Ces Jeux de 1968, les premiers organisés dans unpays en voie de développement, furent fortement marqués par les événements politiques. Ouverts sous la protection de l'armée à la suite dumassacre de Tlatelolco au cours duquel des étudiants furent tués par la police et l'armée mexicaine, ils se poursuivirent par des gestes de protestation d'athlètes afro-américains contre laségrégation raciale aux États-Unis.
112 pays et 5 516 athlètes (4735 hommes et 781 femmes) prirent part à 172 compétitions sportives dans 18 sports.
L'altitude deMexico, située à 2 200 mètres, posa des problèmes de respiration à de nombreux athlètes, mais contribua par ailleurs à des performances sportives exceptionnelles.
Stelle commémorative Place des Trois Cultures àMexico.
Le, soit dix jours avant l'ouverture desJeux olympiques, une fusillade éclate sur la place des Trois-Cultures deMexico à la suite d'une manifestation étudiante durement réprimée par l'armée mexicaine. Cette répression des autorités, appelée lemassacre de Tlatelolco fera, selon les organisations desdroits de l'homme, entre 200 et 300 morts (une vingtaine selon le gouvernement mexicain).
L'opinion générale formulée par les athlètes est de maintenir les Jeux olympiques, puisque les étudiants ne représentent pas un danger pour les sportifs.
Les médias mexicains reçoivent pour instruction d'évoquer le moins possible le massacre afin de ne pas « saboter les Jeux olympiques »[2].
Lors de ces Jeux deMexico, les athlètes afro-américains, mais également une large majorité de leurs compatriotes blancs, portent sur leur veston un macaron portant l'inscriptionOlympic project for human rights (Projet olympique pour les droits humains).John Carlos déclare avant le début des Jeux que les athlètes noirs d'Amérique ne boycotteront ni ne saboteront les Jeux mais qu'ils réaffirmeront leur position contre l'injustice envers les Noirs.
Le, une controverse éclate au terme de la finale masculine du 200 mètres. Les coureurs américainsTommie Smith[3] etJohn Carlos, arrivés respectivement premier et troisième du 200 mètres, protestent sur le podium de la remise des médailles contre laségrégation raciale aux États-Unis et la situation des Noirs dans le monde (notamment enAfrique du Sud)[4], en baissant la tête et en pointant, lors de l'hymne américain, leur poing ganté de noir vers le ciel (le droit pour Smith, le gauche pour Carlos). Un autre geste qui a moins été remarqué lors de cet épisode est qu'ils ont retiré leur paire dePuma Suede pour traverser le stade en chaussettes noires montantes et les ont posé sur le podium, pour rappeler que les afro-américains n'avaient même pas le moyen de s'offrir ce type de chaussures[5]. Smith porte un foulard noir au cou, Carlos un collier, symboles du lynchage des Noirs. Les trois médaillés arborent un badge de l'Olympic Project for Human Rights[6].
Le geste symbolique du poing levé est interprété comme la marque de leur soutien au mouvement politique afro-américain desBlack Panthers et du Black power (pouvoir noir aux États-Unis).Avery Brundage, président réactionnaire duComité international olympique, juge ce geste scandaleux et demande aux officiels américains l'exclusion de Smith et Carlos.Doug Roby, président duComité olympique des États-Unis, refuse dans un premier temps puis face à la menace du CIO de suspendre toute l'équipe américaine, décide de renvoyer les deux athlètes chez eux. Ces derniers seront par la suite exclus à vie desJeux olympiques[7].Peter Norman qui a accepté par solidarité de porter le macaron "Olympic project for human rights" ne sera pas autorisé par le comité olympique australien à participer aux JO de 1972[8].
Après son geste, John Carlos déclare aux journalistes :« Après ma victoire, l'Amérique blanche dira que je suis Américain, mais si je n'avais pas été bon, elle m'aurait traité de Noir » (en anglais,negro signifienoir et n'a pas la connotation péjorative du françaisnègre qui est rendue par le termenigger).
Quelques jours plus tard, les athlètes américainsLee Evans,Larry James etRonald Freeman, ayant réalisé un triplé américain sur 400 mètres, montent sur le podium en portant le béret noir des Black Panthers pour dénoncer le racisme dans leur pays. Ils ne sont pas exclus.
Le choix deMexico pour accueillir lesJeux olympiques de1968 fut controversé du fait de l'altitude élevée de la ville et des performances sportives qui en découlèrent.
Mexico étant situé à plus de 2 200 mètres d'altitude, la pression atmosphérique y est inférieure d'environ 25 % à celle d'une ville au niveau de la mer. Ceci a des répercussions sur les performances sportives[9] : la résistance de l'air à l'effort est réduite ce qui augmente certaines performances, tandis que d'autres performances sont réduites par la réduction de l'apport en oxygène. Ces deux effets opposés ont pour conséquence de favoriser lesefforts en anaérobie, donc les efforts intenses et courts, et de défavoriser lesefforts en aérobie, donc les épreuves d'endurance. Ainsi, lors de ces Jeux de Mexico, plusieurs records du monde furent battus, notamment sur les courtes distances de sprint enathlétisme. En effet,« les coureurs au Mexique ont atteint une vitesse de pointe approximativement 1.7% plus élevée que s'ils avaient couru au niveau de la mer, à cause d'une baisse de la résistance de l'air »[10]. Par exemple, le médaillé de bronze du 100 mètre homme,Charles Greene, établit un temps de 10 secondes et 0 centième ; Lors des 3 jeux olympiques suivants, les temps des médaillés d'or de cette même épreuve furent supérieurs à 10s00[11].
La multiplication des performances fut également attribuée au revêtement synthétique entartan de lapiste d'athlétisme qui fut mis en place pour la première fois lors de ces jeux. Par ailleurs, une partie des records du monde enregistrés le furent avec une vitesse de vent de 2 mètres par seconde, soit la limite légale homologuée[12].
Pour la première fois, leComité international olympique décide d'instituer descontrôles antidopage lors desJeux olympiques. C'est ainsi que quotidiennement, dans cinq compétitions, cinquante tests sont effectués, notamment des prélèvements urinaires des six premiers de chaque épreuve individuelle. Au total, 667 athlètes seront contrôlés et un seul cas de dopage sera avéré, celui dupentathlonien suédoisHans-Gunnar Liljenwall dont des traces d'alcool furent découvertes dans son sang[13].
En outre, avant la compétition, des contrôles de féminité furent effectués par des médecins.
Le gouvernement sud-africain deJohn Vorster, alors sous régime d'apartheid, avait abrogé la législation interdisant des équipes sportives multi-raciales pour permettre à l'Afrique du Sud d'être admise à ces Jeux olympiques d'été de 1968[14]. Mais leCIO dut retirer l'invitation qu'il avait faite à l'Afrique du Sud devant les menaces de boycott de nombreux pays africains[15].
Les 112 délégations participantes (Le nombre d'athlètes engagés est indiqué entre parenthèses)
18sports et 172 épreuves figurent au programme de ces Jeux de 1968. Lapelote basque et letennis sont en démonstration mais le judo, disputé en 1964, ne fait plus partie des sports au programme.
Gymnastique Résultats détaillés Lagymnaste tchèqueVěra Čáslavská[19] gagne le cœur de la foule mexicaine et 4 médailles d'or. Après l'invasion soviétique de laTchécoslovaquie deux mois avant les Jeux elle fut contrainte de se cacher durant trois semaines. Chez les hommes, le JaponaisSawao Kato remporte quatre médailles olympiques, dont trois d'or.
↑« Les Jeux ne pourront se dérouler que grâce à l’appui policier et militaire, ce qui prouve bien que l’olympisme n’est devenu qu’un jeu d’intérêts et de prestige consolidant le système répressif de tous les États ».Le Monde, 28 septembre 1968 cité par Michel Caillat, Jean-Marie Brohm,Les Dessous de l’olympisme, Paris, Éditions La Découverte, 1984, p. 93.
↑Maurice Lemoine,Les enfants cachés du général Pinochet. Précis de coups d'Etats modernes et autres tentatives de destabilisation, Don Quichotte,,p. 630