Pour les articles homonymes, voirAstruc.
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| Activités | Médecin écrivain,théologien,médecin,écrivain,professeur,exégète |
| Enfant | Elisabeth Astruc de Ganges(d) |
| A travaillé pour | Collège de France(- Faculté de médecine de Montpellier(à partir de) |
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Jean Astruc, né àSauve le et mort àParis le, est un médecin théoricien français, auteur d'importants ouvrages, de réputation historique, sur lasyphilis, lesmaladies vénériennes et la gynécologie-obstétrique. Il est aussi considéré comme l'un des pionniers de l'exégèse biblique moderne.
Jean Astruc est issu d'une famille, probablement d'origine juive, alliée à la noblesse du Bas-Languedoc. Son père, Pierre Astruc, a été l'élève à Genève du théologien hébraïsantFrançois Turretini[1] (1623-1687). Pasteur protestant àAigremont, Pierre Astrucabjure lors de larévocation de l'édit de Nantes () pour exercer la profession d'avocat[2].
Bien qu'il fût baptisé autemple, Jean Astruc ne se reconnaîtra lui-même que catholique romain comme son frère Anne-Louis, professeur de droit àToulouse[2],[3].
Auprès de son père, Jean Astruc étonne par sa mémoire prodigieuse : il retient tout ce qu'il lit et assimile très rapidement plusieurs langues vivantes (anglais, italien) et anciennes dont le latin où il excelle et l'hébreu.
Il poursuit ses études à l'université de Montpellier où il est reçu maitre-ès-arts en philosophie en 1700, pour se consacrer entièrement à la médecine. En 1703, il est reçu docteur à l'âge de 19 ans[3].
En 1706, il est élu membre de laSociété royale des sciences de Montpellier, il le restera jusqu'en 1728. À la faculté de médecine, de 1707 à 1709, il est professeur remplaçant dePierre Chirac (1657-1732)[4].
En 1710 ou 1712, il obtient par concours la chaire de médecine et d'anatomie de l'université de Toulouse. En 1716, son maître Pierre Chirac accède à lacour de France, et lui cède sa place vacante de professeur de médecine àMontpellier. Il est nommé surintendant des eaux minérales[Note 1] duLanguedoc en1721[4].

Vers 1726, il devient médecin ordinaire duduc d'Orléans,Louis d'Orléans (1703-1752), et doit donc s'établir à Paris. En1729,Auguste II de Pologne l (1670-1733) le nomme son premier médecin, mais les intrigues de cour lui déplaisent, il revient à Paris, d'autant plus queLouis XV le prend pour médecin consultant en 1730. Astruc devient titulaire de la chaire de médecine auCollège royal en1731. Durant cette première période et jusqu'en 1743, il n'est qu'un docteur de Montpellier occupant de hautes fonctions à la cour[5].
En 1743, à la suite de démarches, il soutient avec succès une thèse d'agrégation pour être proclamé unanimement docteur-régent de la faculté de médecine de Paris. Ce qui étonna les contemporains, car il y avait une inimitié vieille de près de cinq siècles entre les deux universités. C'était la première fois qu'un professeur de Montpellier allait enseigner à Paris[5].
Tout au long de sa vie, et jusqu'à sa mort, Jean Astruc publie beaucoup. Il donne ses leçons au Collège royal et à la faculté de médecine. Au faîte de sa carrière, personnalité médicale importante de son temps, il occupe des positions d'autorité et d'expertise :censeur royal, commissaire de la faculté sur la question de l'inoculation... il donne son avis dans de nombreux domaines sur des questions médicales ou d'organisation de la médecine[3],[1].
Cette réussite professionnelle est facilitée par ses relations à la cour et sa fréquentations des salons littéraires, dont celui deMme de Tencin (1682-1749). Il est aussi dans le cercle des amis deVoltaire (1694-1778)[6].
Il meurt en 1766 à l'âge de 82 ans, toujours actif dans la dernière année de sa vie, publiant ses travaux et participant aux assemblées, malgré ses infirmités[3].
Il était marié avec Jeanne Chaunel, d'une bonne famille du Languedoc, et il avait deux enfants, un fils et une fille. Son fils est devenu président de lacour des aides, et sa fille l'épouse d'Étienne de Silhouette (1709-1767),contrôleur général des finances sous Louis XV[3],[6].
La réputation d'Astruc repose d'abord sur son talent d'enseignant. Éloquent, clair et méthodique, il plait aux étudiants.Nicolas Éloy (1714-1788), qui fut son élève[7], fait de lui un portrait vertueux :« Il aimait les jeunes médecins, il les instruisait sans affectation, leur donnait ses avis sans vanité, et corrigeait leurs erreurs avec bonté »[3].
Ferme dans ses opinions, il avait une pensée libre et hardie, ce franc-parler lui vaudra nombre d'inimitiés, mais le fait qu'il ait réussi à se faire admettre à la Faculté de Paris montre, selonLouis Dulieu (1917-2003) de réels talents diplomatiques[5].
Travailleur acharné, participant assidu des séances et des assemblées, il lit énormément et démontre une érudition impressionnante. Sa bibliothèque personnelle compte à sa mort 3 782 ouvrages, dont 1 511 de médecine, ce qui en fait l'une des plus importantes bibliothèques de particuliers de son siècle. Par exemple, dans le seul domaine des dictionnaires et grammaires, Astruc disposait de 18 ouvrages pour le français, 21 pour le latin, 15 pour le grec, 11 pour l'hébreu, et 9 au total pour l'anglais, l'italien et l'espagnol, ainsi que l'Essai sur les hiéroglyphes des Égyptiens deWilliam Warburton (1698-1779)[6].
Pour ses collègues et rivaux, qui voient en lui un parvenu, il a le défaut de ses qualités. Ils le jugent« trop habile, horriblement vaniteux, méchant fourbe, plus craint qu'aimé[8] ».La Mettrie (1709-1751) le surnomme « savantasse », et d'Alembert (1717-1783) « maroufle[1] ».
SelonCharles Collé (1709-1783), chansonnier dans son siècle, il a été le médecin personnel et l'amant deMme de Tencin (1682-1749), dont il aurait accaparé une partie de l'héritage à la mort de cette dernière en1749[Note 2].
Jean Astruc apparait comme un personnage complexe et contradictoire. Ce serait lié à ses traditions familiales (juives occitanes devant s'adapter aux conflits religieux de leur époque), à sa volonté de s'élever socialement, malgré les difficultés liées à sa naissance, et à son origine provinciale[1].
En médecine, l'œuvre principale de Jean Astruc est constitué de trois traités : sur les maladies vénériennesDe morbis venereis (1736), la gynécologieTraité des maladies des femmes (1761) et l'obstétriqueL'Art d'accoucher réduit à ses principes (1766). Ces traités (plusieurs éditions en latin, français, anglais, à Paris, Londres et Venise) lui assurent une réputation européenne, et aussi de vives critiques en France[9].
Sa méthode de travail est la même dans les deux premiers ouvrages. Adepte deDescartes (1596-1650), celui duDiscours de la méthode, il divise son sujet en périodes historiques, à chaque période il assigne l'auteur le plus ancien, considéré comme le meilleur, dont il fait l'analyse. Par ordre chronologique, il distingue ensuite les auteurs de chaque période, en précisant leurs nouveaux apports, différences ou oppositions entre eux[3].

Cette méthode est purement livresque. Jean Astruc ne présente aucune observation ou expérience personnelle. Par exemple, il reconnait lui-même n'avoir jamais pratiqué ou assisté à un accouchement, ce qui lui sera beaucoup reproché[1],[9].
Astruc se veut exhaustif et méthodique, son esprit encyclopédique, sa curiosité intellectuelle et son goût pour l'érudition repoussent les limites de son sujet. Dans son traité sur les maladies vénériennes, il donne les réponses desmissionnaires jésuites de Pékin et deMacao, à qui il a fait envoyer un questionnaire détaillé sur les maladies vénériennes enmédecine chinoise. C'est le premier livre de médecine occidentale à représenter descaractères chinois[10].
Dans son traité sur les accouchements, il pose le problème de la conduite d'Adam etÈve lors des premiers accouchements, ou encore celui dubaptêmein utero par injection[1].
Du point de vue de la pratique médicale, Astruc apporte peu. Dans le domaine des maladies vénériennes, il défend l'idée qu'elles dépendent toutes du même « virus » (venin ou poison, cause cachée) décrit comme un principe « inflammatoire, corrosif, coagulant, fixe, de nature acide ou salée », et que toutes les maladies vénériennes évoluent vers lasyphilis. Le meilleur traitement reste l'onguent mercuriel (pommade aucalomel) en utilisation modérée[1],[10].
Il se veut aussi le champion de la théorie américaniste de la syphilis (maladie inconnue des Anciens, et apportée en Europe avec le retour deChristophe Colomb)[11].
Astruc se crée des ennemis par ses opinions tranchées. Dans la querelle médecinsversus chirurgiens duXVIIIe siècle, il s'oppose aux chirurgiens dans leur monopole sur la syphilis et d'autres affections. Il publie plusieurs lettres attaquant des chirurgiens tels queJean-Louis Petit (1674-1750) ouLa Peyronie (1678-1747)[12].
Il s'oppose aussi aux empiriques ou charlatans qu'il ne veut pas nommer et qu'il appelleHomo Quidam, ceux qui se reconnaissent s'offusquent ou répondent par un procès, tel un nommé Louis Charbonnière, qui avait découvert une nouvellefumigation guérissant immédiatement la syphilis[13].
Malgré les critiques et les démêlés avec ses contemporains, Astruc est reconnu comme un auteur remarquable qui a rendu un très grand service aux médecins-historiens desXIXe et XXe siècles. Il a été pour eux une source incontournable de références et d'informations pour tout ce qui concerne les maladies vénériennes et la gynécologie avant leXVIIIe siècle[14].
Dans sa jeunesse, Jean Astruc apparait d'abord, d'un point de vue doctrinal proche duiatromécanisme, notamment celui deBorelli (1608-1679)[2]. Puis, selon les circonstances ou les sujets, il parait évoluer vers uneiatrochimie ou chimiâtrie, proche de celle deVan Helmont (1614-1698)[4]. Quelques-unes de ses prises de positions sont plus souvent citées par les historiens :

En 1737, Jean Astruc publieMémoires pour l'histoire naturelle de la province de Languedoc, il s'agit d'un traité de géographie (ancienne et contemporaine), de « physique » (eaux minérales, climat, ressources économiques...), et de « littérature » (us et coutumes, langue...).

Il montre dans ce traité l'étendue de sa culture générale et de ses centres d'intérêt[10]. En 1707, il avait déjà publié un mémoire sur lesfossiles marins de la province pour conclure sur l'existence autrefois d'une mer sur le bas-Languedoc[4].
Il est aussi l'auteur de plusieurs observations sur les eaux minérales, dont celles deBalaruc, de Fonsange-les-Bains (massif de Coutach), et deFontest-Orbe[17] ; et de deux dissertations philosophiques sur l'âme, et sur la liberté.
À sa mort, il laisse un important manuscrit inachevé sur l'histoire de l'Université de Montpellier. Ce manuscrit a été publié parAnne-Charles Lorry (1726-1783), avec une préface biographique et des notes sous le titreMémoires pour servir à l'Histoire de la Faculté de Médecine de Montpellier (1767). L'ouvrage est resté un guide et un instrument indispensable pour tous les historiens de Montpellier[18].
Dans le domaine de lacritique biblique, Jean Astruc est réputé pour son important ouvrage sur laGenèse. En 1753, il publie sesConjectures sur les mémoires originaux dont il paraît que Moyse s’est servi pour composer le livre de la Genèse, sans nom d'auteur, queLe Mercure de France critique dans son édition de (p. 9-24)[19]. Il repère dans la Bible et en particulier dans lePentateuque, jusque-là traditionnellement attribué au seulMoïse, plusieurs prosateurs au style identifiable, entre autres, sur les différentes appellations données à Dieu[20].
L'ouvrage a été dédaigné en France, mais il a entrainé les études bibliques sur des voies absolument neuves par son influence sur les savants allemands. Astruc est ainsi un précurseur de lathéorie documentaire qui connaîtra une longue fortune dans le domaine de l'exégèse biblique. Là encore, même si les analyses et conclusions d'Astruc sont contestées ou dépassées, son ouvrage reste un instrument de travail pour les spécialistes, par ses index et son imposante table des matières[1],[20].

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