Jeumont-Schneider | |
Création | 1964 |
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Disparition | 1993 |
Siège social | Puteaux![]() |
Activité | Construction électromécanique |
Produits | Locomotive![]() |
Société mère | groupe Schneider |
Société précédente | FACEJ, Matériel Électrique Schneider-Westinghouse |
Société suivante | Jeumont Electric |
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Jeumont-Schneider était une entreprise française créée en 1964 par l'apport des activités de ses deux actionnaires, tous deux appartenant au groupe Empain, dans plusieurs domaines: construction électromécanique, électrique, électronique et nucléaire, afin de répondre à des contrats de mise en oeuvre générale pour la construction de grands sites industriels, en particulier des combinats sidérurgiques intégrés et des centrales nucléaires, dont le siège social se situait àPuteaux, près deParis.Grâce à cette fusion et à plusieurs contrats peu après le groupe avait acquis une position leader enautomatisation industrielle.
En 1929, l'achat à Westinghouse d'une première licence, pour la construction de matériel électrique, se traduit par la création d'une filiale de Schneider, « Le Matériel Électrique Schneider-Westinghouse ».
Une des composantes de JS à sa fondation en 1964 est ainsi l'établissement Schneider-Westinghouse de Puteaux, le premier à utiliser et populariser le recours à laCAB500[1], première machine de calcul scientifique et statistiques ne nécessitant aucun aménagement spécial et permettant fonctionner en mode interactif via une machine à écriretélétype, après sa création parAlice Recoque en février 1961, car soixante exemplaires étaient « en exploitation en septembre 1962 ». La diffusion était effectuée par laSepsea, créée en 1961[1], comme filiale de Schneider et SEA, dont l'un des paris fut ensuite l'investissement dans l'automatisme industriel[1].
En 1963, les successeurs de Schneider « peu compétents en matière de stratégie industrielle » et divisés ont appelé l'oncle du baron Empain « à la rescousse » pour arbitrerleurs conflits[2]. Appartenant auGroupe Empain-Schneider, JS a été créée l'année suivante, en 1964, pour réunir deux firmes anciennes et connues : LesForges et ateliers de constructions électriques de Jeumont (groupe Empain) et Le Matériel Électrique Schneider-Westinghouse (groupe Schneider)[3]. Toutes deux avaient participé activement, dès la fin duXIXe siècle, aux premières électrifications du réseau français. Les débuts de l’activité électrique de Schneider et Cie remontent à cette époque, avec d’abord pour mission d’aider deux autres secteurs, locomotives et constructions navales et amènent la société à disposer d’une chaîne de production intégrée, incluant de nouveaux ateliers qui fabriquent les appareils électriques qui équipent les navires de guerre[4], au début souvent sans mener un effort de recherche soutenu dans le domaine électrique, préférant travailler souslicence Ganz, deBudapest[4].
Jeumont-Schneider pilote la construction et la mise en service du laminoir automatisé de tôles de grandes dimensions dul'aciérie géante de Galați, érigée dans leDelta du Danube enRoumanie, permettant à cette dernière de devenir exportatrice de tôles[5], produit dont la conjoncture internationale est alors très bonne[5].
Le laminoir automatisé doit être terminé fin 1965 et mis en marche dès le début de 1966[6], avec la participation de quelque 60 ingénieurs et techniciens français et anglais, dont le nombre doit être porté à cent, et « des milliers d'ouvriers roumains »[6].
Ce laminoir doit être automatisé à 100% deux ans après le début de sa mise en marche[5]. Jeumont-Schneider assure l'engineering et la fourniture de technologies, et « a conçu et réalisé les cerveaux électroniques, au nombre de trois, qui assureront l'automatisation des laminoirs », le constructeur informatique Bull « fournissant les lecteurs de cartes perforées qui leur sont associés », précise la presse en août 1965[7].
Jeumont-Schneider a eu aussi un rôle important dans la construction et la mise en service de la premièrecentrale nucléaire de Chooz (Ardennes), automatisée dès l'époque de sa construction, et qui sera trente ans après la première à être pilotée par un système de contrôle-commande entièrement informatisé, « unique au monde » et utilisant près de 2 millions de lignes de programme enlangage ADA[8], les panneaux de signaux et voyants divers, cède la place aux écrans d'ordinateurs[9].
En décrochant ce contrat franco-belge de technique nucléaire eau légère, Jeumont-Schneider avait gagné 10 ans sur ses concurrents, EDF décidant dès 1966, quatre ans après le début de la construction en janvier 1962 et avant l'entrée en service d'octobre 1966[10],[11], d'une deuxième centrale, 3 fois plus grosse que Chooz, àTihange, se calant sur la même technologie[12], les crédits du nucléaire progressant de 40% entre 1966 et 1970 face un doublement de la consommation d'électricité tous les 9 ans[13] puis de faire culminer le processus d'automatisation aubarrage de Grandmaison[14], et en 1989 de remplacer l'automatisation par informatisation avec la valorisation à Chooz du simulateur S3C, de la centrale du Bugey[15].
Deux ans après une première tentative en 1968-1969, la CGE ambitionne toujours et depuis longtemps d'annexer Jeumont-Schneider, qui participe, via la Société des forges et aciéries du Creusot, à l'appel d'offres pour la construction de la chaudière nucléaire de la centrale de Fessenheim, la CGE étant aussi candidate au contrat[16]. L'opérateur électrique EDF et le gouvernement se trouvent alors en opposition[16]. Le premier « souhaite pour les commandes à venir, comme pour celle de Fessenheim », pouvoir être en présence de deux concurrents mais le gouvernement, de son côté, a manifesté depuis longtemps l'intérêt qu'il portait à la constitution d'un grand groupe industriel français autour de la CGE[16].
Le groupe Schneider est entré dans l'informatique bien avant de créer Jeumont-Schneider par le renommage de sa filiale Le Matériel SW en 1964. Il s'y est intéressé dès 1959, en acceptant de participer au financement de la SEA en difficulté. Pour « une action plus tournée vers les services », Schneider fonde aussi, dès juin 1962, la CERCI, société qui travaille sur des projets divers, comme celui en 1965, encore lointain, deMétro de Caracas, dessystèmes d'automatisation de centrales hydroélectriques pour EDF, ou sur des système de capteurs météo en Suède[17] et plus tard sur l’informatisation de la presse pour remplacer les linotypes et monotypes par l’informatique[18].
La CERCI fonde le 17 janvier 1966 une « association sans profit » dénommée Institut de formation et recyclage en mathématiques, traitement de l’information et contrôle automatique(INFORMATICA) dont l’objectif général est l’amélioration de l’utilisation del’automatisme dans l’industrie[19].
La CERCI « va grossir jusqu'en 1967 »[20], année où lui est confié le département d'automatismes industriels et de calculateurs de process control de JS, vendus aussi sous licence Westinghouse[20], avec un logiciel d'application associé, JS étant à la même époque pas inclus dans la création de la CII[20], même si la CERCI fait partie de lanébuleuse de nombreux fournisseurs de l'Etat français concernés par les réflexions duPlan Calcul annoncé fin 1966.
Parmi ses produits, un petit calculateur d'automatisme, le PSP 77, suivi du PSP 100, doté d'un tambour SEA[20].
Elle est présidée de 1966 à 1969 parBernard Kuhn de Chizelle, qui avait été directeur général de Gaz de France de 1959 à 1964, puis patron de la société grenobloiseBouchayer-Viallet-Schneider. Après 1967, la CERCI n'est pas inclut dans lePlan Calcul et ainsi voit ses ventes revenir à 5 millions de francs par an[20], en s'appuyant sur des calculateurs Télémécanique, DEC ou Micral[20].
La CERCI réalise cependant vers 1971[20] le Reseda (restitution d'enregistreurs de données d'accident pour l'aviation)[21], mais aussi système de contrôle industriel à base demini-ordinateurMitra 15[20], machine microprogrammée puissante pour l'époque, finalisée par la chercheuseAlice Recoque, travaillant pour la CII, qui l'industrialise comme calculateur temps réel[20].
Dans une tribune du 20 septembre 1973, son directeurPhilippe Sahut d'Izarn analyse que les techniques de temps partagé, efficacement utilisées grâce à des terminaux passifs, n'ont cependant pas réellement permis de diffuser l'informatique dans le public et milite pour l'implantation de grands systèmes à points d'accès nombreux car le frein principal est dans l'organe d'entrée nécessaire pour saisir l'information, le succès de la carte magnétique ne suffisant plus[22].Maurice Cancelonni, son président depuis 1973, en remplacement deJean Kaufmant, dirige aussi laSGTE et pilote avec cette double casquette le projet deMétro de Caracas qui prend forme en mai 1978[23] avec une forte dimension applicative de la Cerci[23] pour le contrôle des trains par la communication, avec pilotage automatique et signalisation[24], via un système informatique de gestion et de simulation, comprenant un ordinateur central situé au poste de commandes centralisées[24] et une liaison téléphonique automatisée[24], dopant l'offre menée par groupe Empain-Schneider, qui décroche une grande commande d'un milliard de francs[25] et gagne l'appel d'offres de janvier 1976[24]. Il a ouvert la voie auvéhicule automatique léger (VAL), premier métro urbain intégralement automatique au monde, ouvert en 1983 pour le nouveaumétro de Lille, issu des recherches combinées de l'Université Lille-I, de l'IDN[26] et du brevet d'automatismes d’un système sans conducteur déposé le 31 juillet 1971 par le professeurRobert Gabillard[27], qui s'est exporté àToulouse,Rennes,Turin,Uijeongbu,Taipei ou dans les aéroports deParis ouChicago.
Dans les années 1970, la Cerci est la « première société européenne en informatique industrielle »[23] et "l'une des premières firmes européenne d'ingénierie en informatique et automatique en 1981, avec 500 collaborateurs à Paris, Grenoble, Lyon et Lille[28], le rapport Nora-Minc, commandé le 20 décembre 1976 et rendu en janvier 1978, prévoyant une automatisation plus rapide des entreprises industrielles[29].
Quand Thomson décide en fin de décennie de ne pas s'investir dans le Solar et rapatrier de Grenoble à Paris toutes les activités de recherche et développement de safiliale SEMS, des ingénieurs la quittent et rejoignent des petites sociétés comme Cerci[30], qui développe avec le CNAM pour Peugeot, un multicalculateur à haute disponibilité pour la conduite d’un atelier mécanique"[23]. Le professeur au CNAMStéphane Natkin y a travaillé sur des évaluations prévisionnelles de la sûreté, pour les systèmes de l’avionique ou dutunnel sous la Manche[31] et surtout les systèmes doublés dans des réacteurs nucléaires. Dans ce secteur la Cerci codéveloppe un calculateur de supervision présentant à l'opérateur des organigrammes de diagnostic d'incident, avec des automates numériques réduisant le nombre de liaisons fil à fil grâce au partenaire Sintra[32], société de radars créée en 1948 avec des personnels du Laboratoire radioélectrique[20] et le financier d'origine grecque Heraclios Fyssenzidis[20], qui s'est suicidé en 1967, entrainant la dispersion de ses cadres[20].
Après la faillite de Creusot-Loire en 1982, la CERCI est absorbée en 1986 parSema-Metra[23],[20], une des plus anciennes sociétés de services en informatique, fondée en 1958 et désireuse "d'élargir son domaine de compétence"[20].
En France, les sites de Jeumont Schneider voient l'agitation deMai 68 les gagner et certains sont occupés par les salariés jour et nuit. 'après-midi du vendredi 17 mai, dans les ateliers de laPlaine Saint-Denis, il se chuchote que les syndicats « sont en train de mijoter quelque chose devant la montée de la vague », alors qu'à l'usine d'antibiotique voisine de la SIFA le drapeau rouge flotte au-dessus d'innombrables affiches appelant à la grève illimitée « pour que le travail fasse partie de la vie et non de la destruction de la vie ». Environ 500 personnes dont une majorité d'ouvriers en bleu mais aussi quelques blouses blanches participent à une assemblée où il est proposé au comité de grève par de jeunes membres de la CFDT, sans succès, d'inviter les étudiants de l’UNEF à venir « informer de leur mouvement »[33].
La Société d'Electronique et d'Automatisme (SEA) avait signé un accord avec Jeumont-Schneider pour réaliser en coopérant une unité de production dumini-ordinateur CAB 500 dans l'usine Jeumont-Schneider de Puteaux[34]. L'AméricainWestinghouse veut un peu plus tard, en 1968-1969, profiter des succès de JS dans les grands contrats d'automatisation et acheter les 61 % du capital détenus par la famille belge Empain, ce à quoi le gouvernement français s'opposera[35], EDF écartant aussi, pour sa part, la candidature de la CGE. Jeumont-Schneider, avec 650 millions de chiffre d'affaires[2] est alors en 1969 le troisième constructeur français de turbo-alternateurs[2]. Toujours contrôlé par les Belges dugroupe Empain, il a ainsi noué au cours de l'été de 1968 des conversations avec un de ses actionnaires, le groupe américainWestinghouse, dont elle exploite les licences depuis une trentaine d'années, pour « esquisser le schéma d'un rapprochement éventuel », qui deviendre un projet d'acquisition auquel s'est opposé le ministère de l'industrie français, le gouvernement belge étant aussi concerné en raison du rôle joué par JS dans la constructrion de lacentrale nucléaire de Chooz, à la frontière des deux pays[36]. Se déroule ainsi « une des plus grandes batailles industrielles et financières de ce siècle »[2], achevée en décembre 1969 et qui aura duré treize mois[2].
Le schéma a été négocié en vue d'un rapprochement technique plus marqué"[36] entre JS etWestinghouse, dont la technique est "l'une des plus avancées dans le domaine des gros matériels électromécaniques"[36] et il a été décidé de négocier sous la pression d'une tendance qui s'accélère « la constitution rapide de groupes puissants » dans le secteur avec en Grande-Bretagne la fusion deGeneral Electric et d'English Electric Company, ou en Allemagne le rapprochement AEG-Siemens[36]. Georges Glasser, président du Syndicat général de la construction électrique et président du groupe Alsthom, utiliseur lui de « nombre de techniques deGeneral Electric », avait fait part au gouvernement de ses réticences[36]. Le gouvernement s'opposera ainsi à ce projet[35], mais, à la demande d'EDF, écartera aussi la candidature de la CGE, qui avait son propre schéma de rapprochement et d'acquisition de Jeumont-Schneider.
La CGE a obtenu peu avant la participation de Thomson dansAlsthom, lui permettant d'accéder à la taille mondiale avec 8,5 milliards de chiffre d'affaires[2], même si Alsthom (900 millions de chiffre d'affaires)[2], pour chaque type de matériel, est trois ou quatre fois plus petit que ses concurrents[2]. Le gouvernement français est alors soupçonné d'avoir « orchestré des manoeuvres » pour le compte de la CGE[2], dans la finalité cachée d'isoler Jeumont-Schneider[2] en faisant effectuer pour le compte d'Alsthom, par la banque Paribas, « de persistants achats en Bourse » d'actions de Rateau, un fabricant de turbines, afin de le placer dans l'orbite d'Alsthom[2], ou de faire diminuer les commandes d'EDF à Jeumont, afin d'inquiéter les créanciers de Jeumont, faisant « perdre de sa valeur » à ce dernier[2].
Jeumont- Schneider et son actionnaire minoritaire américain vont dans lesannées 1970 développer le réseau WDPF, qui prendra ce nom en 1992 puis celui d'Ovation[37] et sera actualisé plusieurs fois avec la technologie « Westnet »[38],[39], pour les processus continus, « les premiers à être automatisés et à innover dans l'automatique et l'informatique industrielle, le réseau permettant d'interconnecter et « rapatrier à moindre coût de câblage les informations nécessaires » aux salles de commande, en provenance notamment des régulateurs numériques et automates programmables »[40]. Dans la foulée,Westingouse a racheté en 1980 la marque de robots Puma (Programmable Universal Machine for Assembly) au spécialiste américains de l'automatisation Unimate[41].
En 1982, Schneider fait partie des 10 groupes dont le chiffre d'affaires cumulé, en France et à l'étranger, « était d'environ 700 milliards de francs »[42], près du « tiers de l'activité industrielle française »[42]. Plus tard dans la décennie et après la disparition deCreusot-Loire, au sein de Schneider, les trois grandes entreprises constituantes, Jeumont-Schneider,Merlin Gerin etSpie-Batignolles, « ont encore une assez grande autonomie de développement »[42].
Au début de la décennie, Jeumont-Schneider annonce des investissements de 100 millions de francs en trois ans visant à porter le chiffre d'affaires dans labureautique, nouveau secteur d'activité, à un milliard de francs d'ici 1987, avec une part de marché de 50% en France[43]. JS prend à cette occasion 10 % à 20%, selon les sources, du capital deMicrofive, petite société américaine fabricant des « micro-ordinateurs professionnels à logiciel avancé », afin de devenir « un constructeur ensemblier de systèmes bureautiques par un déplacement progressif de la téléphonie vers la bureautique »[44].
En 1987, les activités ferroviaires de Jeumont-Schneider (traction, ateliers du Creusot, filialesMTE etCarel Fouché Industries) sont acquises par le groupe Alsthom[45]. En 1993, les activités de Jeumont-Schneider dans le domaine nucléaire sont reprises parFramatome. Renommée successivement Jeumont Industrie puis Areva Jeumont Industrie, la société est reprise par Altawest en 2007 et devient Jeumont Electric[46].
Les ateliers étaient situés sur lesite deChampagne-sur-Seine, enSeine-et-Marne et principalement sur lesite deJeumont dans ledépartement du Nord.
Parmi les sites français, également deux autres, en région parisienne, à laPlaine Saint-Denis et àLevallois-Perret.
Les domaines d'activité de Jeumont-Schneider étaient très étendus. Ils concernaient notamment :
La société Jeumont-Schneider a participé à d'importantes réalisations dans plusieurs pays du monde :