Quadruple médaillé d'or lors desJeux olympiques d'été de 1936 àBerlin, il a par ailleurs amélioré à plusieurs reprises les records du monde du100 mètres, du200 mètres et dusaut en longueur, discipline dans laquelle sa performance de 8,13 mètres, réalisée en 1935, resta inégalée durant plus d'un quart de siècle.
Biographie
Enfance
James Cleveland Owens naît le àOakville, petite ville située dans lecomté de Lawrence enAlabama[3]. Petit-fils d'esclaves, il est le dernier d'une fratrie de onze enfants.
Son père Henry est paysan et Emma, sa mère, repasse du linge pour d'autres familles[4]. Ils tentent tant bien que mal de survivre. D'une santé fragile, Jesse est souvent malade, souffrant presque chaque hiver de pneumonie[4]. Il est d'apparence chétive, mais les médecins sont trop chers pour cette famille pauvre[5]. Son père a été son premier héros, gagnant les courses auxquelles il participait, avec les autres fermiers, tous les dimanches après le culte[6]. Lui et ses frères et sœurs vont à l'école située à 14 km de leur maison en bus ou à pied, quand ils n'aident pas leurs parents dans les champs[6].
En 1920, la famille Owens quitte leSud des États-Unis par manque de travail dans les champs de coton et pour offrir à ses enfants la chance d'un meilleur avenir. Influencée par les lettres d'une des sœurs de Jesse, Lillie, qui s'est mariée et habite àCleveland, les Owens s’installent dans cette ville industrielle[7]. Scolarisé à laJunior High School de son quartier, l'école élémentaire de Bolton, le jeune James Cleveland est rapidement rebaptisé« Jesse » par son institutrice qui ne comprend pas son accent lorsqu'il prononce les initiales de son prénom (J. C.)[8],[9]. Parallèlement à sa scolarité, il effectue plusieurs activités professionnelles, travaillant notamment en tant que livreur dans une épicerie et manutentionnaire dans une usine de chaussures. C'est durant cette période qu'il découvre sa passion pour lacourse à pied[10].
Carrière
Les débuts de sa carrière athlétique
Entraîné par Charles Riley, Owens progresse régulièrement. Après la Junior High School de Bolton, il rejoint la Fairmount Junior High School en 1927[11],[12], où son entraîneur est professeur de gym et entraîneur de l'équipe athlétique de l'école[13]. Il s'entraîne tôt le matin, avant les cours, ne pouvant suivre les entraînements de l'après-midi car il travaille[10]. En plus des sprints courts, il pratique également le saut en hauteur, le saut en longueur, mais aussi le football et le basket-ball[14]. Il arrête, par la suite, le saut en hauteur, le football et le basket-ball, étant plus efficace dans les courses de sprint[14].
En 1928, il commence à établir des records au niveau junior en sauts en hauteur et en longueur[15]. La même année, Jesse rencontreCharley Paddock, champion olympique, lors d'un meeting à son école, et de cette rencontre naitra son envie de participer aux Jeux olympiques[15]. Il entre à l'East Technical High School de Cleveland en 1930[16], pendant ses trois années d'études, il remporte 75 des 79 courses auxquelles il participe[17].
Pourtant, il a failli manquer ce rendez-vous. En effet, étant tombé dans les escaliers quelques jours plus tôt après avoir chahuté avec ses amis, il ressent de fortes douleurs dorsales. Son dos le fait tellement souffrir qu'il doit se faire aider pour s'habiller[9]. Prenant également un bain bouillant pour tenter de se décontracter, il a toutefois les plus grandes difficultés à se rendre sur la ligne de départ du 100 yards. Dès le coup de feu du starter, Owens jaillit et, mettant de côté ses douleurs, parvient à égaler le record du monde du100 yards en9 s 4. Deux des chronomètres s'arrêtent pourtant sur9 s 3, mais les juges n'en tiennent pas compte.
Il se présente ensuite au sautoir pour le concours dusaut en longueur. Il n'a le temps d'effectuer qu'un seul saut, car il est engagé dans d'autres courses. Il décide donc de tenter le tout pour le tout et met toute son énergie dans ce saut. Peu avant, il place un morceau de papier sous un caillou à hauteur du record du monde du JaponaisChūhei Nanbu (7,98 m en 1931). Avec 8,13 m, il bat de 15 cm lerecord du monde du Japonais et devient le premier athlète à franchir la barrière symbolique des 8 mètres. Il conservera ce record jusqu'en 1960 et les 8,21 m deRalph Boston, peu avant les Jeux olympiques de Rome.
Après cet exploit, il court un220 yards en ligne droite en20 s 3, ce qui lui permet de battre à la fois le record du monde du220yards et du 200 mètres.Il court enfin un220 yards haies dans lequel il bat les records du monde du220 yards et du 200 m haies, en22 s 6, bien qu'il ne soit pas un grand spécialiste des haies[20].
Une fois ses concours terminés, Owens regagne les vestiaires en boitant, acclamé par les 10 000 spectateurs du stade debout : ses douleurs dorsales sont réapparues.
Les Jeux olympiques de 1936
Lestade olympique de Berlin, lors des Jeux de 1936.Jesse Owens au départ d'un sprint, aux JO de 1936.
Pour la première des quatre épreuves, le 100 mètres, Jesse Owens remporte aisément sa série qualificative en10 s 3, devançant de près de sept mètres le Japonais Sasaki. Quelques heures plus tard, lors des quarts de finale, l'Américain égale son propre record du monde du 100 m en10 s 2, mais le vent un peu trop favorable (+2,3 mètres par seconde, la limite maximale autorisée étant de 2 mètres par seconde) empêche l'homologation de ce temps. Le, il remporte sa première médaille d'or, aux100 mètres, en10 s 3, malgré le retour en fin de course de son compatrioteRalph Metcalfe, second en10 s 4.
Le, Owens dispute la finale du200 mètres. Il est le grand favori, d'autant plus que Metcalfe ne participe pas à cette épreuve, n'ayant pas réussi à se qualifier lors dessélections olympiques américaines. Owens s'impose largement en20 s 7, battant le record du monde précédent de quatre dixièmes de seconde. Ce record ne sera battu que quinze ans plus tard parAndy Stanfield, en 1951, en20 s 6.
Jesse Owens durant l'épreuve du saut en longueur des Jeux olympiques
(1936).
Initialement, Owens et Metcalfe ne devaient pas participer au relais. Ils sont inclus dans l'équipe américaine à la dernière minute, en remplacement de deux athlètes juifs,Sam Stoller etMarty Glickman. L'éviction de ces deux athlètes provoqua une polémique dans le camp américain, car certains soupçonnèrent qu'il s'agissait là d'un geste pour satisfaire les hôtes allemands, dont les idées antisémites étaient bien connues.
Owens protesta auprès deLawson Robertson, le coach américain, pour s'opposer à l'éviction de Stoller et Glickman, mais en vain. Robertson expliqua qu'il voulait simplement aligner la meilleure équipe possible[23],[24].
Lors des qualifications, l'équipe américaine égala le record du monde en40 s 0.
La finale durelais 4 × 100 mètres eut lieu le. Désigné premier relayeur américain, Owens prend un départ rapide et parvient à creuser l'écart sur ses principaux adversaires, reprenant notamment 5 mètres à l'Italien Mariani et l'Allemand Leichum, avant de passer le témoin à son compatrioteRalph Metcalfe.Foy Draper etFrank Wykoff (le dernier relayeur) permettent ensuite aux États-Unis de conclure victorieusement la course, établissant un nouveau record du monde de l'épreuve en39 s 8. L'Italie termine deuxième en41 s 1, l'Allemagne troisième en41 s 2.
Une des légendes qui entourent la participation d'Owens aux Jeux raconte qu'Hitler, furieux de voir un Noir triompher, aurait refusé de lui serrer la main.
En fait, le, Hitler reçoit dans sa loge des athlètes allemands vainqueurs des épreuves du jour pour les féliciter, puis il quitte le stade avant que l'athlète américain noirCornelius Johnson, qui a remporté le concours dusaut en hauteur, ne reçoive sa médaille. Les officiels font alors savoir au chancelier allemand qu'il doit, soit féliciter tous les vainqueurs, soit n'en féliciter aucun[23],[25]. Hitler choisit de ne plus en féliciter aucun et rien n'indique que cette décision ait pu viser Owens en particulier[26].
Owens, pour sa part, affirma dans ses mémoires qu'Hitler ne l'avait pas snobé et lui avait fait un signe de la main lorsqu'il était passé devant sa loge :« Quand je suis passé devant le chancelier, il s’est levé, a agité la main vers moi, et je lui ai fait un signe en retour. Je pense que les journalistes ont fait preuve de mauvais goût en critiquant l’homme du moment en Allemagne » (« When I passed the Chancellor he arose, waved his hand at me, and I waved back at him. I think the writers showed bad taste in criticising the man of the hour in Germany. »)[27].
Et Jesse Owens ajoute à ce propos :« Hitler ne m'a pas snobé, c'est notre Président qui m'a snobé. Le Président ne m'a même pas envoyé un télégramme. »[28], ajoutant également « Après ces histoires d'Hitler qui m'aurait snobé, à mon retour auxÉtats-Unis, je ne pouvais pas m'asseoir à l'avant des autobus, je devais m'asseoir à l'arrière, je ne pouvais pas vivre là où je le voulais »[29], pointant du doigt laségrégation raciale aux États-Unis de l'époque.
En 2009, le journaliste sportif allemand Siegfried Mischner affirme que Jesse Owens avait en sa possession une photo de lui-même serrant la main à Adolf Hitler, et dit par ailleurs avoir assisté en personne à la poignée de main, mais que la presse avait alors décidé de ne pas publier la photo pour ne pas donner une image positive du dirigeant du Troisième Reich[30],[31].
Amitié avec Luz Long
Lors des Jeux, Jesse Owens est devenu l'ami de l'athlète allemandLuz Long, deuxième au saut en longueur. Les deux sportifs ont fraternisé sur le stade de Berlin. Cette amitié s'est prolongée après les Jeux, jusqu'à la mort de Long au combat, lors dudébarquement des Alliés en Sicile en 1943. Dans une lettre, Long avait écrit à Owens : « Une fois la guerre finie, va voir mon fils et dis-lui qui était son père, je t’en prie, Jesse, raconte-lui comment deux hommes, sur cette terre, peuvent être amis »[32].
Sa vie après les Jeux de Berlin
De retour aux États-Unis, Jesse Owens est accueilli triomphalement. Il sera considéré comme unhéros national, tout en restant un Afro-Américain, donc privé de droits civiques dans une Amérique largement ségrégationniste.Le président américain d'alors,Franklin D. Roosevelt, occupé à saréélection de novembre et soucieux de la réaction desÉtats du Sud, refusa d'avoir un entretien avec lui à laMaison-Blanche[réf. souhaitée][33].
Après les Jeux et malgré ses exploits, il eut des difficultés pour vivre, en pratiquant et en faisant la promotion de son sport. Il participa, moyennant un peu d'argent, à des courses dans lesquelles il laissait de l'avance aux coureurs locaux, ce qui ne l’empêchait pas de les battre quand même. Il remporta des défis face à des chevaux de course, mais révéla plus tard qu'il pouvait gagner grâce à l'effroi du cheval entendant le bruit du pistolet de départ.
Toute sa vie, il attribua sa carrière aux encouragements de Charles Riley, son entraîneur du collège qui l'avait repéré et lancé dans l'équipe nationale. (VoirHarrison Dillard, un athlète deCleveland inspiré par Owens.)
En 1932, un an avant son entrée à l'université d'État de l'Ohio, lui et Ruth ont leur première enfant, Gloria[35]. Jesse Owens et Minnie Ruth Solomon se marient le[36]. Deux autres filles, Beverly et Marlene Owens, naissent respectivement en 1937 et 1939[37].
En 1938, Jesse crée laDry Cleaning Company[37].En 1942, Owens déménage àDétroit pour travailler à la Ford Motor Company en tant que directeur du personnel[37].
En 1936, il est élu « Athlète de l'année » par l'Associated Press[37] et en 1950, il est nommé « Meilleur athlète des 50 dernières années » par l'Associated Press.
Depuis 1981, leJesse Owens Award est remis chaque année au meilleur performeur américain de l'année[39]. De même, en 1982, leBig Ten renomme son titre d'athlète de l'année enBig Ten - Jesse Owens Athlete of the Year Award[40]. En1984, une rue deBerlin est baptisée en son honneur.
Dans le jeuCall of Duty: Vanguard, le sergent Booker Washington dit à ses hommes de « courir comme Jesse Owens ».
Ventes des médailles d'Owens
Le, la maison de vente aux enchères SCP auctions vend une des quatre médailles d'or de Jesse Owens pour 1,47 million de dollars àRonald Burkle[43]. Jesse Owens avait donné cette médaille à l'artisteBill Robinson en gage d'amitié et de gratitude pour son aide à trouver un emploi dans le milieu du divertissement. Au décès de Robinson, sa dernière compagne, Elaine Plaines, hérite de la médaille. À son décès en 2007, c'est son fils qui hérite de la médaille et la met en vente[44].
En, la maison de venteHeritage Auctions annonce la mise aux enchères de deux autres médailles d'or de Jesse Owens en août 2017, chacune estimée à 500 000 dollars. Heritage Auctions annonce également la vente de la médaille de participation d'Owens avec une estimation de 30 000 dollars[45]. Owens, désargenté, avait donné ses deux médailles au milieu des années 1950 à un hôtelier de Pittsburgh, Harry Bailey, en paiement de ses nuits d'hôtel. Bailey donnera ensuite ces médailles en remboursement d'un prêt à un artisan, Louis DeVito. Son fils hérite des médailles[46]. Cependant, il semble que la vente aux enchères n'ait finalement pas eu lieu pour une raison inconnue.
Le, la maison de vente Goldin Auctions vend la dernière médaille d'or restée inconnue jusqu'alors pour 650 000 dollars[47]. Owens avait donné cette médaille à l'haltérophileJohn Terpak(en) en gage d'amitié. En effet, celui-ci avait organisé de nombreuses conférences pour Owens à partir de 1954. Au décès de Terpak, ses enfants héritent de la médaille[48].