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Jonathan Pollard | ||
![]() Jonathan Pollard, photographie d'identité, service de renseignement de l'US Navy. | ||
Naissance | (70 ans) Galveston (Texas),États-Unis | |
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Origine | Américain | |
Allégeance | ![]() | |
Arme | Lakam | |
Autres fonctions | officier dans les services de renseignement de la marine américaine | |
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Jonathan Jay Pollard, né le àGalveston (Texas), est unofficier dans lesservices de renseignement de lamarine américaine, de religionjuive qui, en1987, a été condamné à la prison à perpétuité auxÉtats-Unis pourespionnage au profit d'Israël. En, il obtient lanationalité israélienne et, en 1998, il est officiellement reconnu par Israël comme espion israélien[1].
Israël et une partie de la communauté juive ont régulièrement fait pression sur les responsables politiques américains pour le faire libérer. Le, après 30 ans d’incarcération, il est libéré, avec interdiction de quitter le territoire américain pendant 5 ans[2]. Le 30 décembre 2020, il arrive avec sa femme Esther en Israël, pour s'y établir définitivement.
Le personnage de Jeremy Pelman dans le filmLes Patriotes d'Éric Rochant présente des points communs avec Pollard[3].
Jonathan Jay Pollard est né à Galveston, au Texas, en 1954, d'une famille juive, dont il est le plus jeune enfant. Soixante-dix membres de sa famille maternelle, originaire deVilnius enLituanie et deRatne enUkraine, sont tués pendant laShoah[4]. En 1961, sa famille déménage àSouth Bend, dans l'Indiana, où son père, Morris, est spécialiste ducancer de la prostate[5] et de lamicrobiologie[6] à l'université Notre-Dame[7].
Pollard grandit avec ce qu'il appelle une« obligation raciale juive » enversIsraël[8] où il se rend pour la première fois en1970 dans le cadre d'un programme scientifique. Sur place, il est hospitalisé après une bagarre avec un autre étudiant.
Après avoir terminé l'école, il étudie àStanford où il obtient un diplôme enscience politique en1976.
Lors de ses études, il se fait remarquer plusieurs fois en affirmant qu'il est citoyen israélo-américain, qu'il travaille pour leMossad, et qu'il a atteint le rang de colonel dansTsahal[7].
Après l'obtention de son diplôme, Pollard tente d'entrer à la CIA, où malgré son bon parcours universitaire et ses recommandations, il est refusé en raison de sa consommation récente de cannabis et son échec au test du détecteur de mensonges[7],[9]. Jonathan Pollard travaille à partir de novembre1979 pour lamarine américaine en tant qu'analyste puis officier de garde à la division « Analyse des menaces » duNavy Antiterrorist Alert Center (en) créé après lesattentats du 23 octobre 1983 à Beyrouth.
Il propose d'abord ses services en tant qu'espion à l’Afrique du Sud, à laChine et auPakistan, sans succès[9],[10]. Le à New York, il est invité à une soirée de la communauté juive organisée dans l’Upper East Side de Manhattan. Jonathan Pollard y aborde un colonel de l'aviation israélienne,Aviem Sella, venu aux États-Unis suivre des cours d'informatique. Ce dernier, en voyant son potentiel d'informateur, contacte le Mossad[3]. C'est le même Aviem Sella, qui le fait entrer dans leLakam, le renseignement scientifique israélien dirigé parRafael Eitan, et qui devient sonofficier traitant. Ce dernier informe le premier ministreShimon Peres et le ministre de la défense de l'époque,Yitzhak Rabin[11]. Le Lakam n'a aucune existence officielle et seules les plus hautes autorités de l'État d’Israël sont au courant de son existence[12].
En quelques mois, Pollard aurait fourni plus de 1 000 documents confidentiels. Toutes les deux semaines, il aurait livré des valises remplies de documents aux Israéliens. Aviem Sella, l'officier traitant de Pollard, est par la suite remplacé par un attaché scientifique au consulat d’Israël et on offre à Pollard un passeport israélien. Il rencontre sesofficiers traitants israéliens à Paris.
Le couple Pollard voyage à Saint-Tropez, Cannes, Nice, Monte Carlo, Florence, Rome, Venise, Innsbruck et Munich, et ils dorment dans les meilleurs hôtels[13].
LeMossad le rémunère à hauteur de 540 000 dollars (soit l'équivalent de 1 307 000 dollars en 2020) en six ou sept années de travail[9].
En1985, les supérieurs de Pollard se méfient de lui, car des piles de documents confidentiels et sans lien avec son travail sont régulièrement découvertes dans son bureau. LeFBI est bientôt mis sur sa piste et l'interroge en novembre1985. Quelques jours plus tard, il tente de fuir avec son épouse, pénètre de force dans l'ambassade israélienne de Washington en réclamant l'asile politique, qui leur sera refusé, les gardes de l'ambassade le refoulant[3],[14]. Ils sont subséquemment appréhendés par le FBI[3],[15].
Inculpé pour « transfert d'informations classifiées à un pays allié, sans intention de nuire aux États-Unis », il plaide coupable à l'accusation d'espionnage le, et se défend en affirmant qu'il voulait simplement contribuer à protéger Israël[16],[17]. Le secrétaire de la DéfenseCaspar Weinberger écrit un mémo confidentiel au juge où il affirme que c'est une des plus graves affaires d’espionnage de toute l'histoire des États-Unis[18]. Condamné à la prison à vie le, Pollard est libéré en 2015 après plusieurs demandes formulées par Israël. Son épouse, Anne, a été condamnée à cinq ans de prison[16],[17] et libérée en1989. Ils se sont ensuite séparés. Pollard a épousé, en prison, la Canadienne juive Esther Zeitz[19],[20],[21].
Les États-Unis lui reprocheraient en particulier d'avoir livré à Israël le manuel des codes d'accès et de chiffrement des écoutes de laNSA dans le monde entier, manuel qui aurait été ensuite livré en pleine guerre froide aux Soviétiques en échange de l'émigration vers Israël d'un million de juifs présents en URSS[22],[23],[24].
Ses informations auraient aussi aidé Israël à bombarder en 1985 le QG de l'Organisation de libération de la Palestine, alors exilée en Tunisie, et à assassiner le numéro deux de l'OLP, à Tunis lors de l'Opération Jambe de bois en 1988[21]. Pollard aurait livré des copies sur les livraisons d’armes de l'URSS à la Syrie et à d’autres nations arabes, ainsi que des cartes satellites des arsenaux irakiens, syriens et iraniens[3]. Jonathan Pollard aurait notamment approché les gouvernements d'Afrique du Sud[25] et du Pakistan[16].
Le fait que Jonathan Pollard ait pu fournir des documents top secret auxquels son niveau d'officier ne pouvait lui permettre d'accéder laisse penser qu'une taupe d'un niveau hiérarchique bien supérieur ait pu l'aider :Melvyn Paisley (en), un haut responsable del'US Navy[15].
Jonathan Pollard pourrait également être connecté à un autre espion israélien arrêté par la suite. En 1997, leWashington Post révèle ainsi qu'Israël dispose d'un autre espion infiltré : Méga. L'agent Méga, qui aurait peut-être été le supérieur direct de Jonathan Pollard[26] aurait infiltré le cœur même de la Maison blanche[27],[28].
L'affaire Pollard ne serait que la partie émergée d'une immense opération d'infiltration, vaste entreprise de pénétration des services israéliens en vue de s’emparer d’un nombre important de secrets technologiques et industriels américains[12].
Pour Thomas Brooks, ancien directeur des renseignements de la Navy,« beaucoup de ce qu'il a pris, contrairement à ce qu'il voudrait que l'on pense, n'a rien à voir avec les pays arabes ou la sécurité d’Israël, ça avait à voir avec les méthodes de renseignement américaines, spécifiquement contre l'Union soviétique[17] »
Pour l'universitaireJuan Cole, professeur d'histoire du Moyen-Orient,« Le cercle d’espionnage israélien qui a pénétré le Pentagone américain pour voler des secrets de haute technologie y compris nucléaire était plus grand que le simple Jonathan Pollard. C’est un secret de polichinelle dans les milieux de sécurité américains qu’aucun pays étranger n’espionne les États-Unis de manière plus intensive qu’Israël. Et en fait, apparemment, personne n’a eu plus de succès que ce pays pour se procurer des documents top secret ». Les sources deSeymour Hersh lui avaient déclaré que les secrets qui se procurait Israël étaient à leur tour soit repris par les taupes soviétiques en Israël, soit vendus au marché noir pour finir en Union soviétique.
Jonathan Pollard a reçu un important soutien de la communauté juive mondiale et d’Israël[29],[30],[31].
L'affaire Pollard a causé un dommage important auxrelations américano-israéliennes, et desjournalistes ont régulièrement pris sa défense dans les médias israéliens ces dernières années[32],[33],[34],[35],[36]. L'officier traitant de Pollard,Rafael Eitan, devenu ministre des retraités en Israël n'a jamais voulu aborder ce qu'il estime relever du secret défense[37]. Pollard a reçu la citoyenneté israélienne en1995[38]. En 1998, il est admis, dans une déclaration du premier ministre d'alors,Benyamin Netanyahou, que Pollard est un espion opérant pour les services secrets israéliens[39]. En 2002, alors qu'il n'est plus premier ministre, Benjamin Netanyahou lui rend visite[17].
En Israël, où il est presque considéré comme un héros national, ainsi que pour une partie de la communauté juive, le refus obstiné de Washington d'accorder la grâce ou la réduction de peine qu'Israël réclame depuis des années est considéré comme une injustice.
Le premier ministre israélienBenjamin Netanyahou tente de se servir des enregistrements secrets du président américainBill Clinton et de Monica Lewinsky qu'il a obtenus, pour faire du chantage au président des États-Unis et le pousser à libérer l'espion Jonathan Pollard[40],[41]. Le directeur de la CIA est scandalisé et menace de démissionner si Clinton libère l'espion[42].
En 2004, Esther Pollard déclare auJerusalem Post :
En, Benjamin Netanyahu demande officiellement àBarack Obama la grâce de Jonathan Pollard[44],[45].
Lors de la visite d’Obama en Israël en 2013, au moins deux ministres lui parlent de Jonathan Pollard et des milliers de personnes manifestent aux abords de sa résidence pour demander sa libération[46].
En 2011, l'ancien secrétaire d’ÉtatHenry Kissinger écrit une lettre au président Obama où il lui demande de libérer l'espion américain[47].
Le député françaisMeyer Habib, vice-président duCRIF, appelle à le faire libérer[48].
En 2012, l'ancien directeur de la CIA,James Woolsey, appelle également à sa libération et parle« d'antisémitisme[49] », il explique :« on pourrait faire comme si c'était un citoyen grec et le relâcher[50] ».
Pour Seymour Reich, président duB'nai B'rith :
Pour Abraham Foxman, président de l'association américaine pro-IsraëlAnti Defamation League :
L'ancien chef de laCIA,George Tenet a menacé de démissionner en cas de libération de Pollard[52],[53].
Lors d'une réunion avec des leaders de la communauté juive pour la préparation de la campagne électorale 2012 d’Obama, le vice-président américainJoe Biden aurait déclaré que pour libérer Pollard« il faudrait lui passer sur le corps[54] » avant d'expliquer que ces propos ont été sortis de leur contexte[31].
Pour Bret Stephens, ancien éditeur en chef duJerusalem Post et journaliste auWall Street Journal :
Pour Peter Jones, professeur de relations internationales à l'université d'Ottawa :
Le journaliste israélienGideon Levy rappelle que Jonathan Pollard a agi davantage par appât du gain que par conviction politique et note qu’on fait de lui un « héros de Sion » quand on incarcère en Israël même un lanceur d’alerte,Mordechai Vanunu pour avoir révélé la réalité des recherches nucléaires militaires israéliennes[9].
En, la commission des libérations conditionnelles autorise sa libération pour le mois de novembre suivant, après 30 ans de détention[57],[1]. Le, Jonathan Pollard est effectivement libéré, avec interdiction de quitter le territoire américain durant 5 ans[2]. Son contrôle judiciaire est totalement levé le 20 novembre 2020[58] et le 30 décembre 2020, il arrive avec son épouse en Israël pour s'y établir. Il est accueilli par le Premier ministreBenyamin Netanyahou qui leur remet leurscartes d'identité israéliennes ; Pollard déclare :« Nous sommes ravis d’être enfin chez nous après 35 ans [...], et nous n’irons nulle part ailleurs »[59].
Le dramaturge israélienMotti Lerner lui consacre une pièce de théâtre,Pollard, en 1995, où l’espion, abandonné par Israël, n’a plus pour solution que de se laisser capturer, remettant ainsi en cause le mythe fondateur de l’État selon lequel son armée et ses services de renseignement seraient capables de protéger les Juifs partout dans le monde[60].