Pour les articles homonymes, voirJean Lasserre (homonymie) etLasserre.
Naissance | |
---|---|
Décès | |
Nationalité | |
Formation | |
Activité |
Jean Lasserre, né le àGenève et mort le àLyon[1] est un pasteur de l'Église réformée de France,théologien de la paix, secrétaire itinérant de la branche française duMouvement international de la réconciliation et rédacteur desCahiers de la Réconciliation. Son livreLa guerre et l'Évangile, publié en 1953, l'a fait connaître sur le plan international.
Son père, Henri Lasserre, né le à Genève et mort le àToronto au Canada, était de nationalité suisse, mais de famille huguenote, originaire dePont de Camarès en France, émigra en 1749 vers la Suisse. Il s’intéresse très tôt à la pensée deTolstoï et à la vie en communautés. Il émigre plus tard auCanada. Jean Lasserre a dédié son livreLa guerre et l'Évangile à la mémoire de son père. Sa mère, Marie Schnurr, née le àLyon et morte le dans cette même ville, était artiste et botaniste. Après le divorce de ses parents, Jean vit à partir de 1909 à Lyon. Il obtint la nationalité française en 1930. Son frère aînéGeorges Lasserre, juriste et économiste, s'est fait connaître par ses travaux sur lacoopération.
À partir de, Jean est étudiant à l'Union Theological Seminary àNew York. C'est là qu'il fait la connaissance de deux autres boursiers européens, Erwin Sutz etDietrich Bonhoeffer et qu'il se lie d'amitié avec eux. Peu de temps auparavant, Dietrich Bonhoeffer s’en était pris autraité de Versailles. Mais il ne fait preuve d'aucun ressentiment vis-à-vis de son camarade français. Ensemble ils vont voir le filmÀ l'Ouest, rien de nouveau d’après le roman du même nom d'Erich Maria Remarque et cette séance de cinéma modifie durablement la relation qu'ils ont l’un avec l’autre ; d'« ennemis héréditaires », ils deviennent des amis.
À la fin de cette année d'études, Jean Lasserre et Dietrich Bonhoeffer font ensemble un voyage en automobile aux États-Unis et en tant qu'« ex-ennemis héréditaires », ils donnent des conférences à Victoria (Mexique) sur la question de la paix.
Revenus en Europe, ils se rencontrent encore à diverses reprises : en 1931 lors de la conférence œcuménique de Cambridge, en 1932 auxHouches dans la vallée de Chamonix à l'occasion d’un séjour d'été de Jean Lasserre dans le chalet de son frère, en 1934 encore, avant le début de la deuxième guerre mondiale, àFanø (Danemark)[2] à la conférence œcuménique de la jeunesse de l'Alliance mondiale pour le travail des Églises en faveur de l'amitié et la même année dans la paroisse ouvrière de Jean Lasserre àBruay-en-Artois. Jusqu'à l'arrestation de Dietrich Bonhoeffer en, ils gardent le contact par un échange de lettres, et en 1942 par l'intermédiaire d'un soldat allemand de la Wehrmacht. Jean Lasserre a brûlé ces lettres pour ne pas nuire à son ami, à lui-même et à sa famille.
Après la fin de ses études de théologie, Jean Lasserre est pasteur dans la paroisse ouvrière réformée de Bruay-en-Artois de 1932 à 1938. C’est là qu'il épouse Geneviève Lasserre-Marchyllie, née le à Calais et morte le à Lyon. Ils ont ensemble trois enfants. Lorsque Dietrich Bonhoeffer lui rend visite à Bruay, il fait ses premières expériences de prédication dans la rue parmi les ouvriers. Lasserre a lutté en paroisse contre l'alcoolisme et leracisme.
De 1938 à 1949 Lasserre est pasteur àMaubeuge. Pendant la guerre il cache pour la Résistance deux réceptionnistes-radio, qui avaient été formés à Londres pour le sabotage de transports de munitions. Lors de l'explosion, personne ne perdit la vie. À la fin de la guerre le maire de la ville le fit intervenir comme avocat dans une procédure judiciaire improvisée contre six collaborateurs. Il réussit à éviter la peine de mort à au moins l'un d'entre eux.
En 1946 débute sa campagne contre laprostitution (voir son livreComment les maisons furent fermées, 1955). De 1949 à 1953 Lasserre est pasteur àÉpernay. C'est là qu'il rédige son premier livre de théologie de la paixLa guerre et l'Évangile. De 1953 à 1961 il est pasteur à la « fraternité » de laMission populaire évangélique deSaint-Étienne et de 1969 à 1973, pasteur autemple protestant de Calais.
Six pasteurs dontRené Cruse et Jean Lasserre renvoient leurslivrets militaires en 1957, surtout pour appuyer le projet de statut légal desobjecteurs de conscience[3].
Le 25 septembre 1961, une douzaine de personnes, desréfractaires à laGuerre d'Algérie et leurs soutiens dont Jean Lasserre, respectent un jeûne organisé par l'Action civique non-violente en faveur de la paix, dans le hall de l'Unesco à Paris. DesMontpelliérains les imiteront deux jours plus tard[4],[5].
Membre de la branche française duMouvement international de la réconciliation (fondé en 1923 entre autres parHenri Roser), Lasserre devient en 1961 secrétaire itinérant de ce mouvement pour les pays de langue française :France,Belgique etSuisse. Jean a fait partie de l'équipe qui fait venirMartin Luther King àLyon le pour une conférence à la Bourse du Travail. Lasserre a été un responsable dans la lutte contre laguerre d'Algérie et dans le combat contre latorture. Il a travaillé dans ce domaine en étroite collaboration avecJean Goss. Une sélection de ses conférences a paru en 1965 dans son deuxième livre,Les Chrétiens et la violence, qui contribue à la théologie de la paix.
De 1957 à 1968, puis à nouveau de 1977 à 1978 il est rédacteur desCahiers de la Réconciliation, la revue du Mouvement de la réconciliation de langue française. En 1966 Lasserre fait un voyage enAfrique, il est en particulier en contact avec l'Église kimbanguiste duCongo qu'il aide à devenir membre duConseil œcuménique des Églises.
Même lorsque Jean Lasserre prend sa retraite en 1973, il reste en contact suivi avec lalutte du Larzac (contre l’extension du camp militaire), avec lacommunauté de l'Arche deLanza del Vasto, et participe à la lutte contre lesarmements atomiques. Régulièrement, sur son invitation, des rencontres annuelles d'études théologiques ont lieu sur le thème « Théologie et non-violence ».
Du 6 au 9 août 1982, il est un des porte-parole des jeûneurs qui commémorent sur le parvis de labasilique de Fourvière, àLyon, lesbombardements d'Hiroshima et de Nagasaki[6].
Avec le théologien mennoniteJohn Howard Yoder, Jean Lasserre a contribué de façon essentielle à défendre la position des pacifistes chrétiens dans l'esprit desBéatitudes de Jésus, évangile de Matthieu 5, 9« heureux ceux qui procurent la paix car ils seront appelés fils de Dieu », à la suite des conférences dePuidoux. Yoder et Lasserre se sont appliqués avec détermination à dépasser letrilemme de la conférence œcuménique de 1948 àAmsterdam, après laquelle, certes, avait été déclaré que, selon la volonté de Dieu, il n'est pas permis de faire la guerre, mais que cependant trois positions différentes devraient être valables sur le même plan à l'intérieur de la chrétienté face à la question de la violence, la position de l'« ultima ratio », de la « raison d'État » et du « refus inconditionnel de la violence meurtrière des églises pacifistes ».
Lasserre a argumenté la différence catégorielle entre une utilisation de la violence qui ne tue pas et l'utilisation de la violence qui tue. Il a créé le concept « d'hérésie constantinienne » qui, depuis l'unification de l'Église et de l'État à la suite du tournant constantinien qui a abouti à un christianisme d'État, a faussé l'Évangile de Jésus de Nazareth et sanon-violence absolue. Lasserre s'élevait contre l'utilisation de la violence qui tue, aussi bien dans le contexte de guerres d'État – en contestant aussi, selon une logique toute militaire, tout sens aux guerres défensives, - que dans les luttes armées de libération contre la domination coloniale européenne, en particulier en Afrique.