Jorn Utzon est né au sein d’une famille cultivée ayant participé à l’exécution du chantier naval d'Aalborg, ville où il grandit. Son père construisait des navires et des yachts, il a la chance d’assister à des chantiers et de pénétrer dans des ateliers de productions artisanales, les modèles et les forces de travail font partie de son enfance et forgent son œuvre.
En 1930, la famille Utzon part pourStockholm où se déroule l’Exposition de Stockholm de 1930 : c'est un événement majeur dans leur vie de famille. Les bâtiments de l’exposition (façades vitrées, surfaces blanches et toits plats) sont conçus parGunnar Asplund.
Après avoir obtenu son diplôme à l’Académie des beaux-arts, en 1942 sous la direction deSteen Eiler Rasmussen, il part s’installer enSuède, pays neutre pendant laSeconde Guerre mondiale.Stockholm est devenue une ville cosmopolite où vivent beaucoup d’architectes danois. En 1942, Utzon se marie àLis Fenger et jusque 1945 travaille avecHakon Ahlberg puis avecPaul Hedqvist, où il rencontre l’architecte norvégienArne Korsmo.
Entre la fin des hostilités allemandes auDanemark et la reddition officielle des troupes de l’Armée allemande le, Utzon crée un projet d’habitations temporaires pour la reconstruction d’après-guerre des villes européennes. Dans cet intervalle, il gagne la médaille d’or de l’Académie avec son projet du bâtiment de l’Académie royale de la musique du Danemark érigée sur une plateforme.
En 1945, le, il commence une brève collaboration avecAlvar Aalto, qui se terminera le suivant. Néanmoins, la synthèse entre tradition et modernité développée par Aalto et l’influence deGunnar Asplund sont très importantes pour la suite de la carrière de Utzon : « Ils ont été mes professeurs »...
À la fin de la guerre, il rentre avec sa famille auDanemark et y ouvre sa propre agence. De 1945 à 1947, en collaboration avecTobias Faber, il intervient dans de nombreuses compétitions pour la réalisation d’édifices publics et de complexes d’habitation paysagés. Le projet duCrystal Palace deLondres affichait les préoccupations plastiques, qu’il développera tout au long de sa carrière : les pavillons sont mis en place sur des podiums qui prennent en compte l’irrégularité du terrain, tandis que l’analogie avec les domaines de la forêt se manifeste à l’intérieur du bâtiment. Le projet était caractérisé par le développement vigoureux de la structure.
Durant ces années il voyage beaucoup, en particulier enAmérique (Mexique,États-Unis) et enAsie (Chine,Japon,Inde).En 1947, pendant un séjour auMaroc, pour la création d’une série d’usines, il découvre l’architecture marocaine qui a une influence décisive sur son travail.En 1949, Utzon part pour un grand voyage aux États-Unis. Il rend visite àCharles etRay Eames dans leur maison dePacific Palisades, séjourne àTaliesin East avecFrank Lloyd Wright puis rencontreraMies van der Rohe àChicago. Il poursuit son voyage jusqu’àMexico, où les constructionsmayas de la péninsule deYucatan àUxmal etChichen Itza, construites principalement sur des plans horizontaux, sont « une des meilleures expériences architecturales de ma vie ».
À son retour, il continue à participer à des concours avecArne Korsmo. En 1947, ils collaborent pour le projet de laGare centrale d'Oslo, et pour la réalisation d’un complexe d’habitation dans le centre deVestre Vika, en 1948. Grâce à ce projet, il travaille avec le groupe norvégien duCongrès international d'architecture moderne (PAGON).Comme réponse au projet de la reconstruction d’après-guerre des villes européennes, le complexe d’habitation proposé àOslo enNorvège, en 1951, s’adapte à une forte pente, qui s’étend au-delà des unités d’habitations dans une composition paysagère pour des logements à bas coûts. Plus tard il se concentre sur le projet desKingo Houses, àHelsingor.
Les grandes poutres, les murs qui s’étendent sur le terrain, la fluidité de l’espace intérieur, la cheminée « collée » sur le toit et le contact avec le paysage environnant caractérisent les maisons de Jorn Utzon. Elles évoquent l’idéal de la maison de banlieue et le développement du modèle Usonian deFrank Lloyd Wright, tandis que les dispositions longitudinales de la maison, les chambres et l’adaptation au terrain naturel font allusion au complexe de logements à Armebraten. La maison de Jørn Utzon àHellebaek (qui introduit le plan libre auDanemark) et lesUtzonian Houses en général ont pour caractéristiques communes la maçonnerie en brique, la structure en bois et une relation importante avec le paysage.
Cet intérêt pour l’architecture domestique est dû au concours remporté en 1953 pour la construction de logements sur la côte deScanie. Le projet, conçu sur la base du modèle traditionnel des fermes danoises construites autour d’une cour centrale abritée, fait référence au complexe de logements deRudolph M. Schindler àPueblo Ribera et aux jardins du designerC. Th. Sorensene et réconcilie la manière dont chaque famille occupe l’espace. L’année suivante, les complexes d’habitation deHelsingor etFredensborg sont construits, ce sont des compositions paysagères qui répondent aux principes établis au début de la compétition : séparation totale entre les systèmes de circulation conflictuels, double accès à la maison individuelle, réunion des unités formées par l’addition d’habitations, et la nature comme élément central et continu du complexe.
Dans la première moitié de 1950, Utzon s’engage au sein du studio suédois de Henry et Erik Andersson àHelsingborg, avec lequel il participe au concours pour des logements àMarieberg etElineberg en 1954. Conçu sur la base d’une succession de tours dans un paysage maritime, le projet élargit l’étendue géographique du site. Cette base de projet a par la suite été développée dans les « compositions abstraites » deFrederiksberg etElviria en 1959 et 1960.
En 1957, le projet d'Utzon pour l’opéra de Sydney gagne le premier prix de la compétition internationale. Parmi les 233 projets présentés, la plate-forme surmontée de coquilles en agravitation a été choisie.Située au milieu du port deSydney, la nature massive de la plate-forme et l’aspect réaliste des solides coquilles blanches font allusion aux plates-formes précolombiennes et orientales ainsi qu’aux ruines et aux garde-corps du château deKronborg àHelsingor. À 38 ans, la victoire d’Utzon au concours annonce une période intense de travail.
La première phase de construction, la plate-forme, commence dèsmars 1959, tandis que le développement géométrique et structurel des coquilles dure jusqu’en 1961. Les coquilles, dont la forme a d’abord été dessinée pour les lampes Nordisk Solar dans les années 1940, sont des « formes géométriques très simples », fragments d’une seule sphère.C’est un vrai défi de rationaliser la construction des coquilles développée depuis une forme sphérique. Ce modèle est conçu pour la fabrication de la toiture à partir de panneaux préfabriqués en béton.
Perfection des matériaux, précision géométrique et cohérence technique déterminent l’intégrité de l’opéra de Sydney. Pendant la troisième phase de construction de l’opéra de Sydney, la construction des coquilles se poursuit et celle de l’intérieur commence. Mais ni lemur-rideau, fait d’une succession demeneaux en lamellé-collé articulé avec du bronze, qui complète la légèreté de la coquille, ni les poutres en lamellé articulé, qui constituent l’acoustique de l’auditorium, ne sont réalisés.
Les élections de 1965 amènent au pouvoir enNouvelle-Galles du Sud un gouvernement libéral dirigé parRobert Askin, très critique à l'égard du projet. Après une longue série de désaccords, Utzon quitte le chantier et se rend àHawaï puis retourne auMexique. L'opéra est achevé par une nouvelle équipe d'architectes qui procède à de nombreuses modifications des aménagements intérieurs et il est inauguré le : Jorn Utzon n'est pas invité à la cérémonie et son nom n'y est pas prononcé[2]. Cependant, la structure de gestion de l'opéra reprend contact avec l'architecte en 1999 ; une salle portant son nom est mise en fonction et il procède à des agencements, entre autres afin d'améliorer l'accessibilité.
Les intentions formelles ont été confirmées par Utzon durant son voyage àSydney à la fin des années 1950.En parallèle, Utzon réalise d’autres projets. La plate-forme et les toits suspendus du monde oriental, avec ses toits multicolores et la structure des ensembles urbains du monde islamique sont les éléments architecturaux de toute une série de projets comme laMelli Bank(en) enIran, les plates-formes proposées pour la reconstruction du centre urbain deBerlin en 1957, et àCopenhague, pour l’exposition internationale de 1959. De même, le projet pour le collège deHojstrup en 1958, qui a reçu le premier prix, fixe le toit en apesanteur et le volume de la tour face au paysage de l’Oresund. La plate-forme et les dalles de la toiture pliées rappellent laporte cochère de l’opéra de Sydney.De 1963 à 1964, Jørn Utzon travaille sur le projet du musée d’art deSilkeborg et les théâtres deZurich etWolfsbourg, toujours conçus sur la base de plates-formes massives et de toitures permettant une belle luminosité dans le bâtiment.
À la fin des années 1960, le désenchantement deSydney déclenche un processus de réflexion, avecAdditive Architecture (trad. architecture cumulative), c’est le début d’une nouvelle période caractérisée par la combinaison de la géométrie, la modulation et la production standardisée qui a été testée à Sydney. À la fin de la décennie, Utzon monte un nouveau groupe de projet basé sur le principe Additive Architecture : le dessin pour le centre-ville deFarum, en 1966, qui fait référence aux marchés arabes ; le stade deDjeddah, qui date de 1969, dont les modules préfabriqués développent la structure du bâtiment ; et la seconde version du musée d’art deSilkeborg, conçu grâce à une série de galeries étendues au-dessus du paysage. De même, le projetEspansiva building system résout la logique constructive des composants des maisons individuelles modulables. En parallèle, l’architecte travaille sur des projets de mobilier :Furniture system etNew angle furniture system.
En 1973, et sans la présence de l’architecte, l’opéra de Sydney ouvre ses portes, un bâtiment emblématique qui devient le symbole d’une ville et d’un continent. Cet évènement coïncide avec le début de la construction de l’église àBagsværd, constituée d’une succession de coquilles. Puis de 1972 à 1984, toujours avec un jeu de coquilles géantes en guise de toiture, s’érige lebâtiment de l'Assemblée nationale du Koweït.Lors d’une de ses escales, après avoir quitté l’Australie, Jorn Utzon découvre l’île deMajorque. L’île le fascine, il décide d’y construire une maison de vacances :Can Lis. Mais les touristes ont vite voulu visiter cette maison. En 1994 il construitCan Feliz, dont l’endroit est gardé secret. Ces deux maisons sont ses dernières œuvres.
En 2005, en collaboration avec son filsKim Utzon, il participe au projet duUtzon Center àAalborg conçu pour inspirer les élèves architectes.
En 2008, à l’occasion de son90e anniversaire, la11eBiennale de Venise lui consacre une exposition intituléeThe Architect's unviverse - Processes and visions, en collaboration avec lemusée d'art moderne Louisiana deCopenhague, sous la direction deKjeld Kjeldsen. Elle est proposée auPalazzo Franchetti, qui abrite l'Institut vénitien des sciences, des lettres et des arts. L’exposition se présente comme une rétrospective qui souhaite expliciter le processus créatif de l’architecte.
Jorn Utzon meurt le, à la suite d'unecrise cardiaque dans son sommeil, après une série d’opérations qui l’avaient affaibli. Ses fils Kim et Jan sont architectes, sa fille Lin estdesigner.