Cet article concerne le musicien. Pour le théologien, voirJohann Tinctor.
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Johannes Tinctoris, latinisation deJehan le Taintenier ouJean Teinturier[1], ouJean de Vaerwere (né vers1435 àNivelles[2],[3], mort en1511[2],[3]) est uncompositeur, musicien etthéoricien de la musiquebrabançon de l'École franco-flamande. Auteur du premier dictionnaire de termes musicaux, son œuvre la plus célèbre en tant que compositeur est unemesse qui développe le motif musical d'une chanson souvent utilisée à l'époque dans des compositionspolyphoniques :L'Homme armé (laMissa "Cunctorum plasmator summus").

Tinctoris, originaire duDuché de Brabant (dans l'actuelleprovince du Brabant wallon), peut aussi être considéré comme Orléanais, dans la mesure où il effectua ses études de droit à l'Université d'Orléans. Il y fut éluprocurator (représentant) des nombreux étudiants de laNation germanique et exerça, selon les registres de cette Nation, commesuccentor (sous-chantre, en réalitémaître de musique et des enfants de chœur[4]) de lacathédrale Sainte-Croix de1460 à1465.
De 1474 à 1476, il occupa les mêmes fonctions de maître du chœur à lacathédrale Saint-Lambert de Liège (enBelgique wallonne). De 1476 à 1481, il remplit les fonctions dechantre choriste (c'est-à-dire chanteur, membre du chœur, choriste) et dechapelain auprès du roiFerdinand Ier de Naples, àNaples. De 1481 à 1483, il fut de nouveausuccentor à Liège. Il retourna ensuite à Naples jusqu'en 1487. Cette même année, il séjourna à lacour de Bourgogne et à celle duroi de FranceCharles VIII, où Ferdinand d'Aragon l'avait chargé de recruter des chantres.
D'autres indications sont plus ou moins incertaines. Tinctoris séjourna àChartres, commemagister puerorum (maître des enfants et maître du chœur) de lacathédrale Notre-Dame (avant 1474).Bruges (en Belgique,Flandre-Occidentale) se trouva aussi sur son parcours (id.). Il avait également été "petit vicaire" (chantre remplaçant) àCambrai (1460). À une époque plus tardive, il put aussi séjourner àNivelles, où il possédait uneprébendecanoniale. Il semble qu'il était àRome lors de l'élection duPapeAlexandre VI Borgia, en 1492. Il vivait toujours enItalie en 1495 et chanta comme membre de lachapelle papale jusqu'en 1500.
Tinctoris écrivit de nombreux ouvrages consacrés à l'écriture de la musique. Même si ses travaux ne brillent pas par leur originalité (Tinctoris s'inspire fortement d'auteurs l'ayant précédé, commeBoèce,Isidore de Séville ou d'autres), ils nous dressent un instantané très détaillé des techniques et des procédés employés par les compositeurs de l'époque. Il écrivit le premier dictionnaire des termes musicaux (Diffinitorium musices); un ouvrage sur les caractéristiques desmodes musicaux; ainsi qu'un traité sur lesproportions (1473), et un livre consacré aucontrepoint, particulièrement utile durant cette période charnière entreGuillaume Dufay etJosquin Des Prés, où se développent progressivement l'idée de prééminence d'une voix parmi les contrepoints internes, et la notion d'harmonies à lire verticalement. Voici commentRobert Wangermée explicite la position de Tinctoris à la fois comme musicien et théoricien:
« Johannes Tinctoris (originaire de Nivelles) qui vivait à la cour du Roi Ferdinand d'Aragon àNaples [...] a rédigé d'importants traités de "musique pratique" [...] AuxXVe et XVIe siècles, toutes les compositions musicales ont été régies par les lois ducontrepoint, mais celles-ci ont connu des variantes selon les époques. PourOckeghem et Tinctoris, le contrepoint était une écriture essentiellement horizontale où chacune des voix était perçue comme indépendante des autres[5]. »
Les écrits de Tinctoris influencèrent les compositeurs et les autres théoriciens de la musique de la Renaissance.Comme la plupart des intellectuels de la Renaissance, Tinctoris s'intéressait à tous les domaines de la connaissance. Il était connu comme clerc, poète, mathématicien, et comme homme de loi ; une source le décrit même comme un peintre accompli.
-Vostre regard etHélas, à 3 voix (éd. inHarmonice Musices Odhecaton, Venise, Petrucci, 1501). Ce recueil a été réédité de 1502 à 1504.
-Le souvenir : deux mises en musique (une à 4 voix et l'autre à 2 voix).
-De tous biens playne ;D'ung aultre amer ;Tout a par moy ;Comme femme, les quatre à 2 voix.
La première biographie de Johannes Tinctoris est écrite de son vivant parJohannes Trithemius dans sonCatalogus illustrium virorum germanorum paru àMayence en1497.
L'historiographie wallonne a remis en cause l'appellation de « compositeur flamand » de Tinctoris et rejette la catégorisation dans une école « franco-flamande ». En effet, avec la montée en puissance des discours communautaires en Belgique au début duXXe siècle, l'historiographie belge doit faire face à quelques voix discordantes qui mettent en cause l'unitarisme et le caractère « flamand » de certains artistes ou courants présentés comme tels[8]. Ainsi, le romaniste belge etmilitant wallonMaurice Wilmotte reprochait auxFlamands de s'approprier un patrimoinewallon :
« Les Flamands avaient tout intérêt à cultiver et à renforcer cette légende, ils ont, avec une tranquillité de pirate, annexé soit nos musiciens,Dufay,Pierre de la Rue,Roland de Lassus, soit nos peintres, unRoger de le Pasture et unPatinier, peut-être l'hypothétique maître de la madone de Flémalle[9]. »
Léopold Genicot, historienbelge proche duMouvement wallon, inscrit également Tinctoris dans un « art wallon » :
« Nous revoilà dans la musique, qui demeurait le grand art wallon. LesHainuyers continuèrent à en commander l'évolution aussi longtemps que lapolyphonie garda la faveur.Dufay l'avait dotée de la messe unitaire, bâtie sur un seul thème. Tinctoris, chanoine deNivelles, lui consacra douze traités, dont leTerminorum musicæ definitiorum, ancêtre des dictionnaires musicaux[10]. »