures, d’échecs, de succès et de triomphes, et d’équivoques, dans un monde menaçant et en mouvement.
En 1940, c'est la fuite devant les Allemands, l’accueil de Prévert dans le midi et le travail clandestin avec ce dernier et Carné. En 1945, c'est le triomphe desEnfants du Paradis, et l'année suivante, le miracle de la poésie, de la mise en musique et en chanson du recueilParoles de Prévert. En 1949, il connaît la gloire mondiale avec la mise en musique desFeuilles mortes. En 1951, c'est la séparation douloureuse avec Prévert, puis la consécration avec d'autres chansons, le compagnonnage duParti communiste français et la confirmation dans le cinéma. Les années 1960 sont enfin celles des créations scéniques au ballet et à l'opéra.
Joseph Kosma est né àBudapest, capitale alors de la Hongrie dans l'Empire austro-hongrois, dans une famille tenant une école de sténodactylo, et un milieu mélomane. Dès son enfance, il s'intéresse au piano et à la composition, et dans son cinéma de quartier, il accompagne les films muets.
Clandestin à l'Université en raison du numerus clausus de 5 % imposé aux étudiants juifs, élève deBéla Bartók à l'Académie de musique Franz-Liszt de Budapest, il devient assistantchef d'orchestre à l'Opéra de Budapest, En 1929, il obtient une bourse d'études àBerlin, où il fait la connaissance deBertolt Brecht et son épouseHelene Weigel, ainsi que des musiciensKurt Weill etHanns Eisler. À leur contact, il se détourne de l'école de Vienne, découvre une musique porteuse d'un message social et politique et participe à leurs expériences de théâtre musical populaire et révolutionnaire.
À l'arrivée de Hitler au pouvoir en 1933, craignant les menaces antisémites et anticommunistes, avec son épouse, il doit, comme Brecht, Weil et Eisler, fuir l'Allemagne nazie et vient se réfugier àParis, capitale intellectuelle et artistique du monde en pleine effervescence politique.
Ne parlant pas un mot de français, ils vivent de leçons et de répétitions. Kosma accompagneLys Gauty, première chanteuse « à texte » chantantL'Opéra de quat'sous (Le Chant de Barbara etLa Fiancée du Pirate) de Brecht, et première en 1940 à chanterDeux escargots s'en vont. Dans une salle d'attente, il fait la rencontre du poète Jacques Prévert, lui qui avait horreur de la musique classique. Prévert l'intègre dans sa « bande » et lui ouvre les portes du milieu artistique de Montparnasse. Ils passent ensemble quinze ans d'amitié et de travail dans la vie, le cinéma et la chanson.
Avec Prévert, Kosma s'engage au spectacle et à la chanson dans la politique, la lutte sociale, l'antifascisme, la défense des opprimés dans des chansons destinées àMarianne Oswald (Chasse à l'enfant) ou au groupe d'agitation artistique populaire Octobre et aux troupes théâtrales duFront populaire.
Menacé comme juif après l'évacuation de la Côte d'Azur par les Italiens, Kosma rejoint en le maquis de Thorenc dans les Alpes-Maritimes et il est blessé en sautant sur une mine à la libération de Nice le.
Pendant ce temps sa famille, son père et sa mère restés à Budapest, jusqu'alors saufs sous le régent Horthy, sont victimes des massacres de masse perpétrés par les nazis hongrois dans les derniers jours de 1944. Kosma retourne à Budapest en 1955 et 1959.
De retour àParis, Kosma reprend en 1945 sa collaboration avec Jacques Prévert pour le balletle Rendez-vous deRoland Petit sur la musique des deux futures chansons du filmLes Portes de la nuit de Marcel Carné, oùYves Montand débutant, remplaçantJean Gabin, fredonne dans l'indifférence générale l'air et les parolesLes Feuilles mortes.
La mise en musique du recueilParoles de poésies de Prévert publié en 1946 contribue à son succès populaire rapide. 46 chansons sont publiées en deux recueils aux Éditions Enoch en 1946 et 1947. Les plus célèbres (Les Feuilles mortes,Barbara,Je suis comme je suis,À l'enterrement d'une feuille morte…) ne cessent plus d'être chantées pendant vingt ans par les interprètes issus de Saint-Germain des Prés, souvent marqués à gauche :Mouloudji,les Frères Jacques,Yves Montand,Francis Lemarque,Germaine Montero,Juliette Gréco,Cora Vaucaire,Catherine Sauvage… Un catalogue anthologique de la chanson française constamment réédité et enrichi.
Sous le titreAutumn Leaves, la reprise en 1949 aux États-Unis desFeuilles mortes sur des paroles deJohnny Mercer, en fait jusqu'à maintenant une des musiques les plus interprétées au monde par les plus grands noms de la chanson et dujazz.
Kosma s'est attaché à de nombreux auteurs,Raymond Queneau écrivain (Si tu t'imagines) et plus exceptionnellement d'autres anciens ou modernes une ou deux fois, mêmeJean-Paul Sartre (Rue des Blancs-Manteaux) etLouis Aragon pour une rencontre restée unique. Par contre, il s'attache à six reprises àMadeleine Riffaud, jeune héroïne résistante communiste et future grande journaliste àL'Humanité, que ses poèmes sensibles aident à sortir d'une période difficile.
Autour de Kosma, nombre de ses amis musiciens, artistes et interprètes ont été membres ou « compagnons de route » duParti communiste, sauf Prévert, esprit resté rebelle à l'esprit decellule depuis l'époque des surréalistes. Les relations de Kosma avec le Parti s'incarnent dans son étroite collaboration avec un écrivain,Henri Bassis, ancien instituteur juif et communiste révoqué en 1940, résistant, poète patenté du Parti et auteur propagandiste officiel. Près de trente titres variés, chansons poétiques et politiques, films militants deRobert Ménégoz, fresques lyriques et dramatiques présentées à Berlin-Est en 1951, où il retrouve Brecht et Eisler retournés en 1949, et à Budapest en 1959, en passant par un hymne àMaurice Thorez (À la santé de Maurice) pour un meeting à laMutualité en 1952.
Enfin, en 1967, il s'attache à la mémoire du poèteRobert Desnos (La Fourmi), ancien du surréalisme, résistant communiste déporté mort du typhus le àTheresienstadt, en Tchécoslovaquie, un mois après la libération ducamp de concentration.
Malgré la popularité des paroles« Je crois qu'elle est de Prévert et Kosma » deLa Chanson de Prévert deSerge Gainsbourg depuis 1962, et malgré la réédition régulière des anthologiesGrands interprètes de Prévert, leur répertoire chanson semble s'être perdu parmi les chanteurs en dehors deLio et deJean Guidoni. Depuis les années 1990, ce sont surtout des artistes de formation classique, chanteurs et accompagnateurs formés à la mélodie française qui reprennent le relais sur disque et en spectacle et s'efforcent d'élargir le répertoire des titres et des auteurs.
La filmographie de Joseph Kosma est longue, abondante (près de 120 films) et variée, dominée par la fidélité amicale avec deux grands de l'histoire du cinéma, Marcel Carné (8 films) et Jean Renoir (10 films).
Le palmarès filmique de Joseph Kosma, riche du succès des films de Jean Renoir d'avant la guerre, s'enrichit au contact d'une équipe Marcel Carné-Prévert -Trauner (Les visiteurs du soir, les Enfants du Paradis) reconstituée clandestinement pendant la période de la guerre. Mais Prévert, après l'échec desPortes de la Nuit en 1946 et l'abandon en 1947 deLa fleur de l'âge sur la révolte des enfants de Belle-Île de 1934, et son grave accident de 1948, s'éloigne du cinéma pour se consacrer aux arts graphiques du collage. Au début des années 1950 Kosma et Prévert se séparent sur des problèmes de production du film d'animationLa Bergère et le Ramoneur de Paul Grimault, et peut-être aussi des divergences de type engagement politique.
Après guerre, Kosma devient le compositeur attitré d'un cinéma populaire installé dans une tradition de « qualité française » : plus de 60 films dans les seules années 1950, de qualité inégale laissant une large place à des amis anciens résistants comme Jean-Paul Le Chanois (10 films) et Jean Devaivre (6 films), ou aux vieux compagnons du cinéma Marcel Carné et Jean Renoir pour leurs derniers films, avec assez souvent Jean Gabin à nouveau présent sur les plateaux.
Une tradition professionnelle du cinéma français qui est bousculée par les critiques de François Truffaut et desCahiers du cinéma et l'arrivée de la Nouvelle Vague et sa génération de jeunes réalisateurs et de jeunes musiciens (Georges Delerue,Michel Legrand, ou encoreAntoine Duhamel) qui renouvelle la scène du cinéma français dans les années 1960.
Il rencontre en Allemagne sa première femme la pianiste concertiste Lilly Appel, qui l'accompagne dans son exil en France et meurt en 1975.
Il se remarie avec Marie Kosma-Merlin, autrice musicale qui organise la succession au profit de la ville de Nice. Cette dernière est décédée le 3 juin 1990[2].
Kosma participe aussi à plusieurs courts métrages de commande pour le compte du Parti communiste : aprèsAubervilliers de Éli Lotar en 1945 sur un commentaire et des chansons de Prévert mal reçus (Chanson des gamins d'Aubervilliers), des films documentaires orthodoxes de Robert Ménégoz sur des textes d'Henri Bassis (À l'assaut du ciel,Celui de France que nous aimons) et Jean-Pierre Chabrol (Ma Jeannette et mes copains).
1945 :Aubervilliers, deEli Lotar, commentaires et poèmes de Jacques Prévert, commande de la municipalité communiste d'Aubervilliers dirigée par Charles Tillon -Trois chansons :Chanson des enfants d'Aubervilliers, Chanson de la Seine,Chanson de l'eau,Misère des quartiers populaires d'Aubervilliers
1951 :Commune de Paris, deRobert Ménégoz, commentaires d'Henri Bassis, commande du Parti communiste - Interdiction par la censure à sa sortie
1951 :Mon ami Pierre, de Paula Neurisse, texte de Jean-Pierre Chabrol, chanson-titre chantée par Yves Montand, production Procinex - La vie sur un chalutier de Concarneau
Joseph Kosma est le compositeur de plusieurs musiques pour la scène, le théâtre, le ballet et l'opéra :
1945 :Le Rendez-vous, ballet en deux tableaux créé, chorégraphie Roland Petit, musique, argument Jacques Prévert, rideau de scène Pablo Picasso, décors Brassaï, costumes Mayo, Théâtre Sarah-Bernhardt
1946 :Baptiste, argument Jacques Prévert, mise en scène Jean-Louis Barrault, Théâtre Marigny
1948 :L'Écuyère, ballet pour deux pianos et percussions, pour Yvette Chauviré, argument de Constantin Nepo d'après la nouvelle deKafka
1951 :À l'assaut du ciel : La Commune de Paris - sur des poèmes de Henri Bassis, Festival 1951 de la jeunesse de Berlin-Est, reprise à Paris en 1971 pour le Centenaire de la Commune
1952 :Jésus la Caille, pièce en 5 tableaux, texte Francis Carco, mise en scène Pierre Valde, Théâtre Gramont, reprise en 1962
1952 :Celui de France que nous aimons le plus, fresque lyrique et dramatique de Henri Bassis, 50 ans de Maurice Thorez d'après sonFils du Peuple , Paris la Mutualité
1953 :Le Désir sous les ormes, drame, mise en scène Claude Sainval, sur un texte d'Eugène O. Neil, Théâtre des Champs-Élysées
1954 :Les Chansons de Bilitis, chansons de Pierre Louÿs, mise en scène Jean Wall
1955 :Orvet, texte et mise en scène Jean Renoir, Théâtre de la Renaissance
1957 :Hôtel de l'espérance, ballet de Serge Lifar pour Janine Charrat, livret Francis Carco
1959 :Pierrot de Montmartre, pantomime, Marcel Marceau, Théâtre Sarah-Bernhardt
1959 :Les Canuts, oratorio, texte Jacques Gaucheron, création Deutsche Staatsoper de Berlin, reprise Opéra de Lyon en 1964 puis Prague et Budapest
1962 :Un Amour électronique, opéra de poche, livret André Kédos et Joseph Kosma, chorégraphie Georges Skibine, Odéon-Théâtre de l'Europe
1960 :Ballade de celui qui chanta dans les supplices - sur le poème titre de Louis Aragon de 1943 en hommage à Gabriel Péri fusillé en 1941 - Solistes de l'orchestre du Théâtre National de L'Opéra, René Schmidt (ténor), Xavier Depraz (basse), direction Serge Baudo, lecture Michel Bouquet - Disques Véga
1967 :La grande nuit - Ravensbrück - sur des textes de Micheline Maurel - Sylvia Monfort, Emmanuelle Riva, Catherine Sellers, Jany Silvaire - Disques Barclay
1971 :À l'assaut du ciel : La Commune de Paris - sur des poèmes de Henri Bassis - Ensemble populaire de Paris - Disques Chant du Monde
Unerue Joseh Kosma porte son nom dans le 19ème arrondissement, entre le Canal desPortes de la Nuit et larue Germaine Tailleferre
Le fonds d'archives Joseph Kosma le plus important est déposé à la Médiathèque Musicale Mahler, 11 rue de Vézelay, Paris 8ème :http://www.mediathequemahler.org/
Conservatoire à rayonnement régional de Nice : légataire universel des droits d'auteur de Joseph Kosma depuis 1974. Cet héritage permet de financer chaque année une saison de concerts gratuits chaque lundi dans l'auditorium Joseph Kosma, des bourses d'études, des master classes, des échanges internationaux et de nombreuses acquisitions d'instruments. Le CRR possède aussi un fonds d'archives important, partitions et dossiers de presse. Son piano est exposé dans le hall du Conservatoire.
Association des Amis de Joseph Kosma, création en 2015, présidence et animation Françoise Miran autrice d'une biographie(C'est une chanson). Elle est présidente de l'associationLes Alizés organisatrice d'un festivalmusical Joseph Kosma d'une semaine à Nice en.
Une première Association des Amis de Joseph Kosma avait existé du temps de Gérard Pellier, l'archiviste, et de Jacques Gaucheron librettiste desCanuts.
Radio PFM - Les Artisans du répertoire : https://www.radiopfm.com/ecoute-des-emissions/les-artisans-du-repertoire/article/les-chansons-de-jacques-prevert
France Culture - Bureau des rêves perdus : https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/le-bureau-des-reves-perdus-joseph-kosma-1ere-diffusion
France Culture - Musique aux couleurs de la vie : https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/joseph-kosma-musique-aux-couleurs-de-la-vie
« La famille de Marie Merlin Kosma a la douleur de faire part de son décès subit, survenu le 3 juin 1990. L'inhumation aura lieu le vendredi 15 juin, à 10 h 30, au cimetière Montmartre, à Paris. M. et Mme Charlot Merlin, 14, rue J.-Michelet, 93800 Epinay »