Jean André Wahl (né le àMarseille et mort le àParis9e[1]) est unphilosophefrançais. Il est professeur à laSorbonne de 1936 à 1967, sauf durant laSeconde Guerre mondiale, où il fut d'abord exclu de l'enseignement supérieur puis arrêté et interné aucamp de Drancy, enfin remis en liberté fin 1941 à la suite d'une épidémie de dysenterie. Il passa vers la zone sud puis vers lesÉtats-Unis, d'où il ne revient qu'après la fin de la guerre[2].
Jean Wahl naît au sein d'une famille juivesécularisée. Il poursuit ses études à l'École normale supérieure (promotion 1907), puis il est reçu premier au concours d'agrégation de philosophie en1910[3], et il est pensionnaire de laFondation Thiers[4] avant la guerre de 1914. Il commença sa carrière en tant que disciple d'Henri Bergson. Pionnier dans le domaine des études américaines, il publie en 1920 sa thèse sur les philosophies pluralistes d'Angleterre et d'Amérique, dans laquelle il analyse en détail lepluralisme deWilliam James, dans une réflexion qui se prolongera, par une réflexion sur l'idée d'unité cette fois, dans son étude duParménide dePlaton. Il introduisit une nouvelle lecture de la penséehégélienne enFrance, à partir du motif de la « conscience malheureuse[5] », dans les années 1930, avant même les célèbres conférences d'Alexandre Kojève. Il fut aussi un grand défenseur de la pensée deKierkegaard. Ces engagements, qui s'expriment dans ses deux livresLe Malheur de la conscience dans la philosophie de Hegel (1929) et lesÉtudes kierkegaardiennes (1938) furent très controversés, dans le climat de la pensée dominante de l'époque. Il influença un certain nombre d'importants penseurs, telEmmanuel Levinas,Édouard Glissant,Jean-Paul Sartre et son opposant intellectuelJacques Laurent[6] ouGilles Deleuze[7] ; il fut l'ami notamment deVladimir Jankélévitch. Il est traditionnellement reconnu comme étant un philosophe de la pensée non systématique, et favorisant l'innovation et le concret. Il a également une œuvre poétique (il a publié dans la revueFontaine deMax-Pol Fouchet pendant la guerre) et a publié des articles surPierre Jean Jouve dont il était l'ami.
L'avancée allemande le pousse à l'exode jusqu'àBayonne, en[8]. De retour à la fin de l'été à Paris, il ne peut retrouver son poste en Sorbonne car les professeurs israélites sont exclus[9]. Il est également exclu de l’École normale supérieure parJérôme Carcopino, le directeur, qui a fait appliquer leStatut des juifs « sans grande pression de la part du gouvernement »[10],[11],[12].
Il poursuit ses cours dans un appartement de l'hôtel des Beaux-Arts, non loin de l'université, jusqu'à ce que se pose la question de la préservation dufonds Brunschvicg, pour laquelle ses amis le pressent d'intervenir[13]. Convoqué à laGestapo le et interrogé par les services du commissaire allemand aux affaires juives à Paris,Theodor Dannecker, il est détenu à laprison de la Santé jusqu'à la mi-septembre, puis interné aucamp de Drancy[13] jusqu'au début du mois de. Rendu à la liberté par une épidémie dedysenterie qui touche tout le camp et inexplicablement laissé libre de ses mouvements, il est sur le point d'être repris comme otage, et sans doute fusillé, lorsqu'il est prévenu par l'assistante sociale du camp de Drancy,Annette Monod en. Il peut ainsi s'enfuir à temps[14]. Il passe laligne de démarcation avec l’aide de son frère et séjourne quelques mois àLyon où il est hébergé par le doyen de la faculté de Lettres et, selon un normalien de passage, il est en butte aux difficultés matérielles et hésite[15].Carcopino, depuis l’ENS, l’empêche de participer aux jurys de thèses[14] proposés par le doyen.
En il fonde leCollège philosophique(en) et dirige laRevue de métaphysique et de morale à partir de 1950. Il publie ainsi en 1956Vers la fin de l'ontologie, issu d'un séminaire annuel commentant le cours de 1935 deHeidegger,Introduction à la métaphysique. Il sera président de la Société française de philosophie à la mort deGaston Berger.
Il reçoit le Grand Prix littéraire de la Ville de Paris le 17 juin 1971[18]. Il avait épousé Marcelle Sicard (1915-2002).
La Pensée de Heidegger et la poésie de Hölderlin, Paris, Centre de documentation universitaire, 1952 (Cours de la Sorbonne).
Traité de Métaphysique, 1953.
La structure du monde réel d'aprèsN. Hartmann, Paris: Centre de documentation universitaire, 1953. (Cours de la Sorbonne enseigné en 1952).
La théorie des catégories fondamentales dans Nicolai Hartmann, Paris: Centre de documentation universitaire, 1954. (Cours de la Sorbonne enseigné en 1953).
La philosophie de l'existence, 1954.
Les aspects qualitatifs du réel. I. Introduction, la philosophie de l'existence; II. Début d'une étude sur Husserl; III. La philosophie de la nature de N. Hartmann, Paris: Centre de documentation universitaire 1955. (Cours de la Sorbonne enseigné en 1954).
Vers la fin de l'ontologie, 1956.
La pensée philosophique de Nietzsche des années 1885-1888, Paris, Centre de documentation universitaire Tournier & Constans, 1959 (Les cours de Sorbonne)
↑Cf.Philippe Chardin,Le roman de la conscience malheureuse : Svevo, Gorki, Proust, Mann, Musil, Genève, Droz,(ISBN9782600005135), « 1. La notion de « conscience malheureuse » »,p. 31-32
↑ Dans son autobiographie, il explique suivre les cours de Wahl avec plaisir à la Sorbonne tout en critiquant son manque de prise de position tranché sur les autres philosophes : cf.J. Laurent,Histoire égoïste, Paris, La Table ronde,,p. 142-144
↑Qui écrit de lui, dans une note deDifférence et Répétition, que« toute l'œuvre de Jean Wahl est une profonde méditation sur la différence ; sur les possibilités d'en exprimer la nature poétique, libre et sauvage ; sur l'irréductibilité de la différence au simple négatif ; sur les rapportsnon hégéliens de l'affirmation et de la négation » — ce qui représente une partie du projet même deGilles Deleuze,Différence et Répétition, Paris, PUF,,p. 81
↑Cette lettre a été présentée lors de l'exposition « Entre collaboration et résistance », sur la vie littéraire française sous l'Occupation, présentée à la New York Public Library en 2009 et dirigée parRobert Paxton. Dansune interview au journal Le Monde, R. Paxton répond que cette lettre est« un des deux documents qui [le] frappent le plus »: « sinueuse et empêtrée », elle montre que« une partie du monde universitaire et éditorial a fait appliquer le "Statut des juifs", sans grande pression de la part du gouvernement. »
↑La lettre dit notamment ceciselon le site de Barbara Wahl, fille de Jean Wahl :« j’estime qu’il ne serait conforme ni à la dignité de l’école, ni à la simple équité, de demander à un professeur de la Sorbonne d’assurer un enseignement sans rémunération. »
↑a etbMarcel Raymond,Poèmes de Jean Wahl, accompagnés de dessins d’André Masson, Montréal., Éditions de l’Arbre,, « Préface »,p. 11.
Transcendence and the Concrete: Selected Writings of Jean Wahl. Edited by Alan D. Schrift and Ian Alexander Moore. New York: Fordham University Press, 2017.