Président Société des amis de Louis Aragon et Elsa Triolet(d) | |
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Sépulture | Cimetière d'Antraigues-sur-Volane(d)(depuis le) ![]() |
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Père | Mnacha Tenenbaum(d) ![]() |
Mère | Antoinette Malon(d) ![]() |
Fratrie | |
Conjoints | Christine Sèvres(de à) Colette Laffont(d)(de à) ![]() |
Label | |
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Discographie |
Jean Ferrat (nom de scène deJean Tenenbaum), né le àVaucresson (Seine-et-Oise) et mort le àAubenas (Ardèche), est unauteur-compositeur-interprètefrançais. Auteur dechansons à texte, il alterne durant sa carrière chansons sentimentales, chansons poétiques et chansons engagées et est souvent confronté à la censure[1]. Reconnu pour son talent de mélodiste, il met en musique et popularise nombre de poèmes deLouis Aragon avec l'approbation de celui-ci.
Compagnon de route duParti communiste français, il s'en démarque sur différents sujets[2].
Bien que peu présent dans les médias et malgré son retrait de la scène à42 ans, cet ardent défenseur de lachanson française connaît un grand succès critique et populaire[3]. Apprécié d'un large public, Jean Ferrat est considéré, à l'instar deLéo Ferré,Georges Brassens ouJacques Brel, comme l'un des grands de lachanson française[4],[5].
Né à la fin de l'année 1930 à Vaucresson[6], Jean Ferrat est le fils de Mnacha Tenenbaum (1886-1942)[N 1], unJuif russe,immigré en France en 1905 etnaturalisé français en 1928, et d'Antoinette Malon (1888-1964), uneParisienne issue d'unefamille auvergnate[N 2].
Pendant laPremière Guerre mondiale Mnacha Tenenbaum, ouvrier joaillier de métier, est engagé volontaire et affecté comme ajusteur dans un atelier d'aviation[11]. C'est à cette époque qu'il rencontre Antoinette Malon, ouvrière dans une entreprise de fleurs artificielles, et l'épouse le[N 3]. Après son mariage, elle quitte son emploi pour élever ses enfants : Raymonde (née en 1916 à Paris[12]), André (né en 1918 àDraveil), Pierre (né en 1925 à Vaucresson[N 4]) et Jean (né en 1930 à Vaucresson)[13].
Peu après la fin de la guerre[N 5], la famille s'installe à Vaucresson dans une maison particulière[N 6]. Mnacha est artisanjoaillier et composepièces et parures pour des commanditaires parisiens[N 7]. À l'époque de sa naturalisation (), il est assez aisé pour régler la totalité des droits afférents[14], assez élevés.
En 1935, la famille quitte Vaucresson et s'installe àVersailles[N 8],[15]. Chez les Tenenbaum, on apprécie la musique et le chant. Jean Ferrat confiera :« Mon père et ma mère m'ont communiqué leur passion de la musique et du chant. Ils allaient souvent à l'Opéra-Comique et ma mère, qui avait une jolie voix desoprano, chantaitLakmé etManon[N 9]. Je crois qu'elle aurait aimé être chanteuse. À la maison, les jeunes chantaientTrenet et les moins jeunesTino Rossi etJean Lumière. […] C'était alors un peu la guerre[16],[N 10]. »
Jean est fortement marqué par l'Occupation de la France par l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale[N 11].
Son père, qui est de nouveau engagé volontaire en 1939[N 12], est cependant touché par les mesures antijuives dustatut des Juifs imposé par le gouvernement de Pétain (1940 et 1941). En 1942, il est astreint au port de l'étoile jaune, mais se croit protégé par son statut de Français (et d'époux d'une non-juive)[N 13] : il refuse de partir pour lazone libre[17]. Peu après, durant l'été 1942, il est arrêté et interné aucamp de Drancy, puis déporté par leconvoi 39 du àAuschwitz, où il est assassiné[18],[19] dans le cadre de laSolution finale[N 14] (plus tard, Ferrat évoquera la disparition de son père, bien après sa chansonNuit et brouillard, dans la chansonNul ne guérit de son enfance - albumDans la jungle ou dans le zoo). La dernière adresse de Mnacha Tenenbaum est au 3avenue de Saint-Cloud dans le16e arrondissement de Paris[7].
L'enfant est caché un moment par des militantscommunistes, puis sa famille (Jean, sa mère, sa sœur et ses frères) se réfugie en zone libre, àFont-Romeu[20]. Il y reste deux ans, et y fait sa sixième et sa cinquième, puis retourne vivre àVersailles avec sa tante. Il entre le en cinquième moderne au collège Jules-Ferry (aujourd’huilycée Jules-Ferry)[N 15].
En, la famille décide de les faire revenir enCerdagne afin d'éviter les affrontements qui s'annoncent, liés à laLibération. Mais, arrivés àPerpignan, ils reçoivent l'instruction de ne pas terminer le trajet : sa sœur est retenue par laGestapo à lacitadelle de Perpignan, tandis que l'un de ses frères se cache dans la montagne et que sa mère est interrogée par la Gestapo. Jean et sa tante logent alors à l'hôtel pendant un peu plus d'un mois, jusqu'à ce que sa sœur soit libérée[10]. La famille gagne alorsToulouse, où elle est hébergée un temps par les parents de la belle-sœur de Jean, puis par une famille de paysans dans l'Ariège, grâce aux réseaux derésistants dont fait partie le beau-père de Pierre Tenenbaum, Marcel Bureau[N 16],[10].
Après avoir effectué une seconde (filière moderne), il doit quitter le collège Jules-Ferry pour aider financièrement sa famille[21]. Sans diplôme ni expérience, il est embauché comme aide-chimiste dans un laboratoire spécialisé dans le Bâtiment et les Travaux Publics à Paris[22]. De manière à progresser, il prend des cours du soir puis poursuit pendant plusieurs années un cursus auConservatoire national des arts et métiers en vue de deveniringénieurchimiste, ceci tout en prenant des cours de théâtre et en expérimentant l'interprétation et l'écriture musicale. En 1954, il quitte le métier de chimiste pour pouvoir se consacrer pleinement à la vie artistique et la chanson, menant la vie de bohème et fréquentant les cabarets parisiens[23].
Attiré par la musique, lethéâtre et le classique, il entre dans une troupe de comédiens au début des années 1950, compose quelques chansons et joue de la guitare dans un orchestre dejazz. Il passe alors sans grand succès quelques auditions, fait des apparitions au cabaret sous le nom de Jean Laroche, et, ne se décourageant pas, décide de se consacrer exclusivement à la musique.
En 1956, il met en musiqueLes Yeux d'Elsa, poème deLouis Aragon dont il sera toute sa vie l'admirateur[Cit. 1],[24]. C'estAndré Claveau, alors fort en vogue, qui interprète la chanson et apporte ainsi un début de notoriété à Jean, qui se produit très régulièrement au cabaret parisienLa Colombe deMichel Valette, en première partie deGuy Béart. La même année, une jeune chanteuse,Christine Sèvres, dont il a fait la connaissance, reprend quelques-unes de ses chansons. À partir de fin 1957, il vit avec elle, tout d'abord chez les Tenenbaum, rue des Pyrénées, puis àIvry[25].
En 1957, il chante, en s'accompagnant à la guitare, dans quelques cabarets de laRive gauche :Milord l'Arsouille,La Colombe,L'Échelle de Jacob, La Rôtisserie de l'Abbaye[26].
En 1958, il sort chezVogue son premier45 toursEP, qui ne rencontre cependant guère de succès.
Sa rencontre en 1959 avecGérard Meys, qui deviendra son éditeur et son ami, lance sa carrière. Il signe alors un contrat chezDecca avecDaniel Filipacchi et, l'année suivante, sort son second45 toursEP avec la chansonMa Môme, qui devient son premier succès en passant sur toutes les ondes. Quasiment en même temps,RCA publie un45 toursEP des quatre chansons qu'il a enregistrées sous le pseudonyme de Noël Frank. Le disque n'a aucun succès[27].
Après avoir vu sur une carte de France la ville deSaint-Jean-Cap-Ferrat, il décide de prendre le nom de Jean Ferrat[28], après le nom de Jean Laroche déjà utilisé sur scène par un autre artiste.
Une autre rencontre décisive aura lieu avec le musicienAlain Goraguer, qui signe ses premiersarrangements (sous le pseudonyme de Milton Lewis, pour des raisons contractuelles), lequel deviendra l'arrangeur des chansons de tous ses albums.
LephotographeAlain Marouani, rencontré chezEddie Barclay, suivra Ferrat durant toute sa carrière en signant la très grande majorité de ses photos.
En 1961, il rencontreZizi Jeanmaire, pour laquelle il écritEh l'amour,Mon bonhomme. Elle l'engage comme vedette américaine (première partie) de son spectacle à l'Alhambra, le premier music-hall où il chantera. Il y reste six mois et abandonne alors sa guitare pour l'orchestre[26].
Son premier33 tours,Deux enfants au soleil, sort en1961 et reçoit le prix de laSACEM.
Commence alors sa longue carrière, émaillée de difficultés avec lacensure exercée par les dirigeants de la radio et de la télévision[29]. En effet, Ferrat a toujours été un chanteur engagé à l'esprit libre. Il met en musique ses propres textes, ceux de ses paroliers ou ceux d'amis poètes, dont notammentHenri Gougaud,Georges Coulonges ouGuy Thomas.
Au début des années 1960, il compose, sur des paroles deMichelle Senlis pour Jacques Boyer et Jean-Louis Stain, la musique de la chansonMon vieux. Les paroles en seront partiellement réécrites parDaniel Guichard dans les années 1970, lors de sa reprise de cette chanson, avec laquelle il connaîtra un très grand succès et qui deviendra un classique de son répertoire.
En 1961, il épouse à Ivry-sur-Seine, la chanteuseChristine Sèvres, née Jacqueline Amélie Estelle Boissonnet, dont il élèvera la fille, Véronique Estel, née en 1953 d'un premier mariage[30],[31], qu'il connaît depuis ses 3 ans et considère comme sa fille adoptive[32].
Dans ces années-là, il croisePia Colombo, qui reprend notamment sa chansonLes Noctambules (1962)[33].
En 1962, il fait la connaissance d'Isabelle Aubret. Cette rencontre est pour les deux artistes le début d'une grande et pérenne complicité artistique, puis amicale[N 17]. Jean Ferrat lui propose de se produire en première partie de la tournée qu'il commence. Elle y chante notammentDeux enfants au soleil, chanson écrite parClaude Delécluse. En1970, il compose une chanson sur des paroles écrites parPhilippe Pauletto et intituléeTout ce que j’aime. Quelques mois plus tard, elle sera interprétée aussi par Isabelle Aubret.
En 1963, souhaitant remettre en question son image de chanteur de charme à la voix grave[34], Jean Ferrat quitte Decca et rejoint le label créé parEddie Barclay[N 18].
Faisant référence à la directive « Nuit et brouillard » qui ordonnait la déportation de tous les ennemis ou opposants duTroisième Reich, il écrit et interprèteNuit et brouillard, en mémoire des déportés victimes descamps de concentration et descentres d'exterminationnazis, dont son père, juif émigré de Russie mort àAuschwitz[35] :« Ils s'appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel / Certains priaientJésus,Jéhovah ouVichnou / D'autres ne priaient pas, mais qu'importe le ciel / [...] les Allemands guettaient en haut des miradors, la lune se taisait comme vous vous taisiez », chante-t-il, interpellant par ses vers la passivité de beaucoup durant l'Occupation et lerégime de Vichy[36]. Malgré la censure non avouée des autorités qui « déconseillent » son passage sur les ondes[37], la chanson connaît un très grand succès auprès du public et lui vaut le grand prix du disque de l'Académie Charles-Cros. Elle sera adoptée par d’autres interprètes :Francesca Solleville,Claude Vinci,Isabelle Aubret[34]. C'est à la même époque que Ferrat compose la musique deC'est beau la vie, chanson queMichelle Senlis a écrite pourIsabelle Aubret après son accident de voiture.
En 1964, il confirme son succès naissant auprès du public avecLa Montagne qui demeure l'un de ses plus grands succès. Avec ce texte, il chante – sans la nommer – l'Ardèche, région chère à son cœur, et fait de cet hommage à la France paysanne un classique de lachanson française.
En 1967, un séjour de deux mois et demi àCuba, où il chante une dizaine de fois et laisse pousser ses célèbresmoustaches, le marque artistiquement, politiquement et humainement, lui inspirant l'albumÀ Santiago[38].
Quelques mois avantMai 68, il fustige violemment l'origine sociale des « gauchistes » de la génération à venir du22-Mars dans la chansonPauvres petits c… :« Fils de bourgeois ordinaires / Fils de Dieu sait qui / Vous mettez les pieds sur terre / Tout vous est acquis / Surtout le droit de vous taire / Pour parler au nom / De la jeunesse ouvrière / Pauvres petits c... ». Lors des « événements », il participe à des soirées organisées pour les grévistes àBobino[39].
En 1969, il revient sur cette période avec deux chansons — Au printemps de quoi rêvais-tu ? etUn jour futur — qui font partie de l'album suivant,Ma France. Il y chante sachanson phare éponyme et y grave, avecChristine Sèvres, l'unique duo enregistré de sa carrière,La Matinée[N 19] (paroles d’Henri Gougaud, musique de Jean Ferrat).
Il fait un passage remarqué en 1972 comme invité principal duGrand Échiquier[40] deJacques Chancel (il ne réapparaîtra à la télévision que trois ans plus tard, le, dans une émission spéciale toujours animée parJacques Chancel, intitulée « Jean Ferrat pour un soir »)[41].
En 1972, il fait, dans une dernièresérie de spectacles auPalais des Sports de Paris, ses adieux à la scène, qu'il juge devenue trop complexe techniquement et« qui l'épuise physiquement »[42],[43].
En 1972, Jean Ferrat rompt avec la maison de disquesBarclay et se fait plus rare. Il est fatigué par 10 années de scène[44].
En 1974, Christine Sèvres et lui décident d'aller vivre enArdèche, près deVals-les-Bains, àAntraigues-sur-Volane[N 20], dont il connaît le maire communiste, le peintreJean Saussac[N 21]. Il y a acheté en 1964 une ferme perdue au milieu de 20 hectares, où ils vivent entourés de leurs chiens — dont un berger allemand nommé Oural qui lui inspire la chansonOural Ouralou, dans l'albumFerrat 80 — ainsi que de leurs chats et de leur ânesse appelée « Justice sociale »[45]. Il sera un temps conseiller municipal et maire-adjoint de la commune. La fille de Christine, Véronique Estel, désormais majeure, les suit[N 22].
Jean et Christine,couple libre[46], s'éloignent mais continuent de partager la propriété d'Antraigues. Jean vit en couple avec Colette Laffont, professeure d'éducation physique et sportive rencontrée en 1971, tout en continuant de s'occuper de Christine, gravement malade[47] (il attendra pour épouser Colette, àIvry-sur-Seine)[30].
En1975, il publie, sous le labelTemey, un nouvel album :La femme est l'avenir de l'homme. Son chant se veut toujours plus engagé et Ferrat fustige les guerres coloniales, dansUn air de liberté[48], attaquant nommément un article deJean d'Ormesson, éditorialiste et directeur auFigaro, et suscite encore ainsi la polémique. Dans la chansonUn jeune, un an après l'élection deValéry Giscard d'Estaing à laPrésidence de la République, Ferrat se moque de la création du mouvement des jeunesRépublicains indépendants, proche du parti politique présidentiel. Il est encore une fois en phase avec son temps, rappelant, dansLa femme est l'avenir de l’homme la proximité entre deux des plus importantes batailles revendicatives duXXe siècle comme du précédent : la lutte sociale et la lutteféministe en plein essor[49]. Un nouvel album nomméLes Instants volés clôt la décennie.
Polygram rachète à Barclay son catalogue à la fin des années 1970. Désireux alors de ne pas dépendre de lamajor, Jean Ferrat réenregistre la quasi-intégralité de ses titres[N 23], avec l'aide de l'arrangeur et chef d'orchestreAlain Goraguer, puis sort sous son propre label,Temey, avec l'éditeurGérard Meys, une nouvelle édition de11 volumes en1980. La même année, paraît l'albumFerrat 80, dont le titre phareLe Bilan ne passe pas inaperçu. Jean Ferrat y dénonce lespurges staliniennes. Avec son engagement social et politique jamais démenti, celui-ci exprime le recul de plus en plus grand qu'il prend vis-à-vis de cesocialisme qu'il qualifie de caricature : « Ce socialisme n'était qu'une caricature, [...] dans ma bouche à jamais la soif de vérité ». Dans une émission qu'il lui consacre,Michel Drucker demande à Jean Ferrat s'« il ne craint pas qu'on l'accuse de tourner sa veste ». Sans ambages, le poète déclare : « Il ne faut pas compter sur moi pour faire de l'anticommunisme »[50].
Son épouse,Christine Sèvres, meurt d'un cancer à Marseille en 1981, à l'âge de50 ans.
Ses apparitions télévisées sont très rares. En1985 sort l'albumJe ne suis qu'un cri entièrement composé par Jean Ferrat sur des textes deGuy Thomas. La sortie de l'opus est l'occasion d'une émission de télévision, sur Antenne 2[51], présentée parBernard Pivot et enregistrée chez lui en Ardèche[52].
En1991, sort l'albumDans la jungle ou dans le zoo, dans lequel Ferrat fustige tour à tour : la société capitaliste et le socialisme du bloc soviétique, reprochant aux deux systèmes de « ramener l'homme au rang d'animal »[53],[54] (chansonDans la jungle ou dans le zoo), lebicentenaire de la Révolution française où, selon lui « les puissants ont oublié le peuple » (Bicentenaire) et la chaîne de télévisionTF1, « unpaf obscène est à la une » chante FerratÀ la une. C'est pourtant sur TF1, dans l'émission Stars 90 deMichel Drucker, que Jean Ferrat, ennovembre 1991, présente cet album[55]. L'enregistrement en direct des chansons de cette émission fera l'objet en 2002 d'un nouvel albumFerrat en scène.
Ferrat 95 sort cinq ans plus tard ; un album sur lequel il met en musique seize poèmes deLouis Aragon. Ce disque constituera, publiquement, sonchant du cygne.
Il fait ses dernières apparitions télé, en France, dans l'émissionVivement Dimanche, débutjanvier 2003 sur France 2, et fin 2003, surTV5 Monde, dans l'émissionL'Invité : un entretien de 30 minutes en compagnie de Patrick Simonin, sa dernière véritable interview télévisée[56]. En, il répond àHélène Hazera surFrance Culture au cours d'un entretien de plus de deux heures qui sera diffusé enfévrier 2004 et rediffusé du 15 au 19 mars 2010 en hommage à sa disparition, sous le titre de« Jean Ferrat, le léger et le grave »[10].
Pendant toutes ces années, Jean Ferrat reste engagé politiquement.
À l'âge de 79 ans, lors d'une soirée à Paris, il chute dans un escalier, se perfore le seul poumon valide qui lui restait[46] et se fracture une partie du dos[59]. Il contracte alors unemaladie nosocomiale et doit être hospitalisé de manière répétée. Son épouse Colette fait aménager la maison pour qu’il puisse se déplacer dans les étages. Souffrant de complications respiratoires, ayant du mal à parler, il confiera :« J’aimerais dormir ».« Alors, petit à petit », explique Colette,« on a tout débranché »[59]. Jean Ferrat meurt le à13 h 30 à l'hôpital d'Aubenas[60], où il était suivi depuis des années et avait été admis« dans un état très détérioré »[61]. Il meurt entouré de ses intimes[61],[62].
La nouvelle de sa disparition est rapidement rendue publique et provoque un large émoi. Certains médias rapporteront qu'il souffrait d'un cancer[63],[64], ce que son entourage dément[59].
Il est inhumé le au cimetière communal d'Antraigues-sur-Volane près de son frère André. Les simples et émouvantes obsèques sont diffusées en direct par la chaîne de télévision France 3[65],[66]. Lors de la cérémonie d'hommage sur la place centrale du village,Francesca Solleville interprète,a cappella,Ma France, etIsabelle Aubret, sur le même mode,C'est beau la vie. Puis cette dernière, sur l'enregistrement de Jean Ferrat, fait chanterLa Montagne par la foule constituée de plus de 5 000 personnes[N 24],[67]. Traduisant l'empreinte de l'artiste dans la culture française, plus de quatre millions de téléspectateurs avaient suivi en France l'hommage télédiffusé la veille en son honneur présenté parHenri-Jean Servat[68]. Michel Pesenti, le maire de la commune, a lu les dernières volontés du poète avant le discours émouvant d'un des frères de Jean, Pierre Tenenbaum (voir photo) qualifiant la ville d'Antraigues de « nid vivant du souvenir de Jean ». Sa filleule Paula a récité, émue, le magnifiqueQue serais-je sans toi ? de son parrain, adapté de Louis Aragon.
De nombreuses personnalités rendent hommage à celui qui« a su lier la poésie, le peuple et ses idéaux »[69].
Le samedi, un grand hommage lui est rendu sur la grande scène de laFête de l'Humanité. Le spectacle est présenté par son amiMichel Drucker, et huit artistes interprètent des chansons issues de son répertoire :Jehan,Enzo Enzo,André Minvielle, D’de Kabal,Francesca Solleville,Clarika,Allain Leprest etSanseverino[70].
En, lors de laRévolution tunisienne, sa chansonUn air de liberté passe en boucle sur les ondes deRadio 6 dès l'instant où les révolutionnaires en prennent le contrôle (en alternance avecMa Liberté, chantée parGeorges Moustaki, et une sélection de chansons engagées francophones et arabophones)[71].
En 2015,Marc Lavoine s'associe àGérard Meys, le producteur et ami de Jean, pour annoncer un disque regroupant 15 titres du chanteur. De nombreux artistes ont rejoint le projet, tels queJulien Doré,Patrick Bruel,Catherine Deneuve,Benjamin Biolay,Raphaël,Patrick Fiori,Cali et le groupeZebda[72].
L'épouse de Jean Ferrat, Colette Christiane Laffont meurt le 9 mai 2024 àSaint-Privat à l'âge de 88 ans[73].
Auteur-compositeur-interprète, Jean Ferrat a quelque 200 chansons à son actif. Bien qu'il ait souvent écrit les paroles de ses chansons, il a également interprété et mis en musique les textes de maints auteurs :Guillaume Apollinaire,Georges Coulonges,Claude Delécluse,Pierre Frachet,Henri Gougaud,Philippe Pauletto,Michelle Senlis etGuy Thomas. Il a cependant été abondamment reconnu pour avoir mis en musique plus d'une trentaine de poèmes deLouis Aragon[24] et, en les chantant, pour les avoir fait connaître au public.
Considéré comme un excellent mélodiste[74],[75],[76], Jean Ferrat est affecté d'un handicap qui, déclare-t-il, « a contribué à l'arrêt de sa carrière de guitariste » ; en effet, à la suite d'un accident survenu lorsqu'il était enfant, il est amputé de l'auriculaire gauche[77].
Jean Ferrat, dès ses débuts, outre de très nombreuses chansons sentimentales, oriente son inspiration dans deux directions : l'engagement social-politique et la poésie, cette dernière notamment en mettant en musique de nombreux poèmes deLouis Aragon[78].
Compagnon de route duPCF sans jamais en avoir été membre[79],[N 25], il garde ses distances avec l'URSS et, en1969, dans la chansonCamarade, dénonce l'invasion de Prague en 1968[57] par les troupes duPacte de Varsovie. Avec son amiGeorges Coulonges, il y préfère la révolte des humbles, des simples gens. Opposé à l'orientation pro-soviétique prise à l'issue duXXIIIe congrès du Parti communiste français en 1979, il fustige dans la chansonLe Bilan, la déclaration deGeorges Marchais,secrétaire général du PCF, qui évoque alors — en 1979 — unbilan globalement positif[80] des régimes socialistes. Il apporte néanmoins son soutien à Georges Marchais lors desélections présidentielles de 1981[81], expliquant quelques années plus tard, dans la chansonLes Cerisiers (1985), les raisons pour lesquelles il est demeuré fidèle à la mouvance communiste[82].
Il accuse l'industrie du disque de faire passer les considérations financières avant l'art des artistes créatifs. Publiant des lettres ouvertes aux différents acteurs de la vie culturelle, présidents de chaînes de radio et télévision, ministres, il dénonce une programmation qui, selon lui, privilégie les chansons « commerciales » plutôt que les créations musicales et poétiques[83].
Il était membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie internationale de la promotion d'une culture de non-violence et de paix[84] ainsi que duMouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples[85].
Il évoque en 1963 ladéportation nazie dans sa chansonNuit et Brouillard, à une époque où l'heure est à laréconciliation franco-allemande et où il est malvenu d'évoquer en « haut lieu » lapolitique collaborationniste pendantl'occupation et ces trains en partance deDrancy pourAuschwitz[37]. Sa diffusion est « déconseillée » par le directeur de l'ORTF[29]. Elle est cependant programmée à la télévision dans l'émission deDenise GlaserDiscorama, le 26 janvier 1964[86] et sur la radioEurope 1 à l'origine de son succès, car le public suit, comme la critique, et l'albumNuit et brouillard obtient le prix de l'Académie Charles-Cros[37].
À la sortie en 1965 de l'albumPotemkine, les problèmes avec la censure reprennent[87].Georges Coulonges, le parolier de la chanson-titre a pourtant pris des gants. Il écrit : « M'en voudrez-vous beaucoup… ». Dans son autobiographie[88], il explique :« Pourquoi demander au public s'il m'en voudrait d'écrire ma chanson ? On l'a compris : ce n'était pas à lui que la question était posée. C'était aux antennes vigilantes de la radio, de la télévisiongaullienne. J'avais des raisons de me méfier d'elles ». Selon son biographe Daniel Pantchenko, l'ORTF refuse à deux reprises que Jean Ferrat chantePotemkine le 24 novembre et le 12 décembre 1965, dansTête de bois et Tendre années etTélé-Dimanche. DansMusic-hall de France, émission diffusée le 18 décembre, Ferrat chante trois autres chansons. Le 26 décembre, jour de son anniversaire, il chantePotemkine dansDiscorama[89]. Le 29, date de son premier concert àBobino, uneJournée Jean Ferrat est diffusée surFrance Inter. Le 31, il est interviewé pour le journal de treize heures sur la deuxième chaine. Le 17 février 1966, dans l'émission deGuy LuxLe Palmarès des chansons il chante cinq chansons dontNuit et brouillard etPotemkine[90],[91].
Les déboires de Jean Ferrat se poursuivent en1969 avec la sortie de l'albumMa France, dont lachanson éponyme est interdite d'antenne à la télévision, provoquant son boycott des plateaux. Jean Ferrat doit patienter un an de plus pour voir la censure brisée parYves Mourousi, qui diffuse en1971 un extrait deMa France[92].
Le,Jean-Pierre Chabrol invite Jean Ferrat et Georges Brassens dans son émission téléviséeL'Invité du dimanche[93]. Lors d'un entretien donné en 2004, Jean Ferrat raconte qu'en plein débat d'idées, le chef de plateau arrive avec une ardoise où il est écrit à la craie :« Ordre de la direction, que Jean Ferrat chante, mais qu'il ne parle plus. » Un tollé général s'ensuit et toute l'équipe est renvoyée. Jean Ferrat ajoute qu'il ne fera plus de télévision pendant près de trois ans à la suite de cet événement[94]. On le retrouve cependant au programme de l'émissionÀ l'Affiche du monde le, au cours de laquelle« Claude Fléouter etBernard Bouthier font surgir l'univers populiste de ses chansons[95] ».
En 1976,Jean d'Ormesson réussit à faire interdire[96] la chansonUn air de liberté dans l'émissionJean Ferrat 1976[97] de Jacques Chancel.
Son œuvre se partage entre textes poétiques, textes engagés commeMaria, sur laRépublique espagnole et laguerre d'Espagne[98], chansons d'amour, fantaisies empreintes d'humour et hommages multiples : à l'Ardèche, sa région d'adoption[57], à la femme (comme dansLa femme est l'avenir de l'homme, dont le titre est un clin d’œil àLouis Aragon)[99], à différentes personnalités, corps de métiers ou peuples, historiques ou contemporains, d'Europe ou d'Amérique latine.
Jean Ferrat a composé toutes les musiques de ses chansons, sauf trois[N 26], mais il a aussi composé la musique de chansons qu'il n'a jamais interprétées :
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