En 2021, près de cinquante ans après sa mort, elle entre auPanthéon, devenant ainsi la sixième femme et la première femme noire à rejoindre le « temple » républicain.
Biographie
Jeunesse
Freda Josephine McDonald enfant.
Freda Josephine McDonald, appelée plus tard de sonnom de scène Joséphine Baker, naît le, aux États-Unis, dans leMissouri[4]. Sa mère, Carrie McDonald, est une musicienne et danseuse ayant des originesafro-américaine etamérindienne[4],[5],[6], fille d'uneesclave[7]. Son père probable, Eddie Carson, est unmusicien de rue itinérant aux origines espagnoles[8]. Tous deux ont monté ensemble un numéro de chant et de danse, mais le père abandonne sa famille en 1907[9], sans avoir reconnu Joséphine[4]. Sa mère se marie ensuite avec un ouvrier, Arthur Martin, avec qui elle a trois enfants : Richard, Margaret et Willie Mae[10],[4].
La jeune Joséphine passe une partie de son enfance à alterner l'école et lestravaux domestiques pour des gens aisés chez qui sa mère l'envoie travailler[11]. Sa famille étant très pauvre, son salaire aide à nourrir lafratrie dont elle est l’aînée[10]. Finalement, Joséphine quitte l’école à13 ans, en, et s'engage dans un mariage qui ne dure que quelques mois, durant lequel le couple est hébergé dans la famille Martin[4],[12].
Débuts au music-hall
Artiste de rue
Joséphine — qui danse depuis qu’elle est toute petite[13] — rejoint en 1920, à l'issue de son mariage, un trio d'artistes de rue appelé le Jones Family Band[12],[a]. Au moment où leur tournée s'arrête àPhiladelphie, Joséphine fait la rencontre de William Howard Baker[14]. Elle l'épouse en 1921, s'installe avec lui et en prend le nom[14]. Pour gagner sa vie, elle danse au Standard Theater où elle gagne dix dollars par semaine[15].
Danseuse à Broadway
Mais Joséphine Baker voit grand, et l’envie de danser àBroadway la pousse — tout juste âgée de 16 ans — à quitter son second mari pour aller tenter sa chance àNew York. Une fois sur place, elle met peu de temps à se présenter aumusic-hall de Broadway, sur la63e Rue, leDaly's 63rd Street Theatre(en). Là, elle essuie plusieurs refus de la part du directeur avant d’enfin se voir offrir un rôle sommaire. Elle rejoint donc la troupe de lacomédie musicaleShuffle Along, un spectacle populaire à la distribution entièrementnoire. Au bout de deux ans detournée, elle change d’allégeance et s’associe auxChocolate Dandies(en)[16], qu’elle quitte à leur tour pour entrer au Plantation Club où elle fait la rencontre deCaroline Dudley Reagan. Cettemondaine, épouse de l’attaché commercial de l’ambassade américaine à Paris, Donald J. Reagan, voit en Joséphine Baker un grand potentiel. Elle lui offre donc un salaire de 250 dollars par semaine si celle-ci accepte de la suivre en France où Reagan veut monter un spectacle dont Joséphine Baker sera lavedette et qui fera d’elle une star : laRevue nègre[17].
Carrière française
Joséphine Baker photographiée dans les années 1920 parHenri Manuel.
L'année 1925 révèle l'artiste aux yeux du public français[18],[19]. Pour jouer laRevue nègre authéâtre des Champs-Élysées, Joséphine Baker et sa troupe effectuent la traversée New-York-Cherbourg du 15 au sur leBerengaria[20],[21]. La première représentation du spectacle a lieu le[6],[21]. Joséphine Baker y interprète un tableau baptiséLa Danse sauvage[22] : dans un décor desavane, elle apparaît dansant lecharleston quasiment nue, vêtue de sa désormais célèbre ceinture de bananes[6],[23]. Pour elle, cette arrivée en France sera vécu comme une libération. Elle dira à ce sujet : « Un jour, j’ai réalisé que j’habitais dans un pays où j’avais peur d’être noire. C’était un pays réservé aux Blancs. Il n’y avait pas de place pour les Noirs. J’étouffais aux États-Unis. Beaucoup d’entre nous sommes partis, pas parce que nous le voulions, mais parce que nous ne pouvions plus supporter ça… Je me suis sentie libérée à Paris »[24],[25].
Joséphine, après plus d’une centaine de représentations en France et à l’étranger, casse son contrat et accepte de signer, en 1927, pour la première fois avec le théâtre desFolies Bergère pour une revue où elle joue un des premiers rôles. Dans « La Folie du Jour », tandis que le danseur sénégalaisFéral Benga joue du tam-tam[26], elle porte plumes roses et ceinture de bananes, visible aujourd’hui auchâteau des Milandes. Elle est accompagnée d’unguépard dont l’humeur fantasque terrorise l’orchestre et fait frémir le public. Cette même année, la jeune star se lance dans la chanson et, suivant les conseils de son nouvelimpresario et amant, Giuseppe Abattino (dit « Pepito »), elle participe au filmLa Sirène des tropiques. Giuseppe ouvre le club « Chez Joséphine » et organise la tournée mondiale de la chanteuse en 1928.
Giuseppe Abattino était un tailleur de pierre originaire deSicile. Il fut souvent qualifié de « gigolo ». Sa liaison avec Joséphine Baker durera dix ans, de 1926 à 1936[27]. En plus d’être son impresario, il jouera le rôle demanager et sera sonmentor pendant toute la période de son ascension.
Dans le même temps, elle devient l’égérie descubistes qui vénèrent son style et ses formes, et suscite l’enthousiasme desParisiens pour lejazz et lesmusiques noires. À cette époque, elle rencontreGeorges Simenon, qu’elle engage comme secrétaire et qui sera son amant[28].
Sur les conseils du peintreFernand Léger,André Daven, administrateur duthéâtre des Champs-Élysées, décide de monter un spectacle entièrement exécuté par des Noirs : laRevue nègre. L’AméricaineCaroline Dudley compose la troupe àNew York, constituée de treize danseurs et douze musiciens, dontSidney Bechet, et Joséphine Baker en devient la vedette parisienne[34],[35]. La prestation initiale du groupe d'artistes noirs étant jugée « pas assez nègre » par les commanditaires du spectacle, il est proposé à la danseuse américaine de se présenter nue sur scène. D'abord indignée, Joséphine Baker, âgée de19 ans, se résigne à se produireseins nus, une ceinture de plumes à la taille, conformément à l'imagerie dubon sauvage africain en vogue dans l'Empire colonial français[36]. L'incarnation par Joséphine Baker de cette femme noire, érotique et sauvage comme l'exigent les stéréotypes coloniaux et l'exotisme fantasmé du public français des années 1920, assure à laRevue nègre un succès immédiat. Le spectacle se déroule à guichets fermés[36].L’artistePaul Colin réalise l’affiche de la revue, visible aumusée national de l’histoire de l’immigration[37] :« Joséphine Baker y apparaît dans une robe blanche ajustée, les poings sur les hanches, les cheveux courts et gominés, entre deux hommes noirs, l’un portant un chapeau incliné sur l’œil et un nœud papillon à carreaux, l’autre arborant un large sourire ». L’œuvre, à l’esthétiqueArt déco, un peucaricaturale dans ses traits, parvient néanmoins au moyen de ses déformations cubistes à rendre perceptible le rythme syncopé dujazz, d’apparition récente en France à l’époque[35],[34].
En, elle s'embarque à bord du paquebotNormandie pour une tournée d'un an auxÉtats-Unis. Elle n'y rencontre pas la réussite escomptée. L'Amérique est sceptique et certains lui reprochent de parler parfois en français, ou en anglais avec un accent français. Pepito et Joséphine Baker se séparent après l’échec de cesZiegfeld Follies.
Au début de laSeconde Guerre mondiale, en, par le biais du frère de son imprésario Daniel Marouani, Joséphine Baker rencontre un officier de la section Allemagne des services de contre-espionnage français, Jacques Abtey, dont elle devienthonorable correspondant. Elle rapporte donc à Abtey, devenu sonofficier traitant, les informations qu’elle peut glaner dans les soirées mondaines. Par exemple, une semaine après son engagement, elle lui fait savoir qu’elle a appris à l'ambassade d'Italie queBenito Mussolini vient de décider de jouerAdolf Hitler contre la France[46]. SelonGuy Penaud, il ne semble pas qu’elle ait réussi à collecter des renseignements de très grande valeur[47]. Elle met également son talent musical à contribution en chantant pour les soldats alors au front[47]. Joséphine participe également en tant qu’IPSA (infirmière pilote secouriste de l’air), affectée à laCroix-Rouge à la réception de réfugiés belges et hollandais[48].
Après labataille de France, elle reste en lien avec Jacques Abtey, dont la position est souvent trouble, mais qui a gardé des liens avec les services de contre-espionnage dirigés parPaul Paillole. En raison de l'occupation allemande et de l'armistice du 22 juin 1940, ces services sont camouflés enTravaux ruraux[49],[50],[51].Jean-Luc Barré a pu écrire que Joséphine Baker a travaillé « avec les services secrets de laFrance Libre »[52], formulation nécessairement erronée, les services secrets de laFrance de Vichy et leBureau central de renseignements et d'action de la France Libre n'ayant fusionné — péniblement — qu'à partir de 1943[53]. Guy Penaud a montré qu'aucun contact n'a existé avant 1943 entre Jacques Abtey et la France libre devenue en 1942 la « France combattante »[54]. Il n'en est pas moins vrai qu'Abtey restera aux côtés de Joséphine Baker jusqu’à laLibération en France puis enAfrique du Nord[52].
Après l'armistice du, Joséphine regagne son château des Milandes où Abtey la rejoint avant de renouer avec Paillole, établi à Marseille[51]. Le, Joséphine part pour le Portugal en compagnie de Jacques Abtey. Paillole a remis à ce dernier un faux passeport au nom de Jacques Hébert « exerçant la profession d’artiste ». Le couple est censé être en transit pour le Brésil, où Joséphine Baker aurait un contrat à honorer. En fait, Abtey est missionné pour prendre contact avec l'Intelligence Service àLisbonne. Paillole a évoqué un contact avec« Bill » Dunderdale[50],[49]. En fait, ce dernier était à Londres et c'est le représentant duMI6 à Lisbonne, un certain Bacon, alias Joseph Richmond Stopford, que le couple Baker-Abtey rencontre[54]. Abtey aurait remis à Bacon un ensemble d'informations écrites à l'encre sympathique, concernant les unités militaires allemandes en France[55].
À son retour de Lisbonne, Joséphine Baker revient àMarseille, où elle donne une série de galas organisés parÉmile Audiffred, et du au, elle joue le rôle de Dora dansLa Créole à l’opéra de Marseille[56]. Le, elle s'embarqua sur un paquebot à destination d’Alger avec28 malles et cages (pour ses divers animaux (chien, singes, oiseaux …)[57]. On ne sait pas clairement si cette migration en Afrique du Nord fut motivée par des considérations professionnelles[56] ou si le couple Baker-Abtey y aurait été missionné par Paillole[58].
Le temps de donner quelques galas à Alger, Joséphine partit pourCasablanca, au Maroc, pour obtenir un visa auprès du consulat du Portugal où elle projetait de faire une tournée. Finalement, elle s’installe àMarrakech, d’abord àLa Mamounia, puis dans unriad de la Médina. À Marrakech, elle fréquente assidûment Si Mohammed Menebhi, fils de l’ex-grand vizir[57].
De son côté, Abtey, dont on ne sait pas vraiment s’il travaille pour Paillole ou pour les Anglais, s’installe à Casablanca comme employé à la Compagnie chérifienne d’armement[57]. Comme l’écrit Guy Penaud[57]:
« À vrai dire, Jacques Abtey qui avait suivi sa « protégée » en Afrique du Nord, cherchait à l’accompagner lors d’une tournée de galas ou à contacter des services, fussent-ils étrangers, pour être rémunéré, ce que l’on comprend... »
Fin mars début avril, Joséphine Baker entreprend une tournée dans la péninsule ibérique, Portugal et Espagne. Abtey, qui n’a pas pu obtenir de visa, ne l’accompagne pas[59]. Elle aurait été porteuse de documents que lui a remis Abtey, documents dont on ne connaît pas le contenu et la provenance[59]. Sa tournée en Espagne dura trois semaines. Abtey a raconté que son voyage en Espagne a été l’occasion de glaner des renseignements dans les ambassades et qu’elle aurait dissimulé ses notes dans ses sous-vêtements[60] ; Abtey semble avoir maintenu quelques contacts avec Paillole, sans que l’on sache exactement pour qui il travaille[59].
« Jacques Abtey était-il alors un « électron libre » ne dépendant plus d’aucun service secret ? On a vu qu’il fréquentait des officiels américains mais n’apparaissait plus dans l’organigramme des services spéciaux français et qu’il était fâché avec les Anglais qui ne voulaient plus le payer. Quel jeu jouait-il alors ? »
Du mois de jusqu'en, Joséphine Baker a séjourné à la clinique Mers Sultan à Casablanca, à la suite d'une péritonite assortie de multiples complications. Elle reçut à la clinique de nombreuses visites, dont celles des vice-consuls américains Sydney L. Barrett d'abord etKenneth W. Pendar(en) ensuite[61]. Pendant son long séjour au Maroc, Joséphine s’était liée à un certain nombre de personnalités marocaines[49].
« J’ai trois amis marocains merveilleux et profrançais. L’un est le premier calife et cousin germain du sultan, Moulay Larbi. L’autre est son riche beau-frère Mohammed Menebhi ; le troisième estThami El Glaoui, le pacha de Marrakech. »
Si Mohammed Menebhi l’accompagnera lors de sa tournée en Jeep à travers toute l’Afrique du Nord et honorera de sa présence, en 1947, le mariage de Joséphine avec Jo Bouillon[62]. Après sa maladie, Joséphine Baker se produit sur scène pour la première fois le 20 mars 1943, à Casablanca, lors de l’inauguration des clubs de la Croix-Rouge ouverts aux soldats alliés présents en Afrique du Nord à la suite dudébarquement de novembre 1942. Le club dans lequel Joséphine a donné ce premier gala était réservé aux soldats américains de couleur car laségrégation raciale régnait alors au sein des armées américaines. Le soir même, elle fut reçue àAnfa par le général américainMark Wayne Clark[62].
À la suite de ce premier spectacle, Joséphine est engagée au célèbre cinéma-théâtre de Casablanca le Rialto, pour une série de concerts payants qui permettent de renflouer les caisses de la danseuse et ainsi de survivre jusqu’à la fin de la guerre car désormais, toutes les représentations qu’elle va donner seront bénévoles, comme le dernier gala qu’elle donne au Rialto, le 30 avril 1943, au bénéfice de la Croix-Rouge, ou la tournée qu’elle effectue ensuite dans les camps de G.I.s américains en Algérie[62]. En fait, il semble bien qu’elle a aussi chanté dans un certain nombre de galas payants[63].
Fin, après un certain nombre de galas donnés en Algérie pour les troupes alliées, elle chante pour la première fois depuis 1941 à Alger, sur la scène du Colisée[63]. Le, Joséphine participa à un grand gala à l’Opéra d’Alger sous la présidence effective du général de Gaulle. À la fin de la représentation, de Gaulle lui fit parvenir une petite croix de Lorraine en or. Elle aurait revendu cette médaille aux enchères quelques semaines plus tard au bénéfice de la Résistance[63]. Peut-être ce cadeau était-il la conséquence de l’accord qu’elle avait donné à la fin du mois de juin au colonelPierre Billotte d’effectuer une tournée de propagande auprès des troupes françaises[63].
À la suite d'un gala donné à Alger le au bénéfice de l'Entr'aide de l'Aviation en présence du généralRené Bouscat, Joséphine Baker est officiellement engagée le dans l'Armée de l'Air, comme « officier de propagande » avec le grade de sous-lieutenant. Cet engagement dans l'armée de l'air est à mettre en relation avec le fait qu'elle avait passé un brevet de pilote en 1938. Elle signe une déclaration d'abandon de sa solde au profit de l'hôpital complémentaire d'Alger. Avec une autorisation du général Bouscat de « revêtir une tenue bourgeoise », elle apparait pendant cette période aussi bien en uniforme qu'en tenue de scène. Sa supérieure directe estAlla Dumesnil[64].
Le, leGoéland C.445 qui la transporte en Corse, libérée depuis, dut effectuer un amerrissage forcé près du port deChiavari. Les naufragés réfugiés sur le plan de l'appareil sont secourus par un détachement deTirailleurs sénégalais[64].
Elle débarque àMarseille en[52],[65]. Elle chante àBelfort le pour les troupes du général de Lattre de Tassigny[66].
À laLibération, elle poursuit ses activités pour laCroix-Rouge et chante pour les soldats et résistants près du front, suivant avec ses musiciens la progression de la1re armée française[52]. Elle est finalement démobilisée le 1ᵉʳ septembre 1945[67].
Joséphine Baker est l’une des premières ambassadrices de lahaute couture française, « spécialement après la Seconde Guerre mondiale. La France était très pauvre, il n’y avait donc pas beaucoup d’argent pour promouvoir la haute couture française. Cependant, Joséphine Baker était une très bonne amie deChristian Dior et dePierre Balmain et ils adoraient l’habiller. Revenue des États-Unis en 1949-1950, Joséphine a porté — dans un spectacle, sur scène — ces robes fabuleuses »[72].
Rêve d’une fraternité universelle
Château des Milandes, demeure de Joséphine Baker à compter de 1937.Couverture du livre pour enfantsLa Tribu arc-en-ciel, 1957.
Après une grossesse à l’issue de laquelle Joséphine Baker accouche d’un enfant mort-né, elle contracte une grave infectionpost-partum et doit subir unehystérectomie àCasablanca en 1941[73].
AvecJo Bouillon, qu’elle épouse en1947, elle achète lechâteau des Milandes enDordogne, qu’elle loue depuis 1937 et où elle vivra jusqu’en 1969[74]. Elle y accueille douze enfants de toutes origines[b], qu’elle a adoptés et qu’elle appelle sa « tribu arc-en-ciel »[75],[76],[77],[78].
Séparée de Jo Bouillon en 1957, elle engloutit toute sa fortune dans le domaine des Milandes, où elle emploie un personnel nombreux, et doit multiplier les concerts pour poursuivre son œuvre[79].
Joséphine Baker en 1961 au château des Milandes.
La « tribu arc-en-ciel » en 1959.
Cause des Afro-Américains
Elle retourne aux États-Unis en 1947 et 1951 pour tenter de renouer avec le succès. Elle y est victime deségrégation raciale, notamment lors de l'incident duStork Club, le : alors qu’elle accuse le journaliste présent,Walter Winchell, de ne pas l'avoir défendue, ce dernier, agacé, décide de briser saréputation, la traitant decommuniste, d’ennemie dupeuple noir[80].
En 1955, elle amplifie en Europe la vague d’indignation soulevée par le meurtre (dans lecomté de Tallahatchie auMississippi, États-Unis) du jeune Afro-AméricainEmmett Till, suivi de l'acquittement des deux assassins, puis de leurs aveux cyniques après le jugement, une fois assurés de l'impunité[81].
Josephine Baker à La Havane, Cuba en 1950, par Rudolf Suroch.
En 1931, l'écrivainAlejo Carpentier publie un article où il rend compte de l’influence de larumba cubaine sur les chansons de Joséphine Baker. Lors de ses tournées enAmérique latine, la chanteuse se produit àCuba en 1950, en puis en janvier 1952, mais lors de cette dernière date, elle est confrontée auracisme quand on lui refuse une chambre à l’hôtel Nacional. Deux mois plus tard,Fulgencio Batista revient au pouvoir par uncoup d’État. Joséphine Baker s’était alors engagée à créer une organisation en Amérique latine contre le racisme : proche du couple présidentiel argentin,Juan etEva Perón, elle ouvre une antenne àBuenos Aires et cherche à essaimer dans le sous-continent, notamment à Cuba. Elle est reçue par Batista, mais celui-ci, mis en garde par leFederal Bureau of Investigation (FBI) et lamafia, la traite avec mépris. Le fait que des militants anti-Batista assistent à ses shows n’aide pas sa situation. Le, alors qu’elle est de nouveau en tournée àLa Havane, se tient une manifestation étudiante sur leMalecón, violemment réprimée par le régime, et un jeune homme est tué. Sa dépouille est déposée dans le grand amphithéâtre de l’université et Joséphine s’y rend afin d’assister à laveillée funèbre. Le lendemain, le corps est emmené au cimetière lors d’un défilé de plusieurs dizaines de milliers de manifestants, conduit parFidel Castro. Joséphine Baker aurait ensuite décidé d’offrir les bénéfices d’un concert au parti castriste. Le, elle est arrêtée par les services de renseignement militaire de Batista, interrogée et finalement relâchée grâce à desdiplomates français. Questionnée sur son prétendu communisme, elle nie, même si le FBI indique qu’elle s’était produite pour laSFIO pendant leFront populaire et qu’elle avait effectué une tournée enURSS en 1936. Si elle finit sa tournée le même mois au Teatro Campoamor, elle promet de ne plus revenir à Cuba tant que le régime de Batista ne sera pas tombé[82].
De à, elle est invitée à Cuba par Castro, qui a pris le pouvoir quelques années plus tôt. D’autres personnalités sont présentes, comme les écrivainsAlberto Moravia etMario Vargas Llosa et le coupleRégis Debray etElizabeth Burgos. Il se tient alors àLa Havane un événement d’importance, un rassemblement de dirigeants dutiers monde (d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine), laConférence tricontinentale, qui vise à émanciper ces pays des sphères d’influence soviétique et chinoise. Le FBI deJ. Edgar Hoover, qui dispose d’un dossier sur Joséphine Baker à cause de son soutien aux Afro-Américains[d], pourrait avoir pensé qu’elle y était l’envoyée du général de Gaulle, dans un contexte oùla France envisage de faire sortir son pays de l’OTAN. De même, le contre-espionnage cubain cultive des doutes. En réalité, sa présence est, elle l’affirme, la poursuite de ses engagementsantiracistes. Elle déclare ainsi, dans une interview au quotidienGranma :« La Tricontinentale, c'est formidable avec ces gens de tous les pays, toutes les langues, toutes les couleurs. C'est une chance inouïe d'avoir un public pareil. Toute la race humaine réunie en une seule famille. » Avant le début de la conférence, elle rencontre Fidel Castro, et le met en garde sur le fait qu’on va essayer de l’assassiner[84]. On ne sait pas de qui elle tient cette information, mais il est à noter qu’au même moment, des réseaux anti-Castro et des tentatives d’attentat sont neutralisés. Elle se fait remarquer pour son enthousiasme politique, chantant au siège de la délégation duNord-Vietnam, se faisant acclamer place de la Révolution et jouant auTeatro Garcia Lorca devant Castro. L’une de ses prestations est même diffusée en direct à latélévision cubaine et elle enregistre un disque. Avant son départ, Castro l’invite à se rendre à labaie des Cochons, où undébarquement soutenu par les États-Unis avait échoué en 1961. Devant les journalistes, elle déclare :« Je suis heureuse d'avoir été le témoin du premier grand échec de l'impérialisme américain ! »[82].
Elle quitte l’île à la fin du mois, mais promet de revenir en juillet, invitée par Castro à y passer ses vacances avec ses enfants. Victime de problèmes de santé à l’intestin, elle est hospitalisée à son retour à l’hôpital américain de Paris. De Gaulle lui envoie une immense gerbe de fleurs. L’été, elle retourne donc à Cuba et retrouve le chef de l’État cubain. On lui remet un brevet delieutenant des forces armées révolutionnaires cubaines. En 1967, après la mort deChe Guevara, elle écrit une lettre de condoléance à Castro[82].
Son fils, Brian Bouillon-Baker, rapporte que Joséphine Baker voyait le communisme comme « la plus belle des idées » et s’intéressait particulièrement à Cuba « parce que c’est un pays qui mettait un point d’honneur à l’éducation et aux soins des plus jeunes. De plus, c’était une société métisse et fraternelle. Pour Joséphine Baker, cela répondait à l’idéal communiste et à l’idée qu’elle s’en faisait[40]. »
Franc-maçonnerie
Joséphine Baker est initiée, le, au sein de laloge maçonnique « La Nouvelle Jérusalem » de laGrande Loge féminine de France. Elle en est radiée en pour défaut d'assiduité aux réunions et de paiement de la cotisation[85],[86].
En, Joséphine Baker, criblée de dettes et ayant des problèmes avec lefisc, lance un appel pour sauver sa propriété de Dordogne, où vivent ses enfants ; la mise en vente auxenchères du château est annoncée[87].
Émue et bouleversée par sa détresse,Brigitte Bardot participe immédiatement dans les médias au sauvetage et envoie un chèque important à cette collègue qu’elle ne connaissait pourtant pas directement[88],[89].
Cependant, le château est finalement vendu pour un dixième de sa valeur en 1968. Après avoir dû vivre dans la seule cuisine et même passer une nuit dehors devant la porte, elle obtient un sursis qui lui permet de rester dans les lieux jusqu’au.
Jean-Claude Brialy la produit dans soncabaretLa Goulue régulièrement à Paris. À la suite de son expulsion du château des Milandes[90], elle est hospitalisée, mais trouve rapidement les forces nécessaires pour assurer le spectacle. Le lundi, son jour de relâche, elle honore des engagements à Bruxelles, Copenhague, Amsterdam ou Berlin.
Alors que Joséphine Baker est pratiquement ruinée, la princesseGrace de Monaco, amie de la chanteuse, d’origine américaine et artiste comme elle, lui avance les fonds nécessaires à l'acquisition d'une grande maison àRoquebrune[91]. Elle l'invite àMonaco pour desspectacles de charité[92],[22]. Aidée aussi par laCroix-Rouge, Joséphine Baker remonte sur la scène parisienne de l’Olympia en 1968, puis àBelgrade en 1973, auCarnegie Hall en 1973, au Royal Variety Performance, au Palladium de Londres en 1974. À Paris, elle est au Gala du cirque en 1974.
Le, pour célébrer ses cinquante ans de carrière, elle inaugure la rétrospectiveJoséphine à Bobino, dont le princeRainier III et la princesse Grace figurent parmi lesmécènes. Dans la salle se trouvaient, entre autres,Alain de Boissieu, gendre deCharles de Gaulle,Sophia Loren,Mick Jagger,Mireille Darc,Alain Delon,Jeanne Moreau,Tino Rossi,Pierre Balmain et la princesse Grace de Monaco, invitée d’honneur. Le spectacle, pour lequel toutes les places avaient été vendues des semaines à l’avance, ne recueillit pratiquement quedes critiques extasiées[réf. nécessaire]. Après le spectacle, deux cent cinquante personnes étaient invitées à souper auBristol.
Elle retrouve son appartement parisien le alors que le rideau vient de tomber devant une salle enthousiaste pour sa quatorzième représentation[93]. Le lendemain matin,, Joséphine Baker, victime d’uneattaque cérébrale (hémorragie), est transportée dans uncoma profond à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, où elle meurt le à l'âge de68 ans[94].
Sépulture de Joséphine Baker au cimetière de Monaco.
Bien qu’initialement, Joséphine Baker ait été perçue comme une sensationexotique, une charmante Afro-Américaine au déhanchement incroyable[100], elle a su se forger une solide réputation dans les hautes sphères de la société parisienne, pour qui elle en vint à incarner le personnage d’uneVénus d’ébène[101]. Elle a su intelligemment se servir de cette image et la manipuler à sa guise, façonnant elle-même son personnage public synonyme d’émancipation, symbolisant toute forme de liberté (duswing jusqu’auxdroits civiques, en passant par la lutte contre lefascisme) et ne définissant sa destinée qu’à sa façon[102].
Contrairement à son pays d’origine, les États-Unis, où laségrégation raciale a contrarié ses ambitions artistiques, Joséphine Baker a bénéficié, en France, d’unenégrophilie ancienne et répandue durant l’entre-deux-guerres[105]. Dans ses prestations scéniques, elle a projeté unimaginairecolonial dans lequel le corps de la femme noire estérotisé, conformément auxstéréotypes raciaux européens de l’époque.
À l’exotisme, attendu par son public et dont elle a assumé la promotion, la danseuse a cependant ajouté des facéties, dans la lignée de ses prédécesseursMiss Lala, uneartiste decirque, et le clownChocolat[105]. Restituant dans sesdanses les qualités supposées propres aux peuples dits « primitifs », tout en tournant en dérision unsymbole raciste comme labanane, la« première icône noire » a construit une personnalitéambivalente, répondant aux clichés du public, et critiquée par des personnalités telle l’intellectuelle noirePaulette Nardal qui lui reproche de conforter les poncifs raciauxessentialisant la femme noire[105].
Mariée cinq fois[38], la vie amoureuse de Joséphine Baker fut assez tumultueuse. Parmi les différents « hommes de sa vie », on peut évoquer :
Willie Wells : 1919-1920 (séparation). Elle se marie, à treize ans, avec cet ouvrierfondeur et travaille comme serveuse. Leur union se termine avec la bouteille que Joséphine lui fracasse sur la tête.
William Howard Baker : 1921-1923 (séparation). Suivant dans le nord desÉtats-Unis la troupe des Dixie Steppers, elle épouse, à quinze ans, William Baker, garçon chezPullman, àPhiladelphie. Elle le quitte pour partir pourParis, conservant son nom qui passe ainsi à la postérité.
En 1929, sur le bateau qui les ramenait duBrésil, l’architecteLe Corbusier eut un coup de foudre pour Joséphine Baker. Il reste de leur rencontre des dessins de Joséphine réalisés par l’architecte, encore célibataire à cette date, mais il semble bien qu’une éventuelle liaison reste du domaine de la légende.
Jo Bouillon : 1947-1961 (séparation en 1957, divorce en 1961). Cechef d'orchestre originaire deMontpellier accompagneGeorgius,Mistinguett,Maurice Chevalier et Joséphine à Paris et en tournée. Elle vit avec lui auxMilandes. En 1941, elle avait été victime d'unefausse couche, suivie d'unehystérectomie[106]. Alors, ils forment et réalisent ensemble leur projet d’adopter des enfants de nationalités différentes, afin de prouver que la cohabitation de « races » différentes peut fonctionner. Ils adoptent douze enfants, qui deviendront sa « tribu arc-en-ciel »[107] :
Robert Brady : 1973-1974. Elle fait la connaissance de cet artiste etcollectionneur d’art américain durant un de ses séjours aux États-Unis. Vu les échecs de ses quatre mariages précédents, ils décident d’échanger leurs vœux de mariage dans une église vide àAcapulco (Mexique) mais se séparent un an plus tard[108],[109],[22].
Joséphine Baker étaitbisexuelle[109],[110],[111]. Mariée à plusieurs hommes, elle a également eu des relations amoureuses avec des femmes tout au long de sa vie d’adulte[110]. Elle n’a cependant jamais révélé au grand public cetteorientation sexuelle[110]. Parmi ses amantes célèbres figurent l’écrivaine françaiseColette[110] ou encoreFrida Kahlo[112].Jean-Claude Baker(en)[f], un ami et confident de Joséphine[113], mentionne, dans la biographie de son amie, six amantes qu’elle a rencontrées au cours de ses premières années sur scène aux États-Unis :Clara Smith, Evelyn Sheppard, Bessie Allison et Mildred Smallwood, sa compatrioteafro-américaine expatriéeBricktop et la romancière française Colette après son déménagement à Paris[113].
Malgré sa propre bisexualité et son engagement contre le racisme (notamment avec sa participation à certaines actions dumouvement américain des droits civiques[109]), elle a fait preuve d’homophobie[110] en chassant de son foyer un de ses fils, Jarry Bouillon Baker, pour l’envoyer chez son père parce qu'il étaithomosexuel[109]. Selon celui-ci, elle craignait qu’il ne « contamine » ses frères[109].
Joséphine Baker se réfère dans ses chansons à divers décors exotiques et ses origines, reprenant quelques standards de l'époque. Elle commence à enregistrer en 1926 d'abord en anglais puis en français. L'orchestre duCasino de Paris,Wal-Berg puisJo Bouillon l'accompagneront[117].
Grands succès
1930 :J'ai deux amours, paroles deGéo Koger etHenri Varna sur une musique deVincent Scotto. En écoutant attentivement les enregistrements de l'époque, on se rend compte qu'elle modifia le premier vers du refrain de sa chanson fétiche (« J'ai deux amours, mon pays et Paris… »), qui devint après la guerre« J'ai deux amours, mon pays, c'est Paris… ».
Le chanteur-auteur-compositeur italo-belgeSalvatore Adamo rend hommage à Joséphine Baker dans la chansonNoël sur les Milandes (albumPetit Bonheur, 1970)[121].
Le, pour célébrer le centenaire de sa naissance, une statue en bronze est inaugurée en bas duchâteau des Milandes, àCastelnaud-la-Chapelle enDordogne, en présence de son fils aîné Akio et deSonia Rolland. Cette statue fut commandée par l’association Opération Joséphine à la sculptrice Chouski. Cette association voulait rendre hommage à trois aspects de la personnalité de Joséphine Baker : son action de résistante pendant la Seconde Guerre mondiale, sa lutte contre le racisme et l’adoption de ses douze enfants.
: auFestival d'Avignon, création d’un spectacle de Pierrette Dupoyet :Joséphine Baker, un pli pour vous… retraçant l’épisode douloureux de l’expulsion des Milandes[122].
En 2007 et 2008, la comédie musicaleJo et Joséphine lui est consacrée. Dirigée parJacques Pessis, les têtes d’affiches sontGrégori Baquet etAurélie Konaté. Celle-ci est nommée pour leMarius de la meilleure interprétation féminine dans un rôle principal[123],[124].
Le filmL’Autre Joséphine coécrit par Philip Judith-Gozlin et Brian Bouillon-Baker, fils de Joséphine Baker, réalisé par Philip Judith-Gozlin, est sorti en 2009, il a été produit par la société audiovisuelle Golda Production[125].
L’opéretteSimenon et Joséphine, composée parPatrick Laviosa, prend le prétexte de la rencontre (réelle) de Joséphine Baker et de Georges Simenon pour retracer la carrière des deux personnages. Elle a été créée à l’Opéra de Liège et financée par laRégion wallonne.
La belle agent Joé est un personnage récurrent de la série de bande dessinéeLes Brigades du temps écrite parKris et dessinée parBruno Duhamel. Outre son nom et son aspect physique qui en fait le sosie de Joséphine Baker, le personnage lui-même est l'un des meilleurs agents des Brigades du temps, référence indirecte au rôle historique joué par Joséphine Baker dans les services secrets durant la guerre[127].
En 2024 et 2025, une comédie musicale deJean-Pierre Hadida lui est consacrée àBobino : "Joséphine Baker - Le musical". Celle ci retrace sa vie romanesque[129],[130],[131].
En 2021, avec son entrée auPanthéon, il est proposé que le nom de celle-ci soit ajouté à la station de métroGaîté, en raison de la proximité avecBobino, le dernier théâtre où elle s'est produite[137], et avec laplace Joséphine-Baker. L'inauguration, qui consiste à accoler le nom de l'artiste de music-hall à côté de celui de « Gaîté », a lieu le 30 novembre de la même année[138].
En 2022 :
le, les membres du conseil municipal deCouches (Saône-et-Loire) votent à l'unanimité pour que l'école élémentaire de la commune porte le nom de Joséphine Baker[139] ;
le, la mairie deSouillac annonce l'ouverture prochaine du premier musée au monde consacré à l'artiste[141] ;
le, le conseil municipal de ville deBergerac inaugure la « Maison des associations Joséphine Baker » en présence de son fils Akio Bouillon. Située rue Saint-Esprit, elle abrite une vingtaine d'associations de la commune ;
le, le conseil municipal de la ville de La Rochelle inaugure la « passerelle Joséphine Baker » en présence de l'un des fils de Joséphine Baker.
En 2023 :
- le collège de Kerhallet àBrest change de nom et prend celui de collège Joséphine-Baker.
En, une des promotions d’élèves de l’ENA (tour extérieur et cycle d’intégration des officiers) choisit le nom de Joséphine Baker[144]. En 2024, les élèves du nouvelINSP prennent la suite, en choisissant également pour leur promotion le nom de Joséphine Baker[145].
Joséphine Baker auPanthéon, illustration de JipéDan, 2021.Cénotaphe de Joséphine Baker au Panthéon (crypte XIII).
Reprenant une idée deRégis Debray[147],[22], une pétition « Osez Joséphine » lancée à l’initiative de l’essayiste Laurent Kupferman soutient l’entrée auPanthéon de cette« artiste, résistante, féministe et militante antiraciste »[148],[22]. Elle rassemble 37 920 signatures[149],[150].
Le, le journalLe Parisien annonce l’accord d’Emmanuel Macron pour son entrée au Panthéon le[150], jour anniversaire de sa naturalisation française, 84 ans auparavant (en 1937)[151]. Le 23 août, l'Élysée fait l'annonce officielle[152]. Elle restera cependant inhumée au cimetière de Monaco[153], de sorte que le Panthéon ne sera pas son tombeau mais soncénotaphe[154].
Joséphine Baker entre au Panthéon le, devenant ainsi la sixième femme et la première femme noire à rejoindre le « temple » républicain[155],[156],[157]. Dans cette nécropole laïque nationale, elle repose désormais symboliquement[g] auprès de deux autres Français noirs : l'écrivainAlexandre Dumas et lerésistant et homme politiqueFélix Éboué[159].
La panthéonisation d'une descendante d'esclaves noirs américains et d'autochtones d'Amérique suscite une quasi-unanimité en France. PourLe Figaro, cet engouement s'explique par l'universalisme républicain dont l'artiste, récipiendaire de laCroix de guerre, est considérée être une figure exemplaire, a contrario d'un« fort courant venu d'Amérique » qui cherche à« assigner chacun à sa race, son sexe ». Pour Chloé Leprince, surFrance Culture, « dire que sa consécration dans la cathédrale républicaine du Panthéon fait consensus, c’est dire qu’elle fut à la fois celle qu’on assigna dans une posture fondamentalement façonnée par un regard raciste ; et aussi, celle qui s’est imposée en déjouant l’imagerie du bon sauvage, pour en faire son tremplin… et triompher[160]. »
Aux États-Unis, l'hebdomadaireThe Nation soutient que la célébration nationale d'une femme noire par la France masque un passé colonial et la persistance de discriminations raciales, la France étant ainsi accusée de perpétuer l'affirmation d'une supériorité d'un modèle social qu'elle prétend universaliste à l'encontre dumodèle communautariste américain[161],[162],[159].
Décorations
Chevalier de la Légion d'honneur (1961) Le, les membres de la Commission de liquidation et de règlement de la Résistance du ministère de l'Air, rejettent à l'unanimité le dossier d'attribution de la Légion d'Honneur pour Joséphine Baker. Dix ans plus tard, le dossier est rouvert et le, Joséphine Baker est nommée au grade de chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur. Puis le, dans le parc de son château des Milandes, la distinction lui est remise par le généralMartial Valin[163].
Jean-Marc Loubier,Joséphine, un amour de Simenon, Paris, Durante,, 170 p.(ISBN978-2-9124-0044-4).
Jean-Claude Bonnal,Joséphine Baker et le Village des enfants du Monde en Périgord, P.L.B, 1993-2003, 230 p.(ISBN978-2-8695-2042-4).
Mark Miller,High Hat, Trumpet and Rhythm, the life and music of Valaida Snow, The Mercury Press, Toronto,, 187 p.(ISBN978-1-5512-8127-8). L'auteur évoque les relations de travail de J. Baker et de V. Snow, et leur rivalité: p.8, 38, 44-45, 52, 57, 61, 94, 107, 120-121.
Pascal Rannou,Noire, la neige, Parenthèses,, 292 p.(ISBN978-2-8636-4648-9). Biofiction consacrée à la trompettiste et chanteuse Valaida Snow, amie, collègue de revue puis rivale de J. Baker[164], qui est un des personnages principaux de ce roman.
↑Le Jones Family Band est ensuite intégré dans la troupe itinérante des Dixie Steppers.
↑Teruya et Akio ramenés du Japon, Jari de Finlande, Luis de Colombie, Jean-Claude, Moïse et Noël de France, Brahim - devenu Brian - et Marianne d'Algérie, Koffi de Côte d'Ivoire, Mara du Venezuela, Stellina du Maroc.
↑La déclaration et l'annonce sont de novembre 1979 mais seule la LICA Marseille change de nom en 1979. L'association-mère ne devient officiellement LICRA que le mais la mention du terme « racisme » était déjà effective avant-guerre et systématique peu après celle-ci[83].
↑Il y est notamment indiqué au début :« Top secret – Objet : rassembler les informations du Bureau [le FBI] concernant la chanteuse et artiste de music-hall nègre Joséphine Baker, présentement à Cuba pour la conférence dite Tricontinentale. Baker est une danseuse, citoyenne expatriée des États-Unis, qui a établi résidence en France. Par le passé, elle a été pro-communiste dans ses déclarations et a publiquement dénoncé les États-Unis en de nombreuses occasions ».
↑Joséphine Baker s'était convertie au judaïsme, lors de son mariage avec l'industriel Jean Lion en1937, mais cette conversion de pure forme n'avait pas duré[95].
↑Jean-Claude Baker(en) (1943-2015)[109],[113] ne doit pas être confondu avec l'enfant adoptif de Joséphine Baker, Jean-Claude Bouillon-Baker, toujours vivant[114].
↑Le corps de Joséphine Baker est enterré àMonaco. Le cercueil au nom de l'artiste, installé au Panthéon, contient de la terre provenant duMissouri, dont elle est originaire, de France, son pays d'adoption, et de Monaco[158].
↑« Joséphine Baker en 5 citations inspirantes », surVogue Paris(consulté le); plusieurs développements sur ces questions dans Dominique Chathuant,Nous qui ne cultivons pas le préjugé de race. Histoire(s) d'un siècle de doute sur le racisme en France, Paris, Le Félin, 2021, p. 15-20, 23, 38, 46, 65, 67, 69, 71-74, 85-89, 94, 111, 114, 116, sq. et index.
↑Xavier de La Porte, « « Même désir de goûter à l’existence » : le coup de foudre de Georges Simenon et Joséphine Baker »,L'Obs,(lire en ligne, consulté le).
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↑Claire Bommelaer, « Des trésors patrimoniaux aux allures de carte postale »,Le Figaro, encart « Le Figaro et vous », samedi 6/ dimanche 7 mai 2017, page 28.