Pour les articles homonymes, voirLacouture.
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| Formation | École libre des sciences politiques(jusqu'en) |
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| Père | Joseph Lacouture(d) |
| Conjoint | Simonne Lacouture(d) |
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| Archives conservées par | Archives nationales d'outre-mer (32 APOM) |
Jean Lacouture, né le àBordeaux et mort le àRoussillon[1], est unjournaliste etécrivainfrançais.
Jean Lacouture est le fils du chirurgien Joseph Lacouture et d'Anne-Marie Servantie[2]. Sa famille estcatholique et ancrée àdroite, propriétaire viticole et issue en partie de la noblesse (?). L'un de ses oncles est général dans l'armée coloniale (en poste àMadagascar), l'autre magistrat enIndochine française. Ses parents sont abonnés àGringoire et àLa Victoire mais ne sont pas antisémites[3].
Il fréquente lelycée Sainte-Marie Grand Lebrun, tenu par lesmarianistes, àCaudéran. Il fait ses études secondaires chez lesjésuites dulycée Saint-Joseph de Tivoli, puis des études supérieures àParis. Il est diplômé en lettres, en droit[4] et de l'École libre des sciences politiques (promotion 1941)[5]. En 1969, il soutient une thèse de doctorat ensociologie[6].
Attaché de presse dugénéral Leclerc à la fin de laSeconde Guerre mondiale, il découvre l'Indochine et y fait ses débuts dans lejournalisme où il rencontre les chefs duViệt Minh, dontHô Chi Minh[4].
Après un séjour de deux ans à la résidence générale de France àRabat auMaroc (1947-1949), Jean Lacouture commence sa carrière dejournaliste et dereporter àCombat en 1950, qu'il poursuit au journalLe Monde en 1951 puis àFrance-Soir, en tant que correspondant auCaire entre 1953 et 1956.
Il revient auMonde en 1957 où il est chef du service outre-mer puis grand reporter jusqu'en 1975. Il collabore également auNouvel Observateur[4].
D'abord sympathisant de droite, deux évènements l'ont conduit, selon lui, à se tourner vers la gauche. En premier lieu, le procès intenté à son père, influent chirurgien ayant accepté à sa retraite de prendre la tête d'une cliniquemutualiste, par le corps médical bordelais sous un prétexte futile : « La vraie raison était qu'il trahissait sa classe. Il passait chez des gens qui font payer le même prix à tous les malades. Une médecine qui sentait le syndicalisme. » Puis, après avoir rejoint l’armée française en Indochine à la fin de laSeconde Guerre mondiale, la découverte de la réalité ducolonialisme français[3]. Son engagement à gauche, contre legénéral de Gaulle et laVe République, mais surtout pour leFront national de libération du Sud Viet-Nam et lesKhmers rouges (« le meilleur Cambodge »[4]), seront l'objet d'ardents débats et de justificationsa posteriori de sa part. Il déclarera plus tard s'être trompé et reconnaîtra le caractère génocidaire du régime[4].
Biographe de nombreuses personnalités, Jean Lacouture revendique, lors d'un débat en 2001 avecPhilippe Bertrand surFrance Inter (émissionCafé littéraire) sa subjectivité et son empathie pour les personnages dont il écrit la biographie (par exemple la personnalité « savoureuse » d'Hô Chi Minh). Ainsi, dit-il, s'il ne peut faire de biographie de personnages qu'il n'apprécie pas, il reconnaît écrire des biographies d'admiration et pour lesquelles il n'hésite pas à s'écarter de la règle de l'objectivité. Partant ainsi du constat que « le biographe est dominé par son personnage », il ne croit pas à cette règle (défendue parPierre Milza) et reconnaît traiter le sujet de manière engagée et personnelle.
Pour Jean Lacouture, l'art du biographe consiste à laisser des zones d'ombre pour permettre au lecteur de se faire une idée.
Écrivain ou historien de l'histoire immédiate ou contemporaine, Jean Lacouture a regretté de ne pas avoir mis l'accent sur « l'encagement » des hommes auViêt Nam. En revanche, il ne cache pas certaines dérives durégime nassérien dansL'Égypte en mouvement (éditions du Seuil, 1956), coécrit avec sa femme Simonne Lacouture :
« Toute censure est haïssable. Mais, pratiquée comme elle l'est en Égypte, fantasque, irrésolue, pataugeante et féroce sitôt que décidée, elle fait de la presse l'une des dernières formes de la servitude. »
— Jean Lacouture,L'Égypte en mouvement, (p. 282).
Jean Lacouture enseigne à l'Institut d'études politiques de Paris[7].
Grandmélomane, passionné demusique et surtout d'opéra, après avoir écrit surCarmen, Jean Lacouture est le président de l'Association des amis deGeorges Bizet.
Il est aussi depuis toujours un fin connaisseur du milieurugbystique français en commentant notamment, dans le journalLe Monde, les matchs du tournoi des Cinq nations. Il écrit sur ce sujet un livreVoyous et gentlemen, Une histoire de rugby en 2006.
Jean Lacouture meurt à 94 ans le[8], quatre ans jour pour jour après son épouse, Simonne, née Simonne Grésillon[2]. Il est inhumé le au cimetière deRoussillon dans leVaucluse, en présence notamment de l'ancien secrétaire d’État et historienJean-Noël Jeanneney, de l'ex-ministre de la JusticeÉlisabeth Guigou et du journalisteJean-Louis Servan-Schreiber[9].
C'est sa rencontre avecHô Chi Minh —« personnalité charismatique », selon lui, — qui détermine l'engagement de Jean Lacouture dans la cause de ladécolonisation. C'est ainsi que, dans lesannées 1950, il est un des premiers partisans de la décolonisation de l'Algérie et de toutes les autrescolonies encore françaises.
Il est membre du comité de soutien ducentre Primo-Levi (soins et soutien aux personnes victimes de la torture et de la violence politique).
En 1970, dansLe Nouvel Observateur, Jean Lacouture fait l'éloge du nouveau gouvernement nationaliste dePenn Nouth (lequel sera rapidement renversé par un coup d’État appuyé par les États-Unis), mis en place auCambodge et du programme politique duFront uni national du Kampuchéa (FUNK). Il n'est alors pas le seul intellectuel à prendre parti pour les régimes hostiles à « l'impérialisme américain ». Il côtoieJacques Decornoy,Jacques Julliard,Jean-Paul Sartre, etc.
En 1975, après avoir salué la chute deSaïgon, il salue la venue imminente d'un « meilleur Cambodge » avec lesKhmers rouges alors que l'édition du duMonde titre : « L'écroulement des illusions » (deLong Boret, successeur deLon Nol) et que les Khmers rouges entrent dansPhnom Penh.
À cette époque, pour Jean Lacouture, les Khmers rouges sont« un mouvement de résistance contre un gouvernement fabriqué par les Américains »[10].
Il faudra deux ans à Lacouture pour appréhender la réalité de l'idéologie des Khmers rouges et desVietnamiens du nord et plus encore pour admettre les massacres perpétrés auCambodge. En 1977, il prend connaissance du livre deFrançois PonchaudCambodge année zéro, qui fait découvrir au monde l'horreur du régime institué par lesKhmers rouges. Dans un article consacré à cet ouvrage, publié d'abord dansLe Nouvel Observateur avant d'être traduit dans une revue américaine, laNew York Review of Books (), il mêle dénonciation du régime khmer etmea culpa[11]. Cet article connaît un certain succès dans la presse d’outre-Atlantique, qui lui consacre bon nombre d’éditoriaux. Néanmoins,Noam Chomsky compara l'article avec le livre de Ponchaud et s'aperçut « que la plupart des affirmations de Lacouture n’avaient pas de fondement dans l’ouvrage cité ». Lacouture fit amende honorable quant aux inexactitudes dévoilées en justifiant son action par l'urgence de dénoncer et condamner le régime dePol Pot, fût-ce au prix d'erreurs[11].
En, revenant sur sa présentation duViêt Nam et des Khmers rouges dans un entretien àValeurs actuelles, il déclare :
« avoir pratiqué une information sélective en dissimulant le caractèrestalinien du régime nord-vietnamien. Je pensais que le conflit contre l'impérialisme américain était profondément juste, et qu'il serait toujours temps, après la guerre, de s'interroger sur la nature véritable du régime. Au Cambodge, j'ai péché par ignorance et par naïveté. Je n'avais aucun moyen de contrôler mes informations. J'avais un peu connu certains dirigeants actuels des Khmers rouges, mais rien ne permettait de jeter une ombre sur leur avenir et leur programme. Ils se réclamaient dumarxisme, sans que j'aie pu déceler en eux les racines dutotalitarisme. J'avoue que j'ai manqué de pénétration politique. »
Toutefois en 1980, après quelques hésitations dues à des rumeurs sur la continuation du génocide des Cambodgiens par l'armée vietnamienne, il approuve l'intervention du Viet-Nam communiste de l'hiver 1978-1979 au Cambodge. Il exprime ainsi dansle Monde son incompréhension devant le soutien, relatif, de l'ONU aux Khmers rouges qui semble ressortir de la formule« l'ancien gouvernement Pol Pot est le seul représentant du peuple cambodgien ».
Au moment où le Cambodge est en peine de reconnaissance et où les États-Unis soutiennent PolPot revenu dans l'opposition pour compliquer la tâche des vietnamiens, cette « position » lui paraît« non seulement absurde et immorale mais sur le terrain nuisible aux organisations humanitaires ».
Dans lesannées 1950 et1960, il fut un vigoureux détracteur dugénéral de Gaulle et un fervent partisan deFrançois Mitterrand.
À la fin desannées 1980, sa biographie de De Gaulle (De Gaulle ou l'éternel défi) tranchait avec ses opinions de jeunesse. Il reconnut alors avoir évolué et être devenu un de ses admirateurs.
En1991, il prend la défense deGeorges Boudarel, universitaire, visé par une plainte pour « crimes contre l'humanité » déposée par d'anciens prisonniers français d'un campvietminh où celui-ci étaitcommissaire politique au début desannées 1950.
Jean Lacouture se qualifie lui-même derevistero-amateur dans l'introduction de son livreSignes du taureau qui est un recueil des chroniquestauromachiques qu'il a fait paraître dansLe Monde de 1968 à 1979[12]. Il a également préfacé un grand nombre d'ouvrages tauromachiques dontLa Tauromachie de Claude Popelin et Yves Harté dans une introduction qui porte le titreNotre ami Claude (Popelin), avec François Zumbiehl[13]. Il a aussi publié avec Robert Ricci,Corridas, détails de passion, où il revient sur la nature de l'afición.
Il continue d'être un ardent défenseur de la tauromachie, s'insurgeant contre l'interdictioncatalane qu'il considère comme une décision politique[14]. Les opposants ne manquent pas de l'attaquer notamment au moment où la tauromachie a été inscrite au patrimoine culturel immatériel de la France[15], parce qu'il fait partie des signataires de la lettre que les intellectuels et les artistes ont signée pour remercierFrédéric Mitterrand[16].